Informations confidentielles : 13 octobre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03626

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Informations confidentielles : 13 octobre 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03626
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13/10/2023

ARRÊT N°2023/390

N° RG 21/03626 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OKRZ

NB/VH

Décision déférée du 12 Juillet 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE (F19/00263)

S. FAURY

Section Encadrement

S.A.S. BANDALUX

C/

[O] [M]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

Le 13/10/2023

à Me Ophélie BENOIT-DAIEF

et à Me Véronica FREIXEDA

Le 13/10/2023

à Pôle emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. BANDALUX FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Elisabeth ANGLES D’AURIAC, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [O] [M]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Véronica FREIXEDA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , et M. DARIES, conseillère, et N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUMÉ, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUMÉ, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [O] [M] a été embauché à compter du 1er septembre 2006 par la SAS Bandalux France, qui commercialise des auvents, des pergolas et des stores bananes, en qualité de VRP exclusif suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des VRP.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel moyen s’élevait à la somme de 4 287 euros brut.

Par courrier du 17 décembre 2018, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, envisagé pour motif disciplinaire et fixé au 9 janvier 2019 ; le même courrier lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire, dans l’attente de la décision à intervenir sur le licenciement.

Par lettre recommandée du 15 janvier 2019, il a été licencié pour faute grave. La lettre de licenciement est ainsi motivée : ‘Vous avez été engagé par contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2006, en qualité de VRP exclusif régional.

Comme tout salarié de la société, vous êtes tenu par une obligation de fidélité qui vous interdit de développer, directement ou par personne interposée, pour votre compte ou celui d’un tiers, toute activité concurrente à celle de notre société et de notre groupe.

Vous êtes également tenu à une obligation de loyauté.

En outre et à titre de VRP exclusif de la société, vous avez accès à des informations strictement confidentielles que vous ne pouvez utiliser à d’autres fins que le seul exercice de votre mission. Cette obligation vous a été expressément rappelée aux termes de votre obligation contractuelle de discrétion.

Or, nous avons découvert, à l’issue d’une enquête interne conclue le 10 décembre dernier, qu’avec Monsieur [L] [V], directeur commercial Belgique, et Monsieur [G] [R], directeur commercial France, et d’autres de vos collègues, vous vous étiez rendu coupable d’actes de concurrence déloyale.

En outre et afin de cacher votre comportement que vous saviez profondément déloyal, vous avez établi une fausse note de frais.

Nous vous reprochons donc la violation de vos obligations contractuelles de fidélité, de loyauté et de discrétion sur les informations confidentielles confiées dans le cadre de votre mission.

Les faits sont les suivants.

La société italienne BT Group nous est directement concurrente puisqu’elle produit et commercialise des stores extérieurs et des pergolas.

Il est établi que Monsieur [L] [V] et Monsieur [G] [R] ont commercialisé, au moins depuis 2016, des produits de cette société notamment auprès de nos clients, et ce en violation de leur obligation de non-concurrence. Ils sont aujourd’hui licenciés pour faute grave.

Or, il est apparu que vous vous êtes joint à leurs actes de concurrence déloyale, puisque vous avez notamment participé, du 14 au 16 mars 2018, à une convention BT Group, à Lesmo en Italie, au cours de laquelle vous avez visité l’usine de notre concurrent, reçu une formation et négocié des conditions d’intervention, et ce sur votre temps de travail et en dehors de votre mission.

Pour mener à bien cette entreprise concurrentielle, vous avez usé de moyens mis à votre disposition pour le seul exercice de votre mission, comme de votre temps de

travail, de votre voiture professionnelle, de la prise en charge de frais de déplacement et de restaurant, et ainsi abusé de notre confiance.

Vous, et les deux directeurs commerciaux, avez également participé à la divulgation à des tiers d’informations confidentielles de notre société et du groupe, en violation de votre obligation contractuelle de discrétion, notamment quant aux conditions de remises client/produit pratiquées sur le territoire français.

Vous avez enfin accepté d’être rémunéré par nos soins en qualité de VRP exclusif en charge du développement de votre secteur et, dans le même temps, de ne pas défendre nos intérêts mais bien ceux d’un concurrent, abusant une fois encore de notre confiance.

Enfin, vous avez toujours eu pleine conscience du caractère concurrentiel et parfaitement déloyal de ces actes et de l’ampleur du préjudice commercial en résultant pour notre société et l’ensemble du groupe.

C’est ainsi que, pour cacher votre déplacement en Italie en mars 2018, vous avez cru devoir nous présenter une fausse note de frais pour un prétendu déjeuner le 15 mars 2018 à 22,50 euros, au restaurant Carson City à [Localité 5], alors que nous avons la preuve que vous n’étiez pas à [Localité 5] à cette date mais bien en Italie. Vous avez donc falsifié une note de frais.

Votre comportement conjoint avec les personnes physiques et morales impliquées, qui vise à piller les données commerciales de notre société pour en faire bénéficier une entreprise concurrente, met en péril toute notre activité et les emplois qui en dépendent en vue de satisfaire nos clients et de maintenir nos parts de marché.

La perte de chiffre d’affaires dont nous avons connaissance à ce jour – étant entendu qu’elle est certainement plus étendue eu égard aux précautions que vous avez prises pour cacher vos méfaits – s’élève à plus de 600.000 euros, sans compter notre perte de chance de conquérir de nouveaux marchés.

Au vu de la violation flagrante de votre obligation de fidélité et de votre profonde déloyauté, nous avons perdu toute confiance en vous et notre collaboration n’est plus possible.

La SAS Bandalux a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 19 février 2019 pour être indemnisée du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale commis par son salarié pendant l’exécution de son contrat de travail

(RG n° 19/00263).

Parallèlement, M. [M] a également saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 22 mars 2019 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes (affaire inscrite sous le numéro RG n° 19/00428, radiée par décision du 22 octobre 2019).

Par jugement en date du 12 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, a :

– rejeté les demandes de la SAS Bandalux France (exception faite de la demande de remboursement des frais de repas du 15 mars 2018 pour un montant de 22,50 euros),

– constaté l’absence de faute grave,

– dit que le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– fixé le salaire moyen de M. [M] à 4.287 euros,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [M] la somme de 703,83 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire du 9 janvier 2018 au 15 janvier 2019, outre 70,38 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [M] la somme de 12.861 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.286,10 euros bruts au titre des congés payés afférents,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [M] la somme nette compensée de 71.375,50 euros à titre d’indemnité de clientèle (déduction faite des 22,50 euros dus par M. [M] au titre des frais de repas inclus),

– dit n’y avoir lieu au décompte des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes avec capitalisation de ces intérêts,

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire autre que de droit,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [M] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

– mis les dépens à la charge de la SAS Bandalux France.

***

Par déclaration du 10 août 2021, la SAS Bandalux a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 juillet 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par ordonnance du 2 février 2022, le délégataire du Premier président de la cour d’appel de Toulouse, saisi par la société Bandalux France, a autorisé la société Bandalux France à consigner la somme de 38 583 euros correspondant aux sommes versées en vertu de l’exécution provisoire de droit du jugement du conseil de prud’hommes en date du 12 juillet 2021.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 14 mars 2022, la SAS Bandalux France demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté ses demandes (exception faite de la demande de remboursement des frais de repas du 15 mars 2018),

Statuant à nouveau,

– condamner M. [O] [M], solidairement avec M.[G] [R], à payer à la SAS Bandalux France la somme de 611.825 euros en réparation du manque à gagner résultant de la violation de son obligation contractuelle de loyauté,

– condamner M. [M], solidairement avec M. [R], à payer à la SAS Bandalux France la somme de 50.000 euros en réparation de la perte de chance de conquérir de nouveaux marchés résultant de la violation de son obligation contractuelle de loyauté,

– condamner M. [M] à payer à la SAS Bandalux France la somme de 22,50 euros en réparation des frais indûment remboursés du fait de la violation de son obligation contractuelle de loyauté,

– condamner M. [M] à payer à la société Bandalux France la somme de

13.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, en application de l’article L. 1221-1 du code du travail,

– ordonner à M. [M] de cesser tout acte pour la société BT Group qui serait lié directement ou indirectement aux agissements déloyaux commis dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, sous astreinte de 1.000 euros par acte relevé,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’absence de faute grave,

Statuant à nouveau,

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes au titre de l’absence de faute grave, en ce qu’elles sont mal-fondées,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

– condamner M. [M] à payer à la SAS Bandalux France la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [M] aux entiers dépens.

La société Bandalux fait valoir, pour l’essentiel, que M. [O] [M] a commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société Bandalux, engageant sa responsabilité contractuelle jusqu’au 15 janvier 2019, date de la fin de son contrat de travail, et délictuelle à compter de cette date ; qu’il a agi conjointement avec deux collègues, M. [L] [V], directeur commercial de Belux (société en charge du marché belge et luxembourgeois) et de M. [G] [R], directeur commercial de Bandalux France ; que M. [M] a commercialisé les produits GT Group, société concurrente de Bandalux, sur le marché français et devait percevoir des commissions pour la vente de ces produits, par l’intermédiaire d’une société écran, la société Cocoon ; que M. [M] a participé à une visite de l’usine de BT Group en mars 2018 et s’est présenté à la clientèle comme un représentant de la société concurrente ; qu’il a établi une fausse note de frais en mars 2018 en prétendant qu’il était à [Localité 5] alors qu’il se trouvait en réalité en Italie, et s’est fait envoyer du matériel de la société BT Group à son adresse personnelle ; qu’il a personnellement participé au projet collectif concurrent et déloyal mis en oeuvre par MM. [V] et [R], commettant ainsi une faute grave justifiant la rupture immédiate de son contrat de travail.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 29 août 2023, M. [M], qui forme appel incident, demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’il n’y avait lieu à une quelconque jonction d’instance,

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la SAS Bandalux France,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [M] à rembourser des frais de repas du 15 mars 2018 pour un montant de 22,50 euros,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [M] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

– dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [M], les sommes suivantes:

* 703,83 euros bruts à titre de salaire et 70,38 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 12.861 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et

1.286,10 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Bandalux France à verser à

M. [M] la somme nette compensée de 71.375,50 euros à titre d’indemnité de clientèle (déduction faite des 22,50 euros dus par M. [M] au titre des frais de repas indus),

– condamner la SAS Bandalux France à verser à M. [M] les sommes suivantes:

* 71.398 euros net au titre de l’indemnité de clientèle,

* 86.100 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à défaut la somme de 47.157 euros au titre de l’article L.1235-3 du code du travail,

– condamner la SAS Bandalux France à verser les intérêts de retard sur les sommes à caractère de salaire à compter de la saisine du conseil,

– condamner la SAS Bandalux France à capitaliser les intérêts de retard sur toutes les condamnations prononcées à l’égard de M. [M],

– débouter la SAS Bandalux France de toutes ses demandes,

– condamner la SAS Bandalux France à verser à M. [M] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [M] soutient qu’il n’a pas participé à des actes de concurrence déloyale ; que la note de frais du 15 mars 2018 est une erreur, le repas qu’il a pris au restaurant Carson City à [Localité 5] datant en réalité du 18 mars 2018 et non du 15 mars 2018; qu’il s’est rendu en Italie pour visiter l’usine concurrente de BT Group pour rechercher des produits complémentaires; que s’il n’a pas demandé à son employeur le remboursement de ses frais de déplacement en Italie, c’est parce que BT Group, qui recevait, prenait en charge ce déplacement, qu’il n’a jamais eu l’intention de dissimuler à son employeur; que l’intégralité de ses revenus pour l’année 2018 provient de la société Bandalux, et qu’il n’a jamais reçu de commissions de la part d’une société concurrente; que sa bonne foi est établie par le fait qu’il a refusé de signer un engagement de loyauté et reconnaître sa participation à une entreprise concurrente.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 08 septembre 2023.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire, de déclarer irrecevables les demandes de la société Bandalux France tendant à la condamnation conjointe de M. [O] [M] et de

M. [G] [R], qui n’est pas dans la cause et dont le licenciement fait l’objet d’une instance distincte.

– Sur le licenciement :

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié. Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l’entreprise.

M. [O] [M] a été licencié pour faute grave ; la lettre de licenciement du 15 janvier 2019 qui fixe les limites du litige, fait état :

– d’actes de concurrence déloyale commis par le salarié, qui aurait commercialisé, en concertation avec deux autres salariés, dont son directeur commercial, des produits de la société concurrente BT Group au détriment de la société Bandalux France, actes qui ont été découverts à l’issue d’une enquête interne conclue le 10 décembre 2018,

– d’une tentative de dissimulation par M. [M] de sa présence en Italie le 15 mars 2018 à l’occasion d’une visite d’usine organisée par la société BT Group, caractérisée par la production d’une fausse de note de frais émanant du restaurant Carson City à [Localité 5] et datée du 15 mars 2018.

* les actes de concurrence déloyale commis par M. [O] [M] au profit de BT Group:

A l’appui de ses allégations, la société Bandalux France verse aux débats :

– le rapport interne diligenté le 10 décembre 2018 par Mme [C] [E], directrice administrative et financière de la société Bandalux France, qui reprend la déclaration de M. [H] [F], employé de Bandalux Industrial SA en Espagne, lequel fait état des activités commerciales réalisées pour le compte de la société concurrente BT Group par M.[L] [V], directeur commercial de la société belge Bandalux Belux SA. Il est essentiellement fait état, dans ce rapport, de l’activité de M. [V], qui a constitué avec sa fille, en date du 11 mai 2016, une société dénommée Mass Concept, dans le but d’exercer des activités concurrentielles à celles de Bandalux. Il est également fait mention, dans cette enquête, d’une société dénommée Gostore, gérée jusqu’au 25 février 2018, par la société Mass Concept (pièce n° 65).

Selon la société employeur, cette enquête caractérise la participation de M. [M] aux activités concurrentielles exercées par M. [V], par le seul fait qu’il s’est rendu en Italie sur son temps de travail en compagnie de son directeur commercial, en même temps que plusieurs autres salariés de l’équipe commerciale de M. [R] qui les a impliqués dans son activité concurrentielle.

– une attestation de M. [H] [F] en date du 4 décembre 2018 rédigée en ces termes : ‘A l’occasion d’un voyage de travail par une convention internationale à

Saint-Jacques de Compostelle, le 7 novembre 2018, il m’a été communiqué une information, directement et oralement, par M. [T] [I], responsable chez Bandalux de la ‘direction internationale’, M. [I] m’a indiqué être au courant des

activités commerciales réalisées par M. [L] [V] (directeur commercial Belux de Bandalux et M. [G] [R] (directeur commercial France de Bandalux ) sur des produits de la société ‘BT Group’.

Compte tenu de l’importance de l’information reçue, parce que je sais que

M. [V] et M. [R] travaillent en exclusivité pour Bandalux, et font partie de son personnel, et aussi parce que Bandalux et BT Group sont des acteurs du même secteur d’activités, j’ai pris la décision de transmettre l’information reçue à

M. [W] [Z], sous-directeur général de la division internationale de Bandalux, qui est le responsable direct de M. [V] et M. [R] (pièce n° 110).

– de nombreux mails échangés entre des agents de la société BT Group et M. [L] [V] entre le 15 janvier 2016 et le mois de janvier 2018, qui démontrent l’existence d’un partenariat commercial entre M. [V] et la société BT Group (pièces n° 1 à 29).

Suite à la découverte des actes de concurrence déloyale commis par M. [V], la société Bandalux Belux a licencié ce dernier pour faute grave par courrier du 13 décembre 2018 (pièce n° 78)

M. [V] n’a pas contesté la commission de ces actes. Une médiation a été organisée entre lui-même et M. [W] [Z], représentant de la société Bandalux Belux, qui a abouti à une transaction signée entre les parties le 12 décembre 2019, au terme de laquelle M. [V] a renoncé à contester le motif grave à l’appui de son licenciement et a accepté de verser à Bandalux Belux, solidairement avec la société Mass Concept dont il est le gérant, une somme de 10 000 euros (pièce transmise en cours de délibéré par la société Bandalux France).

Force est toutefois de constater que les pièces susvisées ne concernent que M. [V], et que les allégations de concurrence déloyale de l’appelante reposent exclusivement sur la participation de plusieurs membres de l’équipe commerciale de M. [R], dont M. [M], à une visite d’usine organisée par BT Group en mars 2018, ainsi que sur la ‘fausse’ note de frais du 15 mars 2018.

Deux autres membres de l’équipe commerciale de M. [G] [R], MM. [U] [X] et [K] [S], VRP Exclusifs, étaient également présents à la visite d’usine ayant eu lieu en mars 2018 en Italie. A la demande de la société Bandalux France, ils ont accepté de signer un document dénommé ‘engagement de loyauté’, ainsi rédigé :

‘Au cours d’une enquête conclue le 10 décembre 2018, la société a découvert que des actes de concurrence déloyale avaient été entrepris par les sociétés BT Group/ Brianzatende SRL, Gostore SPRL, Mass Concept et Cocoon, M. [G] [R] (suspecté à ce stade) et M. [L] [V], et que j’y étais impliqué.

J’ai conscience que cette implication me fait encourir une rupture immédiate de mon contrat de travail et une condamnation individuelle ou collective.

La société a cependant souhaité maintenir mon contrat de travail et convenir des conditions substantielles de ce maintien.

Je reconnais expressément que, comme tout salarié, je suis tenu par une obligation de fidélité et de loyauté envers mon employeur qui m’interdit de développer, directement ou par personne interposée, pour mon compte ou celui d’un tiers, toute activité concurrente de celle de la société et de toute société du groupe auquel elle appartient. Je m’engage expressément à respecter cette obligation de fidélité et de loyauté.

En application de cette obligation, je m’engage, expressément et à compter de ce jour, à cesser tout acte en lien avec les faits de concurrence déloyale découverts et à cesser tout contact en ce sens avec les personnes physiques ou morales impliquées ou suspectées d le’être, et notamment avec les sociétés

BT Group/Brianzatende SRL, Gostore SPRL, Mass Concept et Cocoon, M. [G] [R] et M. [L] [V].

En application de cette obligation, je m’engage à apporter mon concours à la défense des intérêts de la société à l’encontre des auteurs de ces actes de concurrence déloyale découverts, notamment en attestant de faits dont j’aurais été témoin ou en transmettant à la société tout document pouvant avoir un lien avec les actes de concurrence déloyale découverts.

Mon engagement de loyauté est un élément substantiel de la poursuite de mon contrat de travail. Il n’induit aucunement une renonciation de la société à poursuivre les autres auteurs des actes de concurrence déloyale découverts ainsi que moi-même s’il advenait que je n’en respecte pas les termes’ (pièces n°74 et 75 de l’appelante).

M. [O] [M] a refusé de signer un tel engagement. Il ne conteste pas avoir été présent à la visite de l’usine de BT Group en Italie, mais nie avoir commis des actes de concurrence déloyale. Il indique que la connaissance des usines et des produits des entreprises concurrentes est une occasion de nouer de nouveaux partenariats, d’évaluer les produits concurrents et rechercher des produits complémentaires. A l’appui de ses allégations, il verse aux débats une attestation de M. [A] [Y], PDG de la Sas Radleadrerbat, spécialisée dans le domaine de la véranda et de la menuiserie, qui indique : ‘Pour mon réseau, je souhaitais trouver un nouveau fournisseur de stores intérieurs et extérieurs. Je travaillais jusqu’alors avec la société Faber, mais ayant des difficultés à nous placer au niveau des prix, j’ai pris la décision de contacter M. [R] que je connaissais de réputation et de sérieux au sein de la société Bandalux. Il s’avère que nous avons trouvé un accord assez rapide sur les stores intérieurs, mais sur les stores extérieurs, j’ai dit à M. [R] qu’il serait difficile de travailler ensemble, car trop cher, hormis la partie store de véranda. Je lui ai donc demandé s’il connaissait des fournisseurs placés et sérieux en stores extérieurs et pergolas. Celui-ci m’a donné plusieurs noms, tels que M. [D], de BT Group, et un ou deux autres noms que j’ai oubliés. Suite à mon étude de prix et services, j’ai opté pour la société Llaza. Je confirme donc n’avoir jamais travaillé avec le fournisseur BT Group’ (pièce n°12).

Le refus de M. [M] de signer un engagement de loyauté et de reconnaître son implication dans des pratiques concurrentielles ne peut sérieusement lui être reproché et légitimer son licenciement pour faute grave.

Le salarié a par ailleurs déposé, par courrier recommandé du 2 avril 2019, une plainte pour diffamation publique à l’encontre de M. [W] [Z], international managing director de la société Bandalux, et de la société Bandalux (pièce n° 11).

M. [O] [M] verse enfin aux débats son avis d’imposition pour l’année 2018, duquel il résulte que ses seuls revenus proviennent des salaires versés par la société Bandalux France (pièce n° 15).

Il s’évince de l’ensemble des observations qui précèdent que la société Bandalux ne rapporte pas la preuve de la commission par M. [M] d’actes de concurrence déloyale, ni d’une exécution déloyale de son contrat de travail. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

* la volonté de M. [M] de dissimuler sa présence en Italie le 15 mars 2018 :

Il est constant que le dimanche 18 mars 2018, M. [O] [M] a déjeuné au restaurant Carson City à [Localité 5] en compagnie de M. [G] [R], de

M. [N] [P] et de M. [K] [J] avant d’assister l’après midi au match de rugby [Localité 5]-[Localité 4] auquel ses clients étaient invités par la société Bandalux (pièce n° 10 de l’intimé).

Or, la note de frais qu’il a adressée à son employeur pour ce repas, d’un coût de 22,50 euros a été manuellement établie par le restaurateur et est datée du 15 mars 2018, date à laquelle M. [M] se trouvait en Italie en compagnie de M. [R].

Cette simple erreur de date est insuffisante à caractériser une dissimulation volontaire par M. [M] de sa présence en Italie le 15 mars 2018, et ne saurait légitimer un licenciement pour faute grave, ni même, comme l’ont estimé les premiers juges, pour cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

– Sur les conséquences du licenciement :

M. [O] [M] a été licencié sans cause réelle et sérieuse d’une entreprise employant plus de 10 salariés, à l’issue de plus de 12 ans d’ancienneté et à l’âge de 53 ans; il a droit au paiement de son salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents, ainsi qu’au paiement des indemnités de préavis (3 mois de salaire) et de congés payés y afférents, à hauteur des sommes qui lui ont été allouées par le conseil de prud’hommes.

Concernant le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif, il demande à la cour d’écarter l’application du barème annexé à l’article L. 1235-3 du code du travail, compte tenu du préjudice qu’il a subi du fait de son licenciement à près de 54 ans et des difficultés qu’il rencontre pour retrouver un emploi avec le même niveau de rémunération.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-4 du code du travail, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. [M], les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

Il appartient donc à la cour seulement d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail,

En l’espèce et en considération des circonstances de la rupture, la cour estime devoir fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif dus par la Sas Bandalux France au salarién à la somme de 42 870 euros représentant l’équivalent de dix mois de salaire brut.

En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par la Sas Bandalux France à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à M. [O] [M], dans la limite de trois mois d’indemnités.

– Sur l’indemnité de clientèle :

Selon l’article L. 7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.

L’indemnité de clientèle a pour objet de compenser la perte pour le représentant

de la clientèle qu’il a créée, apportée ou développée au profit de son ancien

employeur. Elle n’est due que lorsqu’il est établi que le salarié a augmenté en nombre et en valeur la clientèle de son employeur.

La Sas Bandalux France fait valoir que M. [O] [M] ne démontre pas que les conditions de versement de l’indemnité de clientèle sont remplies, au motif que les produits qu’elle vend ont un caractère durable et ne font en principe pas l’objet de renouvellement ; que les sommes qui lui ont été accordées à ce titre par les premiers juges, correspondant à quatre ans de commissions, sont exorbitantes.

M. [O] [M] soutient en réponse que lorsqu’il a commencé son activité, son chiffre d’affaires était de 394 035 euros; qu’en 2018, il réalisait un chiffre d’affaires de 1 319 963 euros et avait apporté à la société 336 nouveaux clients, dont 18 nouveaux clients pour la seule année 2018; qu’il travaillait exclusivement pour une clientèle de professionnels qui renouvelaient leurs commandes régulièrement.

Il verse aux débats un tableau récapitulatif de ses primes pour les années 2007 à 2018 (pièce n° 8), ainsi qu’une liste de ses clients et du chiffre d’affaires induit par ces nouveaux clients depuis son embauche (pièce n° 9); ce faisant, il établit avoir personnellement développé pour le compte de la société employeur une clientèle durable, qu’il a définitivement perdu du fait de son licenciement. Il est donc fondé à réclamer le bénéfice d’une indemnité de clientèle.

Le salaire de M. [M] était constitué d’un fixe (3 050 euros par mois en 2018) et de commissions représentant environ 35% de son salaire mensuel.

L’indemnité de clientèle n’est pas le prix de cession d’une clientèle qui serait passée du patrimoine du représentant dans celui de son employeur, mais cette somme a uniquement pour but et pour effet d’assurer au représentant la réparation du préjudice que lui cause son départ en lui faisant perdre pour l’avenir le bénéfice qu’il tirait de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

L’indemnité de clientèle doit en principe se calculer au moment de la rupture du contrat de travail. Son montant résulte de la part revenant personnellement au salarié dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

En fixant le montant de l’indemnité de clientèle à l’équivalent de 4 ans de commissions, comme le demandait les salarié, les premiers juges ont fait une appréciation excessive de la place des commissions dans le salaire global de

M. [M]; il convient de réduire le montant de l’indemnité de clientèle à une somme que la cour estime devoir fixer à 25 000 euros.

– Sur les autres demandes :

Le jugement déféré sera réformé en ce qu’il a déduit du montant de l’indemnité de clientèle la somme de 22,50 euros représentant le coût du repas pris le 18 mars 2018 au restaurant Carson City.

La société Bandalux France sera déboutée de l’ensemble de ses demandes financières formées à l’encontre de M. [O] [M].

Le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens de première instance et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Sas Bandalux France, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [O] [M] les frais exposés non compris dans les dépens; il y a lieu de faire droit, en cause d’appel, à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’une somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 12 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Toulouse, sauf en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [M] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– déduit du montant des sommes dues au titre de l’indemnité de clientèle la somme de 22,50 euros représentant le coût du repas pris au restaurant Carson City le dimanche 18 mars 2018,

– condamné la SAS Bandalux France, prise en la personne de son représentant légal ès-qualités, à payer à M. [M] la somme nette compensée de 71.375,50 euros à titre d’indemnité de clientèle,

Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [O] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la Sas Bandalux France à payer à M. [M] les sommes suivantes:

– 25 000 euros au titre de l’indemnité de clientèle,

– 42 870 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Ordonne le remboursement par la Sas Bandalux France à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à M. [O] [M], dans la limite de trois mois d’indemnités.

Déboute la Sas Bandalux France de l’ensemble de ses demandes.

Condamne la Sas Bandalux France aux dépens de l’appel.

Condamne la Sas Bandalux France à payer à M. [O] [M], en cause d’appel, une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La déboute de sa demande formée ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et C.DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

C.DELVER S.BLUMÉ.

 


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