Informations confidentielles : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00956

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Informations confidentielles : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/00956
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 18 OCTOBRE 2023

N° RG 23/00956 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NEJJ

Monsieur [H] [R]

c/

S.A.S. ASEPT INMED

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

à

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 7 février 2019 (R.G. N°F17/00964) par le conseil de prud’hommes de Toulouse – Formation paritaire , Section Encadrement – après arrêt de la Cour de cassation rendu le 9 novembre 2022 cassant partiellement l’arrêt de la cour d’appel ed Toulouse du 7 mai 2021, suivant déclaration de saisine du 16 février 2023 de la cour d’appel de Bordeaux, désignée cour de renvoi,

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [H] [R]

né le 13 Février 1973 à [Localité 5] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Coralie LABARRIERE de la SELARL HORAE, avocat au barreau de BORDEAUX, assisté de Me Laure LAGORCE-BILLIAUD de la SELARL LAGORCE & BILLIAUD AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

S.A.S. ASEPT INMED prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]/ France

représentée par Me Stéphanie OGEZ de la SELARL SO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 juillet 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d’instruire l’affaire, et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [R], né en 1973, a été engagé par la société Asept Inmed en qualité de délégué hospitalier par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 décembre 2007.

Le 12 janvier 2016, il a été victime d’un accident du travail pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de la législation professionnelle par décision du 16 avril 2016.

Par lettre du 13 janvier 2016, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 26 janvier 2016.

M. [R] a été licencié pour faute grave par lettre du 5 février 2016.

Contestant son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse qui, par jugement rendu le 7 février 2019, a dit que le licenciement reposait sur une faute grave, débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Par arrêt en date du 7 mai 2021, la cour d’appel de Toulouse a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse dans toutes ses dispositions et a :

– prononcé la nullité du licenciement comme intervenu en période de suspension du contrat consécutive à un accident du travail et non justifié par une faute grave,

– condamné la société Asept Inmed à payer à M. [R] les sommes suivantes

* 25.518,69 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 2.551,86 euros bruts pour les congés payés afférents,

* 21.486,74 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement,

* 51.038 euros bruts correspondant à 6 mois de salaire à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité de la convention de forfait en jours,

* 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– débouté M. [R] du surplus de ses demandes,

– condamné la société aux dépens.

Par arrêt en date du 9 novembre 2022, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse sauf en ce qu’il déboute M. [R] de sa demande en réparation du préjudice né du caractère vexatoire du licenciement et renvoyé les parties devant la présente cour.

Dans ses dernières conclusions adressées le 20 juin 2023, M. [R] demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Toulouse en ce qu’il l’a débouté de ses demandes et condamné à payer à la société la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens et de :

– juger à titre principal que son Iicenciement est nul,

– juger à titre subsidiaire que son Iicenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société au paiement des sommes suivantes :

* 102.075 euros correspondant aux douze derniers mois de salaire au titre du préjudice subi,

* 21.486,74 euros au titre de l’indemnité de Iicenciement,

* 25.518,69 euros au titre de l’indemnité de préavis outre Ia somme de 2.551,86 euros au titre des congés payés afférents,

– juger que la convention de forfait jours est nulle et condamner la société au titre de la nullité du forfait jour et au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel le paiement de la somme de 25.518,69 euros,

– condamner la société ASEPT INMED au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées le 20 juin 2023, la société demande à la cour de la recevoir et déclarer bien fondée en ses écritures, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 7 février 2019, de débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes et de :

Sur le licenciement,

– juger que le licenciement notifié à M. [R] est valable en raison de l’absence de cause de nullité et qu’il repose à bon droit sur une faute grave privatif des indemnités de rupture,

– juger que M. [R] ne rapporte pas la preuve des préjudices subis,

– le débouter de ses demandes au titre des indemnités de rupture, indemnité de licenciement et de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou à défaut abusif,

Sur la convention de forfait,

A titre principal, juger que le forfait annuel en jours est valable et ne doit pas être annulé,

A titre subsidiaire :

– juger qu’il n’y a eu aucun dépassement du forfait annuel en jours,

– juger qu’il n’y a aucun préjudice,

– rejeter la demande indemnitaire formulée,

En tout état de cause, débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel, condamner M. [R] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

le licenciement

M. [R] fait valoir, qu’étant placé en arrêt de travail suite à un accident du travail, il ne pouvait être licencié que pour faute grave; qu’en réalité, l’employeur a rompu son contrat de travail parce qu’il l’avait interrogé sur les objectifs fixés pour l’année 2016 et la diminution de sa rémunération variable.

La société répond que la gravité des fautes reprochées et établies révèle la déloyauté du salarié qui avait informé des tiers de son prochain départ de l’entreprise.

Aux termes des dispositions de l’ article L.1226-13 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail qu’il s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’ accident du travail ou la maladie.

En vertu des dispositions de l’ article L.1226-13 du code du travail, toute rupture du contrat de travail prononcée en violation des dispositions sus visées est nulle.

Les manquements motivant le licenciement seront successivement examinés.

a- ‘ le 7 janvier dernier, nous vous avons adressé un mail pour vous demander de détruire un fichier contenant des informations confidentielles et particulièrement sensibles pour notre société, qui vous avait (ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe commerciale) été transmis par erreur. Nous vous demandions de détruire le fichier ainsi que toutes éventuelles copies et de nous transmettre avant le 8 janvier 16h00 une attestation sur l’honneur confirmant la destruction du fichier. Une relance vous a été adressée le 8 janvier à la mi -journée. Nous vous alertions ainsi sur le caractère extrêmement confidentiel de ce fichier et sur l’importance que vous accordions à sa destruction et à la loyauté de nos délégués. Nous n’avons pu que constater votre refus de nous transmettre cette attestation alors même que vous aviez eu connaissance de ce message, de la relance, et que vous aviez par ailleurs continué à communiquer avec l’ entreprise sur d’autres sujets. De plus, vous êtes le seul à avoir ainsi refusé de transmettre cette attestation dans les temps impartis. Cette omission est de toute évidence volontaire. Ce n’est qu’après avoir reçu votre convocation à l’ entretien préalable que vous avez daigné nous retourner cette attestation sans fournir aucun justificatif quant à ce retard’.

M. [R] fait valoir qu’il a détruit le message – dont le caractère confidentiel n’est pas établi- dès le vendredi 8 janvier 2016 et qu’il a seulement tardé à transmettre l’attestation qui lui avait été réclamée le même jour à 16 heures sans qu’il y prête attention, précision faite qu’il a été victime d’un accident du travail le mardi 12 janvier. Il estime que la sanction serait disproportionnée, plusieurs autres salariés, eux aussi retardataires, n’ayant pas été sanctionnés. Il souligne que ce ficher ne fait pas partie des mails qu’il a transférés de sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle les 18 et 22 janvier 2016.

La société répond que le fichier en question comportait des informations ( notamment les gammes de produits, les tarifs) de grand intérêt pour les entreprises concurrentes se positionnant sur les mêmes appels d’offres et qu’elles étaient réservées aux seuls membres du comité de direction . Elle ajoute que M. [R] a été le seul à transmettre l’attestation sollicitée plusieurs jours plus tard, soit le 15 janvier, alors qu’il avait échangé au cours de cette période avec la direction au sujet de l’accident survenu le 12 janvier.

Les pièces produites établissent que :

– par message électronique daté du 7 janvier 2016 à 16h36, qualifié de’ haute importance’, il a été demandé à des salariés- dont M. [R] – de supprimer un fichier comportant des informations confidentielles transmis le 8 décembre précédent, qui ne leur était pas destiné, et de transmettre une attestation sur l’honneur pré-remplie confirmant cette action, avant le lendemain vendredi à 16 h ;

– M. [R] a lu ce message le lendemain vendredi 8 janvier 2016 à 9h12 (pièce 84 intimée),

– M. [R] a été relancé, comme certains de ces collègues, par mail du directeur administratif et financier du même jour à 15h15, exigeant un retour de l’attestation avant 16 heures sous peine d’envoi d’une lettre recommandée qui prendrait acte du refus du salarié; M. [R] ne dit pas l’avoir lu avec retard, mais indique n’y avoir pas prêté attention;

-tous les autres salariés ont retourné ce document sans délai à l’exception de M. [B] (qui l’a envoyé par la poste en lettre recommandée dés le 8 janvier) et M. [R];

– M. [R] a déclaré un arrêt de travail le mardi 12 janvier, 2016 et transmis l’attestation par voie postale le 15 janvier en même temps que son arrêt de travail ;

La cour constate que M. [R] a renseigné la dite attestation sans émettre de réserve quant au caractère confidentiel des informations contenues dans le message transmis par erreur et dont M. [D] atteste que ‘ ce fichier est une véritable mine d’or pour un concurrent. En effet, cela lui permettait de savoir instantanément où sont les grands potentiels ( et moins gros), quels sont les prix que nous pratiquons pour chacun de ces clients et cela sur tout le territoire français. C’est la raison pour laquelle nous ne donnons jamais un accès complet aux fichiers à nos délégués’. Enfin, Mme [E], dont M. [R] dit qu’elle avait aussi reçu le fichier sans qu’on lui demande de le détruire, était responsable qualité des affaires réglementaires et non pas déléguée commerciale et participait à la revue de direction; la connaissance qu’elle avait des informations est ici inopérant.

Il n’est pas reproché à M. [R] de n’avoir pas supprimé le message.

La société n’a pas envoyé à M. [R] la lettre recommandée évoquée dans le mail du 8 janvier 2016 et qui aurait acté de son refus de transmettre la dite attestation.

Le retard de M. [R] à transmettre l’attestation sollicitée le 15 janvier 2016 alors qu’ il était placé en arrêt de travail le mardi 12 janvier et que les 9 et 10 janvier correspondaient à un week- end, n’établit pas l’omission volontaire mentionnée dans la lettre de licenciement.

b- ‘ à l’occasion de ces faits, nous avons été amenés à effectuer le 15 et 22 janvier 2016 des vérifications sur votre messagerie professionnelle. C’est alors que vous avons découvert avec stupéfaction que vous transfériez quasi systématiquement des mails professionnels sur des messageries personnelles. Le fichier cité ci- dessus faisait également partie de ces envois. En dernier lieu, le lundi 18 janvier 2016, entre 11h45 et 19h28, vous avez effectué un transfert en masse de 256 mails professionnels’.

M. [R] fait valoir :

-qu’un salarié peut s’approprier des documents appartenant à l’ entreprise lorsqu’ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans un litige l’opposant à son employeur et que les transferts n’ont pas eu lieu dans le but de nuire à ce dernier,

– que sa collègue, Mme [N], a été licenciée pour des motifs fallacieux le 12 janvier 2016 et, qu’ignorant les manquement que la société pourrait lui reprocher, il a transféré sur sa messagerie personnelle, le 18 janvier, des messagers non confidentiels, pour anticiper les éventuels griefs de la société, ce transfert étant postérieur à sa convocation à l’entretien préalable.

La société répond que le message transmis par erreur le 8 décembre 2015, sus visé, a été transféré dès le 9 décembre 2015 sur la messagerie personnelle du salarié et que les autres messages ont été transférés avant l’entretien préalable et découverts avant la date de celui-ci. Elle fait valoir que la stricte nécessité de ces transfert n’est pas établie dès lors, notamment, que M. [R] ne les avaient pas produits ‘ en première intention’ et qu’il souhaitait détenir des éléments utiles à sa prochaine activité.

Le transfert des messages a été découvert après la convocation à l’entretien préalable en date du 13 janvier 2016 mais avant la date à laquelle l’entretien préalable était fixée, soit le 26 janvier 2016, de sorte qu’aucune nouvelle convocation n’était nécessaire.

Les documents professionnels reçus par un salarié dans sa messagerie professionnelle ne peuvent être transférés sur sa boîte personnelle que s’ ils sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense dans le litige qui l’oppose à son employeur à l’occasion du licenciement. Il revient au salarié de l’établir.

Le message sus visé reçu par M. [R] le 8 décembre 2015 a été transmis par lui dans sa messagerie personnelle dès le 9 décembre 2015, soit avant l’engagement de la procédure de licenciement.

Des pièces produites, il résulte que :

– Mme [N], déléguée commerciale, s’étant opposée aux objectifs fixés pour l’année 2015, a été convoquée à un entretien préalable fixé le 6 janvier 2016 et licenciée le 12 janvier suivant ; le conseil des prud’hommes a estimé son licenciement non fondé;

– le 13 décembre 2015, M. [R] s’est opposé aux nouveaux objectifs fixés pour l’année 2016 ;

– un avertissement a été notifié à M. [R] le 22 décembre 2015 motif pris d’une mauvaise communication avec la direction et les salariés de l’entreprise ; M. [R] a contesté cette sanction ;

– le 12 janvier 2016, dans l’ après – midi, M. [R] a été victime d’un accident du travail et placé en arrêt de travail ;

– par lettre datée du 13 janvier 2016, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 26 janvier suivant; le salarié ne s’y présentera pas ;

– M. [R] a été licencié le 5 février 2016 aux motifs, notamment, du transfert massif de messages professionnels sur sa messagerie personnelle;

– la réalité des transferts de messages professionnels sur une messagerie personnelle n’est pas contestée. La société verse tant le procès- verbal dressé par huissier de justice le 22 janvier que la capture d’écran des éléments transférés les 18 et 22 janvier 2016; le mail reçu le 7 décembre 2015 a été transféré par M. [R] dès le 9 janvier suivant.

M. [R] produit d’une part, les mails transférés imprimés – pièce 40- et d’autre part, un tableau les regroupant par objet de leur contenu :

– les mails 1 à 49 sont relatifs aux trajets effectués par M. [R] dans le cadre de son travail (horaires et réservations de billets d’avion) ; M. [R] dit qu’il voulait pouvoir répondre à toute attaque sur ses déplacements et sur les frais en résultant et démontrer la parfaite exécution de ses fonctions. La cour constate qu’aucun reproche n’avait été fait à M. [R] au sujet de ses déplacements ; les documents en cause n’étaient pas strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans le litige l’opposant à l’employeur à l’occasion de son licenciement ;

– les mails 50 à 101 sont relatifs à la qualité des produits notamment après remontée de clients ; M. [R] dit qu’il voulait pouvoir justifier de ces démarches et de pertes de marchés. L’entretien d’évaluation de l’année 2014 mentionne, au titre des difficultés rencontrées, des problèmes qualité sur PAB qui ont coûté au minimum 38 000 euros. En l’absence d’autre document relatif aux problèmes de qualité des produits vendus par M. [R], ces messages étaient strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense ;

– les mails 102 à 120 sont relatifs à des problèmes d’informatiques ; M. [R] dit avoir voulu répondre à un reproche d’absence ou de retard de réponse à des messages ; la cour ne lit pas de reproche antérieur de l’employeur à ce sujet;

– les mails 121 à 149 sont relatifs à des arrêts de travail, à des départs et recrutements de salariés ; M. [R] dit avoir voulu démontrer le turn over dans l’entreprise ; la cour note que la production du registre du personnel et d’organigrammes pouvaient l’ établir et que ces pièces n’étaient pas strictement nécessaires dans le litige relatif au licenciement;

– les mails 150 à 187 sont un message portant sur la réduction de sa prime qualité et des échanges de messages entre M. [R] et ses supérieurs hiérarchiques messieurs [D] et [U] ; M. [R] dit avoir voulu démontrer ses remontées d’informations décisives dans les conclusions de marché et la pratique courante des retenues injustifiées sur les primes qualité ; la cour constate que certains messages ont été transférés par M. [R] avant (exemple 15 janvier 2015) sa convocation à l’entretien préalable et n’étaient pas strictement nécessaires à l’exercice des droits à la défense dans le cadre d’un litige relatif à son licenciement survenu un an plus tard ;

– les mails 188 à 211 émanent de M. [S] et Mme [Y] transmis à tous les salariés (décès brutal d’un collègue, nouveau règlement intérieur, congés payés, dates de formation, trames des frais; réunions des délégués du personnel, bons résultats de l’ entreprise, planification des entretiens annuels des salariés) ; à l’exception du règlement intérieur invoqué par l’employeur dans le cadre de cette procédure, ces mails ne sont pas en lien avec la seule activité professionnelle de M. [R] et le règlement intérieur notamment pouvait être produit par la société dans le cadre de la procédure ;

– les mails 212 à 232 : M. [R] dit les avoir transférés pour démontrer les problèmes relatifs à la fixation des objectifs de l’année 2016, et aux problèmes des revendeurs empiétant sur les marchés des commerciaux avec l’aval de la société, aux retenues arbitraires pour consommation d’essence excessive ;

* aux termes du message 212 en date du 20 février 2014, il est demandé aux salariés de n’utiliser, à compter du 1er mars 2014, que le compte mail ‘aseptinmed.fr , les anciennes adresses mails étant ‘black listées ‘ ; ce message est strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’un litige portant sur le licenciement dès lors qu’un des manquements inscrits dans la lettre de licenciement porte sur le défaut de respect de cette consigne dont M. [R] affirme qu’elle n’était pas respectée ;

* les autres messages concernent les objectifs de M. [R] au titre de l’année 2015 et étaient strictement nécessaires dès lors qu’ils intéressent la préoccupation réitérée du salarié au sujet de la fixation des objectifs dont il dit qu’elle est à l’origine de l’engagement de la procédure de licenciement ;

* la consommation d’essence par les salariés n’est pas évoquée dans l’évaluation de M. [R] auquel aucun reproche n’a été fait à ce sujet ;

Certains de ces mails étaient strictement nécessaires à l’exercice aux droits de la défense du salarié ;

– les mails 233 à 262 sont hétéroclites : M. [R] demande des informations à son supérieur notamment pour contrer l’avancée d’une société concurrente. Ils veulent établir l’engagement de M. [R] auquel il est reproché de n’avoir pas travaillé avant son accident du travail ;

Selon la société, M. [R] n’aurait pas répertorié des messages non strictement nécessaires à sa défense ; il en aurait omis 62 ; elle produit des captures d’écran et des messages dont le contenu ne traduit pas, comme affirmé par la société, qu’ils étaient utiles pour la future activité de M. [R] après son départ de l’ entreprise ; M. [R] dit cependant qu’il n’avait pas besoin de transférer des informations sur sa messagerie personnelle puisqu’elles étaient accessibles sur un site web de la société ; ils n’étaient donc pas strictement nécessaires ;

De ces constatations, il résulte que :

– avant tout engagement de la procédure de licenciement ou de divergences relatives aux objectifs 2016, M. [R] a opéré régulièrement des transferts de messages, que ce soit celui du 7 décembre 2015 que ceux transférés en 2015;

– le 18 janvier 2016, il a transféré un grand nombre de messages dont un certain nombre n’étaient pas strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans le litige qui l’opposait à l’employeur à l’occasion de son licenciement,

– cependant, la lettre de convocation de M. [R] à l’entretien préalable ne comporte aucune indication susceptible d’éclairer le salarié sur la nature des griefs qui motiveront son licenciement.

c- ces vérifications ont conduit au constat que vous utilisez le nom de la société sans aucune autorisation dans une adresse mail personnelle ( merlin.asepinmedyahoo.fr) dont vous vous servez pour les échanges avec les clients, ce que vous avez toujours dissimulé à votre hiérarchie et ce malgré l’existence d’une messagerie professionnelle et l’interdiction formelle d’utiliser toute autre messagerie dans notre Charte de bon usage des ressources informatiques… pour laquelle vous avez signé un engagement personnel le 21 décembre 2012. Dans son mail du 20 février 2014, votre responsable hiérarchique, M. [J] [D] vous avait également rappelé à plusieurs reprises l’instruction d’utiliser uniquement votre boîte professionnelle’.

M. [R] rappelle le délai de prescription de deux mois et souligne que la direction ne verse à dessein que les utilisations postérieures au 23 novembre 2015 ; il ajoute que ces adresses mails (yahoo ou gmail) avaient été crées à la demande de la société, qu’il a continué à éditer des cartes de visite mentionnant cette adresse de contact sans en dissimuler l’usage ; selon lui, postérieurement au message daté de février 2014, la direction connaissait l’utilisation de cette adresse mail et n’a émis aucun rappel de cette nouvelle règle avant le 22 janvier 2016 envoyé à tous les salariés, ce qui indique bien que d’autres collègues continuaient à s’en servir; son bulletin de paye du mois de mars 2014 lui aurait été transmis à cette adresse, la directrice des ressources humaines, MM [U] et [D] ayant même utilisé leur propre adresse free fr. La charte de bon usage des ressources informatiques ne lui est pas opposable et son contrat de travail interdit la divulgation d’information à des tiers.

La société répond qu’elle avait autorisé la création d’adresses mail personnelles (merlin.asaptinmed.Yahoo.fr) jusqu’au message du 20 février 2014 ne tolérant plus que l’adresse’aspetinmed.fr’ que tous les autres commerciaux employaient, que M. [R] utilisait tant cette dernière adresse que la précédente, méconnaissant la Charte Informatique qu’il a signée.

Aux termes de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au- delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

La société produit des messages postérieurs au 23 novembre 2015 soit dans le délai de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable et l’appréciation de la gravité d’une faute peut prendre en considération la réitération de faits identiques.

Il n’est pas contesté qu’avant même l’embauche de M. [R], les salariés ont été autorisés à créer une adresse mail personnelle comportant à la fois leur nom et la dénomination de la société.

Par mail du 20 février 2014, transmis aux commerciaux, la société a demandé aux salariés de ne plus utiliser cette adresse personnelle/ professionnelle et de transmettre une adresse strictement professionnelle (xaseptinmed.fr) aux clients.

Mme [N] atteste qu’elle a continué à utiliser son adresse perso/ professionnelle jusqu’à son licenciement intervenu en janvier 2016.

Plusieurs mails sont produits émanant de cette ancienne adresse, qui établissent que M. [R] ne l’utilisait pas de manière dissimulée.

La Charte informatique signée par M. [R] le 21 décembre 2012, relative à la confidentialité des informations, prohibe la transmission des informations à des tiers non autorisés mais la société ne produit pas une Charte postérieure au mail du 20 février 2014.

Le contrat de travail de M. [R] mentionne l’ interdiction de divulgation à des tiers. La méconnaissance de cette injonction n’est ici pas démontrée.

Le message adressé par le directeur le 20 février 2014 de sa messagerie perso/ professionnelle est très antérieur à l’interdiction posée; le bulletin de paye transmis sur la messagerie personnelle est celui du mois de mars 2014 de la directrice des ressources humaines. Ils ne traduisent pas l’utilisation par ces derniers de leur précédente adresse mail.

Cependant, M. [R] a utilisé à de nombreuses reprises, y compris à destination de ses supérieurs, son adresse double sans jamais recevoir d’ observation de la part de ceux-ci.

Dans ces conditions, le manquement fautif n’est pas établi.

d- ‘ c’est alors que nous avons découvert une utilisation abusive de votre téléphone professionnel tout au long de l’année 2015 et notamment sur la période du 9 décembre 2015 au 8 janvier 2016. En particulier, nous avons constaté à la lecture des factures téléphoniques détaillées que vous êtes à plusieurs reprises entré en contact avec notre concurrent direct, la société ABS Bolton, puisque vous avez contacté à 11 reprises Mme [L] [X] entre le 9 janvier 2015 et le 8 janvier 2016, dont 5 appels au cours du dernier mois pour une durée de 48 minutes. Vous avez également passé de nombreux appels en direction de professionnels sans rapport avec notre activité, tels que la société Vexim, le mardi 5 janvier 2016, entreprise de dispositifs de santé orthopédiques, le laboratoire d’analyses Barbier les 9, 18 et 20 novembre 2015, un cabinet de kinésithérapeute le 1er décembre 2015, le Dr [K] , chirurgien orthopédique, contacté les 21 et 23 décembre 2015 … Il s’agit d’un détournement d’un outil professionnel, pendant le temps de travail , témoignant de la violation répétée de votre obligation de loyauté et d’exclusivité envers l’ entreprise’.

M. [R] fait valoir que son contrat de travail n’interdit pas l’utilisation personnelle du téléphone professionnel, que ces appels avaient une finalité professionnelle, qu’il a échangé avec une ancienne collègue au sujet d’un collègue et ami décédé et a joint – y étant incité par l’employeur – des salariés de la concurrence pour obtenir des informations sur la facturation.

La société répond qu’il n’est pas reproché à M. [R] une utilisation personnelle mais une utilisation abusive du téléphone mis à sa disposition, résultant de l’identité des personnes appelées ; que cette utilisation abusive est patente pendant la période précédant le licenciement ; que M. [R] a rejoint dès le mois de mars 2016 l’un des leaders mondiaux du marché de l’orthopédie ; que la déloyauté de M. [R] est avérée.

Le contrat de travail de M. [R] ne porte aucune mention relative à l’usage du téléphone professionnel. Il est exigé du salarié une obligation de garder secrètes les informations, techniques, de marketing, commerciales et financières.

La société verse en pièce 30 le listing d’appels sur la période du 9 novembre au 9 décembre 2015 et leurs destinataires dont certains- précisés ci – dessus:

– certains destinataires d’appels relèvent de la vie privée du salarié : particulier vertspress [A] [M], piscine Bessy, restaurant le Hide, Allianz, les jardins aquatiques de [Localité 6], canal plus sat, cabinet d’avocats, la Criée, Apple france, [R] [Z], [K] [I], [O] et [W]. L’ employeur qui souligne ne pas reprocher à M. [R] d’avoir utiliser son téléphone professionnel à des

fins personnelles ne peut lui reprocher ces appels. Ceux- ci ne constituent pas non plus une utilisation abusive pour cause d’appels trop nombreux ;

– aucun élément n’indique que les appels vers le laboratoire Barbier, un médecin radiologue, un cabinet médical multi spécialité, un chirurgien dentiste, un homéopathe aient un lien avec l’activité professionnelle de M. [R] ou avec une société concurrente ;

– le 9 décembre 2015, M. [R] a appelé la société Vexim pendant 71 secondes et il n’est pas établi que cette dernière soit une concurrente de la société employeur ;

-la société Stricker dont l’activité est le marché de l’orthopédie ne figure pas sur le listing et l’embauche de M. [R] par cette société en mars 2016 n’établit pas la déloyauté du salarié ;

– Mme [X], salariée de la société intimée jusqu’en 2014 et embauchée par la société concurrente ABS Bolton, atteste avoir évoqué plusieurs fois le décès d’un ancien salarié de la société intimée – binôme de la rédactrice – et que M. [R] et elle – même n’ont jamais ‘ échangé, donner voire vendu, ni lui ni moi, des informations confidentielles ou d’ordre général ou sur la politique commerciale engagée de nos sociétés respectives. Nos conversations étaient purement et strictement privées …. c’est dernièrement, mi décembre que j’ai remarqué lors de nos échanges téléphoniques que M. [R] devenait de plus en plus stressé, fatigué moralement, perturbé. Fortement inquiète pour lui et ne voulant pas revivre un nouveau drame, j’ai pris à coeur de l’épauler comme j’avais essayé de le faire avec [G] [T]’. Ainsi, les conversations téléphoniques entre les deux ex collègues avait un objet privé, leur nombre ( 5) sur la période d’un mois étant lié aux stress et à la fatigue présentés par M. [R] ; la déloyauté de ce dernier ne peut s’inférer de ces circonstances; en tout état de cause, la cour lit que M. [U], supérieur hiérarchique de M. [R] lui avait demandé- par mail daté du 30 octobre 2015- de se renseigner sur le prix appliqué par cette société concurrente sur un produit ( ‘ j’ai besoin de savoir combien il les vend’), et que plusieurs salariés attestent de la récurrence de ces demandes.

La société intimée, n’apporte, plus de six ans après le départ de M. [R], aucun élément étayant l’existence d’une action anticoncurrentielle, la lettre de licenciement indiquant pourtant que l’ employeur serait particulièrement vigilant à cet égard.

Ni l’utilisation abusive du téléphone professionnel ni la déloyauté de M. [R] ne sont ainsi démontrées.

e-‘ nous n’avons aucune trace d’activité au cours de la première semaine de l’année 2016. En effet, nous n’avons reçu sur cette période aucun appel de votre part, aucun compte rendu d’activité et votre agenda électronique n’est pas renseigné. La seule trace d’activité depuis le début du mois de janvier est celle de l’ accident du travail que vous avez déclaré le 12 janvier 2016, sans que nous ayons eu connaissance des raisons de votre présence chez ce client la clinique [4] à [Localité 3]. Nous ne pouvons que considérer que vous être en absence injustifiée sur cette période’.

M. [R] fait valoir qu’il a travaillé au cours de la semaine considérée, ajoutant que l’employeur n’a jamais contesté l’accident du travail.

La société répond qu’elle ne reproche pas à M. [R] de n’avoir pas travaillé au cours de cette période mais de n’avoir pas justifié de son activité.

À ce sujet, la cour constate que la lettre de licenciement mentionne le grief de l’abandon de poste qui ne peut résulter de la seule absence de rapport d’activité.

M. [R] verse en pièce 62, page 1, un planning de la période du 11 décembre 2015 au 8 janvier 2016 qui n’établit pas que les visites prévues ont été réalisées mais le tableau suivant liste les visites effectuées du 5 au 11 janvier 2016, le nom du client, de l’établissement et son adresse. Les pièces cotées 63 et 64 (mails, notes de restaurant, note de frais -non contestées par la société -)corroborent les visites effectuées, l’ employeur ne versant pas de pièce pour établir que ces clients n’ont pas été rencontrés.

Aux termes du contrat de travail de M. [R], la société devait être tenue au courant, chaque semaine, de son activité. M. [R] était placé en arrêt de travail le mardi 12 janvier et n’a pas repris le travail avant le licenciement; le grief de l’absence de transmission du rapport d’activité de la semaine précédente ne constitue pas un manquement fautif;

f- ces agissements traduisent une violation des règles de fonctionnement de l’entreprise et de vos engagements, mais également, et c’est bien plus grave, une déloyauté qui rendent impossible le maintien d’une relation de confiance.

Selon la société, M. [R] avait mis en place une stratégie globale en vue d’un départ de la société.

La cour a retenu que ni le retard dans le transmission de l’attestation sollicitée le 8 janvier 2016, ni l’utilisation d’une adresse mail personnelle / professionnelle, ni l’utilisation du téléphone professionnel ni enfin, le défaut de transmission de rapport d’activité, ne caractérisaient un manquement fautif.

Le seul transfert de mails professionnels sur la boîte personnelle ou double de M. [R] ne suffit pas, à lui seul, à établir la déloyauté de M. [R].

Aucun élément ne corrobore l’affirmation de la société selon laquelle son salarié aurait détourné des messages dans le but d’utiliser des informations au bénéfice d’une prochaine activité voire au bénéfice d’un concurrent de son employeur.

M. [R] a agi dans l’affolement et en état de stress antérieur à la survenance de son accident du travail – après sa convocation à l’ entretien préalable et dans l’ignorance des griefs qui motiveraient son licenciement, étant rappelé que certains mails étaient strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans le litige relatif à son licenciement.

M. [R] avait une ancienneté dans l’entreprise de dix années. Il n’est pas contesté que ses résultats dépassaient très nettement les objectifs fixés en dépit des problèmes de qualité des produits. À l’occasion de l’évaluation de son travail de l’année 2014, son supérieur hiérarchique faisait part du plaisir de travailler avec lui, de sa disponibilité et de sa motivation.

Aux termes d’un mail daté du 22 décembre 2015, un avertissement a été notifié à M. [R], motif pris d’un manque de correction dans ses échanges avec la direction. La société n’apporte aucune précision à ce titre. M. [R] l’a contesté en des termes qui ne sont pas discutés par l’ employeur qui souligne seulement la remise en cause récurrente par le salarié des objectifs à lui fixés alors que ces échanges sont étrangers à cette remise en cause.

Considération prise de ces éléments, M. [R] n’a pas commis de manquements dont la gravité empêchait son maintien dans l’entreprise et la rupture de son contrat de travail en cours d’ arrêt de travail consécutif à un accident du travail.

Le licenciement de M. [R] est nul.

les conséquences indemnitaires

Le préjudice causé à M. [R] doit être réparé à hauteur minimale des six derniers mois de salaire. M. [R] a retrouvé un emploi en mars 2016, moins rémunérateur que celui qu’il a perdu. La société sera condamnée à lui verser la somme de 53 000 euros.

les indemnités de rupture

Au regard d’un salaire mensuel moyen de 8 506,23 euros, la société devra verser à M. [R] :

– une indemnité de licenciement calculée conformément à la convention collective à hauteur de 21 486,74 euros;

– une indemnité compensatrice de préavis de 25 518,69 euros majorée des congés payés afférents (2 551,86 euros).

M. [R] fait valoir que sa participation aux résultats de l’entreprise devrait être arrêtée au 9 mai et non au 9 février 2016. Cependant, le dispositif de ses conclusions ne mentionne pas cette prétention et la cour n’en est pas saisie.

la convention de forfait jours

La cour d’appel de Toulouse a condamné la société au paiement d’une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice résultant de la nullité de la convention annuelle de forfait en jours.

L’arrêt a été cassé, motif pris que, dans le dispositif de ses dernières conclusions, le salarié se bornait à solliciter le paiement d’une somme au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel en jours.

Devant notre cour, M. [R] formule la demande suivante : ‘ juger que la convention de forfait jours de M. [R] est nulle et en conséquence, condamner la société Asept Inmed au titre de la nullité du forfait jours et au titre du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel le paiement de la somme de 25 518,69 euros ‘.

Le convention de forfait insérée dans le contrat de travail de M. [R] est ainsi rédigée :

‘ le délégué hospitalier reconnaît que ses horaires de travail ne peuvent être prédéterminés du fait de la nature de ses fonctions, du niveau de responsabilités qui est le sien, du degré d’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son emploi du temps.

Par conséquent, la gestion du temps de travail du délégué hospitalier sera effectuée en nombre de jours, ce nombre étant fixé par l’accord sus visé à 218 jours par année complète d’activité, en tenant compte du nombre maximum de jours de congés définis à l’article L223-2 du code du travail. Il est expressément convenu que la rémunération versée au délégué hospitalier est forfaitaire et rémunère l’exercice de la mission qui lui est confiée, dans la limite du nombre de jours fixés par l’accord’.

Au visa des articles L.3121-58 1°, L.3121-60 et L.3121-65 du code du travail, M. [R] fait valoir que :

– il n’a pas bénéficié d’un entretien annuel, distinct de l’entretien annuel d’évaluation, portant précisément sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale;

– l’employeur a reconnu qu’il travaillait sans compter son temps et cet engagement l’a conduit à un état de fatigue extrême;

– l’employeur n’a établi aucun document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date le nombre et la date des journées travaillées alors qu’il était informé qu’il suivait ses formations sur son temps personnel et transmettait ses rapports à des heures tardives;

– les relevés d’activités produits par l’employeur ne tiennent pas compte de sa présence aux séminaires, congrès, formation les week- end et qu’il ne bénéficiait pas de jours de repos hebdomadaires,

– les dispositions de l’article L.3121-65 du code du travail, destinées à assurer la protection, la sécurité et la santé au travail du salarié soumis à une convention de forfait en jours n’ont pas été respectées;

– il sera déduit de ces manquements que la convention en forfait en jours lui est inopposable ;

– à défaut de convention de forfait en jours valables, qui constituent une exception au décompte du temps de travail, le décompte du temps de travail doit être opéré sur la base d’une durée de travail hebdomadaire de 35 heures;

– les salariés dont le forfait est illicite peuvent aussi obtenir des dommages et intérêts ;

– il travaillait 65 heures en moyenne par semaine et a réalisé 221 jours de travail en 2013 et 220 jours en 2014, soit une semaine de plus sans contrôle des amplitudes journalières rajoutant un nombre d’heures considérable ;

La société répond que :

-il est contradictoire de solliciter la nullité d’une convention de forfait et des dommages et intérêts pour dépassement de la durée de travail prévue par celle- ci ;

– les rapports d’activité établissent l’absence de dépassement du nombre de jours travaillé.

Aux termes de l’article L.3121-58 1° du code du travail, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours, sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° de I de l’ article L3121-64, les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés.

Il n’est pas soutenu que M. [R] n’était pas cadre, ainsi qu’indiqué sur ses bulletins de paye, ne disposait pas d’une autonomie dans l’organisation de son emploi du temps, que la nature de ses fonctions le conduisait à suivre un horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel il était intégré. Le moyen tiré des dispositions sus visées est inopérant.

Aux termes de l’article L.2131-60 du code du travail, l’ employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.

Aux termes de l’article L.3121-46 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016 (devenu L.3121-65 I 3°), un entretien individuel est organisé par l’ employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’ entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Le suivi d’une convention de forfait constitue un élément essentiel de nature à garantir l’effectivité des droits au repos et à la santé. En cas de non respect par l’employeur des règles applicables garantissant le respect du droit à la santé et au repos du salarié, la convention de forfait en jours est privée d’effet et partant, inopposable au salarié.

La société ne produit aucun élément établissant que M. [R] a bénéficié d’ un entretien portant sur sa charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.

La convention de forfait en jours de M. [R] est privée d’effet.

M. [R] sera débouté de sa demande aux fins de dire nulle la convention de forfait en jours et en paiement de dommages et intérêts au titre de la nullité du forfait.

M. [R] demande le paiement de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice subi du fait du dépassement sans contrepartie du forfait annuel à hauteur de la somme de 25 518,69 euros, motif pris qu’il travaillait les week end et jours fériés.

La société produit un tableau des rapports d’activité de M. [R] des années 2013 à 2015 et oppose le caractère elliptique et invérifiable du tableau versé sous cote 89 par le salarié.

M. [R] produit des notes de frais afférentes à des déplacements effectués pendant les week end, suffisamment précises et permettant à l’ employeur de fournir les relevés de jours travaillés.

Le tableau des rapports d’activité n’indique pas les samedi ou dimanche travaillés et la société ne produit aucun document établissant les jours travaillés par M. [R] et le respect du repos hebdomadaire.

Considération prise de ces éléments, la société sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 2 000 euros de ce chef.

Vu l’équité, la société sera condamnée à payer à M. [R] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la société supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour,

dans la limite de sa saisine,

Infirme le jugement du conseil des prud’hommes de Toulouse du 7 février 2019 en ce qu’il a:

– débouté M. [R] de :

* sa demande de dire son licenciement nul ;

*sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul et des indemnités de rupture du contrat de travai,

* sa demande au titre du dépassement du forfait annuel,

* sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

et en ce qu’il a condamné M. [R] au paiement de la somme de 200 euros au titre des frais irrépétibles,

statuant à nouveau de ces chefs ;

Dit le licenciement de M. [R] nul ;

Condamne la société Asept Inmed à payer à M. [R] les sommes suivantes

– 53 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

– 21 486,74 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– 25 518,69 euros et 2 551, 86 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

– 2 000 euros au titre du dépassement de forfait ;

Condamne la société Asept Inmed à payer à M. [R] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Asept Inmed aux entiers dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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