Informations confidentielles : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00176

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Informations confidentielles : 18 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00176
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

(n° 21, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00176 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4TE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 octobre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY – RG n° 19/00175

APPELANTE

Madame [R] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Maria-Claudia VARELA, avocat au barreau de l’ESSONNE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2020/050901 du 29/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

S.A.R.L. EGRPB MANAGEMENT

Immatriculée au RCS d’EVRY sous le n° 498 582 030

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Saveriu FELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D467

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 18 juin 2018, Mme [R] [G] a été engagée par la société EGRPB Management (ci-après désignée la société EGRPB) pour une durée hebdomadaire de travail de 35h00 en qualité d’assistante ressources humaines non cadre niveau III coefficient 170.

La société EGRPB employait à titre habituel au moins onze salariés et était soumise à la convention collective des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Par courrier du 3 août 2018, l’employeur a proposé à la salariée un renouvellement de sa période d’essai jusqu’au 16 septembre 2018.

Mme [G] a apposé sa signature et la mention ‘lu et approuvé’ sur ce courrier.

Le 20 août 2018, Mme [G] était convoquée de manière informelle dans le bureau du directeur d’exploitation M. [K], où se trouvaient également M. [A] (directeur d’exploitation), Mme [T] (responsable administrative) et M. [Y] (responsable des conducteurs de travaux). M. [D] (gérant de la société) était contacté par téléphone au cours de la réunion.

Selon la salariée, cette réunion avait pour objet d’entendre ses explications sur un différend entre elle et M. [Y].

Selon l’employeur, cette réunion avait également pour objet d’entendre la salariée sur la violation par elle de son obligation de confidentialité.

Par courrier du 20 août 2018, la société EGRPB a notifié à Mme [G] sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 21 août 2018, la société EGRPB a convoqué Mme [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 23 août 2018, Mme [G] a adressé au service de la comptabilité de l’entreprise un courriel ainsi rédigé : ‘Je vous informe ce jour de mon souhait de mettre fin au renouvellement de ma période d’essai concernant le contrat qui nous lie depuis le 18/06/2018’.

Par courriel du 24 août 2018, le service de la comptabilité a écrit à Mme [G] : ‘Nous accusons réception de votre mail. Cependant un délai de prévenance de 48h aurait dû être effectué. Merci de nous faire parvenir un courrier daté du 20/08/2018 nous indiquant votre souhait de mettre fin à votre période d’essai sans effectuer votre délai de prévenance. Dans le cas contraire, nous serons contraints de poursuivre la procédure en cours vous concernant’.

Par courrier du 29 août 2018, Mme [G] a indiqué à l’employeur qu’elle refusait de lui adresser le courrier sollicité dans le courriel du 24 août précité et qu’elle était victime ‘d’insultes, d’injures, d’agressions et de violences répétées sur (son) lieu de travail’.

Par courrier du 3 septembre 2018, la société a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave en raison de la ‘divulgation d’informations strictement confidentielles’.

Par courrier du 6 septembre 2018, la société EGRPB a adressé à Mme [G] ses documents de fin de contrat.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes afin que la société EGRPB soit condamnée à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 22 octobre 2020, le conseil de prud’hommes a :

Dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en une rupture du renouvellement de la période d’essai à l’initiative de Mme [G],

Débouté Mme [G] de l’intégralité de ses demandes,

Débouté la société EGRPB de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Laissé les dépens à la charge des parties.

Le 16 décembre 2020, Mme [G] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 24 août 2022, Mme [G] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Constater que son contrat de travail a été rompu dans le cadre d’une procédure de licenciement pour faute grave,

Requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

A titre principal :

Condamner la société EGRPB à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à 4.297,80 euros,

A titre subsidiaire :

Condamner la société EGRPB à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à 2.148,90 euros,

En tout état de cause :

Condamner la société EGRPB à lui payer les sommes suivantes :

– 2.148,90 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

– 2.148,90 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 214,89 euros de congés payés afférents,

– 5.000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat,

– 2.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

– 934,29 euros au titre du rappel de salaires pour le période du 20 août au 3 septembre 2018,

– 93,43 euros de congés payés afférents,

Dire que ces sommes seront productives des intérêts au taux légal,

Ordonner la remise de l’attestation Pôle emploi, du certificat de travail et d’un bulletin de paie récapitulatif conformes à la décision à intervenir,

Condamner la société EGRPB au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Condamner la société EGRPB aux entiers dépens.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 13 septembre 2021, la société EGRPB demande à la cour de :

A titre principal,

Dire et juger que la rupture du contrat s’entend du non-renouvellement de la période d’essai par Mme [G],

A titre subsidiaire,

Dire et juger que le licenciement de Mme [G] intervenu pendant sa période d’essai est pourvu d’une cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire,

Dire et juger que le licenciement de Mme [G] intervenu hors de la période d’essai est pourvu d’une cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

Débouter Mme [G] de l’intégralité de ses demandes,

En conséquence,

Confirmer le jugement en tous points,

Condamner Mme [G] à lui payer la somme de 5000 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamner Mme [G] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [G] aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 6 septembre 2023.

MOTIFS :

Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

L’obligation de sécurité à laquelle est tenue l’employeur en application de l’article L. 4121-1 du code du travail lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

Mme [G] soutient que pendant la réunion informelle du 20 août 2018, M. [Y] l’a insultée de ‘menteuse’ et de ‘sale pute’ et a jeté un trousseau de clés en sa direction. Elle précise que cette scène s’est produite en présence de ses supérieurs hiérarchiques (MM. [K] et [A] et Mme [T]) qui n’ont pris aucune mesure pour la protéger, préférant la licencier par la suite. Elle expose que d’autres salariés de l’entreprise ont été victimes de faits similaires.

Considérant que l’employeur a ainsi manqué à son obligation de sécurité, Mme [G] sollicite la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. Elle sollicite également la somme de 2.000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct en raison du comportement physique et violent de M. [Y] à son égard au cours de la journée du 20 août.

En défense, l’employeur demande la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes indemnitaires.

En l’espèce, la cour constate que la salariée entend établir la matérialité des violences commises à son encontre par M. [Y] le 20 août en se fondant :

– sur ses propres déclarations contenues dans son courrier du 29 août 2018 adressé à l’employeur et dans son dépôt de plainte du 20 août 2018 auprès de la brigade de gendarmerie de [Localité 4],

– sur les attestations de sa mère, de sa grand-mère maternelle et de deux de ses amies qui ont constaté que depuis le mois d’août 2018, elle était déprimée, angoissée et en pleurs,

– sur un certificat du 7 novembre 2018 par lequel le docteur [N] a indiqué que la salariée se disait victime d’une agression le 20 août 2018 et qu’elle présentait depuis cette date ‘un état de stress post traumatique avec perte de confiance en elle, troubles récurrents du sommeil et crises d’angoisses, ainsi que des troubles de concentration’,

– sur un courrier du 3 janvier 2019 par lequel Mme [I], psychologue, a déclaré que Mme [G] présentait les signes d’une réaction dépressive liée à un événement traumatisant survenu le 20 août 2018,

– sur son inscription en 2019 à des cours de boxe,

– sur des pièces d’une autre procédure prud’homale concernant une salariée employée par la société EGRPB se disant victime de harcèlement moral notamment pour avoir subi des violences de son supérieur hiérarchique (lancer d’un téléphone dans sa direction en la pressant de quitter immédiatement l’entreprise).

Il ne ressort d’aucun élément produit qu’une personne autre que la salariée a été témoin des faits dénoncés par elle. Or, la cour constate que l’employeur ne reconnaît pas les faits et que les attestations de MM. [A] et [K] et de Mmes [T] et [B] (assistante) présents lors de la réunion du 20 août ne font nullement état d’un épisode de violence entre M. [Y] et la salariée. Le seul fait qu’une autre salariée ait pu subir des violences ne peut suffire à établir la matérialité des faits invoqués par Mme [G], qui ne peut en tout état de cause se déduire uniquement de ses propres déclarations et de l’existence d’un état dépressif l’affectant à compter d’août 2018. Enfin, l’employeur justifie que la plainte de Mme [G] du 20 août 2018 a été classée sans suite par le parquet.

Il se déduit de ce qui précède que les faits de violence dénoncés par la salariée ne sont pas établis.

Dès lors, elle sera débouté de ses demandes indemnitaires et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la durée de la période d’essai :

Mme [G] soutient que la période d’essai s’est achevée le 31 août 2018, nonobstant les termes de la lettre de prolongation de la période d’essai en date du 3 août 2018 qui mentionne une fin de la période d’essai le 16 septembre 2018.

En premier lieu, il ressort de l’article 4 du contrat de travail que la période d’essai initiale était de 2 mois. Le contrat prenant effet le 18 juin 2018 à 9 heures, cette période s’achevait le 18 août 2018.

En deuxième lieu, il est rappelé que l’apposition par la salariée de sa signature et de la mention ‘lu et approuvé’ sur la lettre notifiant le renouvellement de sa période d’essai vaut accord exprès de sa part à ce renouvellement.

Il est constant que ces mentions figurent sur la lettre de renouvellement du 3 août 2018 et que la salariée a ainsi donné son accord exprès au renouvellement de la période d’essai.

En troisième lieu, il ressort des stipulations du contrat de travail et de la convention collective que le renouvellement de la période d’essai ne peut dépasser une durée de deux semaines. Cette durée s’impose à l’employeur en application des dispositions de l’article L. 1221-22 du code du travail.

Il ressort des termes de la lettre du 3 août 2018 que la période d’essai a été renouvelée jusqu’au 16 septembre 2018 soit pour une durée supérieure à deux semaines, ce qui est contraire aux dispositions légales, conventionnelles et contractuelles susmentionnées.

Il s’en déduit qu’après renouvellement, la période d’essai a pris fin au terme d’un délai de deux semaines à compter du terme de la période d’essai initiale, soit le 31 août 2018 comme l’énonce la salariée.

Sur la rupture de la période d’essai à l’initiative de la salariée :

Il est constant que le 23 août 2018, Mme [G] a adressé au service de la comptabilité de l’entreprise un courriel ainsi rédigé : ‘Je vous informe ce jour de mon souhait de mettre fin au renouvellement de ma période d’essai concernant le contrat qui nous lie depuis le 18/06/2018″.

Reprenant la motivation du conseil de prud’hommes, la société en tire argument pour affirmer que la rupture du contrat de travail a été réalisée à l’initiative de la salariée pendant la période d’essai.

Toutefois, il ressort des termes du courriel de réponse du 24 août 2018 que l’employeur a imposé à la salariée de réitérer sa volonté de rupture en la formalisant dans un écrit mentionnant qu’elle ne souhaitait pas respecter le délai de prévenance. Or, comme le souligne l’appelante, elle a refusé de respecter cette demande et en a informé l’employeur dans un courrier du 29 août 2018 versé aux débats. La cour constate que la salariée y a précisé que son courriel du 23 août 2018 s’inscrivait dans un contexte de violences subies de la part de M. [Y] les 1er et 20 août 2018 et faisait suite à l’engagement par la société d’une procédure de licenciement le 21 août 2018.

Il s’en déduit que, comme le soutient Mme [G], elle n’a pas mis fin à la période d’essai par une décision claire et non équivoque le 23 août 2018.

Par suite, le contrat de travail n’a pas été rompu à l’initiative de la salariée comme l’a jugé le conseil de prud’hommes mais à celle de l’employeur dans le cadre d’un licenciement pour faute grave notifié le 3 septembre 2018.

Il ressort des développements précédents que, contrairement aux allégations de l’employeur, cette rupture s’est réalisée après l’expiration de la période d’essai (vendredi 31 août 2018), nonobstant le fait que Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 21 août 2018 et qu’elle a été mise à pied à titre conservatoire le 20 août.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 3 septembre 2018 était ainsi rédigée :

‘(…) Vous êtes embauchée par notre entreprise depuis le 18 juin 2018 et occupez à ce jour un poste d’assistante ressource humaine. En votre qualité d’assistante ressource humaine, il vous incombe de respecter en tous points le règlement de votre entreprise. Cependant, nous avons constaté à ce jour d’importantes infractions au règlement de notre entreprise, ce qui a motivé notre décision de vous licencier.

– Divulgation d’informations strictement confidentielles.

Nous avons constaté que vous avez délibérément enfreint l’article 9 ‘obligations professionnelles’ de votre contrat de travail : ‘Le salarié s’engage à observer, tant pendant l’exécution qu’après la cessation du contrat, une discrétion professionnelle absolue pour tout ce qui concerne les faits ou informations dont il aura connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions’.

Vous avez par exemple divulgué des informations confidentielles concernant les salaires des employés à des personnes non concernées et ne faisant pas partie des ressources humaines.

Vous avez également dévoilé des contentieux d’anciens salariés de la société, qui se doivent de rester strictement confidentiels.

Pour l’ensemble des raisons évoquées ci-dessus, nous ne pouvons tolérer ce comportement.

Dans ce contexte, nous ne pouvons envisager la poursuite de nos relations contractuelles dans la mesure où il apparaît que vous ne respectez pas les règles applicables dans l’entreprise.

C’est la raison pour laquelle, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave (…)’.

Afin de prouver le bien-fondé du licenciement pour faute grave, l’employeur se fonde sur les attestations de personnes présentes lors de la réunion du 20 août 2018.

La société produit ainsi :

– une attestation par laquelle Mme [T] a écrit : ‘Mme [G] a clairement avoué devant Monsieur [A], Monsieur [K] et moi-même qu’elle avait divulgué des informations confidentielles à M. [Y] [S] notamment au sujet des salaires de la direction mais également sur plusieurs affaires confidentielles (prud’hommes, procédure en cours’). Suite à cette discussion que nous avons eue avec elle, Mme [G] a voulu d’elle-même mettre fin à sa période d’essai et nous a clairement demandé de partir plus tôt dans la journée car elle avait commis une erreur professionnelle grave’,

– une attestation par laquelle Mme [B] (assistante) a écrit : ‘J’atteste avoir assisté à une conversation entre Mme [G], Mme [T] et moi-même, durant laquelle Mme [G] a affirmé avoir divulgué à Monsieur [Y] des informations strictement confidentielles (salaire’) sur des salariés et également informé M. [Y] des prud’hommes en cours’,

– une attestation par laquelle M. [K] a indiqué : ‘En date du 20 août 2018 dans mon bureau en présence de Mme [T], de M. [A], de M. [Y], Mlle [G] a affirmé avoir fait une erreur concernant la divulgation d’informations confidentielles relatives aux rémunérations de plusieurs salariés d’EGRPB, ainsi que plusieurs dossiers prud’homaux en cours à M. [Y] [S]. Elle a ensuite reconnu devant moi et Monsieur [A] que cette erreur justifiait le fait qu’elle ne pouvait plus exercer ses fonctions d’assistante RH au sein de notre entreprise’,

– une attestation par laquelle M. [A] a précisé : ‘Mme [G] a souhaité me rencontrer dans mon bureau, suite à une altercation avec Monsieur [Y] [S] qui lui avait dit que c’était une assistance RH de merde. Lors de cet entretien Mme [G] m’a fait part qu’elle avait divulgué des informations concernant des employés de la société EGRPB à Monsieur [Y] [S]. Suite à notre entrevue nous l’avons reçue avec Monsieur [K] [L], directeur d’exploitation, Mme [T] et Monsieur [Y] [X] où elle a confirmé avoir dévoilé des renseignements sur différents employés EGRPB’.

En défense, la salariée conteste les faits qui lui sont reprochés et soutient que les attestations produites sont de pure complaisance puisque rédigées près d’un an après les faits et établies par les personnes présentes lors des violences subis par elle le 20 août. Elle reproche à l’employeur de ne pas produit d’attestation de M. [Y] qui a quitté l’entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Elle estime que la société l’a licenciée afin de protéger M. [Y] qui avait eu un comportement violent à son égard.

En l’espèce, ni la lettre de licenciement ni les attestations versées aux débats ne permettent de déterminer quelles sont précisément les informations qui auraient été divulguées par Mme [G] ni quand et comment elles auraient été diffusées. De même, la lettre de licenciement ne précise pas à qui précisément ces informations auraient été divulguées, se bornant à mentionner que des ‘personnes non concernées’ en auraient été bénéficiaires. Si les attestations produites mentionnent que Mme [G] aurait indiqué que M. [Y] avait été bénéficiaire de ces informations, la cour considère que l’existence de cet aveu paraît peu crédible compte tenu du différend existant entre les deux salariés et ce d’autant que les circonstances dans lesquelles ces informations auraient été diffusées ne sont nullement précisées. En outre, il est constant que M. [Y] était salarié de l’entreprise au moment des faits et il n’est nullement justifié par l’employeur qu’il n’avait pas qualité pour prendre connaissance des informations qui lui auraient été divulguées par la salariée.

Par suite, l’employeur n’établit pas la matérialité des faits reprochés à Mme [G].

Il s’en déduit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail :

Les parties s’accordent (conclusions employeur p.3, conclusions salariée p.2) sur le fait que Mme [G] percevait un salaire mensuel brut de 2.148,90 euros.

En premier lieu, la salariée sollicite un rappel de salaire de 934,29 euros pour la période du 20 août au 3 septembre 2018 en raison de sa mise à pied injustifiée, outre 93,43 euros de congés payés afférents.

L’employeur ne contestant pas les montants sollicités et le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il sera intégralement fait droit aux demandes salariales de Mme [G], précision faite que les sommes seront allouées en brut.

En deuxième lieu, il ressort de l’article 19 de la convention collective que les employés ayant moins de deux ans d’ancienneté ont droit à un préavis d’un mois.

Par suite, Mme [G] peut utilement solliciter la somme de 2.148,90 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 214,89 euros bruts de congés payés afférents.

En dernier lieu, sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’appelante demande à la cour d’écarter l’application de l’article L.1235-3 du code du travail qui plafonne les indemnités à la charge de l’employeur octroyées à la salariée en prévoyant des montants minimaux et maximaux au regard de l’ancienneté de la salariée, en raison de la violation des dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et du droit au procès équitable.

Elle sollicite ainsi au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

– à titre principal la somme de 4.297,80 euros,

– à titre subsidiaire, en cas d’application de l’article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 2.148,90 euros.

En l’occurrence, l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dispose que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

L’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, mentionne quant à elle qu’en ‘vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) : b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée’.

Or, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi ; qu’en outre, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée, étant rappelé que les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Ainsi, il appartient au juge d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux fixés.

L’ancienneté de Mme [G] étant de moins d’un an, elle peut bénéficier d’une indemnité maximale d’un mois de salaire en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 applicable à la date du licenciement

Eu égard aux pièces produites sur sa situation établissant que depuis son licenciement elle n’a bénéficié que de contrats d’intérim et a subi en outre une perte de revenus, il lui sera alloué la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le non-respect de la procédure de licenciement :

Sur le fondement de l’article L. 1235-2 du code du travail, Mme [G] demande à la cour de condamner l’employeur à lui verser la somme de 2.148,90 euros de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure au motif que par courriel du 31 août 2018, le service comptabilité de l’entreprise l’a informée de sa sortie des effectifs le 3 septembre 2018 alors que sa lettre de licenciement ne lui avait pas été encore notifiée.

En défense, la société conclut au débouté.

Selon l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 applicable à la date du licenciement, tous les salariés, quels que soient leur ancienneté et l’effectif de l’entreprise, ont droit à une indemnité maximale d’un mois de salaire en cas d’irrégularité de la procédure de licenciement, à condition que ledit licenciement ait une cause réelle et sérieuse.

Or, il ressort des développements précédents que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par suite, Mme [G] sera déboutée de sa demande indemnitaire fondée sur l’article L. 1235-2 du code du travail.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :

Compte tenu des développements précédents, la société sera déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive puisque la cour a partiellement fait droit aux demandes de la salariée.

Sur le remboursement des indemnités chômage :

Mme [G] ayant moins de deux ans d’ancienneté à la date de rupture de son contrat de travail, il n’y a pas lieu d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à l’appelante en application de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les demandes accessoires :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de la salariée tendant à la remise de documents sociaux conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à verser à Maître Maria-Claude Varela la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

L’employeur sera, quant à lui, débouté de ses demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a :

– débouté la société EGRPB Management de sa demande reconventionnelle,

– débouté Mme [R] [G] de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct, pour non-respect de l’obligation de sécurité et pour non-respect de la procédure de licenciement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [R] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société EGRPB Management à régler à Mme [R] [G] les sommes suivantes :

– 2.000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.148,90 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

– 214,89 euros bruts de congés payés afférents,

– 934,29 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 20 août au 3 septembre 2018,

– 93,43 euros bruts de congés payés afférents,

DIT que les créances de nature salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE à la société EGRPB Management de fournir à Mme [R] [G] dans le délai d’un mois suivant la notification de la décision une attestation destinée à Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paye récapitulatif conformes à la décision à intervenir,

DIT n’y avoir lieu à remboursement des allocations à Pôle emploi,

CONDAMNE la société EGRPB Management à verser à Me Maria-Claudia Varela, avocate de Mme [G], la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir l’indemnité au titre de l’aide juridictionnelle,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société EGRPB Management aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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