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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 15 SEPTEMBRE 2023
N°2023/ 224
Rôle N° RG 19/14759 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE5AF
[H] [L] épouse [X]
C/
SA DLSI
Association BTP ISERIM 83
Copie exécutoire délivrée
le : 15/09/2023
à :
Me Marjorie MEUNIER, avocat au barreau de TOULON
Me Didier REINS, avocat au barreau de STRASBOURG
Me Paul-Victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 08 Juillet 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00988.
APPELANTE
Madame [H] [L] épouse [X], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Marjorie MEUNIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMES
Association BTP ISERIM 83, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Paul-Victor BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Lydia BOUBENNA, avocat au barreau de MARSEILLE
SA DLSI intervenante volontaire, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Didier REINS, avocat au barreau de STRASBOURG
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été appelée le 13 Juin 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [L] épouse [X] a été engagée par l’association BTP Interim 83 devenue la SAS BTP Interim, en qualité d’assistante administrative et recrutée d’abord selon contrat à durée déterminée du 18 décembre 2012 puis selon contrat à durée indéterminée du 17 décembre 2013.
Le 13 mai 2016, les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail prévoyant un délai de rétractation jusqu’au 31 mai 2016 et une rupture fixée au 30 juin 2016.
La convention a été adressée à la DIRECCTE par courrier du 2 juin 2016.
La rupture conventionnelle est devenue définitive le 1er juillet 2016.
Le 20 juillet 2016, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon de demandes d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de congés payés et indemnités de préavis.
Parallèlement, suite au départ de Mme [X], par acte des 8 et 23 novembre 2016, l’association a saisi le tribunal de commerce de Toulon aux fins de voir condamner Mme [X] à des dommages et intérêts pour avoir communiqué à un concurrent, la société DLSI, des informations confidentielles relatives à des CV de travailleurs interimaires.
La société DLSI et Mme [I] [O] ont été convoquées à l’audience.
Le 24 septembre 2018, l’association a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon aux fins de :
– débouter Mme [X] de toutes ses demandes,
– condamner Mme [X] à lui verser la somme de 213 000 euros à titre de dommages et intérêts
– dire que la société DLSI et Mme [O] ne sont pas concernées par la procédure devant le conseil de prud’hommes et que le litige entre l’association BTP Interim 83 et la société DLSI et Mme [O] sera jugé par le tribunal de commerce,
– condamner Mme [X] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement du 8 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a :
‘DEBOUTE Madame [H] [L] epouse [X] de sa demande de requalification
de rupture de son contrat de travail.
DEBOUTE Madame [H] [L] épouse [X] de sa demande de dommages et intérêts.
DEBOUTE Madame [H] [L] épouse [X] du surplus de ses demandes.
CONDAMNE Madame [H] [L] epouse [X] à payer la somme de deux mille euros à l’assciation BAT INTERIM au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail
DIT que la société DLSI et Madame [O] ne sont pas concernés par la procédure devant le conseil de prud hommes et que le litige entre l’association BTP Interim 83 et la SA DLSI et Mme [O] sera jugé par le tribunal de commerce .
CONDAMNE Madame [H] [L] epouse [X] a payer la somme de deux
euros a 1 association BAT INSERIM 83 au titre Particle 700 du Code de procédure civile.
DEBOUTE 1’association BAT TNSERIM 83 de sa demande d’exécution provisoire.
CONDAMNE Madame [H] [L] epouse [X] aux dépens’.
Le tribunal de commerce de Toulon a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision du conseil de prud’hommes concernant le litige opposant Mme [X] et l’association.
Mme [X] a relevé appel de la décision le 19 septembre 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, Mme [X] demande à la cour de :
‘Infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions
ET STATUANT à nouveau
JUGER que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNER l’association Bat Interim 83 à payer à Mme [X] 10 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
3 500 euros brut au titre du préavis
350 euros brut au titre des congés payés subséquents
CONDAMNER l’association Bat Interim 83 à payer à Mme [X] 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens’.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 mai 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, l’association demande à la cour de :
‘INFIRMER la décision dont appel
DEBOUTER Madame [L] épouse [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER Madame [H] [L] épouse [X], à verser à La SAS BTP INTERIM immatriculée au RCS de Toulon sous le numéro 834186074 venant aux droits de l’association BTP INTERIM, (anciennement dénommée BTP INSERIM 83) la somme de 213.000 € à titre de dommages et intérêts.
DIRE ET JUGER que la SA DLSI et Madame [O] ne sont pas concernés par la procédure devant le Conseil de Prud’hommes et que le litige entre La SAS BTP INTERIM immatriculée au RCS de Toulon sous le numéro 834186074 venant aux droits de l’association BTP INTERIM, (anciennement dénommée BTP INSERIM 83) et la SA DLSI et Madame [O] sera jugé par le Tribunal de Commerce.CONDAMNER Madame [L] épouse [X] à verser à La SAS BTP INTERIM immatriculée au RCS de Toulon sous le numéro 834186074 venant aux droits de l’association BTP INTERIM, (anciennement dénommée BTP INSERIM 83) la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du CPC.
CONDAMNER Madame [L] épouse [X] aux dépens’
La société DSLI intervenante volontaire a constitué avocat mais n’a pas conclu.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la rupture du contrat de travail
L’article L. 1237-11 du code du travail dispose que l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Le régime de la rupture conventionnelle, tel qu’il résulte des L.1237-11 et suivants du code du travail et de la jurisprudence de la chambre sociale, repose sur la liberté du consentement des parties. L’existence du délai de rétractation prévue par l’article L.1237-13 du code du travail constitue l’une des garanties de respect de ce consentement.
Ainsi, l’homologation ne peut être demandée à l’autorité administrative avant l’expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par le premier de ces textes, et la mention dans la convention d’une date erronée d’expiration du délai de rétractation est sans incidence si dans les faits, les parties n’ont pas été privées de la possibilité d’exercer le droit à rétractation.
Compte-tenu de cette importance majeure laissée au libre consentement des parties, en dehors des cas d’inobservation des formalités substantielles, seule l’existence d’un vice du consentement, ou bien d’une fraude établie, permet de faire annuler la convention de rupture :
– l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture, même si le salarié vient de faire l’objet de sanctions disciplinaires et même si le litige porte sur une modification du contrat de travail qui aurait été imposée au salarié ,
– des faits de harcèlement moral concomitant à la signature de la rupture conventionnelle ne suffisent pas, en soit, à justifier la nullité de la convention ,
– l’inaptitude du salarié qui convient avec l’employeur de la rupture conventionnelle de son contrat n’est pas, à elle seule, un élément démontrant la fraude de l’employeur pour contourner le régime protecteur de la rupture du contrat d’un salarié inapte ,
– il est également possible pour un salarié en arrêt de travail pour accident du travail de signer une convention de rupture malgré le régime protecteur prévu par l’article L.1226-9 du code du travail, cette circonstance n’établit pas à elle seule une fraude de l’employeur,
– même solution à l’égard de la femme enceinte pendant la période de protection absolue prévue par l’article L.1225-4 du code du travail.
Le vice du consentement peut résulter de violences morales, de pressions et de menaces par l’employeur pour conduire le salarié à signer une rupture, de manoeuvres dolosives ou d’une altération des facultés mentales du salarié.
En application de l’article 1137 du code civil, la dissimulation intentionnelle d’une information constitue un dol lorsque cette information présente un caractère déterminant du consentement de celui qui l’ignorait.
La preuve d’un vice du consentement incombe à celui qui l’allègue.
En l’espèce, Mme [X] demande à la cour de dire que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que le protocole transactionnel a été signé par le directeur de l’association alors que, s’agissant d’une association, seul le président pouvait agir au nom de celle-ci et qu’aucune délégation de signature n’avait été faite.
La cour rappelle que l’irrespect d’une règle de forme ou de procédure relative à la rupture conventionnelle n’est jamais sanctionnée par un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais par la nullité de la convention, qui n’est pas demandée en l’espèce.
Il convient par conséquent de débouter la salariée de sa demande ainsi que de ses demandes financières subséquentes.
2) Sur la concurrence déloyale
La société sollicite la condamnation de Mme [X] au paiement de la somme de 213 000 euros à titre de dommages et intérêts consistant en la perte d’excédent brut exploitation sur une période de 4 mois en lien avec les actes de concurrence déloyale commis par la salariée durant l’exécution de son contrat de travail.
Il est reproché à Mme [X] d’avoir communiqué les coordonnées et les curriculum vitae d’un grand nombre de salariés intérimaires présents sur les fichiers de la société, à la société concurrente DLSI, via Mme [O].
La société considère que le fait que les curribulum vitae de ces salariés ne correspondent pas à ses propres besoins, au motif qu’il s’agirait de personnes n’ayant pas un profil d’insertion est sans incidence, et ajoute au demeurant que si sa principale activité est le placement de travailleurs intérimaires dans le cadre d’une insertion, elle s’occupe également du placement de salariés hors dispositif d’insertion.
Mme [X] fait valoir que les travailleurs intérimaires dont le curriculum vitae a été communiqué à Mme [O], salariée de la société DLSI, ont des profils qui ne correspondent pas à ceux recherchés par son employeur ; que ce dernier ne démontre pas, par la production des CV litigieux, qu’il en serait différemment ; que la communication d’un curriculum vitae dont la nature est d’être diffusé, ne constitue pas la violation d’une information confidentielle.
L’article L.1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il n’est pas discuté que Mme [X] a échangé des SMS avec Mme [O], salariée de la société DLSI et lui a communiqué des curriculum vitae de travailleurs intérimaires issus des fichiers de son employeur.
Il ressort de son contrat de travail que Mme [X] exerçait des fonctions comportant une ‘dimension sociale et économique’ consistant à gérer l’antenne de [Localité 3] dans ses aspects administratifs et gestion du personnel, une activité sociale consistant à faciliter l’insertion en mettant en oeuvre un traitement social et économique de l’emploi.
Au titre de ses obligations professionnelles, elle devait ‘respecter une stricte obligation de discrétion sur tout ce qui concerne l’activité de l’association’ , ‘consacrer toute son activité et tous ses soins à l’association’.
Il ressort du procès verbal de constat dressé par Maître [T], huissier de justice à [Localité 5] le 2 septembre 2016 que Mme [X] a transféré sur sa boîte mail différents mails professionnels reçus sur sa boîte professionnelle au sein de l’association notamment:
– le 17 juin 2016 où elle s’est envoyée deux mails avec en pièces jointes les relevés mensuels de l’année 2014 des salariés avec agrément ayant été délégués par l’association;
– le 17 juin 2016 et 21 juin 2016, elle s’est envoyée des mails qui avaient été adressés à l’association par Pôle Emploi au sujet de travailleurs intérimaires.
Il ressort du procès verbal de constat que Mme [O] et l’appelante échangeaient des mails suivants :
– le 14 juin 2016 : ‘Merciii beaucoup’ adressé par Mme [O];
– le 15 juin 2016 : ‘Wecch lol ca va’ Je t’envoie un petit mail pour te demander si ta un grutier mobile avec permis PL/SPL avec visite médicale envoie le mois n’hésite pas. Merciii.’
– le 20 juin 2016 : ‘[H] t’as deux portuguais coffreurs STP”
– le 22 juin 2016: ‘[H] si t’as des candidatures comme menuisier, chauffeur PL SPL, des candidatures difficiles à trouver envoie profite avant ton départ’.
– le 23 juin 2016: ‘Merci pour les CV [H] si t’arrive à trouver un menuisier alu mur rideau sur Pôle Emploi fait signe SPP’.
Ces éléments suffisent à établir le manquement de la salariée à son obligation de loyauté.
Pour justifier de son préjudice, l’association produit une attestation émanant du cabinet d’expert comptable Adexa SARL ayant comparé les chiffres d’affaires sur la période 2015/2016 et indiquant que le chiffre d’affaires hors taxe au 31 mai 2016 était de 1 906 euros contre 1 878 euros au 31 mai 2015 et qu’il y a eu une ‘nette régression à compter du mois de juin 2016 de -19% sur le seul mois de juin et -15% sur le mois de juillet 2016″. Il est indiqué que ‘ce coup d’arrêt’ net de la progression du chiffre d’affaire constaté en 2016 par rapport à 2015 a eu une répercussion directe sur la rentabilité de BTP Inserm.
Le cabinet d’expert comptable procède au calcul de l’excédent brut d’exploitation négatif qu’il chiffre à 71 000 euros de juin à septembre 2016 en faisant une projection par rapport à cette baisse du chiffre d’affaire.
L’association estime son préjudice financier à 213 000 euros en appliquant cette perte sur une période de 4 mois.
Or, la cour estime que l’attribution de la perte d’exploitation au seul manquement de la salariée n’est pas justifiée et que le préjudice économique n’est démontré qu’à hauteur de 2 000 euros.
Il convient de confirmer le jugement ayant condamné Mme [X] au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts.
3) Sur les autres demandes
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que Mme [O] et la société DLSI n’étaient pas concernées par cette procédure et de les mettre hors de cause.
Mme [X] doit être condamnée à payer à l’association BTP Inserm la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’
CONFIRME le jugement entrepris,
Y ajoutant
CONDAMNE Mme [H] [X] à payer à la SAS BTP Interim la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE Mme [H] [X] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT