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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 1ER FÉVRIER 2024
(n° 44, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07426 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTSQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 septembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° RG 19/0526
APPELANTE
S.A.S. EVERLINK SERVICES
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 804 807 451
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1613
INTIMÉE
Madame [D] [T] épouse [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Murielle GANDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0140
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Everlink Services (ci-après désignée la société ES) exerce l’activité de fournitures de services de téléphonie à destination des entreprises et de maintenance. Elle employait moins de 11 salariés et était soumise à la convention collective des commerces de détail de papeteries, fournitures de bureaux, de bureautique et informatique et de librairie.
Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein (39 heures hebdomadaires) prenant effet le 30 mai 2016, Mme [D] [T] épouse [K] a été engagée par la société ES en qualité d’ingénieur commercial, statut cadre, catégorie 5, niveau 220.
Par courrier du 1er février 2019, Mme [K] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 13 février 2019.
Par courrier du 12 mars 2019, la société ES a notifié à Mme [K] son licenciement pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin que la société ES soit condamnée à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 25 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
Requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [K] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la société ES à verser à Mme [K] les sommes suivantes :
– 3.387,23 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 12.407,31 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1.240,73 euros bruts de congés payés afférents,
– 3.129,63 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
– 312,96 euros bruts de congés payés afférents,
– 2.892 euros bruts à titre de rappel de salaire sur commissions,
– 289,20 euros bruts de congés payés afférents,
– 17.387,79 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, jusqu’au jour du paiement,
Rappelé qu’en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire,
– 18.000 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement jusqu’au jour du paiement,
– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonné à la société ES de rembourser à Pôle emploi les allocations chômage dans la limite de 300 euros,
Ordonné la remise des documents sociaux conformes,
Débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,
Débouté la société ES de ses demandes reconventionnelles et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société ES aux entiers dépens.
Le 3 novembre 2020, la société ES a interjeté appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 24 octobre 2023, la société ES demande à la cour de :
Rejeter la demande de Mme [K] tendant au rejet des 8 pièces communiquées le 30 avril 2021,
Infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau de :
Juger que le licenciement pour faute grave de Mme [K] est bien fondé,
Par conséquent,
Juger que Mme [K] a été entièrement remplie de ses droits,
Débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement,
Limiter le quantum de la condamnation au titre du licenciement abusif à 3 mois soit 12.407,31 euros,
En tout état de cause,
Rejeter la demande au titre du rappel de commissions et congés y afférents pour 2.892 euros et 289,20 euros,
Dire que la contrepartie à la clause de non-concurrence ne peut excéder la somme de 2.067,88 euros et que les intérêts ne peuvent courir qu’à compter de la date d’exigibilité de chaque échéance,
Condamner Mme [K] à lui verser les sommes suivantes :
– 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– 15.000 euros sur le fondement de la violation de son obligation de bonne foi tirée de l’article L.1222-1 du code du travail,
Débouter Mme [K] de tout appel incident et notamment de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,
Débouter Mme [K] de tout appel incident et de l’ensemble de ses demandes,
Condamner Mme [K] à verser au Trésor Public une amende civile tirée de l’article 32-1 du code de procédure civile dont le montant sera apprécié par le Conseil de Céans,
Condamner Mme [K] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 10 octobre 2023, Mme [K] demande à la cour de :
Dire et juger que la société ES n’a pas communiqué ses pièces simultanément à l’envoi de ses conclusions et ordonner le rejet des pièces n°1 à 49 visées au bordereau de pièces,
Débouter la société ES de l’ensemble de ses demandes,
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– fixé son salaire mensuel moyen brut à la somme de 4.516,31 euros bruts,
– dit et jugé que son licenciement est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse,
– dit et jugé que la société ES est redevable de la contrepartie financière associée à la clause de non-concurrence du mois d’avril 2020 au mois de mars 2021,
– débouté la société ES de ses demandes reconventionnelles et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En conséquence, condamner la société ES à lui verser les sommes suivantes :
– 18.000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 387,23 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 4 516,31 euros nets à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
– 12 407,31 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 240,73 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 3.129,63 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,
– 312,96 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 2.892 euros bruts à titre de rappel de salaire sur commissions,
– 289,20 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 15.865,36 euros bruts à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,
Infirmer le jugement sur le surplus et statuant à nouveau de condamner la société ES à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,
Condamner la société ES à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel,
Ordonner la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
Ordonner la capitalisation des intérêts,
Condamner la société ES aux dépens.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 25 octobre 2023.
MOTIFS :
Sur le rejet des pièces de la société :
* Sur l’étendue de la demande de rejet des pièces :
Selon l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Le bordereau annexé aux dernières conclusions de la société ES fait mention de 53 pièces.
Dans le dispositif de ses dernières écritures, Mme [K] conclut seulement au rejet des pièces n°1 à 49 mentionnées dans ce bordereau.
Il s’en déduit que la demande de rejet de la salariée ne porte pas sur les pièces 50 à 53 qui ne seront, dès lors, pas écartées des débats.
* Sur le bien-fondé de la demande de rejet :
Mme [K] demande à la cour de rejeter des débats les pièces 1 à 49 de l’employeur au motif que celles-ci n’ont pas été communiquées simultanément à ses conclusions, ce qui contrevient aux dispositions des articles 906 et 908 du code de procédure civile.
En défense, l’employeur soutient qu’en application de l’article 802 du code de procédure civile, seules les pièces non produites avant la clôture de l’instruction doivent être jugées irrecevables, peu important le fait qu’elles n’aient pas été communiquées simultanément aux conclusions.
L’obligation de communiquer simultanément au dépôt et à la notification des conclusions les pièces produites à leur soutien visée à l’article 906 du code de procédure civile n’impose pas au juge d’écarter des débats des pièces dont la communication y contrevient s’il est démontré que le destinataire de la communication a été mis, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d’y répondre.
Il convient donc de vérifier que les pièces 1 à 49 ont été communiquées en temps utile à la salariée par l’employeur.
En deuxième lieu, Mme [K] conclut au rejet des pièces 1 à 41 au motif qu’elles ne lui ont jamais été communiquées par la société en appel.
En défense, la société conclut au débouté de cette demande au motif que les pièces 1 à 41 ont été produites en première instance et qu’en page 17 de ses écritures, la salariée critique des attestations qu’elle a produites devant le conseil de prud’hommes.
Selon l’article 132 du code de procédure civile dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2011, la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance et cette communication doit être spontanée. La communication des pièces s’impose en appel sans que l’on puisse exciper de leur communication en première instance.
En l’espèce, il n’est ni allégué ni justifié par la société qu’elle a communiqué les pièces 1 à 41 en appel. Par suite, ces pièces doivent être écartées des débats, peu important le fait qu’elles auraient été produites en première instance ou que la salariée ait critiqué dans ses écritures des attestations contenues dans le dossier de première instance de la société.
En dernier lieu, les parties s’accordent sur le fait que les pièces 42 et suivantes ont été communiquées par la société le 30 avril 2021, à l’exception toutefois de la pièce 48 qui n’a été produite que le 26 septembre 2023.
Si la salariée estime que ces pièces doivent être écartées des débats en raison de leur production tardive, force est de constater que l’instruction n’a été clôturée que le 25 octobre 2023, si bien que Mme [K] disposait de près d’un mois pour discuter de la pièce 48 et de plus de 2 ans pour discuter des pièces 42 à 47 et 49.
Il s’en déduit que la salariée a pu prendre connaissance en temps utile des pièces 42 à 49.
Dès lors, ces pièces ne seront pas écartées des débats.
Sur le rappel sur commission :
Mme [K] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société ES à lui verser un rappel de commission d’un montant de 2.892 euros bruts comprenant la prime variable ‘Challenge’ 2018 d’un montant de 2.325 euros bruts et la prime sur le chiffre d’affaires relatif au contrat devant être conclu avec la société Arengi d’un montant de 567 euros bruts. Elle sollicite également la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société ES à lui verser la somme de 289,20 euros bruts de congés payés afférents.
En défense, l’employeur conclut à l’infirmation du jugement et au débouté des sommes réclamées par la salariée.
Il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable de la salariée et s’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.
En premier lieu, afin d’établir sa créance relative à la prime variable ‘Challenge’ 2018, Mme [K] produit son bilan social individuel de janvier 2019 établi par la société ES mentionnant au titre de sa ‘rémunération directe 2018’ : ‘A venir Challenge : 2.325’.
En défense, la société soutient que pour percevoir cette prime, la salariée ‘ne devait pas être en procédure de départ de la société avant le 31 mars 2019′.
Cependant, afin d’établir ce fait, l’employeur se fonde exclusivement dans ses écritures sur la pièce 40 qui a été écartée des débats.
Par suite, la cour considère que la société est redevable de la somme de 2.325 euros au titre de la prime Challenge, outre 232,50 euros de congés payés afférents.
En second lieu, Mme [K] soutient qu’elle n’a pas perçu la commission afférente au contrat Arengi qu’elle aurait dû signer si elle n’avait pas été mise à pied à titre conservatoire. Selon ses dires, cette commission est déterminée sur la base de 3% de la marge réalisée par la société ES sur ce contrat, ce qui correspond à la somme de 567 euros bruts.
Toutefois, la cour constate que, d’une part, la salariée ne se référe dans ses écritures à aucun élément contractuel pour justifier de l’existence de cette prime et, d’autre part, aucune commission égale à 3% du chiffre d’affaires réalisé sur un contrat n’est stipulée dans les pièces contractuelles produites.
La cour constate également que l’employeur ne produit aucune défense sur ce point.
Par suite, compte tenu des éléments produits, il n’est nullement établi qu’une commission de 3% aurait dû être versée à la salariée au titre du contrat Arengi. Mme [K] sera donc déboutée de sa demande pécuniaire à ce titre.
***
Il se déduit de ce qui précède que Mme [K] doit percevoir un rappel de commission d’un montant de 2.325 euros bruts, outre 232,50 euros bruts de congés payés afférents.
Le jugement sera donc infirmé sur le quantum.
Sur le salaire mensuel moyen brut de la salariée :
Il ressort des bulletins de paye versés aux débats et du rappel de commission prononcé par la cour dans les développements précédents que, comme le soutient Mme [K] dans ses dernières écritures, sa rémunération mensuelle moyenne brute doit être fixée à la somme de 4.516,31 euros.
Sur la contrepartie financière à la clause de non-concurrence :
Au préalable, l’article 13 du contrat de travail stipule :
‘Compte tenu de la nature de ses fonctions, Madame [K] se trouve en contact permanent avec la clientèle et a accès à des informations confidentielles.
Pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur, Madame [K] s’interdit, en cas de cessation du présent contrat, quelle qu’en soit la cause :
– d’entrer au service d’une entreprise exerçant la même activité que celle de la société Everlink Services à quelque titre que ce soit,
– de s’intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit à une entreprise de cet ordre, pour son propre compte ou pour le compte de tiers.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de deux ans commençant le jour de la cessation effective du contrat de travail et couvre le territoire national.
En contrepartie de l’obligation de non concurrence prévue ci-dessus, Madame [K] percevra après la cessation effective de son contrat, chaque mois, et pendant toute la durée de cette interdiction une indemnité spéciale forfaitaire égale à 50% de la moyenne mensuelle du salaire perçu par lui au cours de ses trois derniers mois de présence dans la société Everlink Services.
Cette indemnité sera soumise à charges sociales.
Toute violation de l’interdiction de concurrence, en libérant la société Everlink Services du versement de cette contrepartie, rendra automatiquement Madame [K] redevable envers elle :
– du remboursement de ce qu’il aurait pu percevoir à ce titre,
– d’une pénalité fixée dès à présent et forfaitairement à 150 euros par jour, pénalité due pour chaque infraction constatée, sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure d’avoir à cesser l’activité concurrentielle.
Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte aux droits, que la société se réserve expressément de poursuivre sous astreinte, la cessation de l’activité concurrentielle de Madame [K]. Toutefois, la société Everlink Services pourra libérer Madame [K] de l’interdiction de concurrence, et, par la même, se dégager du paiement de l’indemnité prévue en contrepartie, soit à tout moment au cours de l’exécution du contrat, soit à l’occasion de sa cessation, sous réserve dans ce dernier cas de notifier sa décision par lettre recommandée au plus tard dans les 15 jours, le jour de la cessation effective des fonctions’.
Mme [K] expose que dans sa lettre de licenciement et dans un courrier du 2 mai 2019, la société ES lui a indiqué qu’elle ne souhaitait pas la libérer de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail. Elle indique ainsi que l’employeur lui a versé une indemnité de non-concurrence mensuelle pour la période du 12 mars 2019 (date de la rupture du contrat de travail) au 31 mars 2020 inclus et d’un montant de 2.483,97 euros.
Ne percevant plus cette indemnité à compter du mois d’avril 2020, Mme [K] justifie avoir saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Paris afin que reprenne le paiement de son indemnité mensuelle. La salariée expose que suite à son ordonnance du 29 juin 2020 non frappée d’appel, le conseil de prud’hommes statuant en référé a ordonné à l’employeur de lui verser une indemnité mensuelle de non-concurrence d’un montant de 2.483,97 euros au titre des mois d’avril, mai et juin 2020 et de reprendre le paiement de cette indemnité jusqu’en mars 2021.
Mme [K] expose qu’en application de cette ordonnance, l’employeur lui a versé son indemnité pour les mois d’avril à août 2020.
Mme [K] réclame dans la partie discussion de ses dernières écritures la somme de 15.865,36 euros correspondant à l’indemnité restant due au titre des mois de septembre 2020 à mars 2021. La salariée précise que dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement entrepris, qui a condamné l’employeur à lui verser la somme de 17.387,79 euros à ce titre, ce dernier lui a payé la somme de 15.865,36 réclamée en appel.
En défense, la société conclut au débouté de la demande indemnitaire de la salariée et soutient, dans le dispositif de ses écritures, que l’indemnité mensuelle ne peut excéder la somme de 2.067,88 euros. Elle indique avoir notifié à Mme [K] la levée de la clause de non-concurrence par courrier du 17 mars 2020 et expose que l’intimée ne justifie pas avoir respecté son obligation de non-concurrence ‘alors qu’il a été porté à la connaissance de la société Everlink par l’intermédiaire de l’un de ses techniciens que Mme [K] continuait de visiter les clients de la société alors même qu’elle était mise à pied’.
En premier lieu, si la société ES soutient qu’elle a mis fin aux effets de la clause de non-concurrence par courrier du 17 mars 2020, la cour constate qu’elle se réfère dans ses écritures à une pièce écartée des débats pour en justifier. Par suite, faute pour la salariée de corroborer ce point, la cour considère qu’il n’est pas établi que l’employeur a libéré le 17 mars 2020 Mme [K] de son interdiction de concurrence. Dès lors, en application de l’article 13 du contrat de travail, l’employeur était redevable d’une indemnité mensuelle de non-concurrence à compter du départ effectif de la salariée de l’entreprise (12 mars 2019) et pendant le délai contractuel de deux ans soit jusqu’au 12 mars 2021.
En deuxième lieu, la charge de la preuve de l’inexécution de la clause de non-concurrence par la salariée incombe à l’employeur. Par suite, contrairement aux allégations de ce dernier, il n’appartient pas à Mme [K] de justifier qu’elle a respecté l’interdiction de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail. En outre, la société ne produit aucune pièce (non écartée des débats) qui établit l’existence d’un manquement de la salariée à la clause de non-concurrence. Par suite, la société ne peut utilement exciper l’existence d’un tel manquement pour conclure au débouté de la demande indemnitaire.
En troisième lieu, si l’employeur demande dans le dispositif de ses écritures à la cour de porter le montant de l’indemnité mensuelle de non-concurrence due à la somme de 2.067,88 euros, force est de constater qu’il ne précise pas dans la partie discussion de ses conclusions le détail du calcul lui permettant de déterminer ce montant.
La salariée soutient au contraire que cette indemnité mensuelle est d’un montant de 2.483,97 euros (congés payés inclus).
L’indemnité de clause de non-concurrence ayant la nature de salaire, elle est prise en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés. L’employeur doit donc payer l’indemnité compensatrice de congés payés en plus du versement de l’indemnité de non-concurrence.
Il ressort des bulletins de paye versés aux débats par la salariée que l’employeur lui a versé au titre de la clause de non-concurrence une indemnité mensuelle de non-concurrence d’un montant de 2.258,15 euros bruts, outre 225,82 euros bruts de congés soit un total de 2.483,97 euros bruts. Compte tenu des bulletins de paye produits et de la somme mise à la charge de l’entreprise au titre du rappel de commission, la cour constate que cette somme est conforme aux stipulations de l’article 13 du contrat de travail.
Il se déduit de ce qui précède que la société ES sera condamnée à verser la somme de 15.865,36 euros bruts au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. Le jugement sera infirmé sur le quantum.
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement pour faute grave du 12 mars 2019 est ainsi rédigée :
‘1) Nous vous rappelons que vous avez été embauchée en qualité ‘d’ingénieur commercial’ au sein de la société EVERLINK par contrat de travail à durée indéterminée qui a pris effet le 30 mai 2016. Dans le cadre des fonctions qui sont les vôtres, nous avons toujours pris soin de vous accompagner, de vous donner l’ensemble des moyens vous permettant de progresser au sein de l’entreprise en vous attribuant pour vous aider plusieurs comptes clients à fort potentiel.
Reconnaissant votre capacité à vous impliquer dans votre travail et les résultats commerciaux que vous avez su obtenir. Nous avons toujours pris soin de valoriser vos interventions et ce, à travers plusieurs augmentations, l’octroi de primes et votre promotion au poste de ‘Ingénieur télécom comptes stratégique’.
Nous avons également fait le nécessaire afin de vous donner l’ensemble des moyens pour vous permettre de réaliser les objectifs qui étaient les vôtres et ainsi bénéficier d’une rémunération variable intéressante et en lien avec votre contribution personnelle.
2) Néanmoins, vous avez progressivement et de manière de plus en plus marquée, adopté un comportement inacceptable usant à plusieurs reprises un chantage à la démission afin que la direction aille dans votre sens, que ce soit pour obtenir des augmentations ou bien pour déroger aux procédures.
Malgré les augmentations et primes régulièrement octroyées (par exemple en janvier 2018 dans le cadre de l’évaluation sur votre contribution au titre de l’année 2017), elles ne vous semblent jamais suffisantes.
De même, certaine que vos résultats vous autorisaient à agir de la sorte, vous avez usé de ces menaces de démission pour refuser les directives et contester les méthodes de fonctionnement et d’organisation que la Direction a décidé de mettre en ‘uvre.
Par exemple, vous aviez agi de cette manière le 22 mars 2017 en réponse aux demandes de respecter notre méthode de négociation. Et vous avez encore agi de cette manière très récemment, le 31 janvier dernier.
Pour vous apporter un soutien permettant de canaliser ces tensions, nous avons investi dans un coaching que vous avez validé, auprès de Perlezzenn Conseils, cette action mobilise plusieurs personnes de l’entreprise et poursuit objectif de vous aider à comprendre les excès dont vous pouviez avoir fait la démonstration dans le cadre de vos comportements, souvent inappropriés que ce soit vis-à-vis de votre hiérarchie ou vis-à-vis de vos collègues.
3) Or, malgré ce soutien vous persistez à passer en force pour imposer votre mode de fonctionnement traduisant par là-même votre volonté de refuser purement et simplement les directives de votre direction et le mode organisationnel choisi par elle estimant que votre point de vue et votre expérience vous conféraient la légitimité à mettre en ‘uvre un mode de fonctionnement différent, voire contraire à celui décidé par votre hiérarchie.
Vous avez même adopté un comportement provoquant ne faisant pas mystère de votre volonté de rupture et ce, en adoptant une stratégie délétère, provocatrice et génératrice de conflits au sein de l’entreprise.
Par exemple, alors que les clients doivent s’adresser au service technique pour toutes demandes de support technique, vous estimez qu’ils ne sont pas suffisamment bien traités par le service technique et que vous seule devez gérer leurs réclamations par mail, téléphone ou via l’application WhatsApp pour gérer le flux des demandes à transmettre au service technique.
Vous imposez ainsi votre mode de fonctionnement en les sommant de réagir dans des termes souvent inappropriés traduisant un certain relâchement général du langage regrettable, pouvant être très mal interprété dans l’entreprise et qui marque une dérive dans votre comportement vis-à-vis des autres salariés qui se disent pressurisés et malmenés.
A chaque fois que vos collègues ou la direction requièrent que vous respectiez le process et l’organisation mise en ‘uvre par l’entreprise, vous adoptez un comportement agressif, inacceptable.
Vos exigences inappropriées, vos dérives verbales et votre incapacité à maitriser vos réactions vis-à-vis de vos collègues, notamment du service technique, induisent une désorganisation de ce service, vos exigences étant toujours de faire passer les clients que vous traitez avant tout autre client de l’entreprise au détriment des autres collaborateurs.
Votre positionnement est d’ailleurs vu par ce service, comme étant Acheteuse du client et non Ingénieur commercial d’Everlink services.
Vous faites ainsi fi de notre éthique et des usages internes en court-circuitant systématiquement le service technique et vos collègues à votre profit, de tels comportements étant naturellement source de conflit. Vos intérêts personnels passent systématiquement avant ceux de l’entreprise, ce qui contredit le nécessaire esprit d’équipe qui doit prévaloir au sein de notre entreprise.
En outre, votre comportement, les menaces dont vous faites preuve régulièrement de démissionner ou de laisser ‘tomber’ ceux que vous désignez comme ‘VOS clients’ est très impactant et créé un climat difficilement compatible avec un esprit serein qui doit présider au sein de l’entreprise.
4) C’est pourquoi, l’ambiance détestable que vous vous plaisez à instaurer au sein de l’entreprise et vis-à-vis de vos collègues du service technique, nous a contraint à vous convoquer à un entretien préalable à votre éventuel licenciement et dans cette attente à vous signifier le même jour votre mise à pied à titre conservatoire avec dispense immédiate de travail.
En dépit de cette mise à pied à titre conservatoire, vous avez continué de vous présenter auprès de certains de nos clients faisant, en outre, état du fait que l’entreprise avait rompu les relations contractuelles alors que tel n’était pas le cas.
En revanche, vous vous êtes abstenue de vous présenter à de nombreuses réunions du groupe BNI dont nous assurons le financement de la cotisation annuelle et qui vous permet de bénéficier de recommandations de plusieurs autres des commandes de ce groupe de business.
De même, nous avons appris que là aussi vous vous étiez répandue sur vos conditions de travail, nuisant ainsi à l’image de l’entreprise et par ailleurs, que vous étiez sur le point d’être exclue de ce groupe compte tenu d’un nombre d’absences trop important et du non-respect par vos soins du règlement intérieur de ce groupe de travail permettant ainsi de valoriser l’image de l’entreprise.
Dans ce contexte, vos provocations, actions délibérément perturbatrices, déloyauté et insubordination rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail même pendant la durée limitée de votre préavis.
Nous vous signifions par conséquent votre licenciement pour faute grave à effet immédiat (…)’.
La société ES reproche ainsi à Mme [K] :
– d’avoir exercé à plusieurs reprises un chantage à la démission en vue d’obtenir des augmentations ou pour déroger aux procédures,
– d’imposer son mode de fonctionnement en adoptant notamment un comportement provoquant et agressif et en faisant passer ses intérêts personnels avant ceux de l’entreprise,
– d’avoir continué à se présenter auprès de certains clients de la société durant la période de mise à pied conservatoire, tout en n’assistant pas aux réunions d’un réseau professionnel auquel adhère la société.
Toutefois, la cour constate que l’employeur entend justifier dans ses écritures de la matérialité de ces griefs, contestés par la salariée, en se fondant uniquement sur les pièces qui ont été écartées des débats dans les développements précédents et dont il ne peut être par conséquent tenu compte.
La cour constate également que les pièces produites par la salariée et celles versées aux débats par l’employeur et qui n’ont pas été écartées des débats ne permettent pas de prouver la réalité des manquements reprochés à Mme [K].
Il se déduit de ce qui précède que, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, le licenciement est dépouvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :
En premier lieu, compte tenu des développements précédents, du salaire mensuel moyen retenu par la cour et de l’ancienneté de plus de deux ans de la salariée au moment de la rupture, Mme [K] peut utilement solliciter la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué les sommes suivantes dont le quantum n’est pas contesté par la société dans ses écritures :
– 3.387,23 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 12.407,31 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis de trois mois applicable selon les stipulations de la convention collective,
– 1.240,73 euros bruts de congés payés afférents,
– 3.129,63 euros bruts au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
– 312,96 euros de congés payés afférents.
En deuxième lieu, Mme [K] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 18.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A titre subsidiaire, l’employeur demande à la cour de limiter le montant de cette indemnité à la somme de 12.407,31 euros.
L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 applicable à la date de la rupture (12 mars 2019) dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.
En l’occurrence, pour une ancienneté de 2 ans, la loi prévoit une indemnité minimale de 0,5 mois de salaire brut et une indemnité maximale qui s’élève à 3,5 mois.
Eu égard à ces éléments, à l’âge de la salariée au moment de la rupture du contrat de travail, à son salaire mensuel brut, à son ancienneté et au fait qu’elle justifie être restée au chômage jusqu’au mois de mars 2021, il convient d’allouer à Mme [K] la somme de 12.407,31 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En troisième lieu, Mme [K] réclame la somme de 4.516,31 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement au motif que lors de l’entretien préalable au licenciement, le dirigeant de la société a été assisté par une personne n’appartenant pas au personnel de l’entreprise.
Toutefois, l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : ‘Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire’.
Or, il ressort des développements précédents que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par suite, Mme [K] sera déboutée de sa demande indemnitaire.
En dernier lieu, la société ES employant moins de 11 salariés et compte tenu des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail, celle-ci ne peut être condamnée à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée en application de l’article L. 1235-4 dudit code. Par suite, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la société ES de rembourser à Pôle emploi les allocations chômage dans la limite de 300 euros.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct :
Mme [K] soutient qu’elle a subi un préjudice distinct de celui occasionné par son licenciement en raison de manquements reprochés à l’employeur qui seront examinés dans les développements suivants. Sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail, elle sollicite la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct et l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de cette demande indemnitaire.
En défense, l’employeur conclut au rejet de cette demande.
***
En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.
***
En premier lieu, Mme [K] reproche à l’employeur d’avoir cessé de lui régler son indemnité mensuelle de non-concurrence à compter du mois d’avril 2020, l’obligeant ainsi à saisir en référé le conseil de prud’hommes de Paris afin qu’il condamne la société à reprendre le paiement de ladite indemnité.
La société expose que la salariée a perçu l’indemnité mensuelle jusqu’à la levée de son obligation de non-concurrence le 17 mars 2020.
Il ressort des développements précédents que la société ne justifie pas avoir adressé la lettre du 17 mars 2020 à la salariée.
Par suite, non seulement l’employeur demeurait redevable du versement de l’indemnité mensuelle de non-concurrence, mais il n’établit pas avoir versé celle-ci à Mme [K] à compter du mois d’avril 2020.
Dès lors, ce manquement est établi.
Toutefois, Mme [K] ne justifie d’aucun préjudice non réparé par les indemnités pour non-concurrence accordées par la cour dans les développements précédents.
Dès lors, ce manquement ne peut justifier en tout ou partie la demande indemnitaire de Mme [K].
En deuxième lieu, les parties s’accordent sur le fait que le 1er octobre 2019, la société ES a restitué à Mme [K] la somme de 437,32 euros qu’elle avait prélevé à tort depuis le mois de mars 2019 sur ses salaires au titre du coût ‘de la portabilité de la prévoyance et de la mutuelle alors que cette portabilité est gratuite pour la salariée’.
Toutefois, la salariée ne justifie d’aucun préjudice non réparé par la restitution de la somme litigieuse à l’initiative de l’employeur.
Dès lors, le manquement consistant pour l’employeur à prélever à tort des cotisations au titre de la portabilité de la prévoyance ne peut justifier en tout ou partie la demande indemnitaire de Mme [K].
En dernier lieu, l’article R.1234-9 du code du travail dispose : ‘L’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi’. L’employeur est ainsi tenu de remettre les documents de fin de contrat le jour du départ du salarié de l’entreprise et la preuve de cette remise lui incombe.
Mme [K] reproche à l’employeur de ne lui avoir adressé ses documents de fin de contrat que le 27 mars 2019 alors que la rupture du contrat de travail est survenue le 12 mars 2019 sans préavis et bien qu’elle ait sollicité la société pour qu’elle lui remette ses documents le 18 mars 2019. Elle reproche également à l’employeur de lui avoir remis une attestation Pôle emploi erronée car ne mentionnant pas l’ensemble des primes perçues par elle et de ne lui avoir délivré une attestation modificative que le 11 mai 2019. Elle reproche enfin à l’employeur de ne pas lui avoir remis l’attestation lui permettant de faire valoir ses droits à la portabilité de la mutuelle.
Afin de justifier qu’il a adressé les documents de fin de contrat le 18 mars 2019 (et non le 27 mars), l’employeur se réfère, d’une part, à sa pièce 41 qui (comme il a été dit précédemment) a été écartée des débats et, d’autre part, aux pièces 20 et 23 de la salariée qui n’établissent nullement que les documents de fin de contrat ont été communiqués à cette dernière le 18 mars.
Il s’en déduit que la société n’établit pas avoir délivré les documents de fin de contrat avant le 27 mars 2019 comme le prétend Mme [K] alors qu’en application du texte réglementaire précité, ceux-ci devaient être remis à cette dernière avant le 13 mars 2019.
De même, l’employeur ne justifie pas avoir délivré à la salariée l’attestation lui permettant de faire valoir ses droits à la portabilité de la mutuelle.
Enfin, la salariée justifie que deux attestations destinées à Pôle emploi ont été rédigées par l’employeur dont la seconde comprend des salaires mensuels bruts d’un montant plus élevé, ce qui confirme l’établissement par l’employeur d’une première attestation mentionnant des rémunérations minorées susceptible de porter préjudice à la salariée lors de la mise en oeuvre de l’assurance chômage.
Compte tenu de ces manquements et comme le relève Mme [K], celle-ci n’a pu bénéficier qu’avec retard des indemnités chômage qui lui étaient dues et de la portabilité de la prévoyance souscrite par l’employeur. Son préjudice sera réparé à hauteur de 1.000 euros et le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur les demandes reconventionnelles de l’employeur :
* Sur l’exécution déloyale du contrat de travail de la salariée :
La société ES réclame à la salariée sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail une indemnité d’un montant de 15.000 euros pour avoir ‘supprimé l’ensemble des données comprises sur sa messagerie personnelle’.
Toutefois, en premier lieu, il est rappelé que Mme [K] ne peut voir sa responsabilité civile engagée à l’égard de son employeur que si elle a commis une faute lourde.
Or, en l’espèce, il n’est ni allégué ni justifié par la société que la salariée a commis une faute lourde en accomplissant les actes qui lui sont reprochés.
Par suite, la société ne peut solliciter de la cour la mise en jeu de la responsabilité civile de l’intimée.
En second lieu et au surplus, la cour constate que l’employeur entend établir le manquement reproché à Mme [K] en se fondant exclusivement sur la pièce 18 qui a été écartée des débats par la cour.
Il se déduit de ce qui précède que la société ES sera déboutée de sa demande indemnitaire.
* Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :
La cour ayant partiellement fait droit aux demandes de la salariée, la demande reconventionnelle de l’employeur pour procédure abusive sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de la salariée tendant à la remise de documents sociaux conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.
La société ES qui succombe partiellement, est condamnée à verser à la salariée la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
La société ES doit supporter les dépens d’appel et elle sera déboutée de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Il sera fait droit à la demande d’anatocisme de la salariée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
ECARTE des débats les pièces 1 à 41 visées au bordereau annexé aux conclusions du 10 octobre 2023 de la société Everlink Services,
INFIRME le jugement en ce qu’il a :
– condamné la société Everlink Services à verser à Mme [D] [T] épouse [K] les sommes suivantes : 17.387,79 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence, 18.000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2.892 euros bruts à titre de rappel de salaire sur commission et 289,20 euros bruts de congés payés afférents,
– débouté Mme [D] [T] épouse [K] de sa demande pécuniaire de dommages-intérêts pour préjudice distinct,
– ordonné à la société Everlink Services de rembourser à Pôle emploi les allocations chômage versées à la salariée dans la limite de 300 euros,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Everlink Services à verser à Mme [D] [T] épouse [K] les sommes suivantes :
– 2.325 euros bruts à titre de rappel de salaire sur commission,
– 232,50 euros bruts de congés payés afférents,
– 15.865,36 euros à titre de contrepartie financière à la clause de non-concurrence,
– 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,
– 12.407,31 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
ORDONNE à l’employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, un bulletin de paye récapitulatif et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à l’arrêt,
DIT n’y avoir lieu à astreinte,
DIT n’y avoir lieu à ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités chômage versées à la salariée en application de l’article L. 1235-4 du code du travail,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Everlink Services aux dépens d’appel.
La greffière, La présidente.