Informations confidentielles : 13 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08455

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Informations confidentielles : 13 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/08455
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2023

(n° 2023/ 244 , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08455 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDTBI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n°

APPELANTES

S.A. HISCOX SA Venant aux droits de la société Hiscox Europe Underwriting Limited, dont la succursale française, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 833 546 989, est située [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité à ladite adresse.

[Adresse 3]

[Localité 12] LUXEMBOURG

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, plaidant par Me Yanick HOULE, avocat au barreau de PARIS, toque: C1743

S.A.R.L. VIGILIA SECURITE PRIVÉE

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 9]

N° SIRET : 510 889 173

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055 postulant, ayant pour avocat plaidant Me Olivier PARDO, du cabinet OPLUS, Avocats au barreau de Paris, Toque: K170

INTIMÉES

S.A.R.L. PROTEXI ASSURANCES CABINET DOMBLIDES & DE SOUYS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

N°SIRET: 410 692 057

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 postulant, ayant pour avocat plaidant Me Arnaud PERICARD, avocat au bareau de Paris, TOQUE: B0036

S.A.R.L. A & C COURTAGE

[Adresse 10]

[Localité 7]

N°SIRET: 442 433 959

Défaillante

S.E.L.A.R.L. MJC2A en la personne de Maître [J] [R] anciennement dénommée SCP [J] [R] Es qualités de mandataire judiciaire et liquidateur de la SARL A & C COURTAGE

[Adresse 5]

[Localité 6]

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur [L] [C] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Rendu par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société VIGILIA SÉCURITÉ (VIGILIA) est une société de surveillance ; elle a souscrit pour l’exercice de son activé, depuis 2014 un contrat d’assurance responsabilité civile d’exploitation et professionnelle, auprès de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED HISCOX, absorbée depuis par HISCOX SA (HISCOX), par l’intermédiaire du courtier A&C Courtage, auquel elle payait les appels de prime annuels et dont elle recevait l’attestation d’assurance correspondante.

A l’occasion du vol d’une somme d’argent oubliée par une cliente dans sa chambre, commis en février 2018 à l’hôtel de [11] par un salarié « référent sécurité » de la société VIGILIA responsable de la sécurité de cet hôtel, et plus particulièrement de la surveillance de cette somme gardée dans le poste de sécurité de l’hôtel, ce dernier a pris attache avec la société Hiscox en sa qualité d’assureur de la société VIGILIA Sécurité pour connaître les possibilités d’indemnisation, le salarié ne lui ayant que partiellement restitué la somme dérobée.

La société HISCOX a opposé à la société Hôtel de [11] une fin de non-recevoir du fait de la résiliation du contrat d’assurance pour non paiement des primes à effet du mois d’octobre 2017.

L’hôtel de [11] lui ayant adressé une attestation d’assurance établie par la société A&C Courtage afin de justifier sa réclamation, la société HISCOX lui a répondu que cette attestation n’émanait pas de ses services.

Le 2 mars 2018, l’Hôtel de [11] a notifié à la société VIGILIA Sécurité la résolution de son contrat de prestation sécurité/incendie/sûreté, en arguant de manquements graves, à savoir le vol commis au préjudice de son établissement, par un des préposés de la société de gardiennage, le défaut d’assurance pour son activité professionnelle pour l’année 2018, et le recours à de la sous-traitance pour l’exécution de ses prestations, bien que prohibé par le contrat.

Faisant grief au courtier en assurances A&C Courtage, d’une part d’avoir détourné des primes et réalisé une fausse attestation d’assurance pour l’année 2018, et d’autre part d’être à l’origine de la résolution de son contrat avec l’hôtel de Crillon, et grief à l’assureur HISCOX d’avoir refusé d’écouter de bonne foi ses explications concernant le paiement des primes en cause et d’avoir directement indiqué à l’Hôtel de Crillon (qui n’était pas son client) cette situation sans le lui en référer auparavant, participant ainsi à la situation de non assurance ayant abouti à la résiliation du contrat de prestation sécurité incendie conclu avec l’hôtel de Crillon, la société VIGILIA a, par deux actes d’huissier du 11 mai 2018, assigné les sociétés A&C Courtage et HISCOX Europe Underwriting Limited devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’indemnisation des préjudices subis du fait des fautes contractuelles ainsi commises.

La société VIGILIA demandait plus particulièrement au tribunal de :

– juger que A&C Courtage a détourné les primes d’assurance versées par VIGILIA et ne les a pas remises à HISCOX, que le défaut d’assurance de VIGILIA a eu pour conséquence directe la résiliation du contrat de prestation de service sécurité incendie et sûreté conclu avec la société C. HOTEL, société exploitante de l’Hôtel de [11], que HISCOX a rompu son devoir de bonne fois vis-à-vis de VIGILIA et que A&C Courtage et HISCOX ont engagé leur responsabilité contractuelle vis-à-vis de VIGILIA ,

– condamner in solidum à lui payer la somme de 4.316.076,87 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant comme suit :

. 3 595,40 euros correspondant aux primes détournées,

. 1 245 783,68 euros pour la perte de contrat de prestation de sécurité avec l’Hotel de [11],

. 66 697,79 euros correspondant au maintien de salaire du 24 février 2018 au 3 mars 2018,

.3 000 000 euros correspondant au préjudice d’image.

Dans le cadre de cette procédure, la société HISCOX a conclu le 11 mars 2021 tandis que la société A&C Courtage n’a pas conclu et ne s’est pas présentée ni faite représenter.

La société VIGILIA a, parallèlement, par acte en date du 12 avril 2019, assigné en intervention forcée la société DOMBLIDES ASSURANCES (exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES) aux fins d’ordonner la jonction entre cette instance et l’instance principale introduite contre les sociétés HISCOX et A&C Courtage, et de condamnation in solidum avec ces deux sociétés à réparer le préjudice subi à hauteur de 4 316 076,87 euros, estimant que la responsabilité de PROTEXI pouvait également être engagée, dès lors que cette dernière était « probablement » liée à A&C Courtage « par une sorte de co-courtage ou de contrat de délégation de gestion et que par conséquent, ces deux sociétés sont au même titre responsables vis-à-vis de la société VIGILIA SECURITE du détournement de primes ».

La société PROTEXI a conclu le 4 septembre 2019, notamment, à l’irrecevabilité de l’action engagée par VIGILIA à son encontre, faute de qualité à défendre de cette dernière, et subsidiairement, notamment à l’absence de faute, de preuve de l’existence d’un préjudice, ou du lien de causalité entre ce préjudice et une faute.

Enfin, par acte en date du 23 septembre 2020, la société VIGILIA a assigné la SCP [J] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la société A&C Courtage, celle ci ayant fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte le 8 juillet 2019, aux fins de jonction et de condamnation ès qualités, in solidum avec Hiscox au paiement de la somme de 4.316.076,87 euros au titre des préjudices subis par VIGILIA.

LA SCP [J] [R], par courrier du 30 septembre 2020 a informé le tribunal de commerce qu’elle ne serait ni présente, ni représentée.

C’est dans ces circonstances que, par jugement du 15 avril 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– dit recevable l’intervention volontaire de la SA HISCOX venant aux droits de HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED (à la suite d’une fusion absorption) ;

– dit recevable l’action de la SARL VIGILIA SECURITE contre la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES (et débouté cette dernière de sa demande d’irrecevabilité, PROTEXI ayant reconnu avoir permis à A&C COURTAGE de placer le contrat d’assurance auprès d’HISCOX) ;

– joint les affaires enrôlées sous les numéros de RG 2018027667, 2019025027 et 2020041759 (à la suite des actes d’huissier précités, délivrés devant le tribunal à la demande de VIGILIA) sous le seul et même numéro RG J2021000191 ;

– dit que la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA doit sa garantie à la SARL VIGILIA SECURITE au titre du contrat d’assurance HARCP0247706 (la police d’assurance souscrite par VIGILIA auprès d’HISCOX étant en vigueur en février 2018, date du sinistre objet du litige) ;

– dit que la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA a commis une faute à l’encontre de SARL VIGILIA SECURITE (en communiquant une information non avérée sur le défaut d’assurance, constitutive d’un préjudice pour celle-ci, à savoir la résiliation anticipée du contrat la liant à l’hôtel [11]) ;

– condamné la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA à payer à la SARL VIGILIA SECURITE la somme de 66 697,79 euros au titre du préjudice causé (somme correspondant au maintien du salaire des agents de la société VIGILIA affectés à l’Hôtel de Crillon après la rupture du contrat de prestation par ce dernier, préjudice directement causé par la faute de HISCOX, le tribunal rejetant l’autre poste de préjudices invoqué par VIGILIA concernant la perte du contrat avec le Crillon) ;

– débouté la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes contre la SARL A&C COURTAGE ;

– débouté la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes contre la SCP [J] [R] prise en la personne de Me [J] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la SARL A&C COURTAGE ;

– débouté la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes contre la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES ;

– débouté la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive contre la SARL VIGILIA SECURITE ;

– débouté la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA à payer à la SARL VIGILIA SECURITE la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;

– condamné la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 155,84 euros dont 25,76 euros de TVA.

Par déclaration électronique du 2 mai 2021, enregistrée au greffe le 7 mai 2021 (RG n° 21/08455), la SA HISCOX a interjeté appel de ce jugement à l’encontre de la seule société VIGILIA, en mentionnant les chefs du jugement dont elle sollicite l’infirmation.

Par déclaration électronique du 12 mai 2021, enregistrée au greffe le 21 mai 2021 (RG n° 21/09243), la société VIGILIA a également interjeté appel de ce jugement, à l’encontre des sociétés HISCOX, PROTEXI ASSURANCES CABINET DOMBLIDES et DE SOUYS et A & C Courtage, en mentionnant les chefs du jugement dont elle sollicite l’annulation, l’infirmation ou la réformation.

Par ordonnance du 4 avril 2022, ces deux instances ont été jointes sous le n° de RG 21/08455.

Par conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 23 mai 2022, la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX Europe Underwriting Limited, demande à la cour de :

– Juger que la résiliation du contrat d’assurance conclu entre la société VIGILIA Sécurité et HISCOX est régulièrement intervenue en octobre 2017 ;

– Juger qu’aucune garantie n’était due par la société HISCOX du fait de cette résiliation ;

– Juger qu’une faute de la société HISCOX n’est pas établie ;

– Juger de l’absence de lien de causalité entre la résiliation du contrat d’assurance et la résiliation du contrat avec l’hôtel [11] lequel fut justifié par le vol d’un employé ;

– Juger que les dommages invoqués ne sont pas établis ;

En conséquence,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. dit que la société HISCOX SA doit sa garantie à la SARL VIGILIA Sécurité au titre du contrat d’assurance HARCP0247706,

. dit que la société HISCOX SA a commis une faute à l’encontre de la SARL VIGILIA Sécurité,

. condamné la société HISCOX SA à payer à la SARL VIGILIA Sécurité la somme de 66 697,79 euros au titre du préjudice causé, et la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Statuant à nouveau,

– Débouter la société VIGILIA Sécurité Privée de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la société HISCOX SA venant aux droits de la société Hiscox Europe Underwriting Limited tant au principal qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

Subsidiairement, juger que :

– la faute alléguée à l’encontre de la société HISCOX n’est à l’origine que d’une perte de chance pour la société VIGILIA Sécurité de ne pas voir résilier son contrat de prestation avec l’Hôtel de [11] ;

– l’indemnisation de la perte de chance ne correspond pas à l’indemnisation de l’intégralité du préjudice invoqué ;

– la perte de chance imputable à la société HISCOX ne saurait excéder 10 % des préjudices retenus ;

– la demande au titre du maintien des salaires ne saurait excéder la somme de 11 713,45 euros ;

En conséquence,

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société HISCOX SA à verser à la société VIGILIA Sécurité Privée la somme de 66 697,79 euros ;

– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société VIGILIA Sécurité Privée de ses demandes indemnitaires au titre des primes détournées, de la perte du contrat avec l’Hôtel de [11] et du préjudice d’image ;

En conséquence,

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société HISCOX SA à verser à la société VIGILIA Sécurité Privée la somme de 66 697,79 euros ;

– Rejeter les demandes de la société VIGILIA Sécurité à l’encontre de la société HISCOX SA ;

– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société VIGILIA Sécurité Privée de ses demandes indemnitaires au titre des primes détournées, de la perte du contrat avec l’Hôtel de [11] et du préjudice d’image ;

Statuant à nouveau,

– Ramener la demande formée au titre du maintien des salaires à la somme de 11 713,45 euros ;

– Ramener les demandes formées à l’encontre de la société HISCOX SA à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder 10 % du montant du préjudice fixé ;

Très subsidiairement,

– Juger que la faute de la société HISCOX n’est pas la cause exclusive du préjudice invoqué par la société VIGILIA Sécurité ;

– Juger que la société VIGILIA Sécurité a commis des fautes à l’origine du dommage par elle invoqué ;

– Juger que la part de responsabilité de la société HISCOX ne saurait être que minoritaire ;

En conséquence,

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société HISCOX SA à verser à la société VIGILIA Sécurité Privée la somme de 66 697,79 euros ;

Statuant à nouveau,

– Ramener les demandes formées à l’encontre de la société HISCOX SA à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder 10 % du montant du préjudice fixé ;

En tout état de cause, condamner la société VIGILIA Sécurité Privée à payer à la société Hiscox SA la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de Me Jacques Bellichach conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Par conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 4 février 2022, la société VIGILIA SECURITE PRIVEE demande à la cour :

– d’INFIRMER les chefs suivants du jugement :

* condamne la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA à payer à la SARL VIGILIA SECURITE la somme de 66 697,79 euros au titre du préjudice causé,

* déboute la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes contre la SARL A&C Courtage,

* déboute la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes contre la SCP [J] [R] prise en la personne de Me [J] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la SARL A&C Courtage,

* déboute la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes contre la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES ;

Et statuant à nouveau, de :

– JUGER recevable l’action introduite par la société VIGILIA à l’encontre des sociétés HISCOX et DOMBLIDES ASSURANCES ;

– JUGER que la société A&C Courtage a détourné les primes d’assurance versées par VIGILIA et ne les as pas remises à la société HISCOX ;

– JUGER que le défaut d’assurance de la société VIGILIA a eu pour conséquence directe la résiliation du contrat de prestation de service sécurité incendie et sûreté conclu avec la société C. HOTEL, société exploitante de l’Hôtel de [11] ;

– JUGER que la société HISCOX a rompu son devoir de confidentialité, de loyauté et de bonne foi vis-à-vis de la société VIGILIA ;

– JUGER que les sociétés A&C Courtage et HISCOX ont engagé leur responsabilité contractuelle vis-à-vis de la société VIGILIA ;

– JUGER que la société PROTEXI ASSURANCES a engagé sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de la société VIGILIA ;

Par conséquent,

– CONDAMNER les sociétés HISCOX et DOMBLIDES ASSURANCES, in solidum, au paiement d’une somme de 4 854 068,97 euros se décomposant en :

. 3 595,40 euros correspondant aux primes détournées,

. 1 245 783,68 euros à la perte du contrat de prestation de sécurité de l’Hôtel de [11],

. 66 697,79 euros correspondant au maintien des salaires du 24 février 2018 au 3 mars 2018,

. 209 522,10 euros à la perte de chance de voir le contrat de prestation de sécurité renouvelé en 2019,

. 3 000 000 euros correspondant au préjudice d’image subi par la société VIGILIA,

. 328 470 euros correspondant aux frais liés au redressement judiciaire ;

– DEBOUTER les sociétés HISCOX et DOMBLIDES ASSURANCE de leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause, CONDAMNER les sociétés HISCOX et DOMBLIDES ASSURANCE in solidum à verser à la société VIGILIA la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens sur le fondement de l’article 699 du même code.

Par conclusions d’intimée et d’appel incident notifiées par voie électronique le 15 novembre 2021, la société DOMBLIDES ASSURANCE, exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES (PROTEXI) demande à la cour de :

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit recevable l’action engagée par VIGILIA SECURITE à l’encontre de PROTEXI ;

Statuant à nouveau,

– Juger irrecevable l’action engagée par VIGILIA SECURITE à l’encontre de PROTEXI, faute de qualité à défendre de cette dernière ;

– Débouter en conséquence VIGILIA SECURITE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de PROTEXI ;

A titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que VIGILIA SECURITE ne rapporte pas la preuve d’une faute qui aurait été commise par PROTEXI ni de l’existence d’un préjudice, ni du lien de causalité entre ce préjudice et une quelconque faute ;

– Débouter en conséquence VIGILIA SECURITE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de PROTEXI ;

En tout état de cause,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il débouté PROTEXI de sa demande de condamnation de VIGILIA SECURITE à des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

– Condamner VIGILIA SECURITE à payer à PROTEXI la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– Condamner VIGILIA SECURITE, à payer à PROTEXI la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société VIGILIA a, selon procès-verbal de tentative de signification du 11 août 2021, tenté vainement de signifier à la société A&C Courtage la déclaration d’appel du 12 mai 2021 et ses conclusions déposées au greffe et notifiées le 5 août 2021 comprenant la liste des pièces au soutien de ses demandes, cette société s’avérant ne plus être en activité depuis le 1er décembre 2020 et radiée à la suite d’un jugement du tribunal de commerce d’Evry du 13 novembre 2020 ayant prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif. Selon procès-verbal de tentative de signification du même jour, la MJC2A prise en la personne de Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire et liquidateur de la société A&C Courtage a refusé la signification de ces mêmes actes de procédure au motif que le dossier était clos à la suite de la liquidation de ladite société.

La société A&C Courtage et la SCP [J] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la société A&C Courtage n’ont pas constitué avocat.

Il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société VIGILIA sollicite l’infirmation partielle du jugement en exposant notamment que :

– les sociétés A&C Courtage, HISCOX et PROTEXI ont commis chacune des fautes qui lui ont causé un préjudice ;

– si contrairement aux banques, les assureurs ne sont pas soumis au secret professionnel, ils ont une obligation de confidentialité dont la violation est susceptible d’engager leur responsabilité civile ;

– contrairement à ce que prétend HISCOX, cette dernière n’avait pas résilié le contrat d’assurance à la suite de l’envoi de la lettre de mise en demeure du 5 septembre 2017 qu’elle invoque ; elle n’a d’ailleurs jamais reçu cette lettre, et HISCOX n’apporte aucune preuve de son envoi ;

– les sociétés HISCOX et PROTEXI ont plus particulièrement manqué à leur obligation de confidentialité, de loyauté et de bonne foi, avec la complicité de la société A&C Courtage ;

– compte tenu de la liquidation de la société A&C Courtage, les sociétés HISCOX et PROTEXI doivent être condamnées in solidum à lui payer la somme de 4 854 068,97 euros en réparation des divers préjudices causés par les fautes de ces trois sociétés, se décomposant comme suit :

. 3 595,40 euros correspondant aux primes détournées,

. 1 245 783,68 euros correspondant à la perte du contrat de prestation de sécurité de l’Hôtel de [11],

. 66 697,79 euros correspondant au maintien des salaires du 24 février 2018 au 3 mars 2018,

. 209 522,10 euros pour la perte de chance de voir le contrat de prestation de sécurité renouvelé en 2019,

. 3 000 000 euros correspondant au préjudice d’image qu’elle a subi,

. 328 470 euros correspondant aux frais liés à la procédure de redressement judiciaire ouverte à son encontre.

S’agissant de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par la société PROTEXI, elle demande à la cour de l’en débouter, dès lors qu’elle n’est pas fondée, confirmant ainsi le jugement sur ce point.

Au soutien de son appel, la société HISCOX fait valoir en substance que :

– le jugement doit être infirmé dès lors que la demande de la société VIGILIA ne peut prospérer, en l’absence de faute de sa part, de lien de causalité, et de preuve des dommages allégués ;

– le courrier de mise en demeure de paiement des cotisations restant dues par la société VIGILIA a entraîné la suspension du contrat d’assurance dans un délai de 30 jours puis, en l’absence de paiement, 10 jours plus tard la résiliation de plein droit de la police à défaut de paiement, le 18 octobre 2017 ;

– l’appel de prime par la société A&C Courtage est indu et l’attestation établie par elle un faux, le contrat ayant été résilié ;

– elle n’a dès lors commis aucune faute en informant l’Hôtel de [11], tiers victime, de la résiliation du contrat d’assurance conclu au bénéfice de VIGILIA, qui était intervenue plusieurs mois auparavant, cette information étant exacte et il ne peut lui être fait grief d’avoir manqué à une obligation de confidentialité ou de loyauté, inexistante en l’espèce ; sur le fondement d’une action directe, l’Hôtel de [11] était fondé à solliciter sa garantie, étant donné qu’elle était l’assureur garantissant la responsabilité civile de la société VIGILIA Sécurité, pour les dommages causés par le préposé de cette société de surveillance ; elle était quant à elle fondée à refuser en réponse sa garantie au motif de la résiliation du contrat d’assurance ;

– si elle s’était abstenue de révéler le caractère frauduleux de l’attestation, elle aurait engagé sa propre responsabilité envers l’Hôtel de [11] ;

– aucun secret professionnel ni devoir de confidentialité n’existent en l’espèce à sa charge ;

– son seul interlocuteur étant la société Protexi, il n’existait aucune délégation de gestion à la société A &C Courtage ; dès lors VIGILIA ne peut être suivie lorsqu’elle lui reproche le comportement délictuel de ce courtier en assurances, qui était l’intermédiaire de la société VIGILIA, choisi par ses soins, mandaté par elle et qui la représentait ; elle seule doit supporter les manquements de son mandataire commis à son égard ;

– en tout état de cause, la faute qui lui est reprochée par VIGILIA est sans lien de causalité avec le préjudice allégué, dès lors que le fait générateur, à l’origine de la démarche de résiliation de l’Hôtel de [11], est le vol commis par le préposé de la société VIGILIA ; le défaut d’assurance de la société VIGILIA n’aurait nullement entraîné la résiliation du contrat avec l’Hôtel de [11] si aucun sinistre n’était survenu par ailleurs entraînant une absence de couverture assurantielle de celui-ci ; seule la réalisation du vol par le préposé de la société VIGILIA a été déterminante dans la décision de résiliation du contrat de prestation ; l’absence d’assurance n’a pas été l’élément déterminant dans la décision de l’Hôtel de [11] de résilier son contrat conclu avec la société VIGILIA, comme en atteste le fait que, si VIGILIA a répondu le 24 février 2018 à l’Hôtel de [11] qu’elle contractait une nouvelle assurance en urgence, et en a envoyé l’attestation le 28 février 2018, l’hôtel a tout de même résilié le contrat le 2 mars 2018 ; l’absence d’assurance dont la réalité est établie est le fait de la société A&C Courtage, qui n’a pas payé la prime contractuellement due et de la société VIGILIA qui n’a donné aucune suite à la mise en demeure reçue ; la société HISCOX, qui a pour sa part subi un impayé, s’est contentée, conformément aux usages, de mettre en ‘uvre la résiliation organisée par la loi ; ainsi, à supposer que l’absence d’assurance soit entrée en considération dans la décision de résiliation de l’Hôtel de [11], celle-ci n’est pas le fait de HISCOX mais de la société A&C Courtage ; la faute à l’origine des préjudices allégués par la société VIGILIA est celle, exclusive et pénale, de la société A&C Courtage, qui a détourné les fonds remis pour payer la prime (abus de confiance) et forgé une attestation (faux) ; VIGILIA aurait au surplus pu relever l’anomalie à réception de la lettre de résiliation de la société HISCOX du 5 septembre 2017, ce qu’elle a négligé de faire ;

– la société VIGILIA ne justifie toujours pas de la réalité et du quantum pourtant exorbitant des préjudices invoqués ; elle ne démontre pas le lien entre la résiliation du contrat d’assurance avec ses préjudices, qui sont la conséquence directe de l’acte de malveillance de son employé ;

– le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu’il a débouté la société VIGILIA de ses demandes indemnitaires au titre des primes détournées, de la perte du contrat avec l’Hôtel de [11] et du préjudice d’image, et le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société HISCOX à verser à la société VIGILIA la somme de 66.697,79 euros au titre de son prétendu préjudice de maintien des salaires (du 24 février 2018 au 3 mars 2018) ; les demandes nouvelles en cause d’appel, formulées à hauteur de 209.522,10 euros au titre de la perte de chance de voir son contrat renouvelé avec l’Hôtel de [11] et de 328.470 euros correspondant aux frais liés à la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de VIGILIA, seront quant à elle rejetées ;

– subsidiairement, si la cour confirme le jugement, elle constatera que le préjudice invoqué constitue une simple perte de chance et que son quantum doit être ramené à de plus justes proportions.

La société DOMBLIES ASSURANCE (PROTEXI), intimée et appelante incident, demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– jugé recevable l’action de VIGILIA SECURITE à l’encontre de PROTEXI ;

– débouter PROTEXI de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

A titre subsidiaire, elle demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’aucune preuve de responsabilité n’était établie à l’encontre de PROTEXI.

Au soutien de ses demandes, elle fait notamment valoir que :

– si elle est bien une société de courtage d’assurance, « codée » auprès de la compagnie d’assurances HISCOX (comme auprès de nombreuses autres compagnies), de ce fait autorisée par cette dernière à proposer à ses propres clients des produits d’assurance de cette compagnie, (contrairement à la société de courtage en assurance A&C Courtage), les primes d’assurance du contrat en cause n’ont jamais transité par ses services ;

– A&C Courtage n’étant pas référencée auprès d’HISCOX, elle a été contrainte de recourir à l’assistance de PROTEXI afin que cette dernière puisse servir d’intermédiaire auprès de la compagnie d’assurance et permettre la souscription du contrat ;

– comme VIGILIA l’explique dans ses écritures, celle-ci n’a jamais eu de contact avec PROTEXI, son unique courtier étant A&C Courtage ;

– VIGILIA n’explique pas davantage en cause d’appel qu’elle ne l’a fait devant le tribunal, en quoi PROTEXI pourrait être, de près ou de loin, liée au détournement de primes litigieux, détournement qui serait pourtant, selon elle, le fait générateur de son préjudice et le fondement de son action en responsabilité ;

– si un chèque de prime a été détourné, comme le prétend VIGILIA SECURITE, et qu’une fausse attestation d’assurance lui a été remise, ce ne peut être le fait de PROTEXI qui n’a jamais eu de contact avec VIGILIA ;

– faute de justification de son intervention dans le cadre du détournement litigieux, elle n’a pas qualité à défendre et la procédure diligentée à son encontre est non seulement irrecevable parce que dépourvue de qualité à défendre, mais en toute hypothèse, mal fondée (comme l’a jugé le tribunal) et même abusive (contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, et peu important qu’elle ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de VIGILIA, une simple légèreté blâmable étant suffisante pour qualifier un comportant fautif générateur d’un abus de procédure) ;

– les préjudices réclamés par l’appelante sont non seulement mal fondés voire fantaisistes, mais trouvent leur origine, non pas dans la résiliation du contrat d’assurance, mais dans la piètre gestion, par VIGILIA, de sa relation contractuelle avec l’Hôtel de [11] et ils ne sont pas le fait de PROTEXI, étant observé que la résiliation est motivée certes par le vol commis par le préposé de VIGILIA mais aussi par le recours à de la sous-traitance pour l’exécution de ses prestations, ce qui est sans rapport avec le défaut d’assurance objet du présent litige.

1) Sur la résiliation du contrat d’assurance de responsabilité civile liant la société HISCOX à la société VIGILIA

Le tribunal a jugé que la société HISCOX devait sa garantie à VIGILIA dès lors qu’elle ne prouvait ni l’envoi ni la réception de la lettre de mise en demeure du 7 septembre 2017 dont excipe HISCOX lui demandant de procéder à la régularisation de la situation d’impayé du solde de la prime due au titre de la période du 1er juillet au 31 décembre 201 (611,84 euros), sous peine de résiliation du contrat d’assurance.

En cause d’appel, la société HISCOX soutient qu’elle rapporte la preuve de l’envoi de cette lettre recommandée et que, comme elle n’a pas à rapporter la preuve de la réception, à l’issue du délai de 10 jours qui a suivi les trente jours de suspension de la garantie suivant la suspension des garanties, le contrat d’assurance a été résilié de plein droit, sans qu’il ait été nécessaire d’en aviser l’assuré.

La société VIGILIA réplique qu’elle n’a jamais reçu la lettre de mise en demeure en question, que la société HISCOX ne prouve pas son envoi et que, comme l’attestation concerne la période courant du 1/01/2018 au 31/12/2018, l’assureur doit sa garantie.

Pour appliquer l’article L. 113-3 du code des assurances, l’assureur doit démontrer qu’un défaut de paiement des primes est imputable à l’assuré, lorsque celui-ci ne paye pas entre les mains de son créancier, c’est à dire l’assureur, ou de son mandataire.

La société PROTEXI, à supposer qu’elle ait été le seul courtier habilité auprès de la société HISCOX dans le cadre du présent litige, et qui à ce titre devait répercuter les paiements de primes, a précisé n’avoir jamais été destinataire du paiement litigieux (prime de 611,84 euros pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2017), ainsi que des autres d’ailleurs.

Or, comme le fait valoir la société HISCOX, la société VIGILIA ne rapporte pas la preuve de l’encaissement du chèque qui aurait été établi, selon elle, pour le règlement de la prime de 2017. Elle justifie uniquement de l’encaissement par la société A&C Courtage du chèque établi selon elle pour le règlement auprès de cette société de la prime de 2018.

Certes, les chèques de 2017 et 2018 communiqués par la société VIGILIA ont été établis à l’ordre de la société A&C Courtage.

Si ceux-ci ont été encaissés, ce qui n’est pas établi, ils n’ont pu l’être que par le mandataire de la société VIGILIA à savoir la société A&C Courtage. Or, le paiement de primes fait entre les mains du courtier non mandataire de l’assureur ne libère pas l’assuré de sa dette.

En l’absence de preuve d’un mandat d’encaissement donné par HISCOX à A&C Courtage, mandat qui permettrait de libérer l’assuré par ses paiements, la cour considère qu’un défaut de paiement des primes est imputable à la société VIGILIA, justifiant de ce fait l’application de l’article L.113-3 du code des assurances.

L’article R 113-1 du code des assurances dispose que la mise en demeure prévue au deuxième alinéa de l’article L. 113-3 résulte de l’envoi d’une lettre recommandée, adressée à l’assuré, ou à la personne chargée du paiement des primes, à leur dernier domicile connu de l’assureur.

Contrairement à ce que réplique la société VIGILIA, la preuve de l’envoi par la société HISCOX de la lettre valant mise en demeure est rapportée en pièces 6/12/13, à savoir : Consultation du suivi des recommandés de la Poste, Capture d’écran du site Maileva (La Poste) et Extraction du site Maileva.

En effet, la lettre de mise en demeure a été adressée en courrier recommandé sous le numéro 1E00230192827 et a été adressée et traitée par les services postaux conformément à la consultation du suivi des recommandés du site de la Poste produit.

La mise en demeure adressée à la société VIGILIA est identifiée par sa référence interne de courrier 2572500794R00047 et son numéro de recommandé 1E00230192827, ces numéros figurant tous deux sur le courrier de mise en demeure et sur la consultation des recommandés de l’assureur traités par la Poste, justifiant qu’il s’agit bien du courrier adressé.

Aucun avis de réception n’étant exigé, l’assureur n’a pas à établir la réception de la mise en demeure par l’assuré, cette mise en demeure résultant du simple envoi de la lettre recommandée au dernier domicile connu par l’assureur conformément à l’article R. 113-1 du code des assurances.

Ce courrier ayant été adressé au siège social exact et toujours actuel de la société VIGILIA à savoir [Adresse 8] (92), les dénégations de la société VIGILIA sur la réception de ce courrier sont ainsi vaines.

Sur le fond, la mise en demeure était rédigée, sur papier à entête de HISCOX, comme suit (en gras dans le texte) :

« En effet, conformément aux articles L113-3 et R 113-2 du code des assurances, à défaut de règlement dans les 30 jours suivant cette mise en demeure, les garanties de votre contrat seront suspendues.

En cas de sinistre, les Assureurs ne seraient donc tenus à aucune garantie.

De plus, faute de règlement, votre contrat sera résilié sans autre avis de notre part pour non paiement 10 jours suivant la suspension des garanties nonobstant les poursuites notamment par voie judiciaire que nous serons en droit d’exercer aux fins de recouvrement de notre créance ».

Il résulte de ce courrier que l’assureur avait clairement exprimé sa volonté de résilier le contrat d’assurance à l’expiration d’un délai de 10 jours suivant la période de suspension de la garantie de 30 jours. Il n’avait en conséquence pas besoin de réitérer son intention dans un courrier ultérieur, la résiliation opérant dès lors de plein droit comme le fait valoir l’assureur.

La garantie ayant été suspendue 30 jours après l’envoi de la mise en demeure adressée en l’absence de paiement de la part de prime réclamée pour l’année 2017, la résiliation du contrat est intervenue 10 jours plus tard, soit le 18 octobre 2017, conformément aux dispositions des article L. 113-3 et R. 113-1 du code des assurances, nonobstant l’attestation établie pour l’année 2018 dont l’authenticité est contestée.

L’appel de prime pour l’année 2018 par la société A&C Courtage apparaît en conséquence indu, le contrat ayant été résilié. Cependant, en l’absence de demande par l’appelant au titre du paiement de l’indu, la restitution de la somme de 3 595,40 euros ne peut être ordonnée par la cour sur ce fondement.

La cour ne peut suivre l’assuré lorsqu’il soutient que la résiliation de plein droit n’opère pas en excipant du règlement effectué le 25 janvier 2018 de la prime réclamée (avis d’échéance du 1er janvier 2018) par la remise du chèque correspondant à son courtier (le montant de 611 euros visé par la mise en demeure correspondant selon lui à un rappel systématique de l’Assureur qui est chaque fois inclus dans la facture de l’année à venir).

En effet, il a été précédemment démontré que ce paiement n’était pas valable parce que fait entre les mauvaises mains.

Il s’en déduit qu’un défaut de paiement de primes est imputable à la société VIGILIA et que la garantie revendiquée n’est pas due, le contrat ayant été de plein droit résilié en octobre 2017 au titre de l’article L. 113 -3 du code des assurances.

Le jugement est infirmé sur ce point.

2) Sur les actions en responsabilité exercées par l’assuré

a. Sur l’inexécution contractuelle de l’assureur

Vu l’article 1104 du code civil ;

Le tribunal a jugé que la société HISCOX était fautive envers VIGILIA en ce qu’elle a communiqué une information « non avérée » à l’Hôtel de Crillon, à savoir le défaut d’assurance, information qui a eu pour conséquence la résiliation anticipée du contrat de prestation de service conclu entre VIGILIA et cet hôtel.

La société VIGILIA fait de nouveau grief à l’assureur, tenu d’une obligation contractuelle de confidentialité, de loyauté et de bonne foi, de ne pas l’avoir respectée en révélant la situation de non assurance à un tiers, l’hôtel de [11] et en refusant de tenir compte des justificatifs produits concernant le paiement des primes, attestant de sa propre bonne foi.

La société HISCOX réplique que l’assureur n’est nullement tenu d’une obligation de confidentialité et qu’ il devait révéler le caractère frauduleux de l’attestation de 2018, à peine d’engager sa responsabilité.

Compte tenu des pièces versées au débat, et plus particulièrement du contrat de prestations sécurité incendie liant VIGILIA à l’Hôtel de [11] (article 20.3), stipulant une obligation d’assurance, et en l’absence du contrat liant la société HISCOX à la société VIGILIA, il n’est pas démontré que la société HISCOX était tenue d’une obligation particulière de confidentialité, laquelle ne peut résulter du seul fait de la loi.

Dans ce contexte, il ne peut être reproché à la société HISCOX d’avoir informé le tiers lésé de l’état de ses relations contractuelles avec la société VIGILIA, indépendamment du bien fondé d’une action directe de l’Hôtel de [11] à l’égard de la société HISCOX, d’autant plus qu’il a été démontré précédemment que le contrat a été résilié du fait du non paiement des primes entre les mains d’HISCOX ou de son mandataire PROTEXI.

b. Sur l’inexécution contractuelle du courtier A&C Courtage

Le tribunal a jugé que la responsabilité d’A&C Courtage ne pouvait être engagée et a débouté VIGILIA de ses demandes à l’encontre d’A&C Courtage.

En pages 10 et 11 de ses dernières conclusions, la société VIGILIA demande de « juger les sociétés HISCOX, A&C COURTAGE et PROTEXI ASSURANCES coupables d’une faute commise au préjudice de la société VIGILIA ». Aucun moyen n’est cependant développé par la société VIGILIA à ce titre.

Certes, la société VIGILIA demande dans le dispositif de ses dernières écritures de: « JUGER que les sociétés A&C COURTAGE et HISCOX ont engagé leur responsabilité contractuelle vis-à-vis de la société VIGILIA » mais plus aucune demande de condamnation n’est formulée en cause d’appel à l’encontre d’A&C Courtage, ou de son mandataire judiciaire ès qualités.

Le courtier A&C COURTAGE et/ou son mandataire ne sont d’ailleurs pas représentés.

En l’absence de moyen développé par la société VIGILIA au soutien de sa prétention, dans la discussion, concernant la responsabilité contractuelle de la société A&C Courtage, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, la responsabilité contractuelle de la société A&C Courtage n’est pas engagée et le jugement sera confirmé par substitution de motifs sur ce point.

c. Sur la faute extracontractuelle du courtier PROTEXI

Sur la recevabilité de l’action en responsabilité de VIGILIA à l’encontre de PROTEXI

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile ;

Le tribunal a déclaré l’action de VIGILIA à l’égard de PROTEXI recevable et débouté cette dernière de sa demande d’irrecevabilité aux motifs que la société VIGILIA a produit une mise en demeure du 7 septembre 2017 qui fait état de PROTEXI ASSURANCES DOMBLIDES & DE SOUIS comme étant l’assureur conseil de VIGILIA, et que PROTEXI reconnaît avoir permis à A&C Courtage de placer le contrat d’assurance auprès d’HISCOX.

La société PROTEXI soulève l’irrecevabilité de l’action introduite par la société VIGILIA à son égard au moyen de l’assignation en intervention forcée, pour défaut de qualité à défendre. Elle estime que la société VIGILIA démontre seulement qu’elle était le courtier de la société HISCOX et qu’en revanche, aucune preuve n’est rapportée qu’elle aurait été rendue destinataire du chèque de prime détourné, ni qu’elle aurait encaissé ce chèque, ni encore qu’elle aurait été à l’origine de l’attestation d’assurance dont la société HISCOX indique qu’elle constituerait un faux.

La société VIGILIA soutient qu’il ressort des échanges de la direction de l’Hôtel de [11] avec la société HISCOX que le courtier PROTEXI a agi comme intermédiaire entre le client de VIGILIA et l’assureur de cette dernière, quand bien même VIGILIA n’aurait jamais eu connaissance de l’intervention de PROTEXI, et que PROTEXI avait accès à des informations confidentielles relatives aux contrats liant HISCOX à VIGILIA.

Dès lors que la société HISCOX reconnaît que la société PROTEXI était son courtier (le qualifiant même d’assureur conseil dans sa lettre de mise en demeure du 7 septembre 2017), et que la société VIGILIA entend engager sa responsabilité, il justifie d’un intérêt à se défendre.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a écarté cette fin de non-recevoir.

Sur le bien-fondé de la faute alléguée

Le tribunal a jugé que la société VIGILIA ne rapporte pas la preuve d’une faute commise par la société PROTEXI.

En l’absence d’élément de preuve suffisant, l’indice tiré du courriel adressé par l’Hôtel de [11] le 23 février 2018 n’est pas suffisant pour caractériser la faute reprochée à la société PROTEXI.

Le jugement est confirmé sur ce point.

d. Sur les préjudices invoqués par l’assuré

Le tribunal a alloué à la société VIGILIA la somme de 66 697,79 euros au titre du maintien des salaires des agents affectés à l’Hôtel de Crillon et a débouté VIGILIA de ses demandes concernant le paiement des primes détournées (3 595,40 euros), la perte du contrat de prestation de sécurité avec l’Hôtel de Crillon (1 245 783,68 euros) et le préjudice d’image (3 000 000 euros).

En cause d’appel, la société VIGILIA maintient l’intégralité de ses demandes d’indemnisation qu’elle formule in solidum à l’encontre des sociétés HISCOX et PROTEXI (outre A&C COURTAGE en page 11/19 de ses écritures mais pas dans le dispositif de ses conclusions de sorte qu’aucune demande de condamnation n’est finalement formulée à son égard, du fait de sa radiation), à savoir :

– le maintien des salaires des agents affectés à l’Hôtel de [11] (du 24 février 2018 au 3 mars 2018) ;

– le paiement des primes détournées (3 595,40 euros) ;

– la perte du contrat de prestation de sécurité avec l’Hôtel de [11] (1 245 783,68 euros, correspondant à la perte de chiffre d’affaires invoquée parce que le contrat devait se poursuivre jusqu’au 11 juin 2019) et le préjudice d’image (3 000 000 euros, son évincement de l’Hôtel de [11] ayant eu des répercussions extrêmement importantes sur son portefeuille de clients, s’étant ainsi notamment retrouvée en redressement judiciaire).

Elle y ajoute l’indemnisation de la perte de chance de voir son contrat renouvelé à son échéance en 2019, avec l’Hôtel de [11] (209 522,10 euros) du fait de la résiliation anticipée du contrat, et les frais liés à la procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard (328 470 euros d’honoraires des différents intervenants).

Dès lors que les responsabilités recherchées n’ont pas été retenues, les demandes en paiement des divers préjudices allégués par l’appelant ne sont pas fondées.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté la société VIGILIA de ses demandes indemnitaires concernant les primes détournées (3 595,40 euros), la perte du contrat de prestation de sécurité avec l’Hôtel de [11] (1 245 783,68 euros) et le préjudice d’image (3 000 000 euros), infirmé en ce qu’il a alloué à la société VIGILIA la somme de 66 697,79 euros au titre du maintien de salaires du 24 février 2018 au 3 mars 2018 (mis à la charge de HISCOX), et les demandes nouvelles en cause d’appel concernant la perte de chance de voir son contrat renouvelé avec l’Hôtel de [11] (209 522,10 euros) et les frais liés au redressement judiciaire (328 470 euros) seront rejetées.

3) Sur l’action en responsabilité exercée par le courtier PROTEXI

Le tribunal a débouté la société PROTEXI de sa demande tendant à condamner la société VIGILIA à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Comme le fait valoir VIGILIA, l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.

En l’espèce, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l’encontre de la société VIGILIA une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice.

Il ne sera ainsi pas fait droit aux demandes de dommages-intérêts formées à ce titre.

Le jugement est confirmé sur ce point.

4) Sur les autres demandes

Le tribunal a condamné la société HISCOX à payer à la société VIGILIA la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’a déboutée de ses demandes sur ce fondement à l’égard de PROTEXI et de A&C COURTAGE (représentée par son mandataire judiciaire), et il a condamné la société HISCOX aux dépens de l’instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 155,84 euros dont 25,76 euros de TVA.

Le tribunal a en outre débouté la société HISCOX et la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la solution retenue par la cour, et des demandes respectives des parties sur ce point, le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné la société HISCOX à payer à la société VIGILIA la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens de l’instance et confirmé pour le surplus sur ces points.

La société VIGILIA supportera les entiers dépens, de première instance et d’appel.

Aucune condamnation ne sera prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant pour la première instance que celle d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, par défaut, publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a .:

– dit recevable l’action de la SARL VIGILIA SECURITE contre la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES et débouter cette dernière de sa demande d’irrecevabilité ;

– débouté la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes indemnitaires à l’égard de la société HISCOX au titre des primes détournées, de la perte du contrat avec l’Hôtel de [11] et du préjudice d’image ;

– débouté la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes contre la SARL A&C COURTAGE,

la SCP [J] [R] prise en la personne de Me [J] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la SARL A&C COURTAGE et de ses demandes contre la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES ;

– débouté la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive contre la SARL VIGILIA SECURITE ;

– débouté la société VIGILIA SECURITE de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile formulées contre la société PROTEXI ASSURANCES et la société A&C COURTAGE ;

– rejeté les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile par la société HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA, et la SARL DOMBLIDES ASSURANCES exerçant sous l’enseigne PROTEXI ASSURANCES ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

– DIT que la SA HISCOX venant aux droits de la société HISCOX EUROPE UNDERWRITING LIMITED SA ne doit pas sa garantie à la SARL VIGILIA SECURITE au titre du contrat d’assurance HARCP0247706 ;

– DEBOUTE la SARL VIGILIA SECURITE de ses demandes indemnitaires tendant à condamner la SA HISCOX in solidum avec Domblides Assurances à la somme de 66 697,79 euros au titre du maintien de salaires du 24 février 2018 au 3 mars 2018, la somme de 209 522,10 euros au titre de la perte de chance de voir son contrat renouvelé avec l’Hôtel de [11] et la somme de 328 470 euros correspondant aux frais liés au redressement judiciaire ;

– CONDAMNE la SARL VIGILIA SECURITE aux entiers dépens, de première instance et d’appel ;

– DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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