Conditions de la discrimination syndicale

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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 1ER JUIN 2023

N° RG 19/04352 –

N° Portalis DBV3-V-B7D-TTNM

AFFAIRE :

Société SOPRA STERIA I2S INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES

C/

[W] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 15/02084

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jérôme POUGET

Me Clarisse SURIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 20 avril 2023 et prorogé au 25 mai 2023 puis au 1er juin 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Société SOPRA STERIA I2S INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jérôme POUGET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1366

APPELANTE

****************

Monsieur [W] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Clarisse SURIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0893

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,

Vu le jugement de départage rendu le 8 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,

Vu la déclaration d’appel de la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services du 5 décembre 2019,

Vu les conclusions de la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services du 5 avril 2022,

Vu les conclusions de M. [W] [E] du 5 avril 2022,

Vu l’ordonnance de clôture du 6 avril 2022,

Vu l’ordonnance de désignation d’un médiateur judiciaire du 19 mai 2022,

Vu la lettre du 30 décembre 2022 du médiateur informant la cour de l’échec de la médiation.

EXPOSE DU LITIGE

La société Sopra Steria Infrastructure & Security Services [Sopra Steria I2S ], dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 5], est spécialisée dans l’infrastructure, le management et la cybersécurité.

L’UES Sopra Steria a été formée suite au processus de fusion entre le groupe Steria et le groupe

Sopra. La société Sopra Steria I2S a été créée en octobre 2014 pour accueillir l’activité Infrastructure Management (IM) et Cybersécurité de Steria par cession d’activité conclue le 5 novembre 2014 avec effet au 1er janvier 2015 soit un transfert d’environ 2 400 salariés.

La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec) du 15 décembre 1987.

M. [W] [E] a été engagé par la société Steria Infogérance par contrat de travail à durée indéterminée le 5 juin 2001 en qualité de cadre technique 1, position 1.1.

Suite à la fusion des groupes Steria et Sopra, le 1er janvier 2015, conformément à l’article L. 1224-1 du code du travail, M. [W] [E] a été transféré au sein de la société Sopra Steria I2S.

M. [E] occupe les fonctions de cadre technique 3, position 2.2 de la convention collective Syntec.

M. [W] [E] a fait l’objet d’un repositionnement en qualité de cadre technique 2, position 2.11, au cours d’une procédure devant le conseil de prud’hommes de Versailles, dont il a été pris acte par jugement en date du 27 juillet 2009, confirmé sur ce point par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 9 décembre 2011.

Par requête reçue le 7 décembre 2015, M. [W] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt de demandes à l’encontre de ‘Sopra Steria’, puis a dirigé ses demandes à l’encontre de la société Sopra Steria I2S et de la société Sopra Steria group, sollicitant notamment qu’il soit jugé qu’il était victime d’une discrimination syndicale l’ayant pénalisé dans le déroulement de sa carrière et sa rémunération.

Par procès-verbal du 24 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt s’est mis en partage de voix et a renvoyé les parties devant la formation de départage du 6 septembre 2019.

Par jugement rendu le 8 novembre 2019, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en sa formation de départage a :

– mis hors de cause la SA Sopra Steria Group,

– condamné la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services à payer à M. [E] les sommes de :

-18 091,48 euros au titre des heures supplémentaires,

-1 809,14 euros au titre des congés payés afférents,

Avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2016 conformément à l’article 1231-6 du code civil,

-10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l’absence de fourniture de travail et du défaut de formation,

– 4 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement conformément à l’article 1231-7 du code civil,

– dit que les intérêts échus seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouté M. [E] du surplus de ses demandes,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services à verser à M. [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services aux dépens.

Par déclaration du 5 décembre 2019, la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 5 avril 2022, la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services a demandé à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a mis hors de cause la société Sopra Steria Group,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé que M. [E] n’a fait l’objet d’aucune discrimination syndicale,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a refusé la demande d’expertise en raison de l’impossibilité d’une juridiction à suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté les demandes liées à la discrimination à savoir :

‘ un rappel de salaire au titre d’un repositionnement professionnel de M. [E],

‘ des dommages et intérêts pour un préjudice de retraite,

‘ un rappel de salaires au titre de l’inégalité de traitement et l’absence d’évolution salariale,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé que la société Sopra Steria I2s a manqué à son obligation de fourniture de travail et de formation,

En conséquence,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société Sopra Steria I2S à payer à M. [E] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l’absence de fourniture de travail et du défaut de formation,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société Sopra Steria I2S à payer à M. [E] la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi résultant de l’absence de fourniture de travail et du défaut de formation,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté les demandes liées à un préjudice de santé non établi,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a jugé que l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise concernant l’application de la modalité 2,

En conséquence,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné la société Sopra Steria I2S à payer à M. [E] la somme de 18 091,48 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents,

A titre subsidiaire,

– condamner M. [E] au paiement de 14 764,16 euros bruts à titre de RTT indus,

En tout état de cause :

– condamner M. [E] au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [E] aux dépens.

Aux termes de ses conclusions du 5 avril 2022, M. [W] [E] a demandé à la cour de :

– débouter les sociétés Sopra Steria Group et Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– confirmer l’inopposabilité du forfait modalités 2 à M. [E] et la condamnation de la société Sopra Steria Infrastructure & Services au paiement de la somme de :

– 18 091,48 au titre des heures supplémentaires,

– 1 809,14 euros au titre des congés payés y afférents, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2016 conformément à l’article 1231-6 du code civil,

– confirmer la condamnation de la société Sopra Steria Infrastructure & Services au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer partiellement le jugement rendu le 8 novembre 2019 et le réformer dans son quantum s’agissant des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice subi résultant de l’absence de fourniture de travail et du défaut de formation,

En conséquence, en statuant à nouveau en cause d’appel,

– condamner la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services au paiement de la somme de 50 000 euros en raison du préjudice subi résultant de l’absence de fourniture de travail et du défaut de formation,

– condamner la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services au paiement de la somme de 50 000 [euros] à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

En tout état de cause :

– condamner la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services pour discrimination syndicale,

– ordonner le repositionnement de M. [E] sur un poste catégorie cadre position 2.3 coefficient 150, et imposer à la société Sopra Steria de fixer, rétroactivement à compter de 2012, son salaire mensuel bruts sur 13 mois à 57 148 euros annuels, soit 4 396 euros mensuels,

– ordonner la remise de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision à intervenir,

En conséquence,

A titre principal

– condamner solidairement, à titre de provision, les sociétés Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services ou la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services à verser à M. [E] les sommes suivantes :

· 210 224 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice professionnel et de carrière,

· 42 044,80 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de retraite,

A titre subsidiaire

– ordonner la désignation d’un expert avec pour missions :

– de se faire communiquer par les sociétés Sopra Steria Group et société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services :

– les contrats de travail des collaborateurs position 2.1 coefficient 115, 2.2 position 130, 2.3 position 150 et 3.1 position 170,

– les bulletins de paie des collaborateurs position 2.1 coefficient 115, 2.2 position 130, 2.3 position 150 et 3.1 position 170,

– un état synthétique des évolutions professionnelles des collaborateurs cités ci-avant en termes de qualification professionnelle, de coefficient hiérarchique, et de rémunération aux fins d’en dégager un panel comparatif,

– établir un rapport reconstituant le parcours professionnel et de carrière de M. [E] et déterminant la position et coefficient auxquels M. [E] pourrait prétendre, la juste rémunération devant lui être proposée en conformité avec le principe à travail égal salaire égal,

– faire état à la cour de toutes difficultés qu’il rencontrerait dans l’exécution de sa mission,

– dire que le rapport établi devra être remis au greffe de la section saisie dans le délai de 3 mois à compter de sa désignation,

– mettre les frais d’expertise à la charge des appelantes,

En tout état de cause

– condamner les sociétés Sopra Steria Group et Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services ou exclusivement la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services pour violation du principe à salaire égal travail égal,

En conséquence,

– condamner solidairement, à titre de provision, les sociétés Sopra Steria Group et la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services ou exclusivement la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services au paiement de la somme de 116 169 euros à titre de rappel de salaires et 11 616 euros au titre des congés payés y afférents,

– condamner les sociétés Sopra Steria Group et Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services ou exclusivement la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de santé,

– ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil,

– condamner la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services ou exclusivement la société Sopra Steria I2S Infrastructure & Security Services à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner les appelantes aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2022 et l’affaire appelée à l’audience du 6 avril 2022.

Par ordonnance en date du 19 mai 2022, la cour d’appel de Versailles a désigné en qualité de médiateur l’association CYM (centre Yvelines médiation), à Versailles.

Par courrier en date du 30 décembre 2022, le médiateur désigné a informé la cour d’appel de Versailles de l’échec de la médiation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1-sur la mise hors de cause de la société Sopra Steria group

M. [E] demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société Sopra Steria group et soutient qu’une unité économique et sociale a été créée entre le groupe Steria et le groupe Sopra, que son courrier d’affectation est à en-tête de Sopra Steria group, que ses bulletins de salaire mentionnent le code émetteur ’47-SopraGP’, ce qui signifie sans aucun doute Sopra Steria group.

La société Sopra Steria I2S sollicite la confirmation de la décision dont appel.

Par des motifs que la cour adopte, le conseil de prud’hommes, au visa des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail, a rappelé que :

– le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération,

-le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné,

– il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence.

Les premiers juges ont également considéré à juste titre que l’existence d’un contrat de travail entre la société Sopra Steria I2S et M. [E] n’était pas contestée et que les pièces invoquées par ce dernier étaient insuffisantes à caractériser l’existence d’un tel contrat entre M. [E] et la société Sopra Steria group.

En l’espèce, la lettre d’affectation, suite au transfert du contrat de travail du salarié, mentionne expressément que ‘dans le cadre de l’apport partiel d’actifs infrastructure management et cybersécurité de Steria à la société Sopra Steria Infrastructure & Security Services’, M. [E] est informé de son ‘affectation au sein de la société Sopra Infrastructure & Security Services’, au service Délégation (DPOU)’, d’un lieu de travail situé à Vélizy, avec le nom de son directeur d’agence et de l’interlocutrice des ressources humaines.

Le fait que cette lettre d’affectation mentionne en en-tête ‘Sopra Steria group’ à [Localité 8] est insuffisant pour prétendre que celle-ci serait également l’employeur de M. [E], d’autant que Sopra Steria I2S avec son siège social à [Localité 4], société distincte de la société Sopra Steria group, est également mentionnée sur le papier à lettres en bas de la page.

De même, il ne peut être affirmé que la mention ’47-SopraGP’ sur les bulletins de salaire de M. [E] impliquerait que ce dernier est salarié de Sopra Steria group au motif que ‘GP’ signifierait ‘group’, la mention n’apparaissant qu’à compter de mai 2017, alors que lesdits bulletins n’indiquent que ‘Sopra Steria I2S’.

Enfin, comme le relève le conseil de prud’hommes, l’existence d’une UES entre les sociétés du groupe ne permet pas d’en déduire que celles-ci sont co-employeurs de M. [E].

Le jugement sera confirmé de ce chef, étant observé que M. [E] n’a pas formé appel à l’encontre de la société Sopra Steria Group. Elle ne peut donc former de demandes à l’encontre de cette société.

2- sur la discrimination syndicale

L’article L. 1132-1 du code du travail dispose : ‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif local, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.’

L’article L. 2141-5 alinéa 1er du code du travail prévoit que ‘il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.’

Pour qu’il y ait discrimination syndicale, il faut que la mesure incriminée ait un lien direct avec l’appartenance ou l’activité syndicale.

Il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination en raison de son appartenance ou de son activité syndicale de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Il incombe à l’employeur qui conteste le caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, il convient d’observer préalablement que M. [E] indique avoir été élu en 2009 délégué du personnel titulaire (ses conclusions p.15) mais également suppléant (conclusions p.29). Il produit (sa pièce n°37) le procès-verbal des élections des délégués du personnel des 17 novembre 2009 (1er tour) et 22 décembre 2009 (second tour). Cependant, le salarié apparait sur les deux listes titulaires et suppléants comme candidat et non comme élu. Au-delà de la protection en sa qualité de candidat, il ne produit aucun élément concernant son activité syndicale.

De même, il affirme avoir été candidat (et non élu) au CHSCT. Il est fait mention dans le jugement qu’il a été candidat aux élections professionnelles de 2016 avec le syndicat Avenir Sopra Steria mais aucune pièce du dossier n’établit l’existence de cette candidature.

Cependant, l’employeur ne conteste pas le statut de M. [E] sur lequel ce dernier s’appuie pour affirmer être victime de discrimination du fait de son engagement syndical.

Pour faire valoir qu’il subit une discrimination syndicale, le salarié invoque les faits suivants :

– l’absence d’évolution professionnelle et la stagnation salariale : il indique qu’engagé en 2001 en qualité de cadre technique 1.1 coefficient 95, il a été promu en 2010 cadre technique 2 position 2.11 coefficient 115 mais en raison de la première procédure engagée en 2008 devant le conseil de prud’hommes de Versailles. Il est devenu cadre technique 3 position 2.2 coefficient 130 suite à un accord d’harmonisation des statuts des salariés de la société. Il affirme que compte tenu de son expérience en ingénierie informatique, sa classification ne correspond pas à ses compétences, profil et fonctions et que selon la NAO de 2011, la durée moyenne entre deux promotions pour les ingénieurs coefficient 115 était de 2,5 ans, de sorte qu’il aurait dû bénéficier d’une promotion en 2012, 2014 et 2016.

Cependant, comme le relève le premier juge il ne peut être déduit de cette préconisation en outre ancienne qu’il en résulte une évolution des salariés dans ces stricts termes.

Il évoque le cas d’autres salariés représentants ou adhérents au même syndicat Avenir Sopra Steria qui ont fait également l’objet de discrimination syndicale pour lesquelles les sociétés Sopra Steria ont été condamnées, ainsi que son action dans le cadre des commissions notamment ‘handicapé’ dans l’intérêt collectif des salariés qui a nourri le ressentiment de sa hiérarchie à son égard. Aucun élément n’est cependant produit sur l’action alléguée et sur un comportement de l’employeur laissant supposer un quelconque ressentiment.

Les situations des salariés pour lesquels les procédures sont produites ne permettent pas d’assimiler la situation de M. [E] à celle de ces salariés, s’agissant à l’époque, avant la fusion entre Steria et Sopra, de sociétés différentes de l’employeur.

Il cite le cas de plusieurs salariés (M. [T], M. [X], [L] et [M]) qui ayant les mêmes ancienneté et formation, ont évolué plus vite que lui.

Or, les décisions sur lesquelles s’appuie le salarié (pièces n°25 à 30) concernent des salariés ayant une ancienneté plus importante et des fonctions différentes de celles de M. [E], issus de sociétés différentes de l’employeur avant la fusion entre Sopra et Steria, de conventions collectives différentes, aucun élément n’étant fourni concernant M. [X] et M. [M]. La preuve du lien entre l’absence d’évolution professionnelle alléguée et l’activité syndicale du salarié n’est pas établie.

En tout état de cause, comme le relève justement le premier juge, il résulte d’une précédente procédure initiée en 2008 devant le conseil de prud’hommes de Versailles (pièce n°4 appelante : jugement du 27 juillet 2009) puis devant la présente cour (pièce n°5 appelante : arrêt définitif du 9 décembre 2011), que M. [E] avait déjà formé des demandes au titre d’une discrimination personnelle en matière de rémunération, de formation, de reclassement d’affectation, de qualification et de promotion professionnelle ‘sans évocation d’une discrimination liée à une appartenance syndicale’ (pièce n°5 intimée p.6).

Les situations décrites au soutien des moyens sont similaires à celles évoquées dans la présente procédure. En effet, M. [E] affirmait déjà être victime de discrimination personnelle sans lien avec un mandat syndical, en raison de l’absence d’évolution professionnelle et de la stagnation salariale, de sorte que ces deux griefs ne peuvent être mis en lien avec le mandat syndical dont il se prévaut.

– l’absence de fourniture de travail, d’entretien et de formation et sa mise à l’écart : suite à son engagement syndical, le salarié indique avoir été privé de formation sérieuse favorisant son employabilité, malgré ses nombreuses demandes relatives à des formations précises, l’employeur ayant refusé toutes les formations proposées, ne lui ayant pas fourni de travail et n’ayant pas effectué d’entretiens.

Il résulte également des termes de l’arrêt du 9 décembre 2011, en appel du jugement du 27 juillet 2009, qu’il n’existait aucune situation de non-fourniture de travail à la date du jugement, que pour la période postérieure jusqu’à la date des plaidoiries devant la cour, des missions avaient été données selon les pièces produites, qu’une offre de mission avait été faite en février 2011, puis en août 2011 suivie d’un entretien chez le client SFR lequel n’avait pas donné suite ‘ainsi qu’exprimé en termes de motivation insuffisante et de manque de maîtrise technique sur divers points du salarié proposé’. S’agissant des réclamations en matière de formation, la cour a constaté dans son arrêt que le salarié produisait lui-même les documents relatifs à sa formation en 2004, 2006, 2008-2009, que la formation ‘Oracle’ avait été fournie en 2010 et 2011.

Si les demandes au titre d’un manquement de l’employeur au titre de la fourniture de travail, de la formation peuvent être formées par le salarié, en revanche, il se déduit de ce qui précède que le lien avec l’engagement syndical (2009) n’est pas établi. Il en est de même pour l’absence d’entretiens annuels, cette situation ressortant de l’absence de missions confiées au salarié, les pièces produites démontrant en outre que le salarié a été reçu par son supérieur hiérarchique et la responsable des ressources humaines à de nombreuses reprises pour évoquer tant les missions que les formations proposées.

– sur l’atteinte à l’état de santé du salarié : ce dernier soutient que la discrimination dont il a été victime s’est davantage accentuée depuis la connaissance de la nécessité pour lui, compte tenu de son état de santé, de ne pouvoir effectuer conformément aux prescriptions du médecin du travail, des déplacements nécessitant un trajet supérieur à 1h30.

Il résulte des écrits que M. [E] est diabétique depuis 2005. Il se borne à produire un certificat médical très ancien datant du 25 mai 2010, ne produit aucun élément concernant une aggravation de son état qui serait en lien avec la discrimination dont il serait victime du fait de son engagement syndical. Selon les pièces produites, le salarié a fait l’objet de visites médicales régulières faisant état des prescriptions du médecin du travail dont une demandée par l’employeur afin que le médecin se prononce sur la compatibilité d’une mission avec les restrictions de déplacement. Il n’est pas établi que l’employeur a imposé une mission ou une formation en contradiction avec les prescriptions du médecin.

Enfin, le salarié ne produit aucun élément démontrant que l’employeur a reproché ou a entravé l’exercice des activités syndicales du salarié, ce dernier se bornant à avancer que l’employeur a nourri du ressentiment à son égard en raison de son action dans le cadre des commissions notamment ‘handicapé’ dans l’intérêt collectif des salariés mais ne produit d’une part aucune preuve d’un tel investissement, d’autre part aucun écrit (messages, courriers) de l’employeur, aucune attestation d’autres salariés membres du CHSCT démontrant un comportement de l’employeur laissant supposer une tentative d’entrave ou même un simple ressentiment ou une attitude d’énervement ou d’exaspération de la hiérarchie du fait de son action.

Il se déduit de ces éléments que M. [E] ne rapporte pas la preuve de faits, en lien avec l’engagement syndical dont il se prévaut, laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

En outre, sur la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire par le salarié sur la discrimination salariale qu’il subirait du fait de ses fonctions syndicales, l’article 145 du code de procédure civile permet au salarié s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, de solliciter une mesure d’instruction par requête ou en référé.

En l’espèce, la demande d’expertise vise à obtenir l’intégralité des contrats de travail et bulletins de salaire des collaborateurs des positions 2.1, 2.2, 2.3 et 3.1, ainsi qu’un état synthétique des évolutions professionnelles des collaborateurs en termes de qualification professionnelle, de coefficient hiérarchique et de rémunération aux fins d’en dégager un panel comparatif.

Or, le salarié n’a pas sollicité avant tout procès une telle mesure d’instruction. C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande au visa de l’article 146 du code de procédure civile, au motif qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve, lorsque celle-ci ne dispose pas d’éléments suffisants pour prouver le fait qu’elle avance.

En tout état de cause, le lien entre l’activité syndicale et l’absence d’évolution professionnelle et la stagnation salariale n’est pas démontré comme il a été jugé ci-dessus.

Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a rejeté les demandes du salarié au titre de la discrimination syndicale et du préjudice subi du fait de la discrimination salariale en matière de retraite, en l’absence de discrimination.

3- sur le manquement à l’obligation de formation et le défaut de fourniture de travail

Le salarié soutient qu’à compter de 2010, l’employeur ne lui a plus fourni de missions, que la taille et les moyens de l’entreprise rendent impossible l’absence de postes disponibles en rapport avec ses compétences et expériences, que l’employeur a manqué à son obligation de formation en ne lui fournissant pas la formation qu’il réclamait en adéquation avec les missions proposées.

L’employeur allègue que le salarié a refusé ou n’a pas poursuivi les opportunités de formation offertes par l’employeur, a annulé les rendez-vous avec sa hiérarchie au motif de contraintes personnelles ou a refusé de participer aux opérations de jobdating, a exigé de suivre une formation non conforme aux nécessités de l’entreprise par rapport à sa clientèle, qu’elle a cependant organisée mais en vain.

Il sera rappelé préalablement que par arrêt du 9 décembre 2011, la cour d’appel de céans a rejeté les demandes du salarié au titre d’un manquement à l’obligation de formation et à l’obligation de fournir un travail, de sorte que la période à considérer commence le 23 septembre 2011, date des plaidoiries devant la cour et non à compter de 2010.

En outre, au regard de la motivation des parties, l’une affirmant qu’elle n’a pas eu de formation pour lui permettre d’accepter les missions proposées, l’autre qu’elle a proposé des formations afin de pouvoir fournir des missions que le salarié a refusées, il convient de traiter dans son ensemble et de façon chronologique tant le manquement à l’obligation de fourniture de travail que le manquement à l’obligation de formation allégués.

En l’espèce, les parties produisent peu d’éléments sur la période antérieure au 1er janvier 2015 avant le transfert du contrat de travail de M. [E], à l’exception (pièce n°30 appelante), d’un récapitualif 2004-2016 des formations suivies par le salarié, faisant état de formations en 2008, 2010 et 2011, la dernière postérieure au 23 septembre 2011 étant une formation du 17 novembre 2011.

Ce même récapitulatif indique deux formations en novembre et décembre 2016, la pièce n°30 indiquant également qu’à la date du 23 octobre 2018, M. [E] avait suivi trois formations en 2017 et deux formations en 2018.

En l’espèce, à compter de la reprise du contrat par la société Sopra Steria I2S effective au 1er janvier 2015, cette dernière a invité tous les collaborateurs en intercontrat à une opération ‘jobdating’ fixée au 13 janvier 2015, M. [E] étant prévenu individuellement de cette réunion. Le salarié a décliné l’invitation au motif d’un rendez-vous médical.

M. [E] ne justifie pas avoir repris contact avec l’employeur suite à son absence à cette opération, mais indique qu’en avril 2015, il a eu un entretien au cours duquel il lui a été proposé d’intégrer le pôle projet innovation de Sopra Steria à [Localité 7], projet qu’il a jugé imprécis quant à la nature des projets sur lesquels il pourrait être affecté, reprochant à l’employeur de ne pas avoir proposé ou évoqué un plan de formation ou de carrière (pièce n°13 intimé).

Il est établi que l’employeur a reconnu en avril 2015 que le salarié était sans mission ou projet, cette reconnaissance ne pouvant cependant porter que sur la période postérieure à septembre 2011 au regard des termes de l’arrêt définitif du 9 décembre 2011 et conformément aux dires du salarié dans son mail du 2 avril 2015 et qu’il existait un écart entre ses compétences d’une part et les technologies et les besoins actuels des clients d’autre part.

Il est indiqué également en avril 2015 par l’employeur qu’une formation avec une mise en pratique augmenterait la capacité du salarié à intégrer un projet, qu’il lui était proposé un binômage auprès d’un collaborateur Sopra Steria I2S, une intégration au PIO [sic] pour travailler sur des projets ‘base de données’ et une formation via les acquis CPF (DIF) ou autres (pièces n°13 intimé).

L’employeur rapporte la preuve que, effectivement, dès avril 2015, un plan d’action en plusieurs étapes (pièce n°31) a été mis en place consistant en :

– un diagnostic de connaissances mise en oeuvre par Global knowledge avec deux tests, l’un général (avril 2015) et l’autre spécifique (juin). L’organisme de formation a préconisé le cursus ‘administrateur réseau Cisco Nexus’ en prenant en compte également les besoins exprimés par les clients. Le salarié ne conteste pas avoir passé ces tests mais affirme que cela ne peut être compris dans l’obligation de formation. Or, il résulte des écrits et des pièces que les dernières offres de mission de M. [E] dataient d’août 2011 (p.7 arrêt du 9 décembre 2011) et qu’en conséquence, un bilan de compétences était nécessaire pour proposer au salarié des missions et adapter sa formation aux résultats de ces tests.

En outre, en mai 2015, l’employeur a proposé une mission Klesia nécessitant des connaissances Oracle (pièce n°14), que refusait le salarié au motif qu’il n’avait pas de compétence dans la partie systèmes qui ressortait du domaine des ingénieurs systèmes, qu’il n’avait pas d’expertise et d’expérience en architecture de systèmes d’information, que même s’il avait des compétences en base de données, elles étaient insuffisantes compte tenu de son défaut d’activité (son mail du 28 mai 2015), ce à quoi l’employeur répondait ‘c’est dommage c’était l’occasion d’acquérir des compétences et te remettre en activité’.

Or, contrairement à ce qu’indique le premier juge, le refus du salarié ne serait-ce que de tenter d’exécuter cette mission dont il reconnaissait être à même de réaliser la première phase, n’apparait pas justifié.

En effet, il résulte du curriculum vitae de M. [E] que ce dernier était en 2001 ‘ingénieur systèmes et réseaux avec un mastère des systèmes informatiques ouverts’ de l’école centrale de [Localité 8]. Si certes le CV datant de 2001 est ancien comme l’indique le salarié, il résulte des échanges des parties qu’à plusieurs reprises l’employeur a demandé au salarié de lui envoyer un CV actualisé en vue d’une mission.

En outre, il résulte des termes de l’arrêt du 9 décembre 2011 et de la pièce n°30 que le salarié a bénéficié entre 2008 et 2011 de cinq formations en administration système et bases de données (Unix Linux, Oracle).

En l’espèce, le refus du salarié, s’agissant non pas d’un débutant mais d’un salarié ayant une expérience professionnelle de plus de 20 ans lors de son embauche de cette mission, n’apparait pas justifié.

– la planification du cursus ‘administrateur réseau Cisco Nexus’ : en juillet 2015, une réunion pour validation d’un ‘diagnostic connaissances cursus formation’ avec le supérieur hiérarchique de M. [E], M. [K], était prévue, déclinée par le salarié au motif qu’il était indisponible à la date fixée ‘pour cause de remise de dossier de logement à sa mairie’ reportée au 4 août 2015. Il est également établi que M. [E] n’a pas commencé la formation initialement planifiée du 31 août au 20 novembre 2015 comportant 31 jours de formation, 2 certifications avec l’organisme de formation Global knowledge. La formation a été annulée en l’absence de retour par le salarié des documents pour monter le dossier administratif (pièce n°37).

Par message du 31 août 2015 (pièce n°16 intimé), M. [E] reprochait à l’employeur de lui imposer une formation Cisco, alors qu’il souhaitait évoluer dans la fonction DBA Oracle, qu’il n’avait pas les pré-requis pour suivre la formation Cisco, que sa dernière mission était essentiellement DBA Oracle ayant suivi un cycle complet de formation d’administration de base de données Oracle, qu’il souhaitait évoluer dans la fonction DBA avec un plan de formation de bases de données Oracle.

Or, la formation Cisco avait été préconisée par un organisme de formation extérieur, en suite des tests passés par M. [E] et des nécessités de la clientèle de l’employeur. Son but était justement de permettre au salarié de lui donner les pré-requis afin d’évoluer en compétences et d’accéder à des missions. Comme le relève justement l’employeur, le choix d’une formation DBA [administrateur base de données] Oracle relève en l’espèce de la seule préférence du salarié et non des besoins de l’entreprise, l’adéquation entre les formations délivrées et les besoins de l’employeur pouvant seule permettre cependant le maintien et le développement de l’employabilité de M. [E].

Il est également établi (pièce n°34 appelante) que M. [E], pour refuser la formation, a mis en avant les restrictions du médecin du travail limitant à 1h15/1h20 le trajet domicile/lieu de travail, alors que la formation Cisco à [Localité 9] supposait un trajet de 1h28, le salarié ayant dans le même temps demandé à disposer d’un hôtel pour suivre la formation, aucun élément du dossier ne démontrant un refus de l’employeur.

Cependant, ce dernier a sollicité l’avis du médecin du travail qui a donné son accord sur le temps de trajet (pièce n°12 appelante), ce qu’a confirmé l’inspecteur du travail saisi sur recours de M. [E] (pièce n°13 appelante). Le fait que l’inspecteur se soit prononcé le 26 novembre 2015 soit à la fin prévue de la formation est indifférent, démontrant seulement que le refus du salarié au motif du temps de trajet de 8 minutes supérieur aux prescriptions compte tenu de la période courte pendant laquelle le salarié effectuerait le trajet, n’était pas justifié.

– sur la mise à jour du choix de la formation : l’employeur a reçu le 4 janvier 2016 en entretien, M. [E] lequel a été en arrêt de travail du 28 septembre au 11 décembre 2015, puis l’a reçu à nouveau le 31 janvier 2016. Il résulte de ces pièces que l’employeur a accepté le principe d’un cursus Oracle avec un module pour Unix/Linux, le salarié affirmant à nouveau que l’employeur lui imposait une formation ‘qui ne correspond ni à mes perspectives d’évolution ni au perfectionnement de ma technicité et savoir-faire’ce à quoi l’employeur a répondu en contestant les propos de M. [E] et précisant attendre la date de démarrage du binômage.

Selon le message du 24 février 2016, l’employeur a informé M. [E] de ce qu’un contrat avait été trouvé pour binômage avec un DBA Oracle auprès de Recel dans les locaux de Sopra Steria I2S à [Localité 7] et ce, à compter du 29 février 2016 jusqu’au 1er juillet 2016, M. [E] étant cependant en congé à compter du 15 avril jusqu’au 29 mai 2016.

Selon l’employeur, l’objectif était dans un premier temps, par la mise en place d’un binômage en parallèle de la formation théorique, de ‘permettre au salarié d’être en contact direct avec un DBA au quotidien et d’appréhender au mieux l’environnement de production avec les incidents et les résolutions associées’ et ‘d’arriver en formation avec des questions ou interrogations concrètes que le formateur pourra expliquer et résoudre’, dans un second temps, ‘mission administrateur/ exploitant base de données en autonomie’ et ‘point de suivi avec son manager fixé initialement le 9 mars’ (pièce n°31 appelante).

M. [E] a arrêté la mission au bout de trois jours, au motif (sa pièce n°22) qu’il ne pouvait travailler faute d’avoir accès à la base Oracle, que deux représentants du personnel se sont déplacés à sa demande, notamment M. [U], lequel a alerté l’employeur (pièce n°21 intimé) sur le fait que le salarié n’avait pas d’accès à l’applicatif Oracle et attendait depuis plusieurs jours un quelconque travail.

Il résulte du mail en date du 25 mars 2016 de M. [Y] de la société Recel (pièce n°35 appelante) qui recevait M. [E], que dès le premier jour, ce dernier lui a indiqué qu’il n’était pas capable d’assurer une fonction de DBA, que le binômage proposé n’était pas une formation longue et que cela ne le satisfaisait pas. M. [Y] constate dans son message ‘dès la première heure de son arrivée, un désaccord sur les moyens qu’il estimait inadéquats’. Il explique également que la DBA qui devait le prendre en charge était sur le site client à [Localité 8] du fait d’un arrêt de travail la semaine précédente et n’était pas présente le premier jour, qu’il n’a pu lui donner immédiatement les accès aux bases de données du client pour des raisons de sécurité, étant nécessaire au préalable qu’il suive un DBA en action et qu’il soit formé sur Oracle afin d’effectuer les premières mises à jour mais qu’il était prévu qu’il puisse intervenir sur une base test de l’environnement du client. Il expose également que M. [E] est parti à 15 heures au prétexte qu’il y avait une grève, puis qu’il avait prévu de partir pour des raisons personnelles.

Il affirme que le deuxième jour, M. [E] et la DBA ont travaillé ensemble, qu’elle lui a montré et expliqué les ‘manips’dans les bases du client. ‘L’objectif était qu’il puisse s’imprégner du contexte client et des opérations d’un DBA. Je n’ai pas eu de retour de la part d'[W] [E] avant qu’il ne parte à 17h30.’

Le 3ème jour (2 mars), M. [Y] affirme que le salarié et la DBA ont travaillé ensemble sur leur poste de travail pendant la matinée mais que dans l’après-midi, les deux représentants du personnel (Mme [C] et M. [U]) se sont déplacés à la demande de M. [E] pour constater ses conditions de travail. Enfin, le dernier jour, 3 mars 2016, il indique que Mme [C] est venue sur le plateau Recel et a indiqué qu’elle accompagnait ‘[W] [E] à la médecine du travail et qu’il allait rentrer chez lui. Depuis je n’ai eu aucun retour sur un quelconque problème pendant ses 4 jours de la part d'[W] [E].’

Il résulte de ces éléments que le salarié a abandonné après trois jours seulement une formation Oracle qu’il réclamait depuis des mois pour des motifs peu sérieux, le fait de ne pas avoir accès immédiatement à l’applicatif Oracle pour les données du client étant parfaitement justifié dans un premier temps pour des raisons de sécurité.

Le message adressé à l’employeur le 2 mars 2016 par M. [U] se borne à souligner l’absence d’accès à l’applicatif et à affirmer ‘M. [E] attend depuis plusieurs jours un quelconque travail’ alors qu’il n’en a pas été témoin, sans même indiquer que lors de l’intervention, M. [E] aurait été seul et non comme l’affirme M. [Y] avec la DBA.

Selon la pièce n°31 de l’appelante, le salarié a été en arrêt maladie du 7 au 24 mars, puis du 25 mars au 20 avril 2016, en congé jusqu’au 29 mai 2016, l’entretien de M. [E] avec son supérieur hiérarchique fixé au 9 mars ayant été reporté au 25 mars puis au 30 mai 2016.

Selon la pièce n°30 de l’appelante, le salarié a suivi en novembre et décembre 2016 des formations ‘introduction pratique aux systèmes Unix et Linux’ et ‘mise en oeuvre d’une base de données Oracle 12cR1″.

Il ne peut être déduit de ces situations entre 2015 et 2016 un quelconque manquement de l’employeur dans son obligation de formation et de fourniture de travail, le salarié refusant les formations prévues même lorsqu’elles correspondent, contrairement à ses dires, à ce qu’il souhaitait, le binômage en parallèle d’une formation théorique étant une méthode adéquate comme le relève M. [Y] (pièce n°35) indiquant l’avoir expérimentée avec succès auprès d’autres collaborateurs.

En 2017, le salarié a suivi une formation ‘préparation à la certification ITIL’ [Information Technology Infrastructure Library] et à la certification ITIL elle-même, ITIL étant un ensemble d’ouvrages recensant les bonnes pratiques du management du système d’information, ainsi qu’une formation ‘préparer son entretien client’.

L’employeur justifie ensuite qu’une ingénieur commerciale a proposé en août 2017 à M. [E] une mission à la BNP Paribas Pantin pour un poste d’analyste d’exploitation de niveau 3, un descriptif de la mission étant adressé au salarié, cette mission étant cependant refusée par ce dernier affirmant que le domaine d’activité est celui des ingénieurs d’exploitation et des ingénieurs de production alors que ses compétences s’articulaient autour des activités de pilotage et de DBA Oracle niveau 1, que ses connaissances basiques en développement de script Shell et autres outils de développement étaient malheureusement déjà obsolètes compte tenu de l’inactivité professionnelle depuis 2009 (pièce n°24 appelante).

Or, comme rappelé ci-dessus, M. [E] était à la base ingénieur systèmes et réseaux, a suivi des formations de 2008 à 2011, a eu une activité au moins en 2010 et 2011, il se dit DBA Oracle alors qu’il a refusé les formations proposées (binômage et théorique) comme DBA Oracle et affirme qu’il est intéressé par les postes disponibles correspondant à son profil actuel ‘qui me permettront d’évoluer dans ces métiers’, tout en demandant de façon contradictoire plus de précision sur le poste proposé à l’ingénieur commerciale l’ayant positionné sur la mission.

En 2018, M. [E] a suivi deux périodes de formations sur les bases de données Oracle ‘Oracle applications VF’ d’un total de 8 jours. Cependant, il informe le 5 avril 2018, Mme [N], des ressources humaines que ‘cette formation était inadaptée à ma situation’ au motif qu’il était en présence de personnes en activité professionnelle et très expérimentées, qu’il s’est retrouvé ‘à la traîne’, que la ‘formation trop brève et pas adaptée à mon niveau ne me permet pas d’accomplir les tâches liées à l’administration de base de données’.

Mme [N], par message du 6 avril 2018, rappelle qu’il lui avait indiqué vouloir spécifiquement faire la formation administration Oracle, qu’elle l’a inscrit à la première session disponible, puis à sa demande également à une formation SQL Oracle. Elle ajoute ‘une formation ne fait pas tout; j’envisage donc ton positionnement en doublon sur une mission afin que tu puisses monter en compétence et mettre en pratique la capitalisation de tes compétences. Je travaille sur cette piste et je reviens vers toi rapidement’ (pièce n°25 appelante).

En l’espèce, il résulte de ces échanges que le plan d’action proposée en 2016 par l’employeur avec la mise en place d’un binômage en même temps qu’une formation théorique, aurait permis au salarié de suivre la formation de 2018 qu’il réclamait et a obtenu, celle-ci étant ensuite considérée par le salarié comme inadaptée car trop difficile et réservée aux professionnels expérimentés ce qu’il aurait pu être s’il avait accepté le plan d’action de formation proposé.

En avril 2018, l’employeur a également proposé au salarié une mission à [Localité 6], en doublon sur une mission de DBA qu’il a refusée parce qu’il ne pouvait laisser sa femme toute seule [sic] puis pour un problème de santé.

Or, l’attestation de suivi du médecin du travail (pièce n°33 intimé) mentionne le 24 mars 2018 que ‘M. [E] peut occuper son poste de travail avec le maintien des aménagements actuels : limiter le temps de trajet domicile -lieu de travail à 1 heure et demie maximum par trajet, pas de travail de nuit, préconisations pouvant faire l’objet d’échanges avec l’employeur si nécessaire’, ce qui n’est pas incompatible avec un déplacement à [Localité 6], ne s’agissant pas d’un déplacement quotidien et permanent.

Il n’est pas établi que ces restrictions aient été modifiées.

A compter de 2019, l’employeur a mis en ligne une offre de formations à laquelle les salariés avaient accès (pièces n°45 et 46), dont des formations ‘développement personnel’ mais également ‘technologies’ comprenant notamment les bases de données ‘no SQL’, ‘Oracle database’, ‘SQL Query optimization’…

Il est attesté par Mme [N] le 28 février 2020 (pièce n°40 appelante) que pour l’année 2019, aucune mission n’a pu être trouvée avec des échanges réguliers avec le salarié pour le positionner en mission ‘M. [E] n’a eu de cesse de mettre en avant les problèmes de santé et tout particulièrement lors de la dernière proposition de mission qui concernait notre client Carrefour’.

M. [E] a suivi 14 formations en e-learning (pièce n°49 intimé) dont il n’est pas établi qu’elles étaient obligatoires comme le prétend le salarié, formations ne portant pas sur les technologies, telles que prévention de la corruption, prévention des risques psychosociaux, prise en compte du handicap en entreprise…

Selon l’entretien d’évolution du 21 décembre 2020, il est mentionné qu’en août 2020 un point a été fait entre le salarié et Mme [N] des ressources humaines avec ‘la mise en place d’un plan de formation en cohérence avec le profil du salarié et en adéquation avec les besoins du marché (pour une mise en situation)’. Il est également indiqué ‘nécessité de choisir un mentor en janvier 2021 pour établir un dialogue qui permette à [W] d’avancer dans sa carrière, si nécessaire en rediscuter avec [O] [A].’

L’employeur affirme que le salarié n’a fait aucune démarche pour bénéficier d’un mentor au sein de l’entreprise. Aucune pièce ne vient contredire cette affirmation.

Enfin, le 9 février 2022, l’employeur a souhaité échanger avec le salarié au sujet d’une opportunité, lui demandant ses disponibilités et réclamant un CV à jour, lequel a été envoyé 5 jours plus tard sans indication d’une date pour échanger, l’employeur relançant le salarié à ce sujet, lequel ne répondait que le 15 mars en indiquant pouvoir échanger par messagerie professionnelle. Son interlocuteur répondait immédiatement pour un échange via teams mais notait que le CV transmis n’était pas à jour (pièce n°48 intimé). Il indiquait par la suite (pièce n°49 appelante) qu’après échange, ‘il ne correspondait pas à la mission sur laquelle je souhaitais le positionner’.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que certes l’employeur ne démontre pas avoir satisfait à son obligation de fourniture de travail et de formation entre 2012 et 2014, période antérieure au transfert du contrat de travail de M. [E]. En revanche, il établit suffisamment avoir tenté d’y satisfaire dès janvier 2015, se heurtant aux exigences de M. [E] de suivre une formation autre que celle proposée par l’employeur retenue suite aux tests effectués par une entreprise de formation extérieure, puis faisant face à l’abandon du binômage DBA Oracle de plusieurs mois sans motif après trois jours, au refus des missions et des formations soit parce qu’elles ne correspondaient pas selon le salarié à ses compétences, soit parce que le trajet dépassait ce qu’avait prescrit le médecin du travail même quand ce dernier l’autorisait à titre temporaire.

Selon l’attestation de Mme [N] que corroborent les autres pièces du dossier notamment le message de M. [Y], M. [E] tout en réclamant une formation Oracle qu’il a suivie et un poste DBA qui lui a été proposé à deux reprises en binômage, et non un autre cursus (Cisco), estimait lui-même ne pas avoir le niveau pour un tel poste, alors même qu’il n’a pas saisi les opportunités offertes.

De même, Mme [N] confirme ce que révèlent les autres pièces depuis 2015, que M. [E] ne se déplaçait pas sur son lieu de travail, demandant même à ce que les titres restaurant lui soient envoyés par courrier au motif ‘qu’il était trop difficile pour lui de venir jusqu’à [Localité 7] à cause de ses soucis de santé.’ Or, M. [E] n’a pas été déclaré inapte, les restrictions telles que rappelées ci-dessus ne portant que sur le travail de nuit et les trajets domicile-travail d’1 heure 30 maximum.

Mme [N] souligne également que ‘l’entreprise est très attachée à ce que tout salarié puisse garder un lien avec l’entreprise et le reste des équipes et au fait qu’il participe activement à son positionnement par les échanges avec les équipes interne. En aucun cas, M. [E] n’a fait preuve de pro activité. Si je ne le sollicite pas il ne contacte aucun membre de l’agence. Il ne sollicite jamais la force commerciale afin d’être positionné sur des missions’, tout en rappelant les formations dont il a bénéficié, notamment sur Oracle, les propositions de binômage comme DBA Oracle et ses refus.

En conséquence, il sera retenu un manquement de l’employeur à son obligation de formation et de fourniture de travail pour la période de 2012 à 2014 uniquement, l’employeur justifiant suffisamment avoir rempli ses obligations à compter de janvier 2015 date du transfert du contrat de travail, l’attitude du salarié telle que décrite ci-dessus étant la conséquence des difficultés rencontrées pour son employabilité.

Le jugement sera infirmé sur le quantum de la condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes.

La société Sopra Steria I2S sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations de fourniture de travail et de formation.

M. [E] sera débouté du surplus de sa demande à ce titre.

4- sur l’inégalité de traitement

Il résulte des motifs du présent arrêt sur la discrimination syndicale que la demande de M. [E] au titre de l’inégalité de traitement et d’absence d’évolution salariale est fondée sur la même comparaison que celle opérée au soutien de sa demande au titre de la discrimination dont elle est un moyen.

Selon les motifs et le dispositif des conclusions de M. [E], la demande d’inégalité de traitement a pour cause la discrimination syndicale, sa demande de condamnation étant une demande de dommages intérêts pour le préjudice professionnel et de carrière et pour le préjudice de retraite du fait de la discrimination.

Aucune demande de dommages-intérêts n’est formée au titre de la seule inégalité de traitement.

Il sera rappelé surabondamment que l’employeur doit assurer l’égalité de traitement entre salariés lorsqu’ils effectuent un même travail ou un travail de valeur égale. Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il a été jugé ci-dessus, s’agissant de l’inégalité de traitement du fait de la discrimination syndicale, l’absence de pertinence et l’insuffisance des pièces produites par le salarié (pièces n°25 à 30).

De même, s’agissant de la demande d’expertise, les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner une mesure d’instruction telle une expertise.

Il sera rappelé également que le salarié n’a pas saisi l’opportunité de solliciter avant tout procès une telle mesure selon les modalités prévues par l’article 145 du code de procédure civile.

Le salarié doit apporter au juge des éléments laissant supposer une violation du principe à travail égal salaire égal. Les éléments produits tels que rappelés ci-dessus ne permettent pas d’établir que la carrière de M. [E] a été entravée, étant observé qu’il est démontré supra qu’à tout le moins depuis janvier 2015, le comportement du salarié explique son inemployabilité et par conséquent son évolution professionnelle.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

5- sur la demande de repositionnement sur un poste de cadre position 2.3 de la convention collective applicable

Comme précédemment, le salarié soutient que la discrimination syndicale est la cause de sa stagnation salariale, qu’il devrait être repositionné sur un poste de cadre position 2.3 coefficient 150, n’ayant pas eu de promotion individuelle depuis 2009 suite à une décision judiciaire, puis d’un accord d’harmonisation des statuts des cadres de la société.

Or, la discrimination syndicale n’a pas été retenue, cette demande ayant déjà été faite dans la procédure précédente et rejetée sur le fondement d’une discrimination personnelle alléguée.

L’employeur est libre dans l’exercice de son pouvoir de direction dans les limites qui lui sont laissées par les accords collectifs et le contrat de travail, sous réserve que ses décisions ne soient pas fondées sur des motifs prohibés.

Hors le cas de la reconnaissance volontaire par l’employeur d’une qualification, la classification se détermine par les fonctions réellement exercées par le salarié.

En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert.

Il appartient au salarié qui revendique une position différente de celle qui lui était attribuée d’en rapporter la preuve, les juges du fond appréciant souverainement les éléments qui leur sont soumis.

En l’espèce, M. [E] a été engagé en 2001 en qualité de cadre technique 1 position 1.1 de la convention collective Syntec.

Au 1er janvier 2009, sa classification est devenue ‘cadre technique 2 position 1″ selon l’arrêt de la cour d’appel de céans du 9 décembre 2011 bien avant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Versailles et non par décision judiciaire.

Suite à l’harmonisation des statuts des salariés, M. [E] est passé cadre technique position 2.2. coefficient 130, à une date non indiquée par les parties.

Les conditions pour la classification cadre 2.2 selon la convention Syntec sont ainsi décrites : ‘Remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d’études ou de recherches, mais sans fonction de commandement.’

Pour la position revendiquée 2.3. , il est mentionné : ‘Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche.’

M. [E] s’appuie sur les mêmes éléments que pour sa demande relative à la discrimination syndicale au motif d’une absence d’évolution, de stagnation professionnelle et d’inégalité de traitement lesquels ne sont pas pertinents, au regard de l’ancienneté, des fonctions, de l’origine différentes des salariés dont la classification est comparée à celle de M. [E].

Le salarié ne démontre pas qu’il aurait dû être classé cadre 2.3 de la convention Syntec, au regard des seuls éléments produits.

Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a débouté M. [E] de ses demandes de repositionnement sur la catégorie 2.3 coefficient 150, de fixation rétroactive de son salaire mensuel brut sur 13 mois à 57 148 euros annuels et de remise des bulletins conformes.

6- sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Le salarié remet en cause la clause horaire contenue dans son contrat de travail sur la base de 35 heures plus 3heures 30 d’heures supplémentaires par mois et réclame un rappel de salaire correspondant à ces 3 heures 30 soutenant que l’accord d’entreprise Steria du 24 mars 2000 sur la réduction du temps de travail est moins favorable que l’accord du 22 juin 1999 annexé à la convention collective Syntec qui serait inapplicable du fait que le recours à la modalité 2 prévue à l’accord annexé à la convention nécessite impérativement que le plafond de la sécurité sociale soit respecté non seulement à l’embauche mais durant toute l’exécution du contrat de travail. Il sollicite la confirmation du jugement dont appel en ce que le premier juge a considéré que l’accord Steria ne primait pas la convention collective Syntec faute de lui être plus favorable.

L’employeur fait valoir au contraire la primauté de l’accord d’entreprise en matière d’aménagement du temps de travail, que dans le litige opposant le syndicat Avenir Sopra à notamment la société Sopra Steria I2S, la Cour de cassation a validé la position de la cour d’appel de Paris laquelle avait confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris, ayant jugé que l’accord d’entreprise primait sur l’accord de branche en matière de durée et d’aménagement du temps de travail et que la condition relative à une rémunération minimale supérieure au plafond annuel de la sécurité sociale est remplie au moment de l’entrée dans le dispositif mis en place par l’accord.

Aux termes de l’article L. 3121-40 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce la conclusion de conventions de forfait est prévue par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou par une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement.

L’article 3 du chapitre II de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective Syntec, institue 3 types de modalités de gestion des horaires : les modalités standard, les modalités de réalisation de missions et les modalités de réalisation de missions avec autonomie complète. La modalité 2 (réalisation de missions) prévue à l’article 3 du chapitre II de l’accord, instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire de 35 heures incluant une variation d’activité de 10 %, soit un maximum de 38,5 heures hebdomadaires sur 219 jours par an, avec une rémunération au moins égale à 115 % du salaire minimum conventionnel. Ces modalités sont applicables aux salariés non concernés par les modalités standard et les réalisations de missions avec autonomie complète, l’accord précisant que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale.

Le 27 mars 2000, un protocole d’accord relatif à la mise en place de l’aménagement et de la réduction du temps de travail a été signé au sein de la société Steria. Il prévoit trois modalités de gestion des horaires de travail ‘conformément à l’accord national et en fonction des dispositions arrêtées par la loi Aubry 2″. Les modalités 2 prévoient que ‘les modalités de réalisation de missions avec un nombre maximal de jours travaillés de 213 à 217 selon l’ancienneté conventionnelle et une référence hebdomadaire de 35 heures pouvant être dépassés dans une limite de 10 % pour absorber les heures supplémentaires occasionnelles’.

Il est également stipulé au protocole que ‘les collaborateurs ingénieurs et cadres ne relevant pas des modalités 3 et ayant un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale relèvent, avec leur accord, des modalités 2. Ils doivent bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égal à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie.’

Aux termes du contrat de travail de M. [E], il est prévu une ‘clause horaire’ : ‘compte tenu de votre statut de cadre, vous serez soumis à un temps de travail effectif qui pourra varier entre 35 et 38,50 heures par semaine (les heures supplémentaires afférentes étant comprises dans votre rémunération forfaitaire). En contrepartie, vous disposerez chaque année à la date du 1er juin, d’un nombre de jours de réduction du temps de travail (JRTT) qui sera fonction de votre ancienneté, soit 8 jours maximum selon les dispositions conventionnelles en vigueur. Ces JRTT ajoutés à vos droits à congés payés légaux et conventionnels ainsi qu’aux jours fériés chômés, plafonneront votre nombre de jours de travail effectif entre 213 et 217 jours par an selon votre ancienneté.’

Si la référence à l’accord d’entreprise n’est pas expressément mentionnée dans le contrat de travail, la clause horaire correspond exactement aux modalités 2 du protocole d’accord.

Selon l’accord de substitution relatif au temps de travail I2S du 31 mars 2016 suite au regroupement des sociétés Steria et Stora, les modalités 2 de gestion des horaires de travail font mention d’un nombre maximal de jours travaillés de 214 à 218 selon l’ancienneté conventionnelle et une référence hebdomadaire de 35 heures pouvant être dépassée dans la limite de 10 % pour absorber les heures supplémentaires occasionnelles.

Il est également prévu comme pour le protocole du 27 mars 2000 que’les collaborateurs ingénieurs et cadres ne relevant pas des modalités 3 et ayant un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale relèvent, avec leur accord, des modalités 2. Ils doivent bénéficier d’une rémunération annuelle au moins égal à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie.’

En l’espèce, il résulte des pièces produites par les parties que, dans le cadre d’une contestation du syndicat Avenir Sopra Steria pour ‘non-respect du minimum salarial pour les salariés en modalités RTT 2 – convention Syntec’, la chambre sociale de la Cour de cassation a, le 30 mars 2022 [pourvois 20-15. 022 et 20-17. 230] (pièce n°53 intimée), considéré que la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 6 février 2020 (pièce n°41 appelante), avait retenu à bon droit que les accords d’entreprise n’avaient pas pour objet de fixer la rémunération minimale des salariés et qu’ils primaient l’accord de branche en matière d’aménagement du temps de travail et que le syndicat ne démontrait pas que certains salariés avaient été intégrés dans le dispositif des modalités 2 alors qu’ils ne bénéficiaient pas d’un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

Pour déterminer si l’accord d’entreprise est plus ou moins favorable à l’accord de branche, le salarié ne peut retenir le nombre de jours maximal de l’accord d’entreprise, et le plancher de rémunération fixée par l’accord de branche Syntec selon le principe du non-cumul en cas de concours entre d’une part l’accord d’entreprise et d’autre part l’accord de branche.

En l’espèce, les accords d’entreprise qui prévoient un nombre maximal de jours inférieurs sont plus favorables que l’accord annexé à la convention collective Syntec tout en respectant les minima de rémunération prévus par l’accord de branche et l’accord d’entreprise, la condition relative à la rémunération minimale du plafond de la sécurité sociale devant être remplie uniquement au moment de l’entrée dans le dispositif.

Les bulletins de salaire de M. [E] attestent d’une rémunération à temps plein pour 35 heures soit 151,67 heures par mois, le paiement d’heures supplémentaires (3 heures 30) soit 10% avec une majoration de 25 %, le forfait annuel jours mentionné étant de 216. Le fait qu’à compter de 2011, la présentation des bulletins de salaire a été modifiée afin que l’employeur puisse bénéficier d’un allègement de charges patronales sur les heures supplémentaires, ne modifie en rien la rémunération ou le forfait jour.

Enfin, il résulte du tableau (p.46 des conclusions de l’appelante) que la rémunération du salarié en 2001, puis de 2010 à 2022 est conforme tant à l’accord de branche qu’à l’accord d’entreprise, étant rappelé que contrairement à ce qu’affirme M. [E], il ne doit être tenu compte du plafond de la sécurité sociale que lors de l’entrée dans le dispositif de forfait prévu par l’accord d’entreprise, soit en 2001, le salaire de M. [E] étant alors largement supérieur audit plafond à 100%, et par conséquent à 85%, et à 115% du salaire conventionnel.

M. [E] n’est donc pas fondé à réclamer le paiement d’heures supplémentaires, le forfait prévu à l’accord d’entreprise s’appliquant.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Le salarié sera débouté de sa demande à ce titre.

7- sur le préjudice de santé et le préjudice moral

M. [E] soutient qu’il a été porté atteinte à sa santé mentale du fait d’un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.

Or, comme le relève le premier juge, le salarié se borne à produire un certificat médical datant de 2010 émanant d’un médecin attestant que M. [E] présente un diabète type 2 depuis 2005.

Le médecin du travail a déclaré le salarié apte, les seules restrictions étant l’absence de travail de nuit et les déplacements domicile-travail qui ne doivent pas être supérieurs à 1 heure 30.

Il n’est pas établi par les nombreuses pièces produites de part et d’autre que l’employeur a eu un comportement laissant supposer même qu’il n’aurait pas respecté les préconisations du médecin du travail.

Le salarié ne justifie pas d’un préjudice de santé ni d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

M. [E] fait valoir également qu’il a subi un préjudice moral du fait de la mauvaise foi des appelantes, de l’atteinte caractérisée à sa carrière, à sa dignité et à sa santé et sollicite l’infirmation du jugement sur le quantum alloué.

Il résulte de ce qui précède que si, entre 2012 et 2015 avant le transfert de son contrat de travail à la société Sopra Steria I2S, le manquement de l’employeur à ses obligations de fourniture de travail et de formation, est retenu en l’absence de tous éléments versés aux débats, il n’en est pas de même à compter de 2015.

M. [E] étant débouté de ses demandes au titre de la discrimination, de l’égalité de traitement, du repositionnemment, des manquements de l’employeur postérieurs à 2015, il ne justifie pas d’un préjudice moral qui viendrait s’ajouter aux sommes allouées pour lesdits manquements entre 2012 et 2015.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

M. [E] sera débouté de sa demande à ce titre.

8- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles conserveront chacune la charge de leurs dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 8 novembre 2019 sauf en ce qu’il a mis hors de cause la société Stora Steria group, débouté M. [W] [E] de ses demandes au titre de la discrimination syndicale, du repositionnement, de l’inégalité de traitement, de l’expertise, du préjudice de retraite et du préjudice de santé, condamné la société Sopra Steria I2S aux dépens et au paiement d’une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Sopra Steria Infrastructure et Security services (Sopra Steria I2S) à payer à M. [W] [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement aux obligations de fourniture de travail et de formation pour la période de 2012 à 2014, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

Déboute M. [W] [E] du surplus de ses demandes à titre de dommages-intérêts pour manquement aux obligations de fourniture de travail et de formation,

Déboute M. [W] [E] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,

Déboute M. [W] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des partie conservera la charge de ses dépens d’appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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