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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
9ème chambre 1ère section
N° RG :
N° RG 21/10505 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVAPX
N° MINUTE : 1
Assignation du :
18 Août 2021
JUGEMENT
rendu le 18 Décembre 2023
DEMANDEURS
Monsieur [D] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [C], [R], [V] [M] née [Z] épouse [D] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Me Pierre ECHARD-JEAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1562, et Me Clémence GUERIN, avocate au barreau de Mâcon, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
S.A. ING BANK FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Frédéric BELLANCA de l’AARPI DARTEVELLE & DUBEST, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #Ll0015
Décision du 18 Décembre 2023
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/10505 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVAPX
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente
Patrick NAVARRI, Vice-président
assistée de Alise CONDAMINE, Greffière, lors de l’audience, et de Pierre-Louis MICHALAK, Greffier, lors de la mise à disposition,
DÉBATS
A l’audience du 25 Septembre 2023 tenue en audience publique devant Marine PARNAUDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2023.
JUGEMENT
Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] sont titulaires d’un compte joint, d’un livret d’épargne orange et d’un livret de développement durable ouverts dans les livres de la société Ing Bank Nv.
M. [D] [M] a déposé plainte contre X le 19 février 2021.
Contestant avoir ordonné les virements querellés le 19 février 2021, M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] ont adressé une lettre de contestation de ces opérations à la société Ing Bank Nv par courrier du 13 avril 2021.
La société Ing Bank Nv n’ayant pas procédé au remboursement des virements contestés, M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris cette dernière en annulation des trois virements et en remboursement de la somme totale débitée, au visa des articles 1927, 1928 du code civil et des articles L.113-16 et suivants du code monétaire et financier, par acte signifié le 18 août 2021.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2023, M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] demandent au tribunal, au visa des articles 1927 et 1928 du code civil et L.113-16 et suivants du code monétaire et financier, de :
Décision du 18 Décembre 2023
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/10505 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVAPX
” – DECLARER recevables et bien fondés Monsieur et Madame [M] en leurs réclamations,
– CONDAMNER la société ING BANK à payer à Monsieur [M] [D] la somme de 8260.55 €,
– CONDAMNER la société ING BANK à payer à Madame et Monsieur [M] la somme de
9526.26 €,
– ASSORTIR le montant des condamnations à intervenir à l’encontre de la société ING BANK d’un intérêt de droit à compter de la mise en demeure du 13 avril 2021,
En tout état de cause,
– CONDAMNER la société ING BANK à payer à Madame et Monsieur [M] une indemnité de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNER la même aux entiers dépens de l’instance. ”
M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] contestent avoir autorisé un quelconque virement ou achat les 18 et 19 février 2021. Ils observent que la banque ne rapporte pas la preuve qu’ils ont effectué des achats en ligne ni qu’ils ont transmis leur numéro de carte, le cryptogramme puis le code de validation à un tiers. M. [M], âgé de 80 ans, expose qu’au cours d’une conversation téléphonique avec un salarié du service fraude de sa banque qui lui a apporté des précisions sur les opérations effectuées sur son compte au cours des jours précédents, il lui a communiqué le numéro de code qui lui était parvenu par SMS. Il souligne qu’aucun message n’était associé à ces deux code à usage unique. Il déclare également que ce tiers lui a affirmé que ledit code était destiné à faire opposition aux deux paiements ” REVOLUT ” qui présentent un élément d’extranéité. M. [M] réfute avoir divulgué à un tiers ses informations confidentielles. Les demandeurs en déduisent que leur compte a fait l’objet d’un piratage. M. [M] relève que les pièces communiquées par la banque afférentes aux modalités d’authentification de ces deux opérations sont dénuées de pertinence. Ils déclarent également que la nouvelle version de leur contrat porteur leur est inopposable, faute d’en avoir été informés. M. [M] conteste donc avoir fait preuve de négligence dans l’utilisation et la conservation de ses moyens de paiement et soutient avoir été victime de manœuvres frauduleuses.
Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, la société Ing Bank Nv demande au tribunal, au visa des articles L. 133-6, L. 133-7, L. 133-8 L. 133-16, L. 133-18 et L. 133-19 du Code monétaire et financier, de :
” – DEBOUTER Monsieur [D] [M] et Madame [C] [R] [V] [Z], épouse [M], de leur demande de remboursement des opérations réalisées au moyen des cartes bancaires n°535612XXXXXX5536 et n°535612XXXXXX5182, et d’annulation des opérations de virement réalisées en amont, dans la mesure où il est établi que ces opérations de paiement par carte bancaire ont été autorisées conformément au dispositif légal et contractuel applicable et, en tout état de cause, qu’elles n’ont pu être réalisées qu’en raison des négligences graves de Monsieur [M],
Décision du 18 Décembre 2023
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/10505 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVAPX
– DEBOUTER Monsieur [D] [M] et Madame [C] [R] [V] [Z], épouse [M], de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,
– CONDAMNER Monsieur [D] [M] et Madame [C] [R] [V] [Z], épouse [M], à verser à la société ING Bank N. V. la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens.”
La défenderesse expose, tout d’abord, avoir opté pour la méthode d’authentification qui consiste à envoyer un code secret à usage unique par SMS sur le numéro de téléphone mobile du client et valable pour une durée limitée (système 3D secure) pour sécuriser les transactions de ses clients.
Elle observe ensuite que trois virements internes ont précédé les deux ordres de paiements ” REVOLUT “. Elle précise que la nouvelle version du contrat porteur qui est entrée en vigueur, a été portée à la connaissance des époux [M] par email du 8 novembre 2018. Elle soutient que ce sont les codes de sécurité que M. [M] admet avoir reçus par SMS qui ont permis de valider chacune des opérations contestées. La banque relève que les époux [M] excipent à tort du caractère international desdites opérations, pour soutenir qu’elle aurait dû refuser d’exécuter ces ordres de virement qui dès leur émission, ont un caractère irrévocable. Elle en déduit que M. [M] qui a fait état dans son dépôt de plainte, des doutes quant à l’identité exacte de son interlocuteur, n’a pas eu un comportement prudent.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture du 13 juin 2022 a été rabattue et est intervenue le 5 juin 2023.
MOTIFS
Sur la demande de remboursement des virements litigieux
L’article L. 133-7 alinéa 1 du code monétaire et financier dispose que “Le consentement est donné sous la forme convenue entre le payeur et son prestataire de services de paiement. (…) En l’absence d’un tel consentement, l’opération ou la série d’opérations de paiement est réputée non autorisée”.
L’article L.133-18 alinéa 1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : “En cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.”
En application des articles L.133-19 IV et L.133-23 du code monétaire et financier, lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre, et il appartient également à la banque, qui se prévaut des articles L.133-16 et L.133-17 du code monétaire et financier imposant à l’utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d’informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, que l’utilisateur a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations. Cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.
Il ressort de l’article L. 133-19, V, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, que, sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur prévue par le second de ces textes.
Il résulte de l’article 34, VIII, 3°, de l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, que l’article L. 133-44 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, auquel renvoie l’article L. 133-19, V, est entré en vigueur le 14 septembre 2019, dix-huit mois après l’entrée en vigueur du règlement délégué (UE) 2018/389 de la Commission du 27 novembre 2017 complétant la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 par des normes techniques de réglementation relatives à l’authentification forte du client et à des normes ouvertes communes et sécurisées de communication.
En l’espèce, M. [D] [M] a contesté auprès de la société Ing Bank Nv le 13 avril 2021 le virement opéré, le 19 février 2021, d’un montant de 8.260,55 euros (” REVOLUT 6378 “) depuis son compte personnel d’une part, et le virement d’un montant de 9.526,26 euros (” REVOLUT 5191 “) depuis le compte joint des époux [M] d’autre part. Ces deux ordres de virement font suite à trois autres virements, que sont le virement d’un montant de 4.400 euros depuis le livret d’épargne durable, le virement d’un montant de 2.000 euros depuis le livret d’épargne orange et le virement de 1.185 euros depuis le compte personnel de M. [M] vers le compte joint le 18 février 2021.
Il convient de noter que les demandeurs ne sollicitent plus l’annulation des trois virements internes en date du 18 février 2021.
Il appartient donc à la société Ing Bank Nv d’apporter la preuve que les virements contestés ont été exécutés par suite du manquement intentionnel ou provoqué par une négligence grave du titulaire du compte à son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité des dispositifs de sécurité personnalisés d’accès au compte bancaire sur lequel les virements ont été opérés.
Il est établi par les pièces produites aux débats que :
– les virements contestés ont été réalisés dans un court trait de temps et concomitamment à l’appel téléphonique reçu par M. [M] d’un tiers se présentant comme un des employés du service des fraudes de la banque,
– la banque a envoyé par SMS un code de validation à usage unique :
– le code 23997797 a été envoyé le 18 février 2021 à 15h12 : 33 afin d’authentifier l’achat de 9.526,26 euros sur le site REVOLUT,
– le code 13646865 a été envoyé le 18 février 2021 à 15h30 : 26 afin d’authentifier l’achat de 8.470,55 euros sur le site REVOLUT alors que l’opération litigieuse porte sur un montant de 8.260,55 euros,
– l’ordre de virement d’un montant de 9.526,26 euros a été émis le 18 février 2021 à 15h12 : 54,
– l’ordre de virement d’un montant de 8.260,55 euros a été émis le 18 février 2021 à 15h31 : 05,
– ces deux sommes ont portées au crédit de comptes ouverts dans les livres d’une banque lituanienne le 19 février 2021.
Force est d’observer que :
– la date d’ajout et de validation des bénéficiaires de ces virements ne sont pas explicités par la banque,
– le numéro de téléphone auquel ces deux codes à usage unique ont été communiqués n’est pas renseigné,
– l’envoi d’un code à usage unique afin d’authentifier le virement d’un montant de 8.260,55 euros n’est pas explicité.
De surcroît, il est constant que M. [M] a communiqué à un tiers par téléphone le code à usage unique afférent à chaque ordre de virement, tout en précisant que la nature de l’opération associé à chaque code n’était pas mentionnée. Lors de son dépôt de plainte, il a expliqué penser que ces codes servaient à faire opposition aux opérations litigieuses, comme le lui indiquait ce tiers par téléphone. Il n’est également pas contesté que M. [M], à l’instar de son épouse, est resté en possession de son téléphone portable et de ses moyens de paiement.
Il en résulte qu’un tiers a pu se connecter au compte de M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] pour effectuer les opérations d’ajout de bénéficiaire puis les virements litigieux.
Or, la société Ing Bank Nv ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir que l’accès au compte bancaire de M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] par un tiers a été rendu possible du fait de la négligence grave ou de la faute intentionnelle du titulaire du compte conduisant à révéler le code personnel d’accès et le mot de passe associé au compte. Telle est la charge de la preuve qui lui incombe pourtant dès lors que chaque opération préalable d’ajout d’un bénéficiaire a pu générer l’envoi à M. [M] d’une demande de validation par l’émission d’un code par SMS.
En tout état de cause, l’envoi d’un message contenant un code de validation est un dispositif de protection secondaire qui ne peut être confondu avec le défaut de préservation par le titulaire du compte des codes et mots de passe permettant l’accès au compte bancaire par voie électronique.
Il en résulte que les virements exécutés par la société Ing Bank Nv sur la période litigieuse sont constitutifs d’opérations de paiement non autorisées par le titulaire du compte au sens de l’article L. 133-18 du code monétaire et financier obligeant l’établissement de crédit à un remboursement immédiat du montant de ces opérations, aucune faute de M. [D] [M] et de Mme [C] [M] née [Z] dans l’utilisation et la préservation de leurs moyens de paiement n’étant démontrée.
La société Ing Bank Nv sera donc condamnée à rembourser la somme de 8.260,55 euros à M. [D] [M], avec intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 16 avril 2021, date de réception de la lettre recommandée de mise en demeure de payer qui lui a été adressée par M. [D] [M], le 13 avril 2021.
La société Ing Bank Nv sera également condamnée à rembourser la somme de 9.526,26 euros à M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z], avec intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 16 avril 2021, date de réception de la lettre recommandée de mise en demeure de payer qui lui a été adressée par les époux [M] le 13 avril 2021.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante au procès, la société Ing Bank Nv sera condamnée aux dépens en application de l’article 695 du code de procédure civile.
Pour ce motif, la société Ing Bank Nv sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande qu’il soit alloué à M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z] une indemnité de procédure de 3 000 euros afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens qu’ils ont été contraints d’exposer afin d’assurer la défense judiciaire de leurs intérêts.
La présente décision est revêtue de droit de l’exécution provisoire conformément à l’article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable dès le 1er janvier 2020.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE la société Ing Bank Nv à payer à M. [D] [M], la somme de 8.260,55 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2021 ;
CONDAMNE la société Ing Bank Nv à payer à M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z], la somme de 9.526,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2021 ;
DÉBOUTE la société Ing Bank Nv de l’intégralité de ses demandes;
CONDAMNE la société Ing Bank Nv aux dépens ;
CONDAMNE la société Ing Bank Nv à payer à M. [D] [M] et Mme [C] [M] née [Z], la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société Ing Bank Nv de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Le GreffierLa Présidente