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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 19 JUILLET 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/00913 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OQPY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 09 JANVIER 2020
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG F 18/00171
APPELANT :
Monsieur [W] [N]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me PORTES avocat pour Me Marianne MALBEC de la SELARL CLEMENT MALBEC CONQUET, avocat au barreau de NARBONNE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007392 du 13/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SA BANQUE POPULAIRE DU SUD
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
Ordonnance de clôture du 02 Mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 MAI 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [W] [N] a été initialement engagé par la SA Banque Populaire du Sud à compter du 12 février 2016 selon trois contrats de travail à durée durée déterminée à temps complet successifs jusqu’au 31 août 2016. Le 12 août 2016 les parties concluaient un contrat à durée déterminée de professionnalisation pour la période du 1er septembre 2016 au 30 septembre 2017.
Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 15 juillet 2017.
La relation de travail a pris fin le 30 septembre 2017.
Considérant que son absence de recrutement ultérieur en contrat à durée indéterminée ou en contrat de professionnalisation à durée indéterminée dans le cadre d’un Master professionnel était en réalité la conséquence d’une atteinte à sa vie privée, Monsieur [W] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers par requête du 13 avril 2018 aux fins de condamnation de l’employeur à lui payer les sommes suivantes :
’20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
’13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct,
‘2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 9 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Béziers a débouté Monsieur [W] [N] de l’ensemble de ses demandes.
Monsieur [W] [N] a relevé appel de la décision du conseil de prud’hommes le 13 février 2020.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 8 septembre 2020, Monsieur [W] [N] conclut à l’infirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la SA Banque Populaire du Sud à lui payer les sommes suivantes :
’20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
’13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct,
‘2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 10 juillet 2020, la SA Banque Populaire du Sud conclut à la confirmation du jugement attaqué ainsi qu’à la condamnation de Monsieur [W] [N] à lui payer une somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2023.
SUR QUOI
> Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
En application de l’article L.1222-1 du Code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur incombe au salarié.
>
A l’appui de sa prétention Monsieur [W] [N] fait valoir que le 5 mai 2017, Madame [T], salariée de la Banque Populaire du Sud gestionnaire de ses comptes bancaires adressait un courriel en copie cachée à leur supérieure hiérarchique, Madame [H] divulguant ainsi des échanges confidentiels sur l’état du découvert de ses comptes personnels, sans lien avec son comportement au travail, et ayant pour but de le desservir.
Or, tandis qu’il se trouvait lui-même en compagnie de ses collègues autour de l’ordinateur de Madame [H] pour les besoins d’une réunion, une fenêtre restée ouverte sur l’écran d’ordinateur dévoilait à tous le courriel litigieux.
Il indique que ses demandes tant auprès de Madame [T] que de Madame [H] aux fins d’obtenir des explications sur l’incident et copie du mail litigieux se heurtaient à une fin de non-recevoir, Madame [H] lui répondant qu’elle l’avait aussitôt supprimé tandis qu’en réponse à sa plainte formée auprès des échelons supérieurs, il était destinataire le 19 mai 2017 d’un courrier de la responsable gestion des carrières lui indiquant que la banque était désolée de cet incident, que les conditions de fonctionnement de son compte n’interfèreraient pas dans le déroulement de son contrat de travail et qu’elle rappellerait à son gestionnaire que la relation commerciale qui relève de la sphère privée ne doit pas être confondue avec la relation professionnelle, le courrier se terminant par une invitation de la banque à ce qu’il poursuive avec engagement sa formation et le contrat de travail le liant à elle.
Il expose que le 3 juillet 2017 l’université de [Localité 5] retenait sa candidature au Master 1 management sectoriel AEL, et alors que jusque-là ses évaluations intermédiaires étaient satisfaisantes, il était destinataire pour la première fois le 12 juillet 2017 d’une appréciation défavorable à son recrutement ultérieur en CDI ou à la poursuite d’un contrat de professionnalisation en CDI. Il ajoute avoir par la suite interrogé la banque le 21 juillet 2017 afin d’obtenir des explications sur cette appréciation qui hypothéquait définitivement son futur dans l’entreprise sans que celle-ci ne lui réponde.
Il fait enfin valoir que l’employeur n’a pas fourni à l’IUT de suivi d’activité ou d’observations et s’est dispensé des visites pédagogiques.
>
Si dans sa contestation de la décision attaquée, Monsieur [W] [N] soutient que le conseil de prud’hommes n’a pas pris en compte la déloyauté de la volte-face opérée par l’employeur pour des motifs en réalité tirés de l’atteinte portée à sa vie privée et s’il prétend que cette volte-face est caractérisée dès lors que l’employeur avait exprimé le 3 mai 2017 la volonté de poursuivre avec lui la relation de travail, il ne justifie toutefois d’aucun élément susceptible de corroborer cette allégation, autre que la référence par lui à une conversation qu’il aurait eu avec un certain Monsieur [Y] à cette date, dans un courrier qu’il adressait à l’employeur le 21 juillet 2017. En effet, Monsieur [W] [N] verse aux débats les fiches bilan des 28 avril et 21 juin 2016 précédant le début du contrat de professionnalisation et mentionnant des compétences à confirmer dans le domaine de la maîtrise des techniques de services et produits de base ainsi que dans la conduite des entretiens de vente rapide et d’utilisation des moyens de marketing direct et la fiche d’appréciation de fin d’alternance émettant un avis défavorable au recrutement en CDI ainsi qu’à la poursuite d’un contrat à durée indéterminée de professionnalisation dans le cadre du Master qui ne suffisent pas davantage à caractériser la déloyauté alléguée dès lors qu’il ressort du bilan intermédiaire de décembre 2016 versé aux débats par l’employeur que ces compétences n’étaient pas acquises à cette date et que le dossier de l’intéressé établit qu’elles ne l’étaient pas davantage en juillet 2017.
Si monsieur [N] soutient que l’employeur a manqué à son obligation de suivi à son égard en ce qu’il n’aurait pas fourni à l’IUT de suivi d’activité ou d’observations et se serait dispensé des visites pédagogiques, l’imprimé qu’il produit relatif au bilan des activités incombe cependant au formateur, qui, au sens de l’article L6325-13 du code du travail, et au regard des mentions portées au contrat de professionnalisation, est l’IUT[4]M. De plus, si le document relatif aux visites pédagogiques mentionne des retards dans la visite du formateur, ces retards sont le fait de l’IUT qui n’est pas dans la cause.
De plus, tandis que la SA Banque Populaire du Sud verse aux débats le carnet de tutorat établissant la réalité du suivi, l’employeur rapporte la preuve du respect de son obligation de formation à l’égard du salarié qui ne peut sans se contredire lui-même invoquer ce prétendu manquement au détriment d’autrui pour expliquer son absence de recrutement ultérieur en contrat à durée indéterminée alors même qu’il prétend à titre principal que l’absence de poursuite de la relation contractuelle résulte non pas d’un défaut de compétences acquises mais de la divulgation à sa supérieure hiérarchique d’échanges confidentiels sur l’état du découvert de ses comptes personnels par une salariée de l’entreprise.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail.
> Sur la demande de dommages pour préjudice moral distinct
Monsieur [W] [N] fait valoir à ce titre qu’en divulguant des conversations privées et des renseignements confidentiels sur ses comptes bancaires puis en le sanctionnant pour avoir réclamé des explications, la banque, en sus de l’imputabilité de la rupture de la relation travail, est à l’origine des répercussions de ces agissements sur son état de santé.
Or, si le manquement d’une salariée de la banque à ses obligations n’est pas discuté par l’employeur dans son courrier du 19 mai 2017, il résulte de ce qui précède que cet agissement est sans lien avec l’absence de poursuite de la relation contractuelle de travail, qui au regard du terme du contrat durée déterminée ne constitue pas une sanction.
Ensuite, la dégradation de l’état de santé du salarié est concomitante à l’appréciation portée par l’employeur le 12 juillet 2017 sur son aptitude à être recruté en CDI sans que l’exercice par l’employeur de ses prérogatives à cet égard ne suffise à caractériser l’existence d’un manquement de sa part préjudiciable au salarié.
C’est pourquoi, si la divulgation des informations confidentielles à d’autres salariés de l’entreprise du fait de la faute personnelle d’une employée de la banque et de la négligence ou de l’imprudence du service à pu être à l’origine d’un préjudice moral pour Monsieur [N], celui-ci n’établit pas cependant que ce seul fait, sans lien avec l’absence de poursuite de la relation contractuelle, détermine l’étendue du préjudice qu’il revendique dès lors qu’il n’existe pas de lien direct entre la seule divulgation de l’information litigieuse et la dégradation de l’état de santé de l’intéressé.
Au vu des éléments produits par l’une et l’autre des parties, la cour dispose par conséquent d’éléments suffisants pour fixer à 500 euros le montant des dommages-intérêts à allouer à Monsieur [N] pour préjudice moral distinct.
> Sur les demandes accessoires
Compte tenu de la solution apportée au litige, la SA Banque Populaire du Sud conservera la charge des dépens, et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Béziers le 9 janvier 2020 sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct;
Et statuant à nouveau du seul chef infirmé,
Condamne la SA Banque Populaire du Sud à payer à Monsieur [W] [N] une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct;
Condamne la SA Banque Populaire du Sud à payer à Monsieur [W] [N] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne la SA Banque Populaire du Sud aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT