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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-7
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2023
N° 2023/ 197
Rôle N° RG 21/03921 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHDXT
[G] [E]
C/
S.A.S. GRANIOU AZUR
Copie exécutoire délivrée
le : 12 mai 2023
à :
SELARL NCAMPAGNOLO
SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 08 Décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F19/00260.
APPELANT
Monsieur [G] [E], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Nathalie CAMPAGNOLO de la SELARL NCAMPAGNOLO, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Cedric PORIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S. GRANIOU AZUR agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric FRIBURGER de la SELAS GRAVIER FRIBURGER AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise BEL, Président de chambre
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023
Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:
M. [G] [E] a été embauché par la société Graniou Azur ( ci-après la société ) par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er octobre 2013, en qualité de responsable logistique et magasin.
La relation de travail était régie par les dispositions de la convention collective nationale des Etam du Bâtiment.
Au dernier état des relations contractuelles, le salarié occupait le même poste de travail, Etam, Niveau E, et percevait une rémunération mensuelle brute de base de 2 500 euros pour 151,67 heures.
Le 16 février 2018 l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement, prévu le 23 février 2018, reporté au 30 mars 2018, et l’a licencié pour faute grave par lettre recommandée avis de réception en date du 19 avril 2018.
Invoquant des faits de harcèlement moral et contestant le bien fondé de la cause du licenciement, le salarié a saisi le 10 avril 2019 le conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence de diverses demandes.
Par jugement en date du 8 décembre 2020, le conseil a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnant aux dépens.
Le salarié a relevé appel par déclaration en date du 16 mars 2021, et dans ses conclusions déposées et notifiées le 22 décembre 2022 demande à la cour d’infirmer dans son intégralité le jugement du 8 décembre 2020, et, statuant à nouveau et ajoutant,
En conséquence,
Sur l’exécution de la relation contractuelle :
À titre principal,
Condamner la société à lui verser la somme de 15.000 euros nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
À titre subsidiaire,
Condamner la société à lui verser la somme de 10.000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
En tout état de cause,
Condamner la société à lui verser les sommes de :
– 5.000 euros nets pour défaut de formation,
– 5.000 euros nets pour défaut d’entretien individuel,
– 1.323,83 euros nets à titre de rappel de salaire sur maintien de salaire (prévoyance) pour cause d’accident du travail,
Sur la rupture de la relation contractuelle :
Condamner la société à lui verser les sommes de:
– 30.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse (12.500 euros nets subsidiairement)
– 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
– 2.812,50 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
– 5.000 euros bruts au titre du préavis,
– 500 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,
En tout état de cause,
Débouter la société de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Fixer le salaire de base à la somme brute de 2.500 euros bruts,
Dire et juger que les sommes sollicitées porteront intérêts légaux depuis la saisine du conseil de prud’hommes et outre la capitalisation des intérêts,
Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner la société à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens pour les frais exposés en cause d’appel.
L’appelant allègue la survenance de faits constitutifs de harcèlement, une exécution fautive du contrat de travail par l’employeur à défaut, un licenciement nul, à défaut un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, un licenciement vexatoire.
Par conclusions déposées et notifiées le 17 janvier 2023, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter l’appelant de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient l’absence de violation d’un statut protecteur à raison d’une absence de désignation régulière, l’absence de faits constitutifs d’une situation de harcèlement, des fautes graves du salarié fondant le licenciement prononcé. Elle conteste toute exécution fautive du contrat de travail, établissant avoir accompli les diligences qui lui incombaient.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées.
Motifs
Sur le harcèlement:
L’article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le salarié allègue avoir subi les faits suivants:
– Une surcharge de travail l’ayant conduit au burn out,
– Une première procédure disciplinaire pour de prétendues fautes graves, parfaitement infondées,
– Des remarques désobligeantes verbales et écrites accompagnées de brimades,
– Des difficultés à obtenir le versement de son indemnisation au titre de son arrêt de travail,
– Des contrôles médicaux multiples,
– Des proliférations d’accusations,
– L’impossibilité de reprendre possession de ses effets personnels,
– La mise en ‘uvre de nombreuses procédures disciplinaires.
La matérialité des faits dénoncés:
– la surcharge de travail liée à l’accumulation de plusieurs fonctions, une cadence de travail intense et une pression constante, ainsi la réception de nombreux mails de son supérieur hiérarchique, à toute heure du jour et de la nuit, et toujours de manière urgente, conduisant à un burn out.
Il est produit un extrait de la boîte mail professionnelle du salarié contenant trois mèls surlignés en date du 14 avril 2017 à 21h48 dont l’un contient la demande de ‘faire un point’ au sujet d’une roue de secours d’un véhicule Traffic et du 7 juin 2017 à 2h16, ainsi qu’un compte-rendu d’un examen par un médecin du travail diligenté à la demande de l’employeur le 17 août 2017 , à la suite duquel le salarié a été déclaré ‘apte à suivre’ sans contre-indication médicale, au cours duquel le médecin a transcrit les doléances du salarié évoquant une période d’activité intense, des déplacements nombreux et des appels de salariés le soir et mentionne la prise d’un traitement contre l’hypertension ainsi qu’une bonne ambiance de travail.
Au vu des éléments précités, il convient de dire que la matérialité des agissement invoqués n’est pas rapportée.
– une première procédure disciplinaire pour de prétendues fautes graves, non fondée selon le salarié diligentée par l’employeur alors qu’il était membre du CHST, consistant en la dissimulation d’un accident de la route survenu le 21 juillet 2017 avec le véhicule de service mettant en cause un véhicule tiers, un abandon de poste, l’absence d’autorisation d’utilisation du véhicule au moyen duquel un accident de la route est survenu le 28 juillet 2017 mettant en cause un véhicule de service du parc de la société et un véhicule tiers, alors qu’il n’a jamais refusé d’établir un constat avec le véhicule tiers s’agissant de l’accident survenu le 21 juillet 2017, qu’il n’a fait aucun abandon de poste , qu’il n’avait besoin d’aucune autorisation préalable de sa hiérarchie pour utiliser un véhicule appartenant à la société, qu’il n’a fait que répondre à une demande émanant de sa supérieure hiérarchique.
Selon les pièces produites, en particulier le procès-verbal de la réunion du CHSCT en date du 29 septembre 2017 mentionnant les déclarations du salarié , celui-ci a eu un accident le 20 juillet, n’a pas rédigé de constat en vue d’un arrangement amiable, et n’a prévenu sa hiérarchie que le lundi matin 24 juillet, en s’adressant à un salarié en congés annuels , tout en minorant l’étendue des dégâts, contrevenant ainsi au règlement intérieur de la société. L’employeur établit que l’assurance a refusé sa garantie raison de la responsabilité totale du conducteur.
Le second accident survenu le 28 juillet suivant, avant la prise de poste du salarié selon ses dires, met en cause un véhicule de l’entreprise utilisé pour le remorquage sur autoroute d’un véhicule, contrevenant ainsi au code de la route. Le véhicule remorqué appartenait à titre personnel à une salariée de l’entreprise Mme [N], qui lui avait demandé de lui prêter son concours à titre de service et pour lui éviter des frais. Le salarié a fait usage du véhicule de l’entreprise sans en informer l’employeur, et a occasionné des dégâts non couverts par l’assurance à raison de la responsabilité totale de son conducteur.
L’examen des pièces versées démontre que le salarié, qui ne dispose pas du statut protecteur de membre du CHSCT dont il se prévaut indûment, dans la mesure où le salarié n’a pas été désigné par un collège régulièrement constitué, mais par les seuls membres titulaires du Comité Central d’Entreprise, selon la décision de l’inspecteur du travail du 1er décembre 2017, non contestée et devenue définitive, a manqué à diverses obligations, telles le code de la route, le règlement intérieur de la société, l’engagement personnel relatif à l’usage du véhicule de service qui lui est attribué, qu’il a signé, en ne respectant pas diverses obligations contraignantes. Le CHSCT a donné l’autorisation de licencier le salarié à la majorité de ses membres en date du 29 septembre 2017.
L’employeur a renoncé à poursuivre la procédure de licenciement qu’il avait mise en oeuvre après la décision de l’inspection du travail rejetant la demande à raison de son incompétence.
La matérialité de la procédure de licenciement mise en oeuvre à la suite de fautes reprochées au salarié est rapportée.
– l’absence de déclaration d’accident de travail et le refus d’arrêt de travail pour cause d’accident de travail:
Le salarié soutient avoir été blessé dans l’accident survenu le 28 juillet 2017, dont il prétend également qu’il s’est produit en dehors des heures de travail, sans toutefois justifier d’une information donnée à l’employeur de l’accident et de la transmission sans délai d’un certificat médical permettant la prise en charge au titre d’un accident de travail.
Le fait dénoncé n’est pas matériellement établi.
Le salarié allègue avoir subi une grave blessure à la tête en date du 8 août 2017. Le certificat initial transmis à l’employeur le 15 novembre 2017 selon tampon de la société, ne mentionne aucune journée d’arrêt de travail. À compter du 8 août 2017 jusqu’au 14 août 2017, le salarié se trouvant en position de congés payés, le contrat de travail était suspendu jusqu’à la reprise des fonctions le 16 août suivant.
Le fait dénoncé n’est pas matériellement établi.
– des remarques désobligeantes verbales et écrites accompagnées de brimades, et de l’adoption systématique d’une attitude agressive et menaçante à l’encontre :
L’appelant verse aux débats le courrier de dispense d’activité du 21 septembre 2017 décidée d’un commun accord, le courrier de demande d’autorisation de licenciement du 27 octobre 2017 et la décision d’incompétence de l’inspection du travail du 1er décembre 2017, fondée sur l’absence de protection du salarié.
Ces éléments n’établissent pas la matérialité des faits dénoncés, à l’exception de la demande d’autorisation de licenciement discutée ci-avant.
– des difficultés à obtenir le versement de ses IJSS ainsi que son indemnisation complémentaire Prévoyance depuis son placement en arrêt de travail.
Les pièces versées par le salarié n’établissant pas que les retards soutenus sont effectivement imputables à l’employeur, lequel a procédé à la déclaration de l’accident de travail à réception de la notification de prise en charge de l’accident de travail le 15 février 2018, le courrier de la Cpam en date du 15 décembre 2017 traitant l’accident du travail du 8 août 2017 venant confirmer la tardiveté du traitement des informations reçues par la caisse , il en résulte que la matérialité des faits dénoncés n’est pas établie.
– des contrôles médicaux multiples pendant l’arrêt de travail pour cause d’accident du travail,
lesquels ont tous concluent à un arrêt médical justifié.
Le salarié a fait l’objet d’une visite de contrôle le 23 janvier 2018, date à laquelle il était absent de son domicile pour répondre à une convocation au commissariat central. Il a été ensuite convoqué pour se soumettre à une expertise le 27 février 2018. La pièce n°10 intitulée’ Résultat contrôle arrêt de travail par Médicacontrol du 5 mars 2018″ , est en réalité une copie de la convocation à l’expertise.
La visite de contrôle infructueuse le 23 janvier 2018 et la convocation à l’expertise le 27 février 2018 n’établissent pas la matérialité de la ‘multiplicité des faits de contrôle’ invoqués.
– des proliférations d’accusations non fondées quant à des prétendues commissions d’infractions pénales.
Au soutien des faits invoqués, le salarié produit un courriel adressé à son employeur le 23 janvier 2018 dans lequel il s’élève avec véhémence contre la plainte pour vol déposée à son encontre, ainsi que les procès-verbaux de plainte et complément de plainte déposée à l’encontre de l’employeur les 22 novembre 2017 et 30 avril 2018.
La plainte pour vol déposée par l’employeur portait, aux termes de l’attestation produite par la responsable administrative , sur le vol effectué au mois d’août dans son bureau et pendant ses congés, au cours duquel avaient été dérobés en particulier le dossier administratif du salarié, comportant les documents relatifs aux entretiens individuels de management et à l’entretien professionnel, ainsi qu’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception envoyée par le salarié au chef d’entreprise M. [P], à l’époque du séjour en détention du salarié en 2015, et dans laquelle il sollicitait l’aide de l’entreprise.
L’existence de cette plainte est insuffisante à établir la matérialité des faits de ‘proliférations d’accusations non fondées’ imputés à l’employeur.
Les seuls griefs matériellement établis, et pris en leur ensemble, à savoir la procédure de licenciement mise en oeuvre à laquelle l’employeur a renoncé en dépit des manquements avérés du salarié, ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de la prétention élevée du chef d’un harcèlement moral subi.
Sur l’exécution fautive du contrat de travail:
Le contrat de travail doit faire l’objet d’une exécution loyale.
Le salarié excipe de l’absence ou de la tardiveté de la déclaration d’accidents de travail, tels l’accident de la circulation du 28 juillet 2017, l’accident du 8 août 2017, le refus de l’employeur de l’arrêt de travail pour cause d’accident de travail le contraignant à prendre des jours de congés du jour de son accident jusqu’au 14 août 2017, le défaut de diligence d’ une enquête par la société après avoir été informée des plaintes pour harcèlement moral.
– l’accident de la circulation du 28 juillet 2017:
Ainsi que discuté ci-avant par la cour, le salarié ne justifie pas avoir donné à l’employeur une information sur les blessures subies au cours de cet accident et avoir transmis un certificat médical permettant la prise en charge au titre d’un accident de travail, en sorte qu’il n’est pas démontré de manquement fautif de l’employeur.
– les faits du 8 août 2017: le certificat médical initial délivré à la suite de l’examen médical par le docteur [U] ne mentionnant aucun jour d’arrêt de travail, l’arrêt de travail de prolongation pour cause d’origine professionnelle courant du 10 août au 12 décembre 2017 ayant été reçu par l’employeur tardivement à la date du 12 décembre 2017, les constatations opérées par le médecin du travail le 17 août 2017, lequel n’a reçu aucune doléance en relation avec les faits du 8 août 2017 et a délivré un avis d’aptitude, conduisent à exclure toute faute de l’employeur dans la déclaration d’accident de travail.
– l’allégation d’une contrainte faite sur le salarié de prendre des jours de congés plutôt qu’un arrêt de travail ne résultant d’aucune des pièces produites, la société versant aux débats une demande de congés faite par le salarié, est insusceptible de constituer un fait fautif imputable à l’employeur.
– le défaut d’ enquête à la suite de plaintes pour harcèlement moral par le salarié: l’appelant ne justifiant par aucune pièce avoir signalé à la direction, au médecin du travail qui l’a reçu le 17 août 2017 et auquel il a pu faire des déclarations notamment sur sa charge de travail et le traitement médical en cours, des faits de harcèlement moral dont il est la victime, ne fait pas preuve d’un manquement fautif de l’employeur pour n’avoir pas instauré une procédure d’enquête à cette fin.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de la demande subsidiaire fondée sur l’exécution fautive du contrat de travail.
Sur le défaut de formation:
Le salarié sollicite l’octroi de dommages et intérêts au motif qu’il n’a jamais bénéficié de la moindre formation lui permettant notamment de prétendre avoir pu favoriser le développement de ses compétences et son accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle sur le fondement de l’article L.6321-1 du code du travail selon lequel ‘l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Or les dispositions du code du travail relatives aux ‘développement de ses compétences’ sont prévues à l’article L. 6321-1 alinéa 3 et sont rédigées non pas sous la forme d’une obligation qui s’impose à l’employeur, mais d’une possibilité qui lui est offerte de sorte que la demande n’est pas fondée.
La société intimée justifie pour sa part des actions de formation suivies par le salarié dans le domaine de la sécurité, telle le ‘recueil des prescriptions au personnel’ qui s’appliquent aux différentes situations de travail, dont les activités relatives à la logistique dont est responsable le salarié le 1er avril 2016, la formation Gestes et postures le 6 octobre 2016, la formation Chutes en hauteur le 10 novembre 2016. Ces formations, en relation directe avec l’activité exercée, participent de l’obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail pesant sur l’employeur que celui-ci a respectée.
Il s’ensuit le rejet de la demande.
Sur le défaut d’entretien individuel:
Selon l’article L.6315-1 du code du travail, (…) le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié.
L’entretien professionnel donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié.
Tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.
Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d’apprécier s’il a :
1° Suivi au moins une action de formation ;
(…)
3° Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
L’employeur justifiant de la disparition du dossier administratif du salarié contenant les documents des entretiens individuels réalisés, selon l’attestation précitée de la responsable administrative, d’une part et n’ayant aucune obligation de faire évoluer le salarié dans la classification professionnelle de seconde part, le grief invoqué n’est pas fondé en sorte que la demande est rejetée.
Sur l’absence de complément de salaire (Prévoyance) pendant l’accident du travail:
Le salarié prétend n’avoir pas bénéficié du maintien de salaire par l’organisme de prévoyance au delà de la période de maintien du salaire de 90 jours, et avoir ainsi perdu la somme de 1 323,83 euros nets en salaire, en raison d’un manquement de diligence de l’employeur.
Selon l’article 6.5 de la convention collective applicable, après un an de présence dans l’entreprise, le salarié en arrêt maladie ou accident non professionnel est indemnisé à hauteur de 100% du salaire pendant 90 jours, sous déduction des IJSS. À partir du 91ème jour, il est pris en charge par l’organisme de prévoyance. L’indemnisation s’élève à 85% du salaire, sous déduction des IJSS.
L’accident de travail est survenu le 8 août 2017. Le salarié a bénéficié d’un maintien de salaire pendant les 90 premiers jours de son arrêt de travail. Il a ensuite effectivement perçu des indemnité de prévoyance, ainsi qu’il résulte des courriers de PRO BTP du 31 décembre 2017 au 27 avril 2018, correspondant au taux de l’indemnisation au titre de l’accident de travail.
La société a sollicité du salarié un complément d’information sur le montant des IJSS qu’il a perçues pour la période du 9 août 2017 au 10 août 2017 et pour la période courant à compter du 31 décembre 2017. Elle justifie de démarches accomplies auprès de l’organisme de prévoyance.
Ainsi aucun manquement n’est imputable à l’employeur dans la mise en oeuvre des garanties prévoyance.
En conséquence le salarié n’est pas fondé à solliciter le payement d’un complément de salaire.
Sur la rupture du contrat de travail:
La lettre de licenciement du 19 avril 2018 contient les mentions suivantes:
‘ Le 09 février 2018, vous avez adressé un courriel à notre fournisseur de géolocalisation OCEAN. Aux termes de cet échange, alors que votre contrat de travail était suspendu puisque vous bénéficiez d’un arrêt de travail, vous avez sollicité auprès de Madame [Z], Chargée de clientèle au sein de notre fournisseur qu’elle vous transmette des informations liées à l’utilisation d’un véhicule appartenant à la flotte de GRANIOU AZUR. Plus précisément, vous avez prétexté avoir besoin de prendre connaissance de ces informations au motif que le collaborateur, nommément désigné par vos soins, à qui avait été affecté le véhicule appartenant à notre société ferait l’objet d’une surveillance par des services étatiques en ces termes : « cette personne fait l’objet d’une surveillance de la part de la sûreté du territoire et jusqu’alors je les informais des divers déplacements durant ses heures de travail pour se rendre dans divers lieux de cultes extrémistes. Il est sous surveillance depuis déjà plusieurs mois.»
À cette occasion vous avez employé diverses manoeuvres pour tenter de tromper notre fournisseur de géolocalisation aux fins d’obtenir des données confidentielles, appartenant à notre société prétendant être ‘membre de la protection civile’ et échanger des informations avec les services de
la sûreté du territoire.
Vous avez assorti votre courriel du logo de « protection civile » et de la signature qui vous a été octroyée pour l’exercice de vos fonctions au sein de la société.
Lors de votre entretien préalable, nous avons sollicité vos explications sur cette démarche parfaitement inacceptable eu égard aux accusations graves et infondées portées à l’endroit d’un autre salarié de notre société et, des manoeuvres employées pour vous procurer ces données confidentielles, laquelle porte atteinte à l’image de notre société.
Après avoir reconnu l’envoi de ce courriel, vous avez confirmé à M. [P] que vous aviez effectué une démarche de dénonciation à l’encontre du salarié désigné, de votre propre initiative et qu’il aurait dû recevoir la visite de la Sûreté territoriale du fait de votre délation.
Vous avez par ailleurs exposé ne pas pouvoir nous éclairer plus amplement dans la mesure où il s’agit d’informations « classées secret défense » et que vous agissez sous couvert de votre appartenance à la protection civile.
Par ailleurs, lors de votre entretien, nous vous avons exposé qu’une salariée de notre société s’était plainte auprès de son supérieur hiérarchique de recevoir des courriels que vous avez rédigés pour tenter d’obtenir des informations en la menaçant. Elle nous a indiqué que cette démarche s’apparentait selon elle à « des faits de harcèlement moral », craignant pour « sa sécurité ».
Après examen de ces échanges, nous constatons en effet que l’insistance de vos demandes assorties d’une menace de dépôt de plainte à son égard, constitue un comportement fautif que nous ne pouvons pas tolérer eu égard à notre obligation de préserver la santé et la sécurité de nos salariés.
Ce d’autant plus que plusieurs autres collaborateurs nous ont exposé partager ce sentiment de crainte à votre égard, compte tenu de votre comportement inapproprié à leur endroit, notamment le fait de vos nombreux appels téléphoniques, très insistants sollicitant auprès de vos interlocuteurs d’exposer oralement et précisément lors de vos conversations « des plaintes et reproches à l’égard de l’entreprise et de son dirigeant ».
Ainsi, nous avons tenté de recueillir vos explications à ce sujet. Vous avez derechef refusé de répondre faisant état de votre appartenance à la protection civile et de l’impossibilité de nous fournir plus amples éclairages.
Ces faits graves rendent impossible la poursuite de notre collaboration.
(…)
Ainsi, nous sommes contraints par la présente de vous notifier la rupture de votre contrat de travail pour faute grave, lequel prend donc fin à la date des présentes, sans préavis ni indemnité.
(…)’.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté.
L’employeur fait grief au salarié d’avoir sollicité, auprès du fournisseur du service de géolocalisation des véhicules de la société , des informations confidentielles sur un autre salarié , au moyen de manoeuvres et en utilisant la signature octroyée pour l’exercice des fonctions au sein de la société.
Il lui fait également grief d’échanges insistants, d’une menace de dépôt de plainte à l’égard d’une autre salariée, comportement fautif dans le cadre de l’obligation de préserver la santé et la sécurité des salariés travaillant au sein de la société.
Selon courriel en date du 9 février 2018, le salarié a adressé à Mme [Z], chargée de clientèle au sein de la société Océan, fournisseur de données de géolocalisation de l’entreprise une demande d’information de données de géolocalisation intitulée ‘information classée secret défense’, concernant un salarié de la société de l’employeur, afin de connaître les déplacements dudit salarié pendant ses horaires de travail au moyen du véhicule de la société dont il communique l’immatriculation. Au soutien de sa demande il mentionne ne plus avoir un accès direct au site à raison de sa position d’arrêt de travail et alléguer que le salarié en cause fait l’objet d’une surveillance de la part de la sûreté du territoire qu’il a tenue informée régulièrement des déplacements du salarié en cause, assortissant le courriel du logo de la protection civile et de la signature en qualité de ‘responsable logistique’.
La matérialité des faits dénoncés est établie, en ce que le salarié a sollicité des informations confidentielles portant sur un autre salarié de l’entreprise en signant le courriel en sa qualité de responsable logistique et en faisant usage du logo de la protection civile.
En sollicitant du fournisseur de données la communication de données confidentielles concernant un salarié de la société, en mettant en cause l’employeur par l’usage de sa propre qualité professionnelle de responsable logistique (signature), la protection civile par l’apposition de son logo de façon à laisser présumer qu’il intervient dans le cadre d’une mission donnée par cet organisme , la ‘sûreté du territoire’ par la mention d’un rendez-vous prochain avec ce service, le salarié porte atteinte à l’image de l’entreprise dans ses relations avec son fournisseur de données, lesquelles relèvent du domaine des garanties fondamentales, sont strictement encadrées et soumises à la proportionnalité de leur emploi, et a ainsi manqué gravement à l’obligation de loyauté à l’endroit de l’employeur.
Le comportement gravement fautif du salarié pendant la période de suspension de son contrat de travail fonde valablement le licenciement pour faute grave prononcé.
Selon courriel du 9 février 2018, le salarié écrit à Mme [N], salariée de l’entreprise ‘ si dans un délai de 7 jours, rien ne me parvient, je serai contraint de porter plainte contre toi et [C] qui a acheté l’objet du délit’.
Mme [N] a transmis le courriel à Mme [Y] le 20 février suivant et explicite à celle-ci qu’elle est destinataire de mèls répétés ( 11 novembre 2017, 21 décembre 2017, 17 janvier 2018), dont elle qualifie le contenu de ‘confus, incriminant et insistants’, générant des inquiétudes au sujet de sa sécurité.
Elle précise, dans une attestation du 19 décembre 2019, que voyant que ni l’employeur ni elle même ne lui ( au salarié ) fournissait les documents qu’il attendait, à savoir de faux documents ou encore la concernant des documents dont elle ne disposait pas, il est devenu agressif et la harcelait au téléphone et sur les réseaux sociaux.
Le courriel du 9 février 2018, en lien avec l’accident de remorquage sur autoroute survenu le 28 juillet 2017, comportant une menace à l’endroit de sa destinataire et mettant ainsi en cause l’obligation de sécurité de l’employeur, il en résulte qu’est établi un manquement grave du salarié dans l’obligation de loyauté à l’égard de l’employeur.
La gravité de ces fautes rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, le licenciement prononcé est fondé.
Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Il en résulte que le salarié est privé de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement.
Le jugement est confirmé de ces chefs.
Sur la demande indemnitaire pour licenciement vexatoire:
Le salarié succombant dans ses prétentions au harcèlement, à un licenciement nul ou à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse, et dans la démonstration de toute faute commise par l’employeur, la demande est rejetée.
Le salarié n’ayant prospéré dans aucune de ses demandes, la demande formée au titre des documents de fin de contrat est rejetée.
Par ces motifs:
La cour,
Confirme le jugement entrepris en tous ses chefs critiqués de jugement,
Ajoutant,
Déboute M. [E] de la demande indemnitaire pour défaut de formation, de la demande indemnitaire pour défaut d’entretien individuel;
Déboute M. [E] de la demande de rappel de salaire;
Déboute M. [E] de la demande indemnitaire pour licenciement vexatoire;
Déboute M. [E] de la demande de remise des documents de fin de contrat;
Condamne M. [E] aux dépens d’appel, et le condamne à payer à la société Graniou Azur la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT