Informations confidentielles : 13 décembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05529

·

·

Informations confidentielles : 13 décembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05529
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/05529 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NFXJ

Société SICOVAR

C/

[E]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 17 Septembre 2020

RG : F 18/02811

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2023

APPELANTE :

Société SICOVAR

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Véronique FOURNIER de la SELARL ARTEM AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[O] [E]

né le 03 Juin 1986 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Octobre 2023

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Catherine MAILHES, présidente

– Nathalie ROCCI, conseillère

– Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Décembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [E] [O] (le salarié) a été embauché à compter du 1er juin 2015, en qualité de représentant conseiller en habitat, statut VRP, par la société Sicovar (la société), spécialisée dans la construction et la vente de maisons individuelles et appartenant au groupe Demeures Caladoises (DCP).

Elle occupe à titre habituel plus de 10 salariés et applique l’accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers (VRP) du 3 octobre 1975.

Le salarié ne percevait pas de rémunération fixe de base et était rémunéré uniquement « à la commission ». En dernier lieu, il percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 10 275,72 euros (moyenne des 12 derniers mois).

L’article 4 de son contrat de travail stipulait qu’il intervenait sur le secteur géographique de [Localité 5] et dans un périmètre de 50 kilomètres autour de cette commune et son article 17 prévoyait une clause de non-concurrence prohibant une concurrence sur une année dans le secteur de [Localité 5], incluant un rayon de 50 kilomètres.

Par courrier remis en main propre à son employeur le 13 juin 2018, le salarié a démissionné en ces termes :

« Je soussigné M. [E] [O], vous présente ma démission du poste de conseiller en habitat, à compter de la date de ce courrier.

Conformément aux termes de mon contrat de travail et dans un souci de conscience professionnelle, j’effectuerais la totalité de mon préavis, à savoir 3 mois [‘] »

Par lettre recommandée en date du 21 juin 2018, la société a dispensé le salarié d’effectuer son préavis et lui a indiqué se prévaloir de la clause de non concurrence prévue par son contrat de travail, et qu’il percevrait à ce titre mensuellement 1/6ème de mois de son salaire moyen, soit 1 713 euros.

Le contrat de travail a pris fin le 13 septembre 2018 et la clause de non-concurrence est arrivée à son terme le 13 septembre 2019.

Par requête en date du 19 septembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de lui demander dire et juger que la clause de non-concurrence prévue à son contrat de travail est dérisoire et nulle et de lui donner acte de ce qu’il procédera au remboursement des sommes qui ont été versées au titre de la contrepartie pécuniaire de ladite clause. En outre, il a également demandé la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes à titre de rappel de commissions pour la période courant de 2016 à 2018.

Par jugement en date 17 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

dit que les demandes de M. [E] sont recevables mais ni justifiées ni bien fondées,

dit et jugé que le montant de la clause de non-concurrence n’est pas dérisoire et que celle-ci est par conséquent licite,

dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de remboursement des sommes perçues à ce titre par M. [E],

dit et jugé que les demandes au titre de rappel de commissions ne sont pas dues,

débouté M. [E] de l’intégralité de ses demandes,

débouté la SAS Sicovar de ses demandes reconventionnelles au titre du remboursement de la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence et de la clause pénale,

débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

condamné M. [E] aux dépens.

Par deux déclarations d’appel en date du 12 octobre 2020 (N°RG 20/05572) et du 13 octobre 2020 (N°RG 20/05529), la société Sicovar a interjeté appel de ce jugement. L’appel est limité à l’infirmation des chefs de jugement expressément critiqués, à savoir « débouté la SAS Sicovar de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ».

Par ordonnance en date du 22 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures susvisées, la procédure se poursuivant sous le numéro du rôle 20/5529.

Par ses dernières conclusions notifiées le 8 septembre 2023, la société demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu le 17 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Lyon,

condamner M. [E] à lui régler la somme de 265 576,87 euros au titre de la clause pénale prévue à l’article 17 intitulé « clause de non-concurrence du contrat de travail »,

condamner M. [E] à lui rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence, soit la somme brute de 20 556 euros,

confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a :

jugé licite la clause de non-concurrence de M. [E],

débouté M. [E] de l’intégralité de ses demandes,

condamner M. [E] à lui verser la somme de 2 000 euros en vertu de dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

condamner M. [E] aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2023, le salarié demande à la cour de :

Sur son appel incident,

le recevoir en son appel incident et ses demandes,

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

juger que le montant de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence est dérisoire,

juger que la clause de non-concurrence prévue au contrat est nulle,

condamner la société Sicovar à lui verser la somme de 26 268,95 euros au titre de rappel de commissions sur la période courant de 2016 à 2018, outre 2 626,90 euros de congés afférents,

Sur l’appel principal de la société Sicovar,

A titre principal,

confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Sicovar de sa demande relative au paiement de la clause pénale,

A titre subsidiaire,

réduire à de plus justes proportions le montant de la clause pénale réclamée par la société Sicovar, à l’euro symbolique,

En tout état de cause,

fixer à 10 275,72 euros son salaire de référence,

juger que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

débouter la société Sicovar de toutes demandes, fins et prétentions contraires,

condamner la société Sicovar à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la même aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023.

SUR CE :

– Sur le rappel de commissions :

La société fait valoir que :

– en application de l’article 6 du contrat de travail du salarié, il ne peut prétendre à aucun rappel de commissions, soit en raison de l’annulation des dossiers, soit en raison d’une ouverture de chantier postérieure à son départ de l’entreprise,

– s’agissant des annulations, le salarié invoque deux arrêts de la Cour de cassation applicables en l’absence de dispositions contractuelles contraires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’article 6 de son contrat de travail régit expressément les commissions,

– elle produit l’intégralité des annulations intervenues sur les dossiers de construction.

Le salarié soutient que :

– lorsque le VRP est rémunéré à la commission, celle-ci lui est intégralement acquise et due dès que la commande du client a été acceptée par l’employeur, sans qu’il y ait lieu à prendre en considération la livraison de la marchandise ou le paiement par le client,

– il s’est vu retirer des commissions de ses bulletins de salaire, en raison de la prétendue annulation de contrats et la société ne produit les justificatifs d’annulation que pour certains dossiers,

– il est également bien fondé à réclamer le paiement des commissions qui ne lui ont pas été versées après la rupture de son contrat de travail au titre des dossiers pour lesquels il appartenait toujours aux effectifs de la société lors de leurs signatures.

Le salarié réclame en conséquence :

un reliquat de 322,19 euros pour les dossiers [K], [G], [Z], [Y], [P] et [U] ;

la somme de 25 946,76 euros pour les dossiers [R], [T], [V], [I], [B] (‘) et Stratege Investissement.

****

L’article 6 du contrat de travail porte sur les conditions du droit à commission. Il est libellé comme suit :

« La commission n’est exigible que :

– sur les seuls dossiers complets, remis directement et personnellement à la société.

– sur les constructions conclues avant la fin du présent contrat et menées à bonne fin.

La commission n’est acquise qu’au fur et à mesure des encaissements et au prorata du paiement des clients, suivant les modalités suivantes :

*70% lors de l’acceptation de la commande par la société, sur présentation du dossier complet, soit ; contrat daté et signé, descriptif, plans de distribution + façades + coupe signés, fiche administrative, plan de financement visé, acompte 5% encaissable de suite, compromis de vente, toutes pièces terrain (y compris CU) (‘)

*ou 50%, conditions ci-dessus identiques si acompte encaissable de suite inférieur à 5%

*ou 0% si pas d’acompte encaissable de suite ou acompte inférieur à 765 euros.

Solde à l’issue de l’accomplissement des formalités administratives et du suivi commercial constitué, pour les constructions : par les fondations coulées.

Il est à cet égard expressément entendu que le droit à commission pour chacune de ces phases est lié à l’appartenance à l’entreprise. » .

Les clauses dites de bonne fin, assorties d’une condition de présence du salarié dans l’entreprise, pour le paiement des commissions sont licites, dès lors qu’elles ne privent le salarié que d’un droit éventuel et non d’un droit acquis au paiement d’une rémunération.

Le salarié produit en pièce n°6 un tableau intitulé « reprises de commissions » mentionnant le nom du chantier/client, la date et le montant de la commission correspondant. Ce tableau comporte 13 noms de clients pour un montant total de commissions de 18 999,42 euros.

Au vu des justificatifs produits par la société, relatifs à l’annulation d’un certain nombre de commandes, le salarié a ramené ses prétentions à la somme de 322,19 euros au titre des dossiers des clients [K] (15,2 euros), [G] (76,41 euros) [Z] (24,55 +3,58), [Y] (63,92+71,09), [P] (52,19) et [U] (15,25 euros), acquiesçant par conséquent aux éléments justificatifs produits par la société pour refuser le paiement de commissions dans les dossiers annulés.

Mais la cour observe que les justificatifs d’annulation de commandes ou de ruptures de contrats produits par la société ne concernent pas les six dossiers pour lesquels le salarié maintient sa demande sur la base de ses relevés de commission mensuels.

La société qui ne remet pas en cause le montant des commissions indiqué par le salarié, est par conséquent condamnée à lui payer la somme de 322,19 euros et le jugement est infirmé en ce sens.

En ce qui concerne les autres dossiers dont le salarié a établi la liste en pièce n°7 pour un total de commissions de 25 946,76 euros, la société soutient que la déclaration d’ouverture de chantier n’est intervenue que postérieurement à la rupture de son contrat de travail et produit en pièces n°16 et 17, les déclarations d’ouverture de chantier qui sont largement postérieures à la démission du salarié.

Le salarié soutient que les commissions seraient dues, quelle que soit la date de la signature de la déclaration d’ouverture de chantier, dès lors qu’il était dans l’effectif de la société à la date de signature des contrats par les clients. Mais cette règle n’est pas prévue par le contrat de travail qui énonce au contraire un échelonnement du paiement de chaque commission en fonction des encaissements et de l’état d’avancement du dossier, étant précisé que l’article 6 du contrat fait expressément référence à deux échéances, d’une part celle de l’acceptation du contrat, d’autre part celle du coulage des fondations, mais ne mentionne pas la déclaration d’ouverture de chantier qui précède au demeurant nécessairement la phase de coulage des fondations.

Il en résulte que le salarié qui ne précise pas au demeurant à quelle tranche de paiement il se réfère, ne justifie pas de son droit à commission pour les dossiers [R], [T], [V], [I], [B], [M], [X], [Y], [S], [D], [DJ], [W], [C], [F], [H], [A], [N], [J], [L], Stratege Investissement. Le jugement est confirmé et le salarié débouté de sa demande en ce qu’elle porte sur ces dossiers.

– Sur la nullité de la clause de non-concurrence :

La société invoque que :

– la clause de non-concurrence prévoit une contrepartie financière non dérisoire et n’est pas nulle,

– elle s’est strictement conformée à l’article 17 de l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 afin de déterminer le montant de la contrepartie financière due au salarié, laquelle a donc été réduite de moitié du fait de la démission du salarié et équivaut à 1/6ème de mois de salaire moyen, soit 1713 euros bruts par mois,

– la clause litigieuse répond strictement aux conditions de validité de celle-ci puisqu’elle est limitée dans le temps (une année) et dans l’espace (Tassin, incluant un rayon de 50 kilomètres), prend en compte des spécificités de l’emploi du salarié, prévoit le versement d’une contrepartie financière non dérisoire, et enfin, est indispensable aux intérêts légitimes de l’entreprise, la concurrence dans le secteur de la construction de maisons individuelles étant sévère,

– le salarié a démissionné de ses fonctions afin de travailler pour Les maisons Elytis, au sein de son agence sise à [Localité 6] et ne respecte pas l’interdiction de non-concurrence lui incombant,

– le salarié possédait des informations confidentielles de nature commerciale, technique et financière (fichiers commerciaux, techniques, tarifs, etc.) tant au niveau de la société que du groupe DPC auquel elle appartient, et le secteur d’activité dans lequel elle évolue est extrêmement concurrentiel.

Le salarié fait valoir que :

– la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail est nulle, en raison du caractère dérisoire de l’indemnité pécuniaire, tant s’agissant du montant qui lui a effectivement été versé, qu’au regard de la demande infondée et disproportionnée de l’employeur relative au paiement de la clause pénale,

– l’article 17 de son contrat de travail ainsi que l’article 17 de la convention collective applicable doivent être réputés non écrits dans la mesure où ils prévoient une minoration du montant de la contrepartie financière selon le mode de rupture du contrat de travail (réduction de moitié du fait de sa démission, soit à 1/6ème de sa rémunération moyenne mensuelle (1 713 euros bruts)),

– de plus, ce montant minoré est dérisoire et ne correspond qu’à 16,6% de sa rémunération mensuelle moyenne au cours de ses 12 derniers mois de présence dans l’entreprise,

– il importe peu que le périmètre géographique d’application de la clause soit réduit puisque les critères d’une clause non-concurrence sont cumulatifs, et la contrepartie financière dérisoire équivaut à une absence de contrepartie,

– de plus, le montant de la clause pénale (265 576,87 euros) sollicité par l’employeur est manifestement infondé, excessif et disproportionné par rapport à ses obligations et au montant dérisoire qu’il a perçu au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause financière ; son employeur lui demande le versement de presque 26 mois de salaire, alors qu’il n’a perçu que 2 mois de salaire brut sur la durée totale de la clause.

****

L’article 17 du contrat de travail prévoit une clause de non concurrence libellée comme suit :

« En cas de rupture du présent contrat, quelle qu’en soit la cause, le VRP s’interdit de s’intéresser, directement ou indirectement ou pour le compte d’un tiers, à une entreprise concurrente ou d’entrer au service d’une telle entreprise en qualité d’employé ou de représentant ou à tout autre titre. Cette interdiction s’appliquera pendant l’année commençant à courir au jour de la rupture du contrat. Elle est limitée à la région visée à l’article 4 ci-dessus (‘) ».

L’article 17 de l’accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 des VRP prévoit les modalités de la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence.

En cas de licenciement, pendant l’exécution de l’interdiction, l’employeur versera au VRP une contre- partie pécuniaire mensuelle spéciale dont le montant sera égal à 2/3 de mois si la durée en est supérieure à 1 an et à 1/3 de mois si la durée en est inférieure ou égale à 1 an.

L’article 17 prévoit que ce montant sera réduit de moitié en cas de rupture du contrat de représentation consécutive à une démission.

Cette dernière disposition est inopposable au salarié. En effet, cette clause qui minore la contrepartie pécuniaire en fonction d’un mode déterminé de rupture du contrat de travail doit être réputée non écrite. Il en résulte que le montant de l’indemnité conventionnelle de non-concurrence doit s’élever aux deux tiers du salaire mensuel, que le contrat de travail soit rompu par un licenciement à l’initiative de l’employer ou par une démission à l’initiative du salarié.

Il en résulte que le salarié qui est en l’espèce soumis à une interdiction de concurrence pendant une année à compter de la rupture du contrat de travail, peut prétendre à une indemnité conventionnelle mensuelle de non-concurrence de 1/3 de mois de salaire.

La contrepartie financière d’une clause de non concurrence est dérisoire lorsqu’elle équivaut à une absence de contrepartie. En l’espèce, une contrepartie mensuelle d’un tiers de mois de salaire n’est pas dérisoire compte tenu d’une part de la rémunération mensuelle moyenne brute des douze derniers mois du salarié, soit 10 275,72 euros, d’autre part, de la nature de l’activité concernée et de la facilité avec laquelle le salarié a retrouvé un emploi équivalent de VRP auprès d’une autre société de construction de maisons individuelles, trois mois après sa démission.

Il en résulte que la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail de M. [E], dont il n’est pas contesté qu’elle est limitée dans le temps et dans l’espace, propose en outre une contrepartie financière qui n’est pas dérisoire, de sorte que la clause de non-concurrence est valable.

Le jugement déféré qui a rejeté la demande de nullité de la clause de non-concurrence est confirmé.

– Sur la violation de la clause de non-concurrence par le salarié :

La société soutient que :

– le salarié se prévaut de l’article 6 du contrat de travail qu’il a conclu avec la société Maison Elytis, lequel exclut de sa zone de prospection la commune de Tassin et 50 kilomètres autour, mais une telle exclusion ne suffit pas à démontrer l’absence de violation de la clause de non-concurrence,

– il était interdit au salarié de travailler au sein d’une entreprise concurrente, dès lors que celle-ci est située dans le périmètre géographique faisant l’objet de l’interdiction, ce qui est le cas pour la société Home Capital Invest et pour la société Maisons Elytis, cette dernière disposant d’une agence sise à [Localité 6],

– le salarié est disposé à restituer les sommes qui lui ont été versées au titre de la contrepartie financière, de sorte qu’il reconnait nécessairement la violation de la clause,

– en tout état de cause, la mise en ‘uvre de la clause pénale n’est pas subordonnée à une mise en demeure préalable d’avoir à cesser l’activité concurrente, dès lors que les dispositions de l’article

1231-5 du code civil issues de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 sont inapplicable au cas du salarié engagé le 1er juin 2015,

– les parties peuvent contractuellement déroger à l’interdiction de non-cumul entre une demande d’exécution d’une clause pénale et l’exécution forcée de l’obligation de non-concurrence et tel est le cas en l’espèce, il s’agit d’un droit offert à l’employeur et non d’un préalable à la mise en ‘uvre de la clause pénale,

– elle subit un préjudice important du fait de la violation de la clause de non-concurrence, d’autant que le salarié était un VRP particulièrement compétent et efficace ; en outre, la société Maisons Elytis et elles évoluent sur un même créneau et sur un même périmètre géographique.

Le salarié rétorque que :

– il s’est engagé à rembourser les sommes perçues au titre de la clause de non-concurrence afin de tirer les conséquences juridiques de sa demande de nullité, la nullité entrainant l’anéantissement rétroactif des obligations de chaque partie,

– sa seule embauche par une société concurrente dénommée Home Capital Invest à compter du 17 septembre 2018 n’est pas suffisante pour caractériser l’existence d’actes de concurrence,

– il a scrupuleusement respecté la clause de non-concurrence puisque son secteur de prospection contractuellement défini a exclu la zone de Tassin La Demi-Lune et 50 kilomètres autour,

– la production d’un extrait de son profil Facebook n’est pas juridiquement suffisante et la production de sa carte de visite ne démontre aucun acte de concurrence déloyale mais uniquement son appartenance à la société,

– son employeur ne justifie d’aucun client ou affaire perdue, d’aucune intervention de sa part sur le champ géographique visé par la clause,

– à titre principal, sur la clause pénale : la demande reconventionnelle de son employeur est sans objet puisque la clause de non-concurrence à laquelle elle est attachée est nulle ; en outre, il ne concurrence pas son ancien employeur et respecte scrupuleusement la délimitation géographique prévue par la clause, son employeur ne rapporte pas la preuve d’un préjudice et enfin, il n’a jamais été mis en demeure de cesser sa nouvelle activité alors que le code civil prévoit que la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur de l’obligation a été préalablement mis en demeure,

– subsidiairement, il convient de diminuer le montant manifestement disproportionné de la clause pénale réclamée par l’employeur et de la ramener à de plus justes proportions, en l’occurrence à l’euro symbolique faute de démonstration du moindre préjudice.

****

L’article 17 de l’ANI des VRP du 3 octobre 1975 énonce que :

« L’interdiction de concurrence est assortie d’une clause pénale, le montant de la pénalité ne pourra être supérieur à celui des rémunérations versées par l’employeur durant les 24 derniers mois ou pendant la durée de l’emploi si celle-ci a été inférieure. »

L’article 17 du contrat de travail prévoit :

« (‘)

En cas de contravention aux dispositions relatives à l’interdiction de concurrence, le VRP sera redevable envers la société d’une somme égale à la rémunération perçue pendant les deux dernières années par lui, avec un minimum de 3 500 euros par infraction constatée, sans préjudice du droit de faire cesser la concurrence par tous les moyens de droit. ».

Suivant contrat à durée indéterminée du 17 septembre 2018, M. [E] a été engagé par la société Home Capital Invest en qualité de VRP avec une mission de prospection et de représentation commerciale dans le secteur géographique couvrant les départements de l’Ain, de la Loire et du Rhône, à l’exception du secteur « 50 km autour de Tassin La Demi-Lune », ce qui fait expressément référence à son secteur d’activité pour le compte de la société Sicovar.

Les conditions de licéité de la clause de non-concurrence étant remplies, la société Sicovar est fondée à se prévaloir du non-respect de ladite clause.

Le salarié invoque l’absence de mise en demeure d’avoir à cesser l’activité concurrentielle au visa des dispositions de l’article 1231-5 du code civil relatif à la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat lequel prévoit en son dernier alinéa que « sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure », ainsi qu’au visa de l’article 1230 du code civil en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016 selon lequel :

« Soit que l’obligation primitive contienne, soit qu’elle ne contienne pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n’est encourue que lorsque celui qui s’est obligé soit à livrer, soit à prendre, soit à faire est en demeure. ».

L’article L 1231-5 du code civil issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 n’est pas applicable au contrat conclu avant son entrée en vigueur. En revanche, les dispositions de l’article 1230 ancien du code civil sont applicables.

Et la cour observe que la demande reconventionnelle présentée par la société dans le cadre de la présente instance vaut en soi mise en demeure, dès lors qu’il en résulte une interpellation suffisante du salarié quant à l’obligation de non-concurrence qui s’impose à lui.

La cour écarte en conséquence ce premier moyen.

Il est constant qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve d’une éventuelle violation de la clause de non-concurrence par le salarié.

En l’espèce, il résulte des débats que le salarié a été engagé, trois mois après sa démission de la société Sicovar, par une société Home Capital Invest dont l’activité est rigoureusement identique à celle de la société Sicovar, soit la construction de maisons individuelles et s’exerce sur le même périmètre géographique, ce qui a nécessité de préciser dans le contrat de travail, l’exclusion du secteur « 50km Tassin La Demi-Lune ». Il est par ailleurs constant que les missions de VRP confiées au salarié sont les mêmes que dans son précédent emploi.

Il est par conséquent établi que le salarié s’est fait engager par une société concurrente, et la cour observe que la mention de l’exclusion du secteur « 50km Tassin La Demi-Lune » ne suffit pas, dans ces conditions, à garantir le respect de la clause de non-concurrence. La violation de la clause de non-concurrence est caractérisée sans que la société Sicovar n’ait à justifier d’un préjudice réel et certain, ni à établir qu’un acte de vente a été conclu ou un acte de concurrence consommé.

La société Sicovar est ainsi fondée à exiger d’une part le remboursement de l’indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence qu’elle a versée, d’autre part, à mettre en ‘uvre la clause pénale prévue au contrat de travail.

Mais, en application des dispositions de l’article 1152 ancien du code civil, devenu l’article 1231-5, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce, la société Sicovar ne justifie pas d’un préjudice financier dûment chiffré et objectivé, et elle a par ailleurs versé au salarié une contrepartie pécuniaire injustement minorée par application d’une clause privée d’effet, de sorte qu’il convient de réduire la clause pénale contractuelle manifestement excessive à un euro et de débouter la société de sa demande de remboursement des sommes versées au titre de la contrepartie financière.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles tendant à la condamnation du salarié à lui payer la somme de 265 576,87 euros au titre de la clause pénale contractuelle ainsi que la somme de 20 556 euros au titre du remboursement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence.

– Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige, les parties conservent la charge de leurs dépens de première instance et d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de commissions d’un montant de 322,19 euros et en ce qu’il a condamné M. [E] aux dépens

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant

CONDAMNE la société Sicovar à payer à M. [E] la somme de 322,19 euros à titre de rappel de commissions

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d’appel

CONDAMNE chacune des parties au paiement des dépens à proportion de ceux engagés par chacune, tant en appel qu’en première instance.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x