Informations confidentielles : 13 octobre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03627

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Informations confidentielles : 13 octobre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03627
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13/10/2023

ARRÊT N°2023/391

N° RG 21/03627 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OKR3

NB/VH

Décision déférée du 12 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE (F19/00264)

S. FAURY

Section Encadrement

S.A.S. BANDALUX

C/

[SZ] [C]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

Le 13/10/2023

à Me Ophélie BENOIT-DAIEF

et à Me Elisabeth ANGLES D’AURIAC

Le 13/10/2023

à Pôle emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. BANDALUX FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Elisabeth ANGLES D’AURIAC, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [SZ] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédérique VAYSSE-BATTUT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant, et M. DARIES, conseillère, et N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUMÉ, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUMÉ, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [SZ] [C] a été embauché à compter du 7 janvier 2008 par la SAS Bandalux France, qui commercialise des auvents, des pergolas et des stores bananes, en qualité de représentant monocarte, statut cadre, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée conclu le 20 décembre 2007 régi par les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intercommunautaire et d’importation-exportation.

A compter du 1er juillet 2008, M. [C] a occupé le poste de chef d’agence régional.

Le 1er janvier 2014, il a été nommé directeur commercial France.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il était classé cadre, C 18 et son salaire moyen mensuel s’élevait à la somme de 7 360,87 euros brut (commissions comprises).

Par courrier du 13 décembre 2018, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, envisagé pour motif disciplinaire et fixé au 21 décembre 2018 ; le même courrier lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire, dans l’attente de la décision à intervenir sur le licenciement ; il lui demandait également de restituer ses outils professionnels et lui indiquait bloquer temporairement l’accès à sa messagerie professionnelle.

Par lettre recommandée du 14 janvier 2019, il a été licencié pour faute grave. La lettre de licenciement est ainsi motivée : ‘Vous avez été engagé par contrat à durée indéterminée du 20 décembre 2007, à effet au 7 janvier 2008, en qualité de chef d’agence régional.

Depuis le 1er janvier 2014, vous êtes Directeur Commercial France.

Comme tout salarié de la société, vous êtes tenu par une obligation de fidélité qui vous interdit de développer, directement ou par personne interposée, pour votre compte ou celui d’un tiers, toute activité concurrente à celle de notre société et de notre groupe.

Vous êtes également tenu à une obligation de loyauté.

En outre et en qualité de Directeur Commercial France, vous avez accès à des informations strictement confidentielles que vous ne pouvez utiliser à d’autres fins que le seul exercice de votre mission. Cette obligation vous a été expressément rappelée aux termes de votre obligation contractuelle de discrétion.

Or, nous avons découvert, à l’issue d’une enquête interne conclue le 10 décembre dernier, que vous participiez, depuis plusieurs mois et avec certains de vos collègues, à la création et au développement d’une activité concurrente.

Nous vous reprochons donc la violation de vos obligations contractuelles de fidélité, de loyauté et de discrétion sur les informations confidentielles confiées dans le cadre de votre mission. En outre et afin de cacher votre comportement que vous saviez profondément déloyal, vous avez établi une fausse note de frais.

La société italienne BT Group nous est directement concurrente puisqu’elle produit et commercialise des stores extérieurs et des pergolas.

Or, il est établi que, notamment avec [G] [N], Directeur Commercial Belgique et au moins depuis début 2016, vous commercialisez, notamment auprès de nos clients, des produits de cette société.

Avec [G] [N], vous agissez par l’intermédiaire des sociétés Gostore, agent exclusif de BT Group sur la Belgique et le Luxembourg, Mass Concept, société créée par [G] [N] pour la perception des commissions et gérante de Gostore pendant une période, et Cocoon, société à la création de laquelle vous avez participé.

Ainsi et en mars 2016, vous vous êtes fait envoyer du matériel BT Group en prenant soin qu’il le soit à votre adresse privée.

En novembre 2017, vous étiez présent sur le stand BT Group au salon BATIMAT et vous conseilliez à votre commercial d’adresser la demande de protections solaires extérieures à un autre interlocuteur que Bandalux pour répondre à une demande du client Fayat pour 59 logements.

En mars 2018, vous avez à nouveau participé à une convention BT Group, à Lesmo en Italie, au cours de laquelle vous avez visité son usine, reçu une formation de sa part et négocié à nouveau les conditions de votre intervention.

Au surplus, vous n’avez pas craint de faire participer à vos côtés les commerciaux français, notamment [Z] [W], [PP] [K], [F] [L] et [T] [UB]. Vous avez ainsi usé de votre pouvoir de direction pour inciter des salariés de l’entreprise à violer leur obligation de loyauté.

Sur ces deux années, il est apparu que les personnes impliquées dans ce projet concurrent, qu’il s’agisse en Belgique de [G] [N], par l’intermédiaire des sociétés Mass Concept et Gostore, ou en France, de vous-même, par l’intermédiaire des sociétés Mass Concept et Cocoon, étaient en contact avec la société BT Group pour représenter ses produits, au détriment des produits Bandalux dont la commercialisation vous était confiée.

Pour mener à bien cette entreprise concurrentielle, vous avez usé de moyens mis à votre disposition pour le seul exercice de votre mission, comme de votre temps de travail, de votre voiture professionnelle, de la prise en charge de frais de déplacement et de restaurant, et ainsi abusé de notre confiance.

Vous avez également participé à la divulgation à des tiers d’informations strictement confidentielles de notre société et du groupe, en violation de votre obligation contractuelle de discrétion, notamment quant aux conditions de remises client/produit pratiquées sur le territoire français.

Vous avez enfin accepté d’être rémunéré par nos soins en qualité de directeur commercial en charge du développement du marché français et, dans le même temps, de ne pas défendre nos intérêts mais bien ceux d’un concurrent, abusant une fois encore de notre confiance.

Enfin, vous avez toujours eu pleine conscience du caractère concurrentiel et parfaitement déloyal de ces actes et de l’ampleur du préjudice commercial en résultant pour notre société et l’ensemble du groupe.

C’est ainsi que, pour cacher votre déplacement en Italie en mars 2018, vous avez cru devoir nous présenter une fausse note de frais pour un prétendu déjeuner le 15 mars 2018 à 22,50 euros au restaurant Carson City à [Localité 7], alors que nous avons la preuve que vous n’étiez pas à [Localité 7] à cette date mais bien en Italie. Vous avez donc falsifié une note de frais.

Votre comportement conjoint avec les personnes physiques et morales impliquées, qui vise à piller les données commerciales de notre société pour en faire bénéficier une entreprise concurrente, met en péril toute notre activité et les emplois qui en dépendent en vue de satisfaire nos clients et de maintenir nos parts de marché.

Au vu de la violation flagrante de votre obligation de fidélité et de votre profonde déloyauté, nous avons perdu toute confiance en vous et notre collaboration n’est plus possible.

La SAS Bandalux a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 19 février 2019 pour être indemnisée du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale commis par son salarié pendant l’exécution de son contrat de travail (RG n° 19/00264).

Parallèlement, M. [C] a également saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 14 mars 2019 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes (RG n° 19/00376 puis 19/01903 suivant réinscription après radiation).

Par jugement du 12 juillet 2021,le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, a :

– ordonné la jonction des instances introduites par la SAS Bandalux France sous le numéro 19/00264 et par M. [C] sous le numéro 19/07903 et dit qu’elles porteront désormais le numéro unique 19/00264,

– rejeté les demandes de la SAS Bandalux France (exception faite de la demande de remboursement des frais de repas du 15 mars 2018),

– constaté l’absence de faute grave,

– dit que le licenciement de M. [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [C] à 6.601 euros,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [C] la somme de 4.315,29 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire du 14 décembre 2018 au 14 janvier 2019, outre 431,53euros au titre des congés payés afférents,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [C] la somme de 19.803euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.980,30 euros au titre des congés payés afférents,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [C] la somme de 21.411,50 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [C] la somme compensée de 137,50 euros correspondant aux frais de repas restant dus après compensation,

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire autre que de droit,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [C] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

– mis les des dépens à la charge de la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, qui succombe.

***

Par déclaration du 10 août 2021, la SAS Bandalux France a régulièrement interjeté appel de ce jugement, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par ordonnance du 2 février 2022, le délégataire du Premier président de la cour d’appel de Toulouse, saisi par la société Bandalux France d’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 12 juillet 2021, a :

– débouté la société Bandalux France de l’ensemble de ses demandes,

– l’a condamnée aux dépens de l’instance en référé, ainsi qu’à payer à M. [SZ] [C] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 avril 2023, la SAS Bandalux France demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté ses demandes (exception faite de la demande de remboursement des frais de repas du 15 mars 2018),

Statuant à nouveau,

– condamner M. [SZ] [C], solidairement avec M. [Z] [W], à payer à la SAS Bandalux France la somme de 611.825euros en réparation du manque à gagner résultant de la violation de son obligation contractuelle de loyauté,

– condamner M. [C], solidairement avec M. [W], à payer à la SAS Bandalux France la somme de 50.000 euros en réparation de la perte de chance de conquérir de nouveaux marchés résultant de la violation de son obligation contractuelle de loyauté,

– condamner M. [C] à payer à la SAS Bandalux France la somme de 22.50 euros en répétition des frais indûment remboursés du fait de la violation de son obligation contractuelle de loyauté,

– condamner M. [C], solidairement avec M. [W], à payer à la SAS Bandalux France la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice de déstabilisation de la société du fait de la violation de son obligation contractuelle de loyauté,

– condamner M. [C] à payer à la SAS Bandalux France la somme de 22.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, en application de l’article L.1222-1 du code du travail,

– ordonner à M. [C] de cesser tout acte pour la société BT Group qui serait lié directement ou indirectement aux agissements déloyaux commis dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, sous astreinte de 1.000€ par acte relevé,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’absence de faute grave,

Statuant à nouveau,

– débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes au titre de l’absence de faute grave, en ce qu’elles sont mal-fondées,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

– condamner M. [C] à payer à la SAS Bandalux France la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [C] aux entiers dépens.

La société Bandalux fait valoir, pour l’essentiel, que M. [SZ] [C] a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Bandalux, engageant sa responsabilité contractuelle jusqu’au 15 janvier 2019, date de la fin de son contrat de travail, et délictuelle à compter de cette date ; qu’il a agi conjointement avec deux collègues, M. [G] [N], directeur commercial de Belux (société en charge du marché belge et luxembourgeois) et M. [Z] [W], commercial France ; que M. [C] a commercialisé les produits GT Group, société concurrente de Bandalux, sur le marché français et devait percevoir des commissions pour la vente de ces produits, par l’intermédiaire d’une société écran, la société Cocoon ; qu’il a participé, en novembre 2017 et en mars 2018, à des salons professionnels pour BT Group et s’est présenté à la clientèle comme un représentant de la société concurrente ; qu’il a établi une fausse note de frais le 15 mars 2018 en prétendant qu’il était à [Localité 7] alors qu’il se trouvait en réalité en Italie, et s’est fait envoyer du matériel de la société BT Group à son adresse personnelle ; qu’il a personnellement participé au projet collectif concurrent et déloyal mis en oeuvre par MM. [N] et [W], commettant ainsi une faute grave justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail ; que la violation de son obligation de loyauté a causé un important préjudice à la société employeur, que M. [C] devra être condamné à réparer à sa hauteur.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 30 août 2023, M. [C], qui forme appel incident, demande à la cour de :

– à titre liminaire, de déclarer irrecevables les demandes présentées par la SAS Bandalux France visant à obtenir la condamnation solidaire de M. [C] et M. [W],

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la SAS Bandalux France de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande de la SAS Bandalux France relative au relative au remboursement de la note de frais de repas de 22,50 euros du 15 mars 2018,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et a condamné la SAS Bandalux France au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement, frais de repas restant dus et 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

– débouter la SAS Bandalux France de l’intégralité de ses demandes,

– déclarer que le licenciement notifié à M. [C] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

– condamner la SAS Bandalux France à verser à M. [C] les sommes suivantes:

* 21.411,50 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 22.671 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 2.267,10 euros au titre des congés payés afférents,

* 4.315,29 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 14 décembre 2018 au 14 janvier 2019, outre 431.53 euros de congés payés afférents,

* 14.122,08 euros au titre du rappel de prime d’ancienneté, augmenté des intérêts légaux à compter de mars 2016,

* 79.348,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

* 160 euros de frais de repas restant dus,

* 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à la somme de 1.500 euros allouée par le conseil de prud’hommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il soutient que sa responsabilité civile ne saurait être engagée que sur la base d’une faute lourde, qui n’est pas alléguée en l’espèce ; que contrairement à ce que soutient la société Bandalux France, il n’a pas participé à des actes de concurrence déloyale et n’a jamais vendu ou tenté de vendre des produits de la société BT Group ; qu’il s’est rendu en Italie pour visiter l’usine concurrente de BT Group afin de se tenir informé de l’état du marché et rechercher des produits complémentaires, non fabriqués par la société Bandalux ; qu’il n’a jamais dissimulé cette visite à son employeur, en ayant informé son directeur général en juillet 2018 ; qu’il n’a pas non plus travaillé pour les sociétés Gostore, Mass Concept et Cocoon, majoritairement situées en Belgique, à la création desquelles il n’a pas participé ; qu’il a effectué, avec ses commerciaux d’autres visites, notamment chez AMB, société fabricante de moustiquaires, chez Ferrari, fabricante de toiles, chez Somfy, fabricant de moteurs et automatismes, toujours dans un souci de recherche de produits complémentaires, sans que cela ne pose aucun problème ; qu’il n’a jamais sollicité son équipe pour qu’elle vende des produits GT Group au détriment de la société Bandalux ; que la note de frais du restaurant Carson City à [Localité 7] mentionne par erreur la date du 15 mars 2018, le repas ayant été pris le dimanche 18 mars 2018 ; que la vraie raison du licenciement de M. [C] résulte de ce qu’il a été évincé du poste de directeur commercial ‘Chantier’ au profit de M. [O] [J].

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 08 septembre 2023.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire, de déclarer irrecevables les demandes de la société Bandalux France tendant à la condamnation conjointe de M. [SZ] [C] et de M. [Z] [W], qui n’est pas dans la cause et dont le licenciement fait l’objet d’une instance distincte.

– Sur le licenciement :

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié. Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l’entreprise.

M. [SZ] [C] a été licencié pour faute grave ; la lettre de licenciement du 14 janvier 2019 qui fixe les limites du litige, fait état :

– d’actes de concurrence déloyale commis par le salarié, qui aurait commercialisé, en concertation avec deux autres salariés, dont un membre de son équipe commerciale, des produits de la société concurrente BT Group au détriment de la société Bandalux France, actes qui ont été découverts à l’issue d’une enquête interne conclue le 10 décembre 2018,

– d’une tentative de dissimulation par M. [C] de sa présence en Italie le 15 mars 2018 à l’occasion d’une visite d’usine organisée par la société BT Group, caractérisée par la production d’une fausse de note de frais émanant du restaurant Carson City à [Localité 7] et datée du 15 mars 2018.

* les actes de concurrence déloyale commis par M. [SZ] [C] au profit de BT Group:

A l’appui de ses allégations, la société Bandalux France verse aux débats :

– le rapport interne diligenté le 10 décembre 2018 par Mme [BK] [E], directrice administrative et financière de la société Bandalux France, qui reprend la déclaration de M. [DD] [GO], employé de Bandalux Industrial SA en Espagne, lequel fait état des activités commerciales réalisées pour le compte de la société concurrente BT Group par M.[G] [N], directeur commercial de la société belge Bandalux Belux SA. Il est essentiellement fait état, dans ce rapport, de l’activité de M. [N], qui a constitué avec sa fille, en date du 11 mai 2016, une société dénommée Mass Concept, dans le but d’exercer des activités concurrentielles à celles de Bandalux. Il est également fait mention, dans cette enquête, d’une société dénommée Gostore, gérée jusqu’au 25 février 2018, par la société Mass Concept (pièce n° 65).

Selon la société employeur, cette enquête caractérise la participation de M. [C] aux activités concurrentielles exercées par M. [N], par le seul fait que les deux hommes se sont rendus ensemble en Italie sur leur temps de travail, et relève que M. [C] a impliqué plusieurs salariés de son équipe dans son activité.

– une attestation de M. [DD] [GO] en date du 4 décembre 2018 rédigée en ces termes : ‘A l’occasion d’un voyage de travail par une convention internationale à [Localité 6], le 7 novembre 2018, il m’a été communiqué une information, directement et oralement, par M. [D] [Y], responsable chez Bandalux de la ‘direction internationale’, M. [Y] m’a indiqué être au courant des activités commerciales réalisées par M. [G] [N] (directeur commercial Belux de Bandalux et M. [SZ] [C] (directeur commercial France de Bandalux ) sur des produits de la société ‘BT Group’.

Compte tenu de l’importance de l’information reçue, parce que je sais que M. [N] et M. [C] travaillent en exclusivité pour Bandalux, et font partie de son personnel, et aussi parce que Bandalux et BT Group sont des acteurs du même secteur d’activités, j’ai pris la décision de transmettre l’information reçue à M. [X] [H], sous-directeur général de la division internationale de Bandalux, qui est le responsable direct de M. [N] et M. [C] (pièce n° 110).

– de nombreux mails échangés entre des agents de la société BT Group et M. [G] [N] entre le 15 janvier 2016 et le mois de janvier 2018, qui démontrent l’existence d’un partenariat commercial entre M. [N] et la société BT Group (pièces n° 1 à 29).

Suite à la découverte des actes de concurrence déloyale commis par M. [N], la société Bandalux Belux a licencié ce dernier pour faute grave par courrier du 13 décembre 2018 (pièce n° 78)

M. [N] n’a pas contesté la commission de ces actes. Une médiation a été organisée entre lui-même et M. [X] [H], représentant de la société Bandalux Belux, qui a abouti à une transaction signée entre les parties le 12 décembre 2019, au terme de laquelle M. [N] a renoncé à contester le motif grave à l’appui de son licenciement et a accepté de verser à Bandalux Belux, solidairement avec la société Mass Concept dont il est le gérant, une somme de 10 000 euros (pièce transmise en cours de délibéré par la société Bandalux France).

Force est toutefois de constater que les pièces susvisées ne concernent que M. [N], et que les allégations de concurrence déloyale de l’appelante ne reposent que sur la participation de M. [C] à des visites d’usine organisées par BT Group, en novembre 2017 et mars 2018, ainsi que sur la ‘fausse’ note de frais du 15 mars 2018.

M. [C] ne conteste pas avoir été présent à ces visites et indique ne pas dissimulé à son employeur, indiquant que la connaissance des usines et des produits des entreprises concurrentes est une occasion de nouer de nouveaux partenariats, d’évaluer les produits concurrents et rechercher des produits complémentaires. A l’appui de ses allégations, il verse aux débats :

– une attestation de M. [YO] [B], PDG de la Sas Radleadrerbat, spécialisée dans le domaine de la véranda et de la menuiserie, qui indique : ‘Pour mon réseau, je souhaitais trouver un nouveau fournisseur de stores intérieurs et extérieurs. Je travaillais jusqu’alors avec la société Faber, mais ayant des difficultés à nous placer au niveau des prix, j’ai pris la décision de contacter M. [C] que je connaissais de réputation et de sérieux au sein de la société Bandalux. Il s’avère que nous avons trouvé un accord assez rapide sur les stores intérieurs, mais sur les stores extérieurs, j’ai dit à M. [C] qu’il serait difficile de travailler ensemble, car trop cher, hormis la partie store de véranda. Je lui ai donc demandé s’il connaissait des fournisseurs placés et sérieux en stores extérieurs et pergolas. Celui-ci m’a donné plusieurs noms, tels que M.. [I], de BT Group, et un ou deux autres noms que j’ai oubliés. Suite à mon étude de prix et services, j’ai opté pour la société Llaza. Je confirme donc n’avoir jamais travaillé avec le fournisseur BT Group’ (pièce n°18).

– une attestation de M. [S] [LC], chef d’entreprise à La Réunion, qui précise : ‘J’atteste travailler avec la société Bandalux depuis 2016 grâce aux bonnes relations entretenues avec M. [C] et à ce jour, nous sommes toujours restés fidèles à la marque Bandalux exclusivement pour les stores intérieurs et extérieurs.

Concernant la pergola qui ne correspondait pas à nos attentes chez Bandalux, M. [C] nous a fourni plusieurs noms de confrères. Nous avons donc étudié l’offre BT Group et aussi Installux. Notre choix s’est porté sur l’offre Installux qui correspondait parfaitement à nos attentes’ (pièce n° 19).

M. [C] produit également un mail adressé le 23 mars 2018 à 19h 10, depuis son adresse personnelle à M. [N], à l’adresse de BT Group, libellé en ces termes : ‘Comme je te l’ai dit, il est hors de question pour mes commerciaux et moi-même de vendre pour BT.

La seul chose qui m’intéresse et tu le sais, c’est que tu puisses répondre où Bandalux ne peut pas(…)

Je suis désolé, si tu espérais autre chose, mais la proposition BT n’intéresse personne de mon équipe’ (pièce n° 15).

Il est en outre constant que M. [SZ] [C] n’est en rien impliqué dans la société Cocoon, constituée en juin 2018 entre M. [R] [V] et M. [A] [NL] (pièce n° 59 de l’appelante).

Il s’évince de l’ensemble des observations qui précèdent que la société Bandalux ne rapporte pas la preuve de la commission par M. [C] d’actes de concurrence déloyale, ni d’une exécution déloyale de son contrat de travail. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

* la volonté de M. [C] de dissimuler sa présence en Italie le 15 mars 2018 :

Il est constant que le dimanche 18 mars 2018, M. [SZ] [C] a déjeuné au restaurant Carson City à [Localité 7] en compagnie de M. [Z] [W], de M. [U] [P] et de M. [PP] [M] avant de se rendre à l’aéroport pour prendre un avion, les autres participants à ce repas devant assister l’après midi au match de rugby [Localité 7]-[Localité 5] auquel ils étaient invités par la société Bandalux (pièce n° 21 de l’intimé).

Or, la note de frais qu’il a adressée à son employeur pour ce repas, d’un coût de 22,50 euros a été manuellement établie par le restaurateur et est datée du 15 mars 2018, date à laquelle M. [C] se trouvait en Italie en compagnie de M. [W].

Cette simple erreur de date est insuffisante à caractériser une dissimulation volontaire par M. [C] de sa présence en Italie le 15 mars 2018, et ne saurait légitimer un licenciement pour faute grave, ni même, comme l’ont estimé les premiers juges, pour cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

– Sur les conséquences du licenciement :

M. [PP] [C] a été licencié sans cause réelle et sérieuse d’une entreprise employant plus de 10 salariés, à l’issue de 11 ans d’ancienneté et à l’âge de 50 ans; il a droit au paiement de son salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents à hauteur des sommes qui lui ont été allouées par le conseil de prud’hommes; il a droit également au paiement des indemnités de préavis (3 mois de salaire) et de congés payés y afférent, soit les sommes de 22 082,61 euros et de 2 208,26 euros, ainsi qu’au paiement de l’indemnité de licenciement (1/4 de mois par année d’ancienneté pour les 10 premières années et 1/3 de mois d’ancienneté à partir de la 11ème année), soit la somme de 21 411,50 euros.

Il est également fondé à percevoir des dommages et intérêts pour licenciement abusif, calculés par référence aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, qu’en considération des circonstances de la rupture, la cour estime devoir fixer à la somme de 66 248 euros représentant l’équivalent de neuf mois de salaire brut.

Le licenciement de M. [C] est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires, le salarié ayant été brutalement sommé de restituer son matériel professionnel; la société Bandalux France l’a en outre discrédité auprès de l’ensemble

de ses collègues en annonçant son licenciement pour faute lourde, et en leur permettant de transmettre cette information à leurs clients (pièce n° 11 de l’intimé). M. [C] a subi de ce fait, un préjudice distinct de celui qui sera réparé par la condamnation de la société Bandalux France à lui payer des dommages et intérêts pour rupture abusive. Ce préjudice sera évalué à la somme de 4 000 euros.

En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par la Sas Bandalux France à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à M. [SZ] [C], dans la limite de trois mois d’indemnités.

– Sur les autres demandes :

M. [C] sollicite le versement d’une somme de 14 122,08 euros au titre du rappel de la prime d’ancienneté prévue par l’article 28 de la convention collective de l’import export.

Il résulte de cet article que la prime d’ancienneté est due aux cadres dotés d’un coefficient inférieur à C 15. Concernant les cadres confirmés dont le coefficient est égal ou supérieur au coefficient C 15, les appointements sont déterminés forfaitairement de gré à gré.

Il est constant que M. [C] exerçait des fonctions de cadre confirmé et était classé C18, son salaire de base (hors commissions), négocié avec la société employeur s’élevant à 4 250 euros brut, soit une augmentation de 190 euros à compter du mois de juin 2018.

Les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, relevé que M. [C] bénéficiait d’un salaire supérieur au mimimun conventionnel et que la prime d’ancienneté, qui n’était pas déterminée forfaitairement de gré à gré avec son employeur, ne lui était pas due.

Le jugement déféré sera réformé en ce qu’il a déduit de la somme correspondant aux frais de repas restant dus la somme de 22,50 euros représentant le coût du repas pris le 18 mars 2018 au restaurant Carson City, de sorte que la somme restant due au salarié à ce titre sera fixée à 160 euros.

La société Bandalux France sera déboutée de l’ensemble de ses demandes financières formées à l’encontre de M. [SZ] [C].

Le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens de première instance et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Sas Bandalux France, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [SZ] [C] les frais exposés non compris dans les dépens; il y a lieu de faire droit, en cause d’appel, à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’une somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 12 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Toulouse, sauf en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de M. [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [C] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et licenciement vexatoire,

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [C] à 6.601 euros,

– déduit du montant des sommes dues au titre des repas la somme de 22,50 euros représentant le coût du repas pris au restaurant Carson City le dimanche 18 mars 2018,

– condamné la SAS Bandalux France à payer à M. [C] la somme de

19.803 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.980,30 euros au titre des congés payés afférents,

Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [SZ] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la Sas Bandalux France à payer à M. [C] les sommes suivantes

(sur la base d’un salaire mensuel moyen brut de 7 360,87 euros) :

– 22 082,61 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 2 208,26 euros brut au titre des congés payés afférents,

– 160 euros au titre des frais de repas restant dus,

– 66 248 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Ordonne le remboursement par la Sas Bandalux France à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à M. [SZ] [C], dans la limite de trois mois d’indemnités.

Déboute la Sas Bandalux France de l’ensemble de ses demandes.

Condamne la Sas Bandalux France aux dépens de l’appel.

Condamne la Sas Bandalux France à payer à M. [SZ] [C], en cause d’appel, une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La déboute de sa demande formée ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et C.DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

C.DELVER S.BLUMÉ.

 


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