Informations confidentielles : 22 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01260

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Informations confidentielles : 22 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/01260
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°207

N° RG 20/01260 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QQDK

SAS THERMOBABY

C/

Mme [T] [L] [W]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Fabienne PALVADEAU-ARQUE

– Me Emmanuel DOUET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Mars 2023

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS THERMOBABY prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Fabienne PALVADEAU-ARQUE de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [T] [L] [W]

née le 26 Novembre 1970 à [Localité 6] (56)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Loïc GOURDIN, Avocat au Barreau de VANNES substituant à l’audience Me Emmanuel DOUET de la SELAS FIDAL, Avocat au Barreau de VANNES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 18 janvier 2010, la SAS THERMOBABY a engagé Mme [T] [L] [W] en qualité de responsable-comptable, statut agent de maîtrise, en application de la convention collective Convention collective nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie.

Le statut de Mme [L] [W] a évolué puisqu’au dernier état de la relation contractuelle, elle était nommée le 1er janvier 2014 au statut cadre, position II, coefficient 100.

Le 14 septembre 2018, Mme [L] [W] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 27 septembre avec une mise à pied conservatoire à effet immédiat.

Le 23 octobre 2018, Mme [L] [W] a été licenciée pour faute grave.

Le 9 janvier 2019, Mme [L] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Lorient aux fins de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.

La cour est saisie d’un appel formé le 21 février 2020 par la SAS THERMOBABY à l’encontre du jugement prononcé le 30 janvier 2020 par lequel le conseil de prud’hommes de Lorient a :

‘ Requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [L] [W] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la SAS THERMOBABY à verser à Mme [L] [W] :

– 3.444,71 € bruts au titre de salaire de mise à pied,

– 344,47 € bruts de congés payés afférents,

– 9.864,75 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 986,47 € bruts de congés payés afférents,

– 8 549.45 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2.891 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108 année 2017,

– 289,10 € bruts de congés payés afférents,

– 2.813,22 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108 année 2018,

– 281,33 € bruts de congés payés afférents,

– 150 € bruts de prime de vacances pour les années 2016-2017-2018,

– 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Ordonné la remise de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail rectifiés et bulletin de paie modifié ;

‘ Débouté Mme [L] [W] de ses plus amples prétentions,

‘ Condamné la SAS THERMOBABY aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 février 2023, suivant lesquelles la SAS THERMOBABY demande à la cour de :

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lorient en ce qu’il a :

– requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [L] [W] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– condamné la SAS THERMOBABY à verser à Mme [L] [W] les sommes suivantes :

– 3.444,71 € bruts au titre de salaire de mise à pied,

– 344,47 € bruts de congés payés afférents,

– 9.864,75 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 986,47 € bruts de congés payés afférents,

– 8.549,45 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2.891 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108 année 2017,

– 289,10 € bruts de congés payés afférents,

– 2.813,22 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108 année 2018,

– 281,33 € bruts de congés payés afférents,

– 150 € bruts de prime de vacances pour les années 2016-2017-2018,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SAS THERMOBABY de sa demande de voir condamner Mme [L] [W] à lui verser la somme de 6.135,95 € en réparation du préjudice occasionné par la faute de Mme [L] [W],

Statuant à nouveau,

‘ Constater que le licenciement pour faute grave de Mme [L] [W] est fondé,

‘ Débouter Mme [L] [W] de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions,

‘ Condamner Mme [L] [W] à verser à la SAS THERMOBABY la somme de 6.135,95 € à titre de dommages et intérêts pour faute lourde dans l’exécution de son contrat de travail s’il était fait droit à la demande de rappel de salaire de la salariée,

‘ Ordonner la compensation entre les créances respectives,

‘ Condamner Mme [L] [W] au paiement d’une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner Mme [L] [W] aux dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 octobre 2022, suivant lesquelles Mme [L] [W] demande à la cour de :

‘ Recevoir la SAS THERMOBABY en son appel mais le déclarer non fondé,

‘ Recevoir son appel incident,

‘ Réformer le jugement prud’homal en ce qu’il a déclaré le licenciement établi pour cause réelle et sérieuse et le dire non fondé,

‘ Confirmer les condamnations de la SAS THERMOBABY à lui verser les sommes de :

– 3.444,71 € bruts au titre de salaire de mise à pied outre les congés payés afférents,

– 9.864,75 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

– 8.549,45 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,

Y additant,

‘ Condamner la SAS THERMOBABY à lui verser 29.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS THERMOBABY à lui verser :

– 2.891 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108 année 2017,

– 289,10 € bruts de congés payés afférents,

– 2.813,22 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108 année 2018,

– 281,33 € bruts de congés payés afférents,

– 150 € bruts de prime de vacances pour les années 2016, 2017 et 2018,

Réformant le jugement prud’homal,

‘ Condamner la SAS THERMOBABY à lui verser la somme de 3.288 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de mise en place des élections de délégués du personnel,

‘ Ordonner à la SAS THERMOBABY de lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail rectifié de la durée du préavis et un bulletin de paie modifié selon condamnation prononcée et ce sous astreinte de 100 € par document et par jour de retard,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la SAS THERMOBABY de sa demande de dommages et intérêts,

‘ Condamner la SAS THERMOBABY à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

‘ Condamner la même aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 février 2023.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

* * *

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur les rappels de salaire

La Cour observe que l’employeur ne s’explique pas dans ses conclusions sur le principe du changement de classification professionnelle après trois années conformément à la convention collective de la métallurgie mais se contente d’alléguer qu’il appartenait à la salariée exerçant les fonctions de responsable comptable de procéder elle même à son augmentation de salaire. Par ailleurs, l’employeur reconnaît implicitement qu’il devait procéder à cette revalorisation salariale puisqu’il sollicite des dommages et intérêts en raison de la faute de Mme [L] [W] pour ne pas avoir procéder à la mise à jour correcte de ses propres bulletins de salaire.

En l’absence de tout autre élément, Mme [L] [W] est fondée à solliciter en application des dispositions conventionnelles les sommes de 2.891 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108, outre 289,10 € bruts de congés payés afférents pour l’année 2017 et 2.813,22 € bruts au titre de rappel de salaire coefficient 108 outre 281,33 € bruts de congés payés afférents pour l’année 2018.

De ce fait, la SAS THERMOBABY n’est pas fondée à solliciter la somme de 6.135, 95 € en réparation du dommage occasionné par la faute de Mme [L] [W] pour ne pas avoir mis à jour correctement ses bulletins de salaire.

Le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur la prime de vacances

La Convention Collective de la Métallurgie Nationale stipule le versement obligatoire d’une prime de vacances, dont le montant est fixé après consultation des délégués du personnel. A défaut, son montant ne peut être inférieur à la somme de 50 € par an.

Il résulte de pièces du dossier une absence de versement de cette prime à la salariée. Il s’ensuit que c’est à juste titre que les premiers juges ont accordé, dans les limites de la prescription triennale, la somme de 150 € à la salariée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour non mise en place des élections des délégués du personnel

Il résulte de l’application combinée de l’ article L2313-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, de l’alinéa 8 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, de l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 1240 du code civil et l’article 8 §1 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l’employeur qui n’a pas accompli les diligences nécessaires à la mise en place des institutions représentatives du personnel sans l’établissement d’un procès verbal de carence commet une faute qui cause un préjudice aux salariés qui sont privés d’une possibilité d’être représentés et défendus.

En l’espèce, la SAS THERMOBABY ne conteste pas ne pas avoir respecté ses obligations légales en la matière . En l’absence de toute démonstration d’un préjudice précis autre que celui subi par tout salarié Mme [L] [W] sera justement indemnisée à hauteur de 800 €.

Le jugement du conseil de prud’hommes est infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation du jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [L] [W] en licenciement pour cause réelle et sérieuse, la SAS THERMOBABY soutient

qu’il lui est reproché d’avoir divulgué des informations confidentielles et dénigré des décisions prises par la direction par l’envoi de mails adressés en copie de façon systématique à plusieurs salariés non concernés. L’employeur ajoute qu’il est également reproché à Mme [L] [W] d’avoir tenu des propos injurieux sur le lieu de travail.

De son côté, Mme [L] [W] conteste le licenciement pour faute grave lequel fait selon elle référence à certains faits de 2017 qui sont prescrits. Par ailleurs, la salariée estime que l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en répondant à ses mails du 1er et 28 août 2018, ces réponses étant des avertissements selon elle.

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’appelant dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

En l’espèce, aux termes d’une procédure régulière sur la forme, les faits reprochés à la salariée selon la lettre de licenciement datée du 23 octobre 2018 (pièce n°7 du salarié) sont les suivants :

‘[…] Nous vous avons reproché différents comportements et notamment les faits suivants :

– Vous avez divulgué des informations confidentielles et dénigré des décisions prise par la direction par l’envoi de mails adressés en copie de façon systématique à plusieurs salariés non concernés.

– Propos injurieux sur lieu de travail

A titre de simples exemples que nous avons évoqués au cours de cet entretien :

– Email de votre part à diverses personnes le 23/08/2017 dans lequel vous transférez une instruction de M. [J], PDG que vous commentez en persiflant ‘PS j’espère que vous avez bien noté le message le soir on est fatigué, et il faut se reposer pour être d’attaque et motivé le lendemain’

– Email de votre part le 27/11/2018 par lequel vous transmettez au responsable Achats un message de M. [J], PDG, que vous commentez en persiflant ; ‘[P], pour info, je pense que si tu peux continuer à chercher et trouver encore moins cher, n ‘hésite pas, ça arrangera beaucoup M. [J]. Mais surtout, ne va pas au-dessus des montants que tu as déjà trouvés. Je te propose : le camping, les auberges de jeunesse, le FORMULE 1 Vive les déplacements !!!’

– Email de votre part le 28/08/2018 à plusieurs personnes (expéditions, service commercial) : ‘Objet : EXPED1TIONS PETITS COLIS Pour information, suite passage dans l’atelier et conversation avec [E] et [Z] : Ces manipulations peuvent entraîner problèmes médicaux ou accidents du travail. A étudier entre le gain financier potentiel sur les coûts de transport et les contraintes physiques pour les préparateurs de commandes.’ les termes que vous employez pourraient laisser croire que nous recherchons un gain financier au détriment de la santé du personnel et que d’autre part nous ne serions pas à l’écoute.

– Email de votre part le 01/08/2018 à Mme [U], nouvellement engagée le 30 juillet 2018, en tant que Responsable Marketing, soit 2 jours après son arrivée, et par lequel vous vous permettez de critiquer son action alors que vous n ‘avez aucune compétence particulière en marketing, en mettant 10 personnes en copie y compris l’apprentie qui est sous la responsabilité de Mme [U]. Ceci alors que j’avais bien indiqué dans ma présentation de juillet que j’attachais une importance toute particulière à ‘Force de mise en valeur des personnes avec qui on travaille, Force de proposition, Force de cohésion dans l’équipe’.

Et enfin les événements particulièrement graves survenus le matin du vendredi 31/08/2018 :

– Vous êtes entrée dans le bureau des Achats en précisant ci propos des achats des billets de train que vous ne vous en occuperiez plus car on vous demande de petites économies au regard du coût du nouveau logiciel que vous trouviez exorbitant et plus onéreux que celui d’Abcys Cyborg. D’une part cela est totalement faux (cf devis), d’autre part votre devoir de confidentialité ne vous autorise pas à divulguer ce genre d ‘informations.

– Vous avez précisé que ce choix a été fait par M . [A] qui avait favorisé par copinage la Sté AG2IR. Il s’agit d ‘une accusation particulièrement grave à l’égard de la Direction de l’entreprise.

– Vous avez eu des propos insultants à l’égard de l’informaticien, l’appelant ‘[I]’

Vous avez émis un avis particulièrement choquant concernant la rémunération de M. [A].

– Vous avez traité en public M. [A] de ‘CONNARD’ et ‘D’ORDURE’

Cette accumulation de faits d ‘une particulière gravité nuit à la bonne marche de l ‘entreprise. Les explications que vous nous avez présentées lors de votre entretien préalable ne nous ont pas permis, après réflexion, de modifier notre appréciation et ne peuvent en aucun cas justifier vos agissements.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave […]’.

En l’espèce, il ressort des pièces produites que le 23 août 2017, Mme [L] [W] a transféré à ses collègues un mail qui lui était adressé par M. [J] sur des frais de déplacement relatifs au salon de [Localité 5] en faisant le commentaire suivant en post scriptum ‘j’espère que vous avez bien noté le message : le soir on est fatigué, et il faut se reposer pour être d’attaque et motivé le lendemain’. Ce message de M. [J] était adressé uniquement à Mme [L] [W] en sa qualité de cadre laquelle devait se garder de ce commentaire inapproprié, qui mettait en cause les propos et décisions du Président Directeur Général, en le diffusant à plusieurs salariés.

Par mail du 27 avril 2018 et non du 27 novembre 2018 comme l’indique la lettre de licenciement, Mme [L] [W] a renouvelé ce comportement inadapté en qualité de cadre en transférant à M. [D], responsable des achats, un mail de M. [J] sur les remboursements de frais de déplacements en faisant le commentaire suivant ‘[P], pour info, je pense que si tu peux continuer à chercher et trouver encore moins cher, n’hésite pas, ça arrangera beaucoup M [J]. Mais surtout, ne va pas au-dessus des montants que tu as déjà trouvés. Je te propose : le camping, les auberges de jeunesse, le FORMULE 1 Vive les déplacements !’.

Il sera rappelé qu’un employeur est fondé à se prévaloir au soutien d’un licenciement pour motif disciplinaire de griefs même prescrits à la date de l’engagement de la procédure disciplinaire s’ils procèdent du même comportement fautif que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement. Il s’ensuit que les faits de dénigrement reprochés à la salariée se sont poursuivis dans le temps et ne sont pas prescrits.

Par ailleurs, sur le mail du 28 août 2018 adressé en copie à plusieurs personnes, Mme [L] [W], dont les fonctions n’étaient pas en lien avec le transport et la santé des salariés, a continué à dénigrer la société et a sous entendu que la direction recherchait un gain financier au détriment de la santé du personnel.

A cet égard, Mme [K], salariée, atteste que Mme [L] [W] ‘a critiqué ouvertement et sans retenue notre nouveau directeur général Mr [A] ainsi que Monsieur [J] notre PDG sur les projets qu’ils mettaient en place notamment le changement informatique et sur l’organisation du travail’.

Et Mme [U], salariée, de préciser ‘Je ne pourrais pas tolérer qu’on dénigre ma personne sur le plan profession. Ce que j’ai entendu au téléphone «[X], c’est une star, [X] a tout ce qu’elle veut etc. » est tout sauf un comportement professionnel. Depuis un petit mois, j’assiste à des discussions, des attitudes qui sont hors procédure, hors confidentialité, des dires sur les uns et les autres. Je n’ai jamais vu ce genre de comportement dans les entreprises pour lesquelles j’ai pu travailler’ .

Sur les événements survenus le 31 août 2018, il n’est pas discuté que Mme [L] [W] était énervée ce jour là. Pour autant, les explications et les arguments avancés par Mme [L] [W] sur les causes de son énervement ne peuvent justifier les propos insultants tenus par elle le matin du 31 août 2018. Il sera rappelé que les décisions relatives à la réservation de billets de train ou au changement de logiciel informatique, relèvent du pouvoir de direction de l’employeur et que Mme [L] [W], en sa qualité de cadre, est tenue à une obligation de loyauté et de discrétion vis à vis de son employeur. Nonobstant la réorganisation de la direction générale, les tensions manifestes entre la nouvelle direction et la salariée ne peuvent justifier le comportement de cette dernière.

Dans les circonstances rapportées, il convient de restituer à ces faits leur juste qualification en relevant que ceux-ci sont constitutifs, non d’une faute grave ayant rendu impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise même pendant la durée du préavis, mais d’une faute disciplinaire, proportionnée au regard de la répétition et des circonstances dans lesquels les faits se sont inscrits, de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement même en l’absence d’antécédent.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

Sur les conséquences financières

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, ou si l’inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Aucune faute grave n’étant retenue à l’encontre de la salariée, l’employeur, qui l’a licenciée à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d’une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l’exécuter, l’inexécution du préavis ayant pour cause la décision de l’employeur de le priver du délai-congé sous le prétexte d’une faute grave inexistante.

En l’espèce, Mme [L] [W] ne peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais seulement à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés afférents.

Il résulte des pièces communiquées que l’employeur doit ainsi être condamné à payer à Mme [L] [W] disposant d’une ancienneté de 8 ans les sommes de :

– 3.444,71 € bruts au titre de salaire de mise à pied,

– 344,47 € bruts de congés payés afférents,

– 9.864,75 € bruts au titre de l’indemnité de préavis correspondant à trois mois de salaire de la convention collective en sa qualité de cadre,

– 986,47 € bruts de congés payés afférents,

– 8.549,45 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement tenant compte de son ancienneté, par application des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail en leur rédaction applicable à la date de rupture du contrat.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS THERMOBABY à verser à Mme [T] [L] [W] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de mise en place des élections de délégués du personnel,

RAPPELLE qu’en application de l’article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l’article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS THERMOBABY à verser à Mme [T] [L] [W] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement,

DÉBOUTE la SAS THERMOBABY de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS THERMOBABY aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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