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SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2023
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2167 F-D
Pourvoi n° Z 22-21.983
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 DÉCEMBRE 2023
La société Cdiscount, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-21.983 contre le jugement rendu le 29 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l’opposant :
1°/ au syndicat CFTC commerce, services et force de vente Aquitaine-Limousin, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à M. [Y] [S], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Cdiscount, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [S], après débats en l’audience publique du 8 novembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bordeaux, 29 septembre 2022), M. [S] a été engagé par la société Cdiscount (la société) en qualité de directeur achat « maison », statut cadre, selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 décembre 2018.
2. Par lettre du 29 juillet 2022 reçue le 4 août suivant, le syndicat CFTC commerce, services et force de vente Aquitaine-Limousin a informé la société de la désignation du salarié en qualité de représentant de la section syndicale.
3. Affirmant qu’en raison d’une subdélégation de pouvoirs de l’employeur et de la qualité de membre du comité de direction (Codir), le salarié ne pouvait détenir un mandat de représentation du personnel, la société a saisi le tribunal aux fins d’annulation de sa désignation en qualité de représentant de section syndicale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief au jugement de rejeter sa demande en annulation de la désignation par le syndicat CFTC commerce, services et force de vente Aquitaine-Limousin du salarié en qualité de représentant de section syndicale, alors :
« 1°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit soumis à son examen, alors qu’en l’espèce, dans le courriel du 5 avril 2019 adressé à Mme [X], DRH, Mme [V] indique en complément de mon email de mercredi, tu trouveras ci-joint (…) les subdélégations de [Y] [S] (au 03/12/2018 avec le service MDD et la maison et au 02/04/2019)” et transmettait en annexe la subdélégation du 2 avril 2019 ; qu’en affirmant à l’appui de sa décision que si la subdélégation datée du 3 décembre 2018 avait circulé au niveau du service RH ainsi qu’en témoignaient les courriels des 3 et 5 avril 2019 produits aux débats, il ne semblait pas que celle du 2 avril 2019 ait circulé à ces dates quand il résultait expressément des courriels des 3 et 5 avril que la subdélégation du 2 avril était circularisée à la DRH, le tribunal a dénaturé le courriel précité et ses annexes, en violation du principe susvisé ;
2°/ que l’exercice par un salarié de pouvoirs qu’il détient en application d’une délégation écrite d’autorité permettant de l’assimiler au chef d’entreprise l’exclut du droit d’être désigné en qualité de représentant de section syndicale, peu important que la délégation ne soit pas signée ou qu’il ne soit pas justifié d’une information de l’intéressé ; qu’en énonçant à l’appui de sa décision que les subdélégations de pouvoirs n’étaient pas signées et que rien n’établissait que le salarié ait été informé de leur existence et de leur contenu, le tribunal a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2142-1-1 du code du travail ;
3°/ que l’exercice par un salarié de pouvoirs qu’il détient en application d’une délégation écrite d’autorité permettant de l’assimiler au chef d’entreprise l’exclut du droit d’être désigné en qualité de représentant de section syndicale ; qu’il n’est pas nécessaire, pour retenir l’exercice d’une telle délégation d’autorité, que le salarié dispose d’une liberté totale dans l’embauche, la discipline et le licenciement des salariés placés sous sa responsabilité, la validation de ses choix par le chef d’entreprise avant décision grave n’étant pas exclusive d’une assimilation à l’employeur ; qu’en l’espèce, en énonçant, pour exclure l’exercice par le salarié de pouvoirs permettant de l’assimiler au chef d’entreprise, que le PDG de la société Cdiscount devait valider les recrutements, les prolongations de contrat, les promotions et les augmentations, que si le salarié avait participé au processus de décision ayant conduit à la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [I], il n’était pas établi qu’il avait lui-même pris la décision de se séparer de cette salariée, qu’il n’était pas établi que le salarié disposait d’un pouvoir disciplinaire autonome à l’égard des salariés sous sa responsabilité et représentait l’employeur dans ce cadre, que sa participation au Codir démontrait un rôle important dans l’organigramme mais n’était pas corroborée par un statut de cadre dirigeant sur ses bulletins de paie produits et qu’il n’était pas placé à la hauteur des directeurs adjoints participant au Comex qui prend les décisions stratégiques de la société, le tribunal a derechef statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2142-1-1 du code du travail ;
4°/ que par principe, le salarié membre du Codir et de l’équipe dirigeante ayant par ses fonctions accès aux informations et données stratégiques financières et globalement, à toutes les informations confidentielles ou stratégiques de l’entreprise ne peut être désigné représentant syndical ; qu’en décidant le contraire, le tribunal a violé l’article L 2142-1-1 du code du travail ».
Réponse de la Cour
5. Ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ou exercent au niveau de l’entreprise à l’égard des représentants du personnel les obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise.
6. Le jugement retient, d’abord, que les deux subdélégations écrites de pouvoirs de l’employeur par le supérieur hiérarchique du salarié ne sont pas signées et que rien n’établit que ce dernier ait été informé de leur existence et de leur contenu et que, par ailleurs, le salarié n’est décisionnaire ni du recrutement des candidats, ni des prolongations de contrats, des promotions ou augmentations, qu’en ce qui concerne l’organisation du service d’activités placé sous sa responsabilité, il n’est pas en capacité de décider en autonomie des changements qui lui paraissent appropriés, qu’il n’a pas le pouvoir de décider de la rupture des contrats de travail et ne dispose pas de pouvoir disciplinaire autonome à l’égard des salariés sous sa responsabilité et ne représente pas l’employeur à cet effet. Le jugement retient que la participation du salarié au comité de direction, si elle démontre un rôle important dans l’organigramme de la société, n’est pas corroborée par un statut de cadre dirigeant et qu’il n’est pas placé, dans l’organigramme, à la hauteur des directeurs adjoints qui participent au comité exécutif qui prend les décisions stratégiques de la société.
7. Le jugement énonce, ensuite, que la capacité du salarié de représenter la société auprès des partenaires commerciaux n’a aucune incidence sur celle de représenter l’employeur auprès des salariés et qu’il ne ressort d’aucun élément que le salarié ait représenté l’employeur devant les institutions représentatives du personnel.
8. De ces constatations le tribunal a pu déduire que le salarié, qui ne disposait pas d’une délégation écrite particulière d’autorité lui permettant d’être assimilé au chef d’entreprise, ne représentait pas ce dernier devant les institutions représentatives du personnel et n’exerçait pas à leur égard des obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise, en sorte qu’il avait été valablement désigné en qualité de représentant de section syndicale.
9. Le moyen, dont la première branche vise un motif surabondant, n’est pas fondé pour le surplus.