Informations confidentielles : 19 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01198

·

·

Informations confidentielles : 19 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01198
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 19 OCTOBRE 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01198 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCTC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° F15/00078

APPELANTE

S.A.S. DISTRIBUTION WISSEM STOCKAGE LOGISTIQUE – DWSL agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-didier MEYNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

INTIMEE

Madame [N] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hicham ABDELMOUMEN, avocat au barreau de PARIS, toque : L160

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Juin 2023, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant la Cour composée de Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre, chargée du rapport, et Madame Carine SONNOIS, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendus en leur rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre, rédactrice

Madame Carine SONNOIS, Présidente de chambre

Monsieur Nicola TRUC, Président de chambre

Greffière, lors des débats : Madame Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de chambre, et par Madame Sonia BERKANE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [F] [U] a été engagée par la société Transport Wissem Europe, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 mai 2010, en qualité de comptable unique. Le contrat de travail s’est poursuivi jusqu’au mois de novembre 2012, date à laquelle Mme [F] [U] a démissionné pour être immédiatement réembauchée, le 19 novembre 2012, au même poste de comptable unique, aux mêmes conditions et avec reprise de l’ancienneté par une autre société du groupe, à savoir la société Distribution Wissem Stockage Logistique (DWSL).

La société DWSL a pour activité la location de véhicules avec chauffeurs.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 2 880,87 euros.

Le 1er avril 2014, la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 8 avril suivant. Cette convocation était assortie d’une mise à pied conservatoire.

Le même jour la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 25 mai 2014.

Le 16 avril 2014, Mme [F] [U] s’est vu notifier un licenciement pour faute lourde, libellé dans les termes suivants :

“Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d’une faute lourde et notamment :

‘ Votre comportement du 1er avril 2014 : refus de travailler, manque de respect à l’encontre de votre hiérarchie et destruction de matériel

En effet à cette date, Monsieur [M], Directeur Commercial, vous a demandé d’envoyer un certificat de cession à la Préfecture, tâche qui entre dans vos fonctions. Vous avez refusé en proférant des insultes à son encontre. Vous avez ainsi indiqué qu’il n’était qu’un incompétent et une grosse merde et que vous travailliez avec des incompétents.

Celui-ci vous a demandé de vous calmer. Vous avez refusé et avez pris l’écran de votre ordinateur que vous avez jeté sur la table, détruisant celui-ci comme peuvent l’attester les photos qui ont été prises. Nous avons déposé plainte à votre encontre pour les faits produits à cette date.

‘ Votre comportement agressif et désagréable à l’encontre de vos collègues de travail. A titre d’exemple en date du 14 et 27 février 2014 ainsi que le 2 avril 2014 nous avons à vous reprocher les faits suivants :

– Comportement désagréable et agressions verbales envers M. [M] [A] en présence du Directeur d’Exploitation.

– Comportement désagréable et agressif envers plusieurs de nos salariés à savoir : M. [J] [L], M. [Z] [S], Mme [P] [C], M. [M] [O] et M. [X] [B].

‘ Le non-respect de votre obligation de confidentialité : vous avez divulgué des informations confidentielles au personnel de l’entreprise et notamment leurs rémunérations.

‘ Le non-respect de vos horaires de travail et pauses récurrentes. A titre d’exemple de février à avril 2014, vous êtes régulièrement arrivée en retard. Vous arriviez quasiment tous les jours entre 9h05 et 9h20 alors que votre prise de poste est à 9h00 pile. Et dès votre arrivée, vous vous absentiez tout de suite pour votre pause-café et cigarette. Soit une prise de poste aux alentours de 9h30.

‘ En date du 10 septembre 2013 votre fils s’est introduit dans l’enceinte de l’entreprise sans y être autorisé et a proféré des menaces et insultes à votre encontre, à la suite desquelles sans solliciter l’autorisation de votre hiérarchie, vous avez quitté votre poste de travail.

‘ Vous avez été l’auteur d’une altercation physique et verbale avec le voisinage comme cela nous a été confirmé par le courrier du 18 mars 2014 que la direction a reçu de la SARL DUTTI. De plus ce jour-là vous avez quitté toute la journée votre poste de travail, toujours sans l’autorisation de votre hiérarchie, vous avez quitté votre poste de travail, les personnes suivantes pouvant en témoigner : M. [R] [D], Chef d’Atelier, Madame [V] [I] Secrétaire.

‘ Vous commettez des erreurs dans votre travail : retards dans le règlement des factures, retard dans les déclarations sociales et fiscales entrainant l’émission de pénalités, erreurs de facturation d’où un retard dans les règlements de nos clients, avance de trésorerie aux impôts, erreurs dans les contrats de travail’ Cette conduite met en cause la bonne marche de l’entreprise et aucun élément ou justification n’a pu nous être apporté de nature à modifier notre appréciation des faits. Nous vous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute lourde”.

Le 27 janvier 2015, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux pour contester son licenciement et solliciter des dommages intérêts pour licenciement vexatoire et résistance abusive.

Le 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Meaux, dans sa section Commerce, a statué comme suit :

– dit que le licenciement est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamne la société DWSL à payer à Mme [F] [U] les sommes suivantes :

* 5 761,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 576,17 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 1 536,46 euros bruts à titre de salaire relatif à la mise à pied conservatoire

* 153,64 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 2 256,67 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement

* 3 375,21 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation

* 17 500 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement

– ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-1 du code civil

– condamne la société DWSL au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par Mme [F] [U] dans la limite d’un mois de salaire

– ordonne à la société DWSL de remettre à Mme [F] [U] les documents de fin de contrat conformes à la teneur du présent jugement, sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard à compter du 60ème jour de la notification de la présente décision

– déboute Mme [F] [U] de ses autres demandes et du surplus

– déboute la société DWSL de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– dit que le solde de 953,67 euros du prêt accordé par la société DWSL à Mme [F] [U] est dû

– condamne Mme [F] [U] à verser à la société DWSL la somme de 953,67 euros

– ordonne l’exécution provisoire sur le fondement de l’article R. 1454-28 du code du travail pour les sommes accordées au titre des rémunérations

– dit qu’il n’y a pas lieu de l’accorder au titre de l’article 515 du code de procédure civile

– condamne la société DWSL aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d’exécution du présent jugement par voie de huissier de justice.

Par déclaration du 20 janvier 2021, la société Distribution Wissem Stockage Logistique a relevé appel du jugement de première instance dont elle a reçu notification le 5 décembre 2020. 

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 1er février 2023, aux termes desquelles la société Distribution Wissem Stockage Logistique demande à la cour d’appel de :

– débouter Mme [F] [U] de ses fins, moyens et prétentions

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Meaux en ce qu’il a :

“- dit que le licenciement est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse

– condamné la société DWSL à payer à Mme [F] [U] les sommes suivantes :

* 5 761,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 576,17 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 1 536,46 euros bruts à titre de salaire relatif à la mise à pied conservatoire

* 153,64 euros bruts au titre des congés payés afférents

* 2 256,67 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement

* 3 375,21 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2015, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation

* 17 500 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement

– ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-1 du code civil

– condamné la société DWSL au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par Mme [F] [U] dans la limite d’un mois de salaire

– ordonné à la société DWSL de remettre à Mme [F] [U] les documents de fin de contrat conformes à la teneur du présent jugement, sous astreinte de 10 euros par document et par jour de retard à compter du 60ème jour de la notification de la présente décision

– débouté la société DWSL de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article R. 1454-28 du code du travail pour les sommes accordées au titre des rémunérations

– condamné la société DWSL aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d’exécution du présent jugement par voie de huissier de justice”

– le confirmer pour le surplus en ce qu’il a :

“- débouté Mme [F] [U] de ses autres demandes et du surplus

– condamné Mme [F] [U] à verser à la société DWSL la somme de 953,67 euros au titre du prêt accordé”

– la condamner également aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2 000 euros à valoir sur les frais et honoraires non compris dans lesdits dépens en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 5 décembre 2022, aux termes desquelles

Mme [F] [U] demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Meaux en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [U] sans cause réelle et sérieuse, sauf en ce qu’il a fixé à 17 500 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence :

– fixer le salaire mensuel moyen brut de Madame [U] à la somme de 2 880,87 euros

– condamner la société Distribution Wissem Stockage Logistique à verser à Madame [U] [F] les sommes de :

* 5 761,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 576,17 euros bruts au titre des congés payés y afférents

* 1 536,46 euros bruts à titre de rappel de salaire relative à la mise à pied à titre conservatoire et 153,64 euros bruts au titre des congés payés y afférents

* 2 256,67 euros net à titre d’indemnité légale de licenciement

* 3 915,24 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés

* 34 570,33 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 1 200 euros net à titre d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– infirmer le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Meaux en ce qu’il a débouté Madame [U] de ses autres demandes et du surplus et, en conséquence :

– condamner la société Distribution Wissem Stockage Logistique à verser à Madame [U] [F] les sommes de :

* 8 000 euros net à titre de dommages et intérêts en raison des circonstances brutales et vexatoires ayant entouré le licenciement

* 4 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

En tout état de cause,

– condamner la société Distribution Wissem Stockage Logistique aux entiers dépens de la présente et à verser à Madame [U] la somme de 3.000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant la présente procédure d’appel

– dire que les sommes allouées ayant la nature de salaire seront assorties d’intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de céans, et celles de nature indemnitaire à compter de la date du prononcé du jugement à venir

– ordonner à la société Distribution Wissem Stockage Logistique de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Madame [U], dans la limite légale de 6 mois

– ordonner à la société Distribution Wissem Stockage Logistique de remettre à Madame [U] l’ensemble des documents de fin de contrat corrigés et conformes à l’arrêt à venir, sous astreinte de 10euros par jour et par document à compter du prononcé dudit arrêt

– ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-1 du code civil.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 15 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

En l’absence de contestation des parties sur les points suivants, le jugement est définitif en ce qu’il

a dit que le solde de 953,67 euros du prêt accordé par la société DWSL à Mme [F] [U] est dû.

1/ Sur le licenciement

1-1 Sur le signataire de la lettre de licenciement

La salariée intimée soutient qu’il ressort des pièces produites aux débats que deux personnes différentes ont signé la lettre de convocation à entretien préalable et la lettre de licenciement et que les signataires ne sont pas clairement identifiés puisque les courriers portent la mention “La Direction”. Elle poursuit en indiquant qu’il n’est pas possible de vérifier avec certitude si les signataires des documents litigieux avaient qualité pour agir dans le cadre de la procédure de licenciement, ce qui rend celui-ci sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur répond que la lettre de licenciement a été signée par M. [E] [M], Président Directeur Général de la société, ainsi qu’en atteste la signature figurant sur sa pièce d’identité (pièce 54).

La cour constate, que si la pièce 54 comportant une photocopie de la pièce d’identité de M. [E] [M] est difficilement lisible, en revanche ses signature portées sur son attestation en pièce 66 (employeur) et sur une plainte du 1er avril 2014 (pièce 17 employeur) correspondent bien à celle apposée sur la lettre de licenciement. Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause la qualité du signataire de la lettre de licenciement.

En revanche, ainsi que le relève le salarié, la signature apposée sur la lettre de convocation à entretien préalable est bien distincte de celle de M. [E] [M]. Les pièces versées au dossier permettent de constater qu’elle correspond à celle de M. [O] [M], associé et directeur d’exploitation de la société, agissant sur délégation de son frère pour représenter la direction (pièce 8 transmission attestation Pôle emploi, pièce 45 statut de la société, pièce 62 attestation de M. [O] [M]). D’ailleurs, la convocation à entretien préalable a été remise en main propre le 1er avril 2014 à la salariée, ainsi qu’en font foi les mentions portées sur ce courrier et Mme [F] [U] n’a pas remis en question la qualité du signataire de la convocation à entretien préalable à cette date.

Il sera donc jugé qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause la régularité de la procédure de licenciement.

1-2 Sur la faute lourde

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. la charge de la preuve incombe à l’employeur qui l’invoque. La faute lourde, suppose de la part du salarié une intention de nuire à l’entreprise, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en apporter la preuve.

Au titre du premier grief visé dans la lettre de licenciement, il est reproché à Mme [F] [U] d’avoir refusé d’exécuter les directives de M. [H] [M], Directeur commercial de la société, de l’avoir injurié et d’avoir, par colère, jeté à terre son propre ordinateur, ce qui l’a dégradé. Au soutien de ces accusations, l’employeur verse aux débats une attestation de M. [H] [M], victime des faits et qui ne présente de ce fait aucune force probante, ainsi que la copie du dépôt de plainte de M. [E] [M], frère du précédent, représentant légal de la partie appelante et signataire du licenciement, ce qui ne permet pas de considérer ses déclarations comme objectives et ce d’autant que ce dernier ne précise pas, dans sa plainte s’il a été témoin des faits. La salariée contestant les faits qui lui sont reprochés en faisant valoir que c’est elle qui a été agressée verbalement par M. [H] [M] qui a détruit son ordinateur, il sera considéré que l’appelante ne produit pas d’éléments objectifs étayant son grief et qui permettent d’écarter le doute qui profite à la salariée.

Le second grief porte sur le fait que la salariée aurait adopté un comportement agressif et désagréable à l’encontre de ses collègues de travail, M. [M] [A], M. [L] [J], M. [S] [Z], Mme [C] [P], M. [O] [M] et M. [B] [X]. Les attestations de M. [A] [M], M. [H] [M] et de M. [O] [M] ne seront pas prises en compte en raison de leur lien de parenté avec le dirigeant de la société. M. [G] [J] se plaint de s’être vu répondre, mi-mars 2014, à une demande de renseignement : “Je ne suis pas là pour m’occuper de vos conneries. Je vous ai déjà donné des informations” (pièce 48). M. [B] [X] témoigne, qu’à une date indéterminée, Mme [F] [U] lui a dit “sèchement” de ne pas entrer alors que d’habitude elle le recevait en lui disant “bonjour” (pièce 44). Mme [C] [P] atteste, qu’au terme de son contrat à durée déterminée, l’intimée lui a déclaré “signe ton solde de tout compte pour toi c’est la fin”, de manière agressive (pièce 43). Outre, que Mme [F] [U] conteste avoir tenu les propos qui lui sont prêtés, elle relève que les signatures apposées sur les attestations de

Mme [P] et de M. [J] ne correspondent pas à celles portées sur leurs pièces d’identité. Il appert, en outre, qu’en dehors du témoignage de M. [J], les faits dénoncés ne sont pas datés ce qui ne permet pas d’écarter la prescription opposée par la salariée. De surcroît, en 4 ans d’ancienneté, les quelques propos et attitudes reprochés à la salariée sont insuffisants à caractériser une attitude agressive de la part de cette dernière à l’encontre de ses collègues et de ses supérieurs hiérarchiques permettant de fonder un licenciement pour faute.

L’employeur ne verse aucune pièce justifiant d’un non-respect par la salariée de son obligation de confidentialité.

S’agissant du grief relatif au non-respect des horaires de travail et des temps de pause, il est relevé que le contrat de travail ne précisait pas les horaires de la salariée, que celle-ci ne s’est jamais vu notifier la moindre sanction, ni même une observation pour un quelconque retard. Par ailleurs, les dates des retards imputés ne sont pas précisées dans la lettre de licenciement pas plus que dans la seule attestation de M. [H] [M], frère du dirigeant et représentant celui-ci à l’occasion de l’entretien préalable au licenciement.

M. [D] [R], collègue de la salariée témoigne, pour sa part, de l’existence de pauses-cigarette fréquentes de l’intéressée sans apporter la moindre précision sur cette fréquence ce qui ne permet pas de caractériser un manquement de la salariée à ce titre. Ces griefs ne sont donc pas fondés.

Concernant l’intrusion du fils de la salariée dans les locaux de l’entreprise le 10 septembre 2013 et les agressions verbales dont il se serait rendu coupable à l’encontre de sa mère puis de deux salariés de la société, force est de constater que ces événements qui se sont déroulés en présence du dirigeant de la société, ainsi qu’en atteste son propre témoin, se trouvaient prescrits à la date de l’engagement de la procédure de licenciement.

S’il est reproché à la salariée d’avoir été l’auteur d’une altercation physique et verbale avec le voisinage de la société, le18 mars 2014, l’employeur ne produit pas le courrier de plainte de la SARL Dutti qui lui aurait dénoncé ces faits. Ce grief n’est donc pas caractérisé.

S’agissant, enfin, des erreurs commises par la salariée dans son travail et, notamment, des retards dans les déclarations sociales et fiscales, des erreurs de facturation et des erreurs dans les contrats de travail, la société appelante reproche à Mme [F] [U] d’avoir déclaré que la société avait un effectif inférieur à 20 salariés, aors qu’il était égal à ce chiffre, ce qui a entraîné un redressement de 3 470 euros sur l’année 2013. Une autre erreur de l’intimée a été à l’origine d’un redressement sur la réduction Fillon de 10 292 euros. Si ces manquements sont attestés par l’expert-comptable de la société (pièce 73) et ne sont pas contestés par la salariée, il n’est pas démontré qu’ils procèderaient d’une mauvaise volonté délibérée de la salariée. Or, l’employeur ayant fait le choix de se placer sur le seul terrain disciplinaire et non sur un licenciement fondé sur une insuffisance professionnelle, il sera jugé qu’il n’est établi aucune faute de ce chef. Concernant les autres agissements que l’employeur impute à l’intimée, à savoir un défaut d’organisation de visites médicales, une non-remise en banque de chèque ou bien encore un problème d’affiliation à l’assurance chômage pour les mandataires sociaux, il appert que ces faits, dont il n’est pas démontré l’imputabilité à la salariée, ne correspondent pas aux motifs visés dans la lettre de licenciement et fondant cette mesure.

En l’absence de démonstration de faits fautifs commis par la salariée, c’est à bon escient que les premiers juges ont dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [F] [U] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article

L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 52 ans, de son ancienneté de plus de 4 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de la justification du fait qu’elle n’a pas retrouvé un emploi dans les premiers mois qui ont suivi son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 17 500 euros, telle qu’elle a été justement évaluée par les premiers juges.

Le jugement entrepris sera, également, confirmé en ce qu’il a alloué à la salariée les sommes suivantes :

– 5 761,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 576,17 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 1 536,46 euros bruts à titre de salaire relatif à la mise à pied conservatoire

– 153,64 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 2 256,67 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement.

Il sera ordonné à la société Distribution Wissemn Stockage Logistique de délivrer à Mme [F] [U], dans le mois suivant la notification de la présente décision, l’ensemble des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

2/ Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Mme [F] [U] rapporte qu’elle disposait de 29 jours de congés payés à la date de son licenciement, ainsi qu’en atteste son bulletin de paie du mois de mars 2014. A ces jours de congés s’ajoutent ceux qui lui sont dus pour les 16 premiers jours du mois d’avril, soit 1,33 jours de congés. Or, l’employeur ne s’est pas acquitté de la contrepartie des 30,33 jours de congés payés non pris, qu’elle chiffre à 3 915, 24 euros.

La société appelante ne formulant aucune critique sur le calcul de ce droit à congés, il sera fait droit à la demande de l’intimée et le jugement déféré sera réformé sur le montant de cette condamnation.

Dans le dispositif de ses conclusions, la salariée demande la confirmation du jugement mais celui-ci a condamné l’employeur à lui verser une somme de 3 375,21 euros. A défaut de demande d’infirmation de ce chef de condamnation, la décision sera confirmé sur son quantum.

3/ Sur le licenciement brutal et vexatoire

La salariée intimée explique qu’elle a dû subir un comportement brutal et vexatoire de l’employeur et, notamment, de la part de M. [H] [M], frère du dirigeant et Directeur commercial, qui l’a agressée verbalement et insultée, après qu’elle eut refusé de signer une rupture conventionnelle, avant de lui notifier sa mise à pied disciplinaire. La salariée prétend avoir tellement été éprouvée par cette situation qu’elle a immédiatement consulté un médecin qui l’a placée en arrêt de travail. Elle reproche, également, au dirigeant de la société de ne pas l’avoir saluée lors de l’entretien préalable et d’avoir déposé une plainte abusive à son encontre à la suite de l’altercation qui l’a opposée à son frère.

Cependant à défaut pour la salariée d’établir par une pièce quelconque qu’elle a été victime d’une agression de la part de M. [H] [M] le 1er avril 2014 et que la plainte déposée par l’employeur, qui s’est contenté de reprendre les allégations de son frère, était destinée à lui nuire, c’est à juste titre que les premiers juge ont débouté la salariée de sa demande indemnitaire de ce chef.

4/ Sur la résistance abusive

Mme [F] [U] reproche à l’employeur d’avoir délibérément tardé à adresser à la CPAM l’attestation de salaires indispensable à la perception des indemnités journalières de sécurité sociale à compter de son placement en arrêt de travail du 1er avril 2014 au 25 mai 2014. Elle précise, en effet, que le document n’a été transmis à la CPAM que le 12 juin 2014 et qu’elle n’a été indemnisée qu’à compter du 16 juin suivant. Ce retard de prise en charge a, également, décalé la perception de ses allocations chômage qui ne lui ont été versées qu’à compter du 1er juiller 2014.

La salariée expose, qu’entre le 1er avril 2014 et le 16 juin, elle s’est trouvée démunie de toutes ressources ce qui a entraîné le rejet des prélèvements automatiques sur son compte pour payer ses loyers et ses charges fixes (pièces 33, 34, 37 et 41) et ce qui l’a contrainte à accepter une aide financière de sa soeur et de sa fille (pièces 39 et 40). Elle sollicite, en conséquence, une somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts.

L’employeur répond que la salariée avait déja saisi la formation de référé d’une demande identique, qu’elle en a été déboutée et qu’elle n’a pas formé appel de l’ordonnance de référé en date du 12 septembre 2014.

Toutefois, la cour constate que l’employeur ayant soulevé une contestation sérieuse devant le juge des référés celui-ci n’a pas débouté la salariée mais l’a renvoyée à mieux se pourvoir.

Mme [F] [U] justifiant de son préjudice financier en raison du retard de l’employeur à délivrer une attestation de salaire à la CPAM, il lui sera alloué une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice.

5/ Sur les autres demandes

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la société DWSL au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage perçues par Mme [F] [U] dans la limite d’un mois de salaire.

Les conditions d’application de l’article L. 122-14-4 alinée 2, devenu L. 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités.

La société Distribution Wissemn Stockage Logistique supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à Mme [F] [U] une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rappelle que le jugement n’a pas été entrepris et se trouve définitif en ce qu’il a dit que le solde de 953,67 euros du prêt accordé par la société DWSL à Mme [F] [U] est dû,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [F] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Distribution Wissemn Stockage Logistique à payer à Mme [F] [U] les sommes suivantes :

– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive

– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Ordonne à la société Distribution Wissemn Stockage Logistique de délivrer à Mme [F] [U], dans le mois suivant la notification de la présente décision, l’ensemble des documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte,

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes sociaux concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Distribution Wissemn Stockage Logistique aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x