Your cart is currently empty!
MINUTE N° 449/23
Copie exécutoire à
– Me Noémie BRUNNER
– Me Julie HOHMATTER
Le 11.10.2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 11 Octobre 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/02103 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H3DB
Décision déférée à la Cour : 17 Mai 2022 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG – Greffe des référés civils
APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :
S.A.R.L. SOGECA
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me MALL, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIME – APPELANT INCIDEMMENT :
Monsieur [T] [J]
[Adresse 1]
Représenté par Me Julie HOHMATTER, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me RAUCH, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
– signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’ordonnance rendue le 3 novembre 2021, sur requête de la SARL SOGECA,
Vu l’assignation délivrée le 2 décembre 2021, par laquelle M. [T] [J] a saisi le président du tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant en la forme des référés, pour voir rétracter l’ordonnance susvisée du 3 novembre 2021,
Vu l’ordonnance rendue le 17 mai 2022, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par laquelle le président du tribunal judiciaire de Strasbourg a :
‘DÉCLARE la demande avant dire droit de M. [T] [J] et la demande incidente de la SARL Sogeca irrecevables ;
RETRACTE totalement l’ordonnance rendue le 3 novembre 2021 ;
DEBOUTE la SARL Sogeca de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL Sogeca à payer à M. [T] [J] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SARL Sogeca de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE la SARL Sogeca aux entiers frais et dépens ;
RAPPELE que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.’
Vu la déclaration d’appel formée par la SARL SOGECA contre cette ordonnance, et déposée le 25 mai 2022,
Vu la constitution d’intimé de M. [T] [J] en date du 21 juin 2022,
Vu les dernières conclusions en date du 5 juin 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles la SARL SOGECA demande à la cour de :
‘Vu les articles 145, 493, 495, 757 et 835 du CPC,
Vu l’article L 151-1 et suivants, L152-3, L152-4, R 152-1 du code de commerce
Vu les articles 1240 et suivants du code civil
SUR APPEL PRINCIPAL
DECLARER l’appel recevable,
DECLARER l’appel bien fondé,
INFIRMER l’ordonnance du juge des référés du 17.5.2022 en ce qu’elle a :
– rétracté totalement l’ordonnance rendue le 3 novembre 2021,
– débouté la SARL SOGECA de sa demande au titre de l’article 700 du Code de
procédure civile,
– condamné la SARL SOGECA à payer à M. [T] [J] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné la SARL SOGECA aux entiers frais et dépens.
Et statuant à nouveau sur ces points,
CONFIRMER l’ordonnance du 3 novembre 2021 n° RG 21/00686 en son intégralité,
DEBOUTER Monsieur [J] de l’intégralité de ses demandes,
CONDAMNER Monsieur [J] à payer à la société SOGECA une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du CPC au titre de la procédure de 1ère instance,
CONDAMNER Monsieur [J] aux entiers dépens de 1ère instance,
CONFIRMER l’ordonnance entreprise pour le surplus,
SUR APPEL INCIDENT
DECLARER l’appel mal fondé,
Le REJETER,
DEBOUTER Monsieur [J] de toute demande formée à ce titre,
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER Monsieur [J] à payer à la société SOGECA une somme de 3.000 € en application de l’article 700 du CPC au titre de la procédure d’appel,
CONDAMNER Monsieur [J] aux entiers dépens d’appel’
et ce, en invoquant, notamment :
– des soupçons d’agissements relevant de la concurrence déloyale et de la violation du secret des affaires, liés à la transmission de documents confidentiels en violation de la charte informatique régissant la société,
– la justification d’une dérogation au principe de la contradiction, compte tenu de la collusion vraisemblable entre les divers protagonistes, des exports massifs de fichiers confidentiels de SOGECA par trois personnes dont une avait monté une entreprise concurrente et les deux autres, dont M. [J], allant travailler peu après chez le principal concurrent, du risque de déperdition de preuves en cas de recours au contradictoire, s’agissant de fichiers et de messages électroniques aisés à faire disparaître et l’existence et à tout le moins la vraisemblance d’actes de concurrence déloyale,
– l’existence d’un intérêt légitime à la mesure, pour étayer les faits de concurrence déloyale, excédant leur simple départ de l’entreprise, aider à faire la preuve d’une collusion et déterminer le sort des fichiers exportés, qui sont sa propriété exclusive, et doivent être considérés comme confidentiels, et dont le transfert constitueraient tant des agissements parasitaires qu’une violation du secret des affaires, et seraient susceptibles de constituer des infractions pénales,
– l’absence de détournement de la finalité de la mesure, en l’absence de lien entre les faits et la création d’une section syndicale que la concluante ignorait, et compte tenu de la chronologie du litige, et en l’absence de pratique courante d’export de fichiers, les affirmations adverses sur ce point étant réfutées,
– l’absence de nécessité de communiquer les pièces jointes à la requête lors de l’exécution de la mesure d’instruction,
– l’incompétence du juge de la rétractation pour statuer sur une demande indemnitaire et le caractère, selon elle, mensonger des allégations adverses.
Vu les dernières conclusions en date du 24 août 2022, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [T] [J] demande à la cour de :
‘DECLARER l’appel formé par la société SOGECA mal fondé,
Par conséquent,
DEBOUTER la société SOGECA de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions
CONFIRMER partiellement l’Ordonnance rendue le 17 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG ;
CONFIRMER l’Ordonnance rendue le 17 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG en ce qu’elle rétracte totalement l’Ordonnance rendue le 3 novembre 2021
par ce même Tribunal ;
CONFIRMER l’Ordonnance rendue le 17 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG en ce qu’elle déboute la société SOGECA de l’ensemble de ses demandes ;
Sur appel incident,
INFIRMER l’Ordonnance rendue le 17 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG en ce qu’elle déboute Monsieur [J] de sa demande en dommages et intérêts ;
CONDAMNER la société SOGECA à verser à Monsieur [J], à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 3.000,00 € ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la société SOGECA à verser à Monsieur [J] au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 2.500,00 € pour la procédure en première instance et de 4.000,00 € pour la procédure d’appel ;
CONDAMNER la société SOGECA à prendre en charge l’intégralité des frais et dépens de première instance et d’appel’
et ce, en invoquant, notamment :
– l’absence de motif légitime à l’action de la société SOGECA, constitutive d’un détournement de l’article 145 du code de procédure civile portant atteinte à la liberté syndicale,
– l’absence de justification de la dérogation au principe du contradictoire, à défaut, dans la requête ou l’ordonnance, de motifs autres que généraux ou d’allégations ne reposant sur aucun élément concret, et ce alors que le requérant n’aurait pas eu l’intention de quitter la société,
– l’absence de suspicion réelle de concurrence déloyale et de justification d’un recours à une mesure d’instruction, faute, notamment, de preuve de l’existence d’une clientèle habituelle et d’une baisse de chiffre d’affaires, outre que le concluant, réembauché consécutivement à son licenciement, n’était soumis à aucune clause de non-concurrence, qu’aucune atteinte au secret des affaires ne serait caractérisée,
– l’absence d’utilité de la mesure d’instruction, alors que la société SOGECA était à même de connaître le contenu de la boîte de courrier, et au-delà de l’activité du concluant, qui n’aurait procédé à aucune tentative de dissimulation,
– le défaut de signification des pièces jointes à la requête, portant atteinte au principe du contradictoire,
– un préjudice subi par le concluant, au regard des circonstances de l’exécution de la mesure et du choc subi.
Vu les débats à l’audience du 12 juin 2022,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande principale en rétractation :
L’article 145 du code de procédure civile dispose qu’à la demande de tout intéressé justifiant de l’existence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissible peuvent être ordonnées sur requête ou en référé.
Selon l’article 493 du même code, l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse, en présence de circonstances autorisant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, l’application des articles 494 et 495 du code précité impliquant, en outre, que la requête doit être motivée, comporter l’indication précise des pièces invoquées et doit être remise en copie ainsi que l’ordonnance, elle-même motivée, à la personne qui en supporte l’exécution.
Et selon l’article 17 du code précité, lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu’une mesure soit ordonnée à l’insu d’une partie, celle-ci dispose d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief, l’article 496 du même code prévoyant que, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance, et l’article 497 de ce code autorisant le juge à modifier ou rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi de l’affaire.
Ainsi, le référé afin de rétractation, qui n’est soumis ni à la condition d’urgence, ni à l’absence de contestation sérieuse, permet à la partie à l’insu de laquelle une mesure urgente a été ordonnée de disposer, par application des dispositions qui viennent d’être rappelées, d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief, dans le respect du principe du contradictoire.
Dans ce cadre, il convient également de rappeler que la cour d’appel saisie d’une décision ayant rétracté, fût-ce partiellement, une ordonnance sur requête, ne peut se prononcer que dans les limites de la saisine du juge de la requête, mais se trouve investie des attributions du juge qui l’a rendue et doit alors statuer sur les mérites de la requête.
Et le requérant initial conserve la charge de justifier le bien-fondé de sa requête, sans avoir, lorsque la requête est fondée, comme en l’espèce, sur des griefs tirés d’agissements de concurrence déloyale ou de parasitisme, à établir avec certitude les faits de concurrence déloyale qu’il invoque, pour peu qu’il justifie, au jour de la requête, d’un motif légitime impliquant que soient caractérisés des éléments objectifs rendant ces faits, et le litige susceptible d’en découler, plausibles.
L’application des dispositions précitées implique encore que le juge ne peut pas faire droit à une requête sans avoir recherché et constaté que la mesure sollicitée supposait une dérogation exceptionnelle à la règle du contradictoire, étant précisé que ‘les circonstances susceptibles de motiver une dérogation au principe de la contradiction doivent résulter de l’ordonnance sur requête, et ne peuvent se justifier a posteriori lors de l’examen de la demande en rétractation’.
Ainsi, le juge, saisi d’une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, doit s’assurer de l’existence, dans la requête et dans l’ordonnance, de circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement. Et il résulte des articles 145 et 493 du code de procédure civile que ‘le juge saisi d’une demande en rétractation ne peut se fonder sur des circonstances postérieures à la requête ou à l’ordonnance pour justifier qu’il est dérogé au principe de la contradiction’ et que ‘dès lors [qu’une] cour d’appel avait constaté que la requête faisait état d’actes de concurrence déloyale sans préciser les raisons de déroger au principe du contradictoire et que l’ordonnance se bornait à indiquer que la société requérante justifiait de circonstances exigeant que la mesure ne soit pas ordonnée contradictoirement’, elle en avait ‘exactement déduit’ que ce défaut de motivation ne pouvait faire l’objet d’une régularisation a posteriori et que l’ordonnance devait être rétractée (2ème Civ., 3 mars 2022, pourvoi n° 20-22.349, publié au Bulletin).
Il est également jugé de manière constante que le juge saisi d’une requête doit rechercher de manière concrète si les circonstances de l’espèce justifient qu’il soit dérogé au principe de la contradiction. La simple affirmation ne suffit pas.
En l’espèce, la société SOGECA soutient qu’au regard de la nature et de l’importance des griefs exposés, de la nature des preuves produites à l’appui de la requête et de la nature des preuves recherchées, elle aurait bien justifié dans sa requête, de circonstances caractérisant un cas où il puisse ne pas être recouru au contradictoire, ce qui aurait fait l’objet d’un examen et d’une rédaction minutieux de la part du juge de la requête, sans qu’il ne puisse être reproché à la concluante, comme cela serait fait dans l’ordonnance de rétractation, de ne pas avoir demandé à M. [J] de cesser ses transferts de fichiers, avant même qu’elle ne réalise et ne constate leur existence. Elle ajoute que les circonstances susceptibles de justifier d’une dérogation au principe du contradictoire auraient été ‘largement exposées et étayées’ dans la requête, à savoir une collusion vraisemblable entre les divers protagonistes l’ayant amenée à solliciter des mesures d’instruction chez chacun d’entre eux, des exports massifs de fichiers confidentiels dans des conditions qu’elle détaille, des risques de déperdition de preuves en cas de recours au contradictoire, s’agissant de fichiers et de messages électroniques aisés à faire disparaître, et enfin l’existence et à tout le moins la vraisemblance d’actes de concurrence déloyale, de parasitisme et de violation du secret des affaires, la mesure devant viser à déterminer l’usage des fichiers qui auraient été détournés, ce qui aurait été illusoire dans le cadre d’un débat contradictoire préalable.
En réponse, M. [J] entend faire valoir que la requête aux fins de mesure d’instruction ne comporterait aucun argument justifiant de déroger au principe du contradictoire, de même que l’ordonnance sur requête se limiterait à une formule générale ne mentionnant ni les parties au litige, ni des éléments de faits de l’espèce et ne contenant aucune démonstration, l’allégation adverse d’une opération concertée étant réfutée comme ne reposant sur aucun élément concret et relevant d’une justification qu’il qualifie de fallacieuse, alors que le transfert de fichiers litigieux relèverait de l’exercice de ses missions.
Ceci rappelé, la cour relève que l’ordonnance dont rétractation est motivée comme suit :
‘La société requérante justifie aux termes de sa requête des circonstances dans lesquelles elle a été amené à vérifier les exports de fichiers informatiques professionnels des requis dans un laps de temps proche de leur départ de la société ainsi que des liens professionnels existant entre eux.
Par ailleurs, l’existence d’un risque de déperdition des éléments de preuve recherchés en possession du requis justifie autant l’urgence que la nécessité de passer par une procédure non contradictoire.
En effet, s’agissant de transfert de données informatiques, seul l’effet de surprise est de nature à permettre l’établissement de la collusion soupçonnée et son ampleur.
La société requérante justifie ainsi d’un intérêt légitime à déterminer si les informations confidentielles contenues dans les fichiers exportés ont été utilisées par M. [T] [J], à d’autres fins que celles liées à l’exercice de ses fonctions dans l’entreprise SOGECA, si elles ont été adressées ou utilisées au profit de tiers comme la société SGD RESEAUX, M. [L] [B], les entreprises concurrentes ou les clients habituels, de sorte que les mesures sollicitées sont de nature à conserver la preuve des faits dénoncés, dans une limite fixée aux 12 derniers mois.
En effet, les mesures sollicitées doivent être circonscrites à ce qui est nécessaire dans la perspective d’un litige futur.’
Il en ressort que s’il est fait mention, dans l’ordonnance, des circonstances dans lesquelles la société SOGECA a été amenée à solliciter les mesures litigieuses, il n’est fait référence, pour justifier d’une dérogation au contradictoire, qu’à un risque de déperdition des éléments de preuve et à un effet de surprise qui serait nécessaire en matière de transfert de données informatiques, la collusion soupçonnée entre les requis n’apparaissant, à ce titre, que comme un élément à établir, de sorte qu’il n’est pas précisé de manière suffisamment concrète en quoi les circonstances de l’espèce justifieraient qu’il soit dérogé au principe de la contradiction.
Quant à la requête, elle énonce uniquement ‘un intérêt légitime à ce que [les] mesures ne soient pas ordonnées de façon contradictoire’, se référant aux ‘faits et circonstances de l’espèce’, ce qui ne saurait pallier l’absence de mention concrète et suffisamment précise de ces circonstances et des raisons pour lesquelles elles justifieraient d’une dérogation au principe du contradictoire, étant, au demeurant, observé qu’aucune référence, en tout cas expresse, n’est faite à ce titre dans l’exposé des faits, pourtant détaillé.
Comme l’a, à juste titre, rappelé le premier juge, le seul constat de l’absence de justification suffisante d’une dérogation au principe du contradictoire, tel qu’il s’évince de l’examen de l’ordonnance et de la requête, suffit à faire droit à la demande de rétractation présentée par M. [J] peu important dès lors que, par ailleurs, la société SOGECA n’ait pas été tenue de communiquer à la partie adverse les pièces invoquées à l’appui de sa requête (voir 2ème Civ., 14 janvier 2021, pourvoi n° 20-15.673, publié au Bulletin), la communication de l’ordonnance et de la requête, comprenant, de surcroît, une liste des pièces invoquées (2ème Civ., 6 mai 1999, pourvoi n° 95-21.430, Bull. 1999, II, n° 84), suffisant à assurer la contradiction entre les parties.
Ce n’est qu’à titre surabondant que la cour, au vu des éléments qui lui sont soumis et de l’argumentation développée à ce titre par les parties, adoptera les motifs pertinents du juge de première instance pour retenir l’absence d’intérêt légitime à la mesure, étant ajouté que la société SOGECA était à même d’identifier les messages transférés et leur nature, à tout le moins à partir de la boîte professionnelle de l’intéressé dont elle avait disposition, et que s’il est vrai que, comme l’affirme la société SOGECA, il ne peut être exigé, au stade de la requête, de faire la preuve d’un lien direct entre les faits fondant les griefs de détournement et d’exports, selon elle, illicites de fichiers, avec un préjudice lié à une perte de chiffre d’affaires ou des pertes de marchés, il n’en demeure pas moins que, comme il a été rappelé ci-avant, les faits susceptibles de fonder un litige et donc l’existence d’un préjudice doivent être caractérisés avec une vraisemblance suffisante, de nature à justifier, le cas échéant, des interrogations ou des suspicions quant à l’usage des fichiers transférés et son incidence.
La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a rétracté dans sa totalité l’ordonnance rendue sur requête le 3 novembre 2021.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. [B] :
M. [J] sollicite, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la condamnation de la société SOGECA à lui payer, à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 3 000 euros, soutenant que cette demande provisionnelle entrerait dans le champ des instances ‘en référé’, et viserait à indemniser le choc subi par sa famille et lui-même du fait de l’intrusion à son domicile de l’huissier de justice et des gendarmes.
Cela étant, il n’établit pas, au-delà de toute contestation sérieuse, que la société SOGECA aurait agi à son encontre de manière fautive, ce qui ne saurait uniquement résulter de la seule circonstance que l’ordonnance faisant initialement droit à la requête de cette société a été rétractée, et ce alors que M. [J] ne démontre à suffisance aucune mauvaise foi ou erreur grossière de la partie adverse.
Dès lors, et étant relevé que l’ordonnance entreprise n’a pas expressément statué sur ce point dans son dispositif, la demande de dommages-intérêts de M. [J] sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La partie appelante, succombant pour l’essentiel, sera tenue des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, outre confirmation de la décision déférée sur cette question.
L’équité commande en outre de mettre à la charge de l’appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3 000 euros au profit de l’intimé, tout en disant n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de ce dernier et en confirmant les dispositions de l’ordonnance déférée de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 17 mai 2022 par le président du tribunal judiciaire de Strasbourg,
Y ajoutant,
Déboute M. [T] [J] de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne la SARL SOGECA aux dépens de l’appel,
Condamne la SARL SOGECA à payer à M. [T] [J], la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL SOGECA.
La Greffière : le Président :