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8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°296
N° RG 20/03455 –
N° Portalis DBVL-V-B7E-QZRQ
Société GENUINE PRODUCTS CORPORATION S.A.M. «GEPROCOR»
C/
M. [P] [L]
Infirmation
Copie exécutoire délivrée
le : 18 sept 23
à :
Me Marie VERRANDO
Me Nolwenn GUILLEMOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 Mai 2023
devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [Y] [H], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
La S.A.M. GENUINE PRODUCTS CORPORATION (GEPROCOR) Société de droit monégasque, inscrite au Répertoire du commerce et de l’industrie de [Localité 5] sous le numéro 80S01831 et pris en son établissement de [Localité 6] [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l’audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Pierre LOPES, Avocat au Barreau de PARIS, substituant à l’audience Me Marie-Laurence BOULANGER de la SCP FROMONT BRIENS, Avocat plaidant du Barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [P] [L]
né le 19 Novembre 1963 à [Localité 6] (44)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Nolwenn GUILLEMOT, Avocat au Barreau de RENNES
La société GENUINE PRODUCTS CORPORATION (GEPROCOR) est une filiale export du Groupe LES MOUSQUETAIRES, dit AGRO MOUSQUETAIRES.
Le 02 mai 2016, M. [P] [L] a été embauché par la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION (GEPROCOR) selon un contrat à durée déterminée en qualité d’informaticien, statut agent de maîtrise, coefficient M11 de la convention collective nationale du commerce de gros non spécialisé.
Le 02 janvier 2017, M. [L] a été engagé en qualité d’informaticien analyse développement et maintenance générale selon un contrat à durée indéterminée.
Le 02 février 2018, l’anti-virus SEPM détectait l’introduction d’un Keylogger (logiciel enregistreur de frappes) dans le réseau informatique de l’entreprise via une clef USB. L’administrateur des systèmes des réseaux et le responsable de la sécurité du système d’information du Groupe ont identifié M. [L] comme étant à l’origine de l’introduction du Keylogger.
Par courrier du 26 février 2018, la société a notifié à M. [L] sa mise à pied à titre conservatoire avec maintien de sa rémunération et l’a convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 mars 2018.
Par courrier du 19 mars 2018, M. [L] a été licencié pour cause réelle et sérieuse avec dispense de préavis.
Le 02 octobre 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire aux fins de contester son licenciement pour cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
La cour est saisie de l’appel régulièrement interjeté par la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION le 30 juillet 2020 contre le jugement de départage du 06 juillet 2020, par lequel le Conseil de prud’hommes de Saint Nazaire a :
‘ Dit que le licenciement de M. [L] est sans cause réelle et sérieuse,
‘ Condamné la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION à payer à M. [L] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts à compter du jugement,
‘ Débouté M. [L] du surplus de ses demandes de dommages et intérêts,
‘ Ordonné la capitalisation des intérêts année par année,
‘ Condamné la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION à payer à M. [L] la somme de 950 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Ordonné à la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION de rembourser à Pôle emploi les allocations chômage perçues par M. [L] dans la limite d’un mois,
‘ Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
‘ Condamné la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION aux dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022 suivant lesquelles la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION demande à la cour de :
‘ La recevoir en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,
‘ Infirmer le jugement en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. [L] était sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION à payer à M. [L] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts à compter du jugement,
– ordonné la capitalisation des intérêts année par année,
– condamné la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION à payer à M. [L] la somme de 950 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION de rembourser à Pôle emploi les allocations chômage perçues par M. [L] dans la limite d’un mois,
– condamné la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION aux dépens,
‘ Confirmer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
‘ Juger que le licenciement de M. [L] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
‘ Débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes,
Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,
‘ Condamner M. [L] à verser à la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner M. [L] le même aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 9 décembre 2020, suivant lesquelles M. [L] demande à la cour de :
‘ Débouter la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION de son appel,
‘ Confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 6 juillet 2020,
‘ Condamner la SAM GENUINE PRODUCTS CORPORATION au paiement de la somme de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
‘ Condamner la même aux entiers dépens de l’instance et de son exécution.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 avril 2023.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation à ce titre, la SAM GEPROCOR soutient le bien fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [L] en ce qu’il est fondé sur les trois griefs suivants :
– L’introduction d’un virus (Keylogger) sur le réseau de la société en infraction de la charte informatique et compromettant la sécurité de l’ensemble du réseau du Groupe,
– Une attitude négative dans les relations de travail notamment le refus de se conformer aux instructions de sa hiérarchie,
– Une tentative de suppression de dossiers de nature professionnelle situés sur l’ordinateur d’une des responsables de la société.
En application de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif.
En l’espèce, la lettre du licenciement datée du 19 mars 2018 (pièce n°9 de l’appelant), qui fixe les termes du litige, est ainsi motivée :
‘ […] En votre qualité d’informaticien depuis le 2 janvier 2017, vous deviez, notamment et surtout, assurer la mise en place des infrastructures logicielles et matérielles nécessaires et identifier les améliorations nécessaires avec les utilisateurs.
Or, vous n’avez pas rempli vos missions de manière satisfaisante faisant preuve d’un comportement fautif que nous ne pouvons tolérer se traduisant par :
– L’introduction, par vos soins, d’un virus sur le réseau de la Société GEPROCOR pouvant avoir de lourdes conséquences sur la sécurité du réseau informatique, et ce, en totale contradiction avec vos missions :
Le 2 février 2018 à 14h13, Monsieur [J] [V], agissant en qualité de RSI GEPROCOR, a été informé par mail de Monsieur [Z] [E], Responsable Architecture du SI Agromousquetaires, que l’antivirus SEP administré par Monsieur [A] [D], DEDSI Urbanisation Agromousquetaires, venait de détecter une tentative d’infraction d’une machine du réseau GEPROCOR de Guérande.
L’événement s’est déroulé le 2 février 2018 à 9h21 et a été identifié par Monsieur [A] [D] comme étant une tentative d’installation d’un ‘keylogger’ sur un lecteur J, certainement via clé USB.
Il a demandé à Monsieur [G] [U], Administrateur systèmes et réseaux Agromousquetaires, et à Monsieur [M] [T], Responsable de la sécurité du Système d’Information Agromousquetaires, d’identifier la cause de cette tentative car le risque de conséquences dommageables sur le réseau du Groupe devait être considéré comme élevé.
Or, il se trouve que vous avez été identifié, via votre numéro d’user, comme étant la cause de cette tentative d’infection. Lorsque Monsieur [G] [U] à pris contact avec vous sur le sujet, vous n’avez pas nié les faits et avez indiqué faire des tests permettant de vérifier l’efficacité de l’antivirus contre le fichier infecté. Monsieur [G] [U] vous a alors précisé que vous devriez impérativement l’informer avant tout test de cette nature et surtout, ne pas utiliser de vrais virus, cela ne relevant en aucun cas de vos fonctions.
Monsieur [J] [V] a ensuite été informé de la situation et de vos réponses. Il a bien précisé que vous n’aviez reçu aucune consigne de sa part d’effectuer ce type de test.
Ainsi, par cet acte délibéré, qui, d’une part, ne relève en rien de vos responsabilités, tel que cela ressort de votre fiche de fonction que vous avez au demeurant signée lors de votre embauche et, d’autre part, qui démontre que vous avez volontairement enfreint les dispositions de la charte informatique de la Société que vous avez également signée, vous avez failli mettre à mal l’ensemble du réseau informatique de GEPROCOR ainsi que celui du Groupement des Mousquetaires.
Il s’agit d’une faute d’une particulière gravité que nous ne pouvons tolérer au regard du poste que vous occupez et de votre niveau d’expérience et d’expertise.
– Votre attitude négative dans les relations de travail :
L’événement sus évoqué s’inscrit par ailleurs dans un environnement professionnel déjà difficile.
En effet, ces derniers temps, nous avons à plusieurs reprises pu constater votre attitude négative:
– Dans votre mail du 19 février 2018 adressé à [J] [V], vous suggérez que vous ne connaissez pas le périmètre de votre champ d’action ;
– Dans votre mail du 21 février 2018 adressé à [B] [R], Gestionnaire RH, vous listez tous vos jours de CP et de RTT à poser comme étant un droit acquis et non pas une demande à valider au préalable auprès de votre responsable hiérarchique. Cela ne fait que démontrer votre absence totale de préoccupation quant à la continuité du service que le Service informatique se doit d’assurer en toutes circonstances.
– Votre tentative de suppression de dossier de nature professionnelle :
Enfin, nous déplorons votre attitude au moment de la remise de votre convocation à votre entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire. Vous vous êtes effectivement rendu à votre poste de travail pour récupérer vos effets personnels avant de quitter les locaux et avez tenté par la même occasion, d’intervenir sur votre ordinateur professionnel afin de ‘supprimer un certain nombre de choses’ selon vos propres dires. Face à votre refus de vous éloigner de votre ordinateur, nous avons été contraints d’intervenir et de débrancher le câble réseau de cet ordinateur pour vous contraindre à stopper vos manipulations.
Quelques minutes après votre départ, les prestataire (Monsieur [J] [W] de la Société ABACADIS), qui portait assistance pour la sécurisation des systèmes d’information de GEPROCOR, a examiné l’ordinateur en question et a constaté que vous aviez tenté d’accéder à un espace de stockage de données situé sur la machine de la Responsable ADV ( Mme [F] [X]) que vous aviez ‘partagé’ pour vous-même.
Nous n’y avons pas accédé mais quelques minutes plus tard, cet espace ainsi que toutes les traces de son contenu avait été effacés sans qu’il ne soit possible de savoir s’il s’agissait de données personnelles ou professionnelles. À nouveau, il s’agit d’une action clairement délibérée de votre part en violation de toutes les procédures internes.
Cette conduite intolérable pour un salarié occupant le poste d’informaticien s’avère fortement préjudiciable aux intérêts de notre Société mais aussi à ceux du Groupe auquel elle appartient et a définitivement altéré le lien de confiance devant nécessairement exister entre l’entreprise et le salarié occupant un tel poste.
Aussi, et compte tenu de l’ensemble des éléments susmentionnés, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Nous vous rappelons que vous avez fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire depuis le 26 février dernier, période qui vous sera rémunérée. ‘
Sur le premier grief : l’introduction d’un virus (logiciel keylogger) sur le réseau de la société
L’employeur reproche à M. [L] d’avoir outrepassé ses responsabilités et enfreint les dispositions de la charte informatique de la Société en introduisant un keylogger ayant failli compromettre la sécurité du réseau informatique de la société, voire du Groupement. Il fait valoir que le keylogger ayant été installé sur un ordinateur appartenant au service Administration des ventes, l’intention de M. [L] était d’accéder à des informations confidentielles.
Pour confirmation du jugement, M. [L] soutient que le keylogger a été branché pour prévenir de l’utilisation de son ordinateur par un tiers. Il ajoute que le keylogger était insusceptible d’endommager le réseau et que l’installation du keylogger n’est qu’une ‘simple tentative’ et non une introduction d’un virus sur le réseau de la société GEPROCOR. Enfin, il fait valoir que l’appelant reconnaît qu’aucun dommage n’a été constaté sur le réseau.
La SAM GEPROCOR produit au soutien de son argumentation :
– La fiche de poste de M. [L] dans laquelle il est indiqué que le salarié a pour mission d’assurer la mise en place des infrastructures, logiciels et matériels nécessaires, d’effectuer la maintenance et la vérification du système d’information et aussi de proposer les solutions d’infrastructures et de programmation nécessaires. (pièce n°4)
– Des échanges de courriels entre le Responsable de la sécurité du système informatique du Groupe, le Directeur des systèmes informatiques du Groupe et M. [V], responsable hiérarchique de M. [L]. (pièces n°5 et n°6)
– La charte d’utilisation des ressources informatiques de GEPROCOR applicable à compter du 1er janvier 2008 et signé par les salariés de la société, dont M. [L]. (pièce n°11)
– Des attestations de M. [U], administrateur systèmes et réseau, et de M. [N], Directeur général, indiquant que M. [L] a volontairement installé un keylogger sans que son supérieur, M. [V], lui demande d’effectuer des tests. (pièces n°19 et n°20)
– L’état des lieux du parc informatique de la société identifiant l’ordinateur sur lequel a été installé le keylogger comme un ordinateur appartenant au Service administration des ventes. (pièce n°23)
M. [L] produit uniquement le courrier lui notifiant son licenciement daté du 19 mars 2018 dans lequel la société GEPROCOR qualifie les faits du 02 février 2018 comme ‘une tentative d’installation d’un keylogger sur un lecteur J, certainement via une clé USB’. (pièce n°10)
En l’espèce, l’utilisation du matériel informatique mis à la disposition des salariés est régie par une charte informatique dûment signée par M. [L]. L’article 6 de cette charge prévoit des mesures de sécurité et notamment que l’utilisateur ne doit ‘jamais installer d’applications extérieures même achetées dans le commerce sans une validation formelle du responsable informatique local’.
M. [L], en sa qualité d’informaticien, ne pouvait ignorer les risques encourus en installant un keylogger sur un ordinateur professionnel et pouvant affecter l’ensemble du réseau informatique du Groupe et ce, sans prévenir son responsable hiérarchique.
Le conseil de prud’hommes de Saint-Nazaire a considéré que M. [L] a installé le keylogger sur son seul poste de travail de sorte qu’il n’était pas destiné à capter d’autres informations que celles tapées à partir du poste attribué. Or, cette installation est d’une part, contraire à la charte d’utilisation des ressources informatiques de la société GEPROCOR et d’autre part, détectée sur un poste détenu par un usager du Service administration des ventes et relié à une adresse IP différente de celle de M. [L].
Il résulte de ce qui précède que la faute de M. [L] est caractérisée et suffisamment sérieuse pour justifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Dès lors, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la faute de M. [L] était caractérisée mais n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en jugeant que le manquement reproché à M. [L] n’était pas suffisamment sérieux pour justifier à lui seul son licenciement.
Sur le second grief : l’attitude négative dans les relations de travail
L’employeur affirme qu’il devait rappeler à M. [L] d’effectuer ses tâches, ce dernier refusant de suivre les instructions de sa hiérarchie.
La SAM GEPROCOR reproche également au salarié d’avoir imposé l’ensemble de ses congés et RTT sans procéder à une vérification préalable par son responsable, outrepassant ainsi la procédure interne nécessitant une validation préalable de son responsable hiérarchique.
La Société indique que M. [L] refusait de considérer M. [V] comme son supérieur hiérarchique et que son comportement constitue une insubordination fautive.
La Société GEPROCOR produit en ce sens :
– Un courriel du 19 février 2018 de M. [V] adressé à M. [L] lui indiquant que l’employeur attend qu’il exécute les travaux demandés dans le cadre de son contrat de travail (pièce n°12),
– Une attestation de M. [V] indiquant qu’à son embauche en 2017, M. [L] lui aurait affirmé qu’il ne pouvait pas être son responsable puisqu’il était diplômé d’un Bac +2 tandis que M. [L] avait un Bac +6 (pièce n°15),
– Un courriel du 21 février 2018 de M. [L] demandant à la responsable ressources humaines d’inscrire des congés et RTT (pièce n°7).
M. [L] fait valoir que suite au recrutement de M. [V], il était légitime qu’il s’interroge sur la répartition de ses tâches avec celui-ci ; or sa hiérarchie l’a invité à se rapprocher de M. [V] afin de s’organiser.
S’agissant de ses dates de congés et RTT, M. [L] indique que cela n’a eu aucun effet sur la gestion des ressources humaines. Il produit en ce sens des échanges de courriels datant de février 2018 dans lesquels il sollicite de M. [N], directeur de la société, de délimiter les tâches effectués incombant désormais à M. [V] (pièce n°12).
Il résulte de ce qui précède que dans la lettre de licenciement du 19 mars 2018 la société GEPROCOR reproche à M. [L] une attitude négative manifestée par son interrogation quant au périmètre de son champ d’action. M. [V] atteste que M. [L] refusait de le considérer comme son supérieur hiérarchique, néanmoins il reconnaît que leur collaboration était cordiale.
Dès lors, les pièces versées aux débats ne permettent pas d’établir des difficultés relationnelles entre M. [L] et son responsable hiérarchique et ne révèlent ni insubordination fautive, ni refus du salarié d’effectuer ses tâches.
En ce qui concerne les jours de congés payés et de RTT à poser, le mail adressé à la responsable ressources humaines ne permet pas de démontrer une ‘absence totale de préoccupation quant à la continuité du service’ comme le prétend la Société GEPROCOR dans la lettre de licenciement.
Le seul fait de poser des jours de congés et RTT directement auprès du service ressources humaines est certes, non conforme à la procédure interne, mais ne constitue pas une faute disciplinaire privant l’employeur de son pouvoir de direction.
Dès lors, ce grief n’est pas davantage établi. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a jugé que le second grief tiré de l’attitude négative n’est pas fondé.
Sur le troisième grief : la tentative de supprimer de données professionnelles
La société GEPROCOR reproche à M. [L] d’avoir, le jour de sa convocation à l’entretien préalable au licenciement, supprimé des données de son ordinateur nonobstant les ordres de son supérieur lui intimant d’arrêter, de sorte que ce dernier a débranché le câble réseau.
Elle affirme que M. [L] a tenté d’accéder à un espace de stockage de données situé sur la machine de la responsable du service Administration des ventes et que cet espace de stockage a été supprimé, sans qu’il ne soit possible d’y accéder. Elle considère que les données stockées sur cet espace et supprimées par M. [L] étaient des données professionnelles, en ce qu’il est peu probable que le salarié ait stocké des données personnelles sur un ordinateur qui n’était pas le sien.
L’employeur produit en ce sens :
– Un constat d’huissier du 26 février 2018 attestant qu’après remise de la convocation à un entretien préalable au licenciement, M. [L] a déclaré vouloir supprimer certains éléments lorsque son supérieur, M. [N], lui a intimé de cesser toute manipulation informatique, (pièce n°22)
– La facture du prestataire ABACADIS du 30 mars 2018 indiquant une intervention de sécurisation du réseau suite au départ de M. [L] et une intervention de récupération des données. (pièce n°13)
M. [L] fait valoir qu’aucune pièce ne vient étayer ces faits et que l’employeur n’a pas réussi à accéder à l’espace de stockage situé sur l’ordinateur de la responsable des ventes. De plus, il indique que l’employeur reconnaît ne pas être en mesure d’indiquer s’il s’agissait de données personnelles ou professionnelles.
Si M. [L] ne conteste pas avoir supprimé des données sur son ordinateur professionnel ainsi que sur l’espace de stockage situé sur l’ordinateur de la responsable des ventes, aucun élément n’est versé aux débats afin de déterminer la nature personnelles ou professionnelles des données.
De plus, la société GEPROCOR n’a subi aucun dommage et reconnaît dans la lettre de licenciement datée du 19 mars 2018 qu’il n’est pas possible de déterminer la nature des données effacées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a considéré que le troisième grief de tentative de suppression de dossiers de nature professionnelle n’est pas fondé.
Sur les conséquences financières
Le licenciement de M. [L] reposant sur une cause réelle et sérieuse, il n’y a pas lieu d’allouer à M. [L] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la SAM GEPROCOR à verser à M. [L] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [L], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens. Le jugement sera infirmé à ce titre.
Condamné aux dépens, M. [L] sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera infirmé à ce titre.
L’équité commande en revanche de le condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à la société GEPROCOR une indemnité d’un montant de 1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de M. [P] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE M. [P] [L] à verser à la SAM GEPROCOR la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [P] [L] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT empêché,
Ph. BELLOIR, Conseiller