Indivisibilité contractuelle : 29 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03854

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Indivisibilité contractuelle : 29 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03854
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53F

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 NOVEMBRE 2022

N° RG 22/03854

N° Portalis DBV3-V-B7G-VH2T

AFFAIRE :

S.A.S.U. FRANFINANCE LOCATION

C/

S.A.R.L. GARAGE DE [Localité 1]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2022 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2021F00177

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Typhanie BOURDOT

Me Valérie YON

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S.U. FRANFINANCE LOCATION

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Typhanie BOURDOT de la SELARL MBD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644 – N° du dossier FRANFINA

Représentant : Me Nicolas CROQUELOIS de la SELEURL CROQUELOIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1119

APPELANTE

****************

S.A.R.L. GARAGE DE [Localité 1]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Valérie YON de la SCP GAZAGNE & YON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C511 – N° du dossier 2210160

Représentant : Me Benoît DUMONTET, Plaidant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 157

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Le 9 mai 2018, la SARL Garage de [Localité 1] a signé un bon de commande établi par la société Matecopie pour la location d’un copieur Olivetti MF2624 pendant 63 mois au coût mensuel de 150 euros.

Le même jour, la société Garage de [Localité 1] a conclu avec la société Agilease un contrat de location financière prévoyant la mise à disposition du copieur Olivetti et de ses accessoires pour une durée irrévocable de 63 mois et moyennant le règlement de 21 loyers trimestriels d’un montant unitaire de 450 euros HT.

Le même jour, la société Garage de [Localité 1] a signé un contrat de maintenance du matériel objet du contrat de location, établi par la société Matecopie.

Le copieur a été livré selon procès-verbal de réception daté du 1er juin 2018 à la société Garage de [Localité 1] et la société Matecopie l’a facturé à la société Agilease au prix de 7 517 euros HT selon facture du 5 juin 2018.

Le 11 juin 2018, la société Agilease a cédé le contrat de crédit-bail à la société Franfinance location et en a avisé la société Garage de [Localité 1] par courrier recommandé du même jour.

Par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 5 février 2020, la société Matecopie a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, sa cessation des paiements étant fixée au 29 janvier 2020.

Suivant email en date du 9 avril 2020, la société Garage de [Localité 1] a avisé la société Franfinance location qu’à la suite à la liquidation judiciaire de son prestataire, le copieur loué ne fonctionnait plus depuis deux semaines et était en rupture d’encre, en demandant qu’il lui soit indiqué comment elle pouvait résilier son contrat et ‘rendre si nécessaire’ l’imprimante. Le même jour, elle a fait opposition aux prélèvements au profit de la société Franfinance location.

Par ‘lettre-avenant’ adressée à sa locataire, la société Franfinance Location, ‘au regard de la situation liée à la crise sanitaire du covid 19’ et ‘ayant également constaté des difficultés dans le règlement des échéances’, a reporté pour six mois, à partir du 1er avril 2020, le règlement des loyers de la société Garage de [Localité 1].

Par lettre recommandée en date du 15 septembre 2020, la société Franfinance Location a mis en demeure la société Garage de [Localité 1] de régler sous huitaine, sous peine de résiliation de plein droit passé ce délai, une somme de 303,92 euros au titre des loyers échus et restés impayés. En l’absence de règlement, la société Franfinance location a résilié, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 octobre 2020 dont l’avis de réception a été signé le 2 novembre 2020, le contrat de location et vainement mis en demeure la société Garage de [Localité 1] de régler la somme de 7 162,67 euros et de restituer le copieur.

Le 30 juin 2021, la société Garage de [Localité 1] a assigné la société Matecopie devant le tribunal de commerce de Bordeaux, lequel, par jugement réputé contradictoire en date du 28 octobre 2021, a prononcé la résolution judiciaire du contrat de maintenance entre les sociétés Matecopie et Garage de [Localité 1] à compter du 9 avril 2020.

Par jugement contradictoire du 27 mai 2022, le tribunal de commerce de Versailles, saisi par par acte du 17 février 2021 à l’initiative de la société Franfinance location, a :

– reçu la société Garage de [Localité 1] en son déclinatoire de compétence et l’y a déclarée bien fondée ;

– renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Bordeaux ;

– condamné la société Franfinance location à payer à la société Garage de [Localité 1] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Franfinance location aux dépens.

Par déclaration du 10 juin 2022, la société Franfinance location a interjeté appel du jugement. Conformément à l’ordonnance du 20 juin 2022 l’y autorisant, elle a assigné l’intimée à jour fixe par acte du 29 juin 2022 pour l’audience du 4 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 septembre 2022, elle demande à la cour de :

– réformer le jugement ;

– juger que le tribunal de commerce de Versailles était compétent ;

– juger y avoir lieu à évocation de l’affaire sur le fond du litige en application de l’article 88 du code de procédure civile et inviter les parties à constituer avocat dans le délai qu’il lui plaira de fixer ;

En cas d’évocation,

– juger qu’il y a résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail n°001550702-00 conclu le 9 mai 2018, et ce, à compter du 29 octobre 2020 ;

En conséquence,

– condamner la société Garage de [Localité 1] à lui payer la somme totale de 7 162,67 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020, date de mise en demeure, et se décomposant comme suit :

– 727,67 euros TTC au titre des loyers impayés ;

– 6 435 euros HT au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation ;

– condamner la société Garage de [Localité 1], sous astreinte de 450 euros par mois de retard, à compter du prononcé de la décision à intervenir, à lui restituer le matériel suivant :

– un photocopieur multifonction numérique Olivetti MF2624, numéro de série VWS8200812 et ses accessoires ;

– l’autoriser à appréhender ce matériel en quelques lieux et quelques mains qu’il se trouve, au besoin avec le recours à la force publique ;

En tout état de cause,

– débouter la société Garage de [Localité 1] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner la société Garage de [Localité 1] à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Garage de [Localité 1] aux entiers dépens de l’instance.

La société Garage de [Localité 1], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 août 2022, demande à la cour de :

– confirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions ;

Y faisant droit,

– constater que la clause d’attribution de juridiction n’a pas été spécifiée de façon très apparente ;

– constater la caducité du contrat de crédit-bail à compter du 9 avril 2020, date à laquelle la société Franfinance location a été avisée du placement en liquidation judiciaire de la société Matecopie, s’agissant d’un ensemble contractuel qu’elle savait indivisible ;

– constater le caractère parfaitement illisible des conditions générales Agilease ;

– constater le caractère abusif de la procédure ;

En conséquence,

In limine litis,

– déclarer incompétentes les juridictions versaillaises et renvoyer la société Franfinance location à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Bordeaux ;

En cas d’évocation, à titre principal,

– dire et juger caduc le contrat de crédit-bail à compter du 9 avril 2020, puisque le contrat principal, régularisé avec la société Matecopie, a été résilié judiciairement à compter de cette date, par décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 26 octobre 2021 ;

A titre subsidiaire,

– dire et juger inopposables les conditions générales du contrat Agilease ;

En tout état de cause,

– débouter la société Franfinance location de l’ensemble de ses demandes ;

– dire et juger que la société Franfinance location devra enlever le matériel loué, à ses frais exclusifs, sous astreinte de 450 euros par mois de retard à compter de la décision, à intervenir;

– dire et juger que le versement des loyers sera arrêté au 9 avril 2020 ;

– condamner la société Franfinance location à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamner la société Franfinance location aux entiers dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dire et juger n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les toutes les formules figurant au dispositif des conclusions de l’intimée commençant par le verbe constater dès lors qu’elles ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais uniquement des moyens.

Sur l’exception d’incompétence et la demande d’évocation:

Au visa de l’article 48 du code de procédure civile, la société Franfinance location qui rappelle la qualité de commerçant des deux parties, fait valoir, au soutien de la compétence du tribunal de commerce de Versailles, que la clause attributive de compétence prévue à l’article 23 des conditions générales est rédigée de manière très apparente, au regard de la jurisprudence dont elle fournit de nombreux exemples ; elle fait également état de la mention, en gras au recto du contrat, qui rappelle l’existence de la clause attributive de compétence en observant que la société Garage de [Localité 1] a apposé son tampon et et sa signature sous cette mention.

Elle sollicite de la cour, au visa des articles 88 et 89 du code de procédure civile, qu’elle évoque le fond du litige.

La société Garage de [Localité 1], au visa de l’article 48 du code de procédure civile et de la typographie des conditions générales figurant au verso du bon de commande qu’elle n’a pas paraphé, fait valoir en revanche que l’article 23 des conditions générales ne répond pas aux conditions de l’article 48 du code de procédure civile de sorte que cette clause qui n’est pas spécifiée de façon très apparente sera réputée non écrite. Elle soutient que le simple fait que le titre de la clause soit écrit en lettres majuscules n’est pas de nature à attirer l’attention du cocontractant sur l’attribution de compétence dès lors que tous les titres des conditions générales sont libellés de manière identique de sorte que la décision d’incompétence du tribunal doit être maintenue.

Elle ne formule pas d’observation particulière sur la demande d’évocation.

Selon l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à laquelle elle est opposée.

Les parties au contrat sont toutes deux des sociétés commerciales.

Le contrat de location signé prévoit dans ses conditions particulières, juste au dessus du cadre dans lequel figurent la signature et le tampon commercial de chacune des sociétés bailleresse et locataire, sous le titre mentionné en gras ‘ signature des parties’, que ‘la signature des conditions particulières vaut acceptation des présentes conditions générales, en ce compris la clause attributive de compétence et la clause informatique et libertés’.

L’article 23 des conditions générales, ayant pour titre ‘attribution de juridiction’, précise en son alinéa 2 que ‘ tous les litiges auxquels peut donner lieu l’exécution du contrat sont réglés selon le droit de la République française et soumis au tribunal de commerce de Versailles y compris en cas d’appel en garantie ou de pluralité des défendeurs. Nonostant l’attribution exclusive de compétence, le bailleur pourra saisir tout tribunal compétent de toute mesure conservatoire.’

S’il est exact que le titre, écrit en majuscules et en caractère gras, et le texte de cette clause ne se démarquent pas des titres et de la typographie des autres articles des conditions générales, cette clause a cependant été signalée expressément à l’attention de la société locataire lorsqu’elle a signé les conditions particulières, de sorte qu’il doit être considéré que conformément aux dispositions de l’article 48 elle a été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement signé par l’intimée, peu important que cette dernière n’ait pas paraphé les pages relatives aux conditions générales dès lors qu’en signant les conditions particulières elle les a acceptées expressément.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu’il a déclaré la société locataire bien fondée en son ‘déclinatoire de compétence’ et a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Bordeaux ; il convient de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société Garage de [Localité 1], le tribunal de commerce de Versailles, et la présente cour à sa suite, étant seuls compétents pour connaître du présent litige.

Au regard de l’article 88 du code de procédure civile et des conclusions des parties, il est d’une bonne justice d’évoquer le fond de la présente affaire pour y donner une solution définitive.

Sur l’interdépendance des contrats :

La société Franfinance location expose que l’ensemble des conditions relatives à l’interdépendance des contrats permettant de constater la caducité du contrat de location ne sont pas réunies.

Concernant l’existence des contrats successifs ou concomitants impliquant une location financière, elle fait valoir que la seule circonstance qu’un contrat de maintenance porte sur un matériel financé par un contrat de location financière est insuffisante pour les considérer comme interdépendants et qu’il n’y a pas interdépendance dès lors que les redevances de maintenance ne sont pas comprises dans le montant des loyers ; elle souligne que tel est le cas en l’espèce dans la mesure où le contrat de location, dans ses conditions spéciales, ne mentionne pas le contrat de maintenance et où les loyers ne comprenant pas les redevances relatives à la maintenance ou à la fourniture de consommables qui font l’objet d’une facturation distincte, la locataire ayant en outre bénéficié d’un kit de démarrage.

Elle soutient, au visa de l’alinéa 3 de l’article 1186 du code civil, que la caducité ne peut intervenir que si le cocontractant avait parfaitement connaissance de l’opération dans son ensemble et y a consenti et qu’il n’est pas ainsi démontré que la société Agilease et elle-même, venant aux droits de cette dernière, avaient été informées de l’existence du contrat de maintenance au jour de la conclusion du contrat de location, observant qu’elle n’est pas partie au contrat de maintenance dont notamment les conditions générales ne sont pas produites et qui n’est ni tamponné ni signé par la société prestataire Matecopie.

S’agissant en deuxième lieu de l’exécution impossible de l’opération, après avoir rappelé les dispositions de l’article 1186 du code civil, elle soutient que le contrat de location ayant été conclu aux fins de mettre à disposition de la société Garage de [Localité 1] le copieur objet du contrat, la disparition du contrat de maintenance n’a pas pour effet de rendre impossible l’exécution de ce contrat dès lors que le locataire dispose toujours de ce matériel et ne démontre pas qu’il ne peut pas l’exploiter librement, observant que la société locataire avait la faculté de recourir à un autre prestataire pour la fourniture des consommables.

Au regard en troisième lieu de la nécessité de l’anéantissement judiciaire contradictoire du contrat principal et de la jurisprudence selon laquelle lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l’anéantissement du contrat principal prononcé en justice est un préalable nécessaire à la caducité du contrat de location, elle estime qu’en l’espèce, dans la mesure où elle n’a pas été attraite à la procédure relative à la résolution du contrat de maintenance, le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux lui est inopposable de sorte que la cour devra débouter la société Garage de [Localité 1] de ses demandes.

La société Garage de [Localité 1], sur le fondement également de l’article 1186 du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation, expose que le 9 mai 2018 elle a conclu concomitamment deux contrats interdépendants, à savoir le contrat de location du photocopieur avec la société Agilease moyennant le versement d’un loyer mensuel de 150 euros HT, payable par trimestre et le contrat de fourniture du photocopieur par la société Matecopie moyennant le rachat de son précédent matériel et le versement d’un prix de 3 050 euros, la fourniture, comprise dans la location, de 450 copies noir et blanc et 4 000 copies couleurs et l’évolution du matériel au terme d’un délai de 21 mois.

Elle soutient que contrairement à ce que prétend la société Franfinance location, la même mensualité finançait ensemble la location financière et l’entretien du matériel et que seules les photocopies réalisées hors forfait faisaient l’objet d’une tarification séparée ; que la société Agilease était parfaitement informée de l’interdépendance des deux contrats dans la mesure où la société Matecopie lui a adressé directement sa facture de sorte que lui sont inopposables les clauses qui stipuleraient que le contrat de bail se poursuivrait quand bien même le contrat principal de fourniture et de maintenance du matériel se trouverait résilié, visant ainsi les articles 7 et 14 du contrat.

Evoquant ensuite le placement de la société Matecopie en liquidation judiciaire et les termes du contrat de cette dernière stipulant expressément qu’ ‘entre les parties le contrat était solidaire et indivisible du bon de commande de matériel et du contrat de maintenance’, elle soutient, dès lors que le prestataire n’était plus en mesure de lui assurer l’entretien du copieur et les fournitures lui permettant d’effectuer les copies, l’ensemble des contrats conclus à la même date tant avec la société Matecopie qu’avec la société Agilease s’est trouvé frappé de caducité en application de cette indivisibilité stipulée de manière conventionnelle, faisant également état du jugement qui a prononcé à compter du 9 avril 2020 la résolution judiciaire du contrat entre elle et la société Matecopie ; elle soutient qu’en conséquence la société Franfinance location ne peut utilement se prévaloir d’aucune clause contractuelle l’autorisant à se prévaloir d’une déchéance du terme dès lors que la prestation principale, objet du contrat de location, n’est plus assurée.

Elle observe que le jugement prononçant la résolution du contrat Matecopie n’avait pas à être rendu au contradictoire de la société Franfinance location dès lors qu’elle n’était pas partie au contrat ‘sauf à supposer qu’elle reconnaît judiciairement l’indivisibilité des contrats’.

Elle ajoute que si le contrat de maintenance n’est pas signé par la société Matecopie, il a été fourni et exécuté, observant de son côté que le contrat de fourniture du copieur n’est pas non plus signé, ne contient pas de conditions générales et ne mentionne pas la société Franfinance location.

Selon l’article 1186 du code civil, applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016, un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.

La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.

Le contrat de location dont l’original est communiqué par l’appelante, lequel comporte les cachets commerciaux et les signatures de la société Matecopie, en qualité de fournisseur et des sociétés bailleresse et locataire, a été signé de façon concomitante au contrat de maintenance souscrit le même jour par la société Garage de [Localité 1] auprès de la société fournisseur du matériel ; le matériel objet de ce contrat de maintenance est un matériel ‘MF2624’comme le contrat de location.

S’il a été ‘expressément convenu entre les parties’, au contrat de ‘rachat/reprise’ signé également le 9 mai 2018 par la société Garage de [Localité 1], ‘que le présent contrat est solidaire et indivisible du bon de commande de matériel et du contrat de maintenance signés ce jour’, cette clause est sans portée à l’égard de la société bailleresse, Agilease aux droits de laquelle est la société Franfinance location, dans la mesure où cette dernière n’était pas partie à ce contrat de ‘rachat’.

S’il est également confirmé, et établi au vu des pièces, que la société bailleresse avait parfaitement connaissance que la société Matecopie était le fournisseur du matériel loué, cette dernière ayant d’ailleurs transmis à la société Agilease la facture du matériel, la preuve n’est cependant pas rapportée par la société Garage de [Localité 1] que la société Agilease avait connaissance, au jour de la conclusion du contrat de location, de l’existence du contrat de maintenance conclu avec la société fournisseur, la maintenance et la fourniture du matériel étant deux prestations distinctes.

Il n’est pas établi que le coût du loyer prévu au contrat de location à hauteur de 450 euros pendant 21 trimestres, sans aucune autre précision, incluait le coût de la maintenance alors que le contrat de maintenance stipulait un ‘tarif forfaitaire mensuel’ et ‘un relevé trimestriel’ des compteurs noir et blanc et couleur et précisait le tarif des copies, ‘hors kit de démarrage offert’, à hauteur de 0,029 euros pour les copies en noir et blanc et de 0,14 euros pour les copies en couleur. Il ne peut donc être valablement affirmé par la société Garage de [Localité 1] que seules les photocopies réalisées ‘hors forfait’ faisaient l’objet d’une tarification séparée alors que le contrat vise expressément le tarif ‘hors kit de démarrage’; le contrat de rachat fait mention d’un kit copie noir et blanc inclus de 450 copies et d’un kit copie couleur inclus de 4 050 copies, ces deux kits non facturés correspondant manifestement au kit de démarrage visé au contrat de maintenance.

Dans ces circonstances, faute de preuve par la société intimée, que la société bailleresse avait connaissance de l’opération d’ensemble constituée par le contrat de location et le contrat de maintenance conclu avec la société Matecopie et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres conditions de l’article 1186 du code civil, la société intimée ne peut valablement invoquer l’interdépendance de ces deux contrats et la caducité du contrat de location ne peut par conséquent être déduite de la résolution judiciaire, à compter du 9 avril 2020, du contrat de maintenance. Toute demande de ce chef sera rejetée.

Sur les autres demandes :

Considérant, au regard de l’article 1103 du code civil, que les conditions générales sont opposables à la société locataire au regard des conditions particulières du contrat de location qui s’y réfèrent, que cette dernière reconnaît elle-même que les dispositions relatives au crédit dans le code de la consommation sont inapplicables en l’espèce et qu’elle n’est donc pas fondée à s’en prévaloir, la société Franfinance location sollicite l’application de l’article 14 des conditions générales de la location relatif à la résiliation du contrat ; au regard de la résiliation de plein droit du contrat de location intervenue le 29 octobre 2020, elle demande aussi la condamnation de la société intimée au paiement de la somme de 727,67 euros TTC au titre des loyers impayés et 6 435 euros HT au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation ainsi que sa condamnation, sous astreinte, à lui restituer le matériel et l’autorisation de pouvoir l’appréhender en quelque lieu qu’il se trouve.

Au visa de l’article 1104 du code civil, la société Garage de [Localité 1], après avoir relevé que les dispositions du droit de la consommation ne s’appliquent pas en l’espèce, invoque cependant l’article R.311-6 du code de la consommation et soutient qu’au regard de la police de taille 5 dans laquelle le texte est rédigé, celui-ci est parfaitement illisible de sorte que les conditions générales lui seront déclarées inopposables. Observant que la société Franfinance location lui a réclamé de s’exécuter et l’a mise en demeure le 15 septembre 2020 alors qu’elle avait suspendu, par avenant du 1er avril 2020, le paiement des loyers pour six mois jusqu’au 1er octobre 2020, elle considère que les poursuites sont abusives et sollicite la somme de 3 000 euros pour procédure abusive. Elle précise que dès le 16 novembre 2020 elle a proposé à la société Franfinance location de lui restituer le matériel litigieux mais que celle-ci n’a jamais donné suite à sa proposition ; observant que le photocopieur qui ne fonctionne pas encombre illégitimement ses locaux, elle sollicite la condamnation de la société Franfinance location à procéder à son enlèvement sous astreinte de 450 euros par mois de retard, celle-ci n’ayant jamais proposé de manière officielle la récupération du matériel ni indiqué un lieu de livraison.

Les conditions générales du contrat de location que la société locataire a acceptées en signant les conditions particulières comme rappelé à propos de la clause attributive de juridiction, lui sont par conséquent opposables ; même si elles sont écrites en petits caractères, elles sont lisibles et la société Garage de [Localité 1] ne peut utilement se prévaloir des textes du code de la consommation relatifs à la taille des caractères alors même qu’elle admet que les dispositions de ce code ne lui sont pas applicables.

Il ressort du décompte communiqué par la société Franfinance location sous sa pièce 10 que la somme de 7 162,67 euros correspond ;

– à hauteur de 727,67 euros TTC, à deux loyers de 92,81 euros impayés du 1er avril 2020 au 1er juillet 2020, à un loyer impayé de 540 euros au 1er octobre 2020 et aux intérêts au 29 octobre 2020 (2,05 euros),

– à hauteur de 6 435 euros HT, à l’indemnité de résiliation au 29 octobre 2020 comprenant 13 loyers de 450 euros du 1er janvier 2021 au 1er janvier 2024 (5850 euros) et à l’indemnité contractuelle de 585 euros.

Alors que la société Franfinance location confirme en page 16 de ses écritures avoir réaménagé le montant des loyers pour une période de six mois, la lettre avenant communiquée par l’intimée prévoyant un report des loyers à partir du 1er avril 2020 et fixant le dernier loyer après modification au 1er janvier 2024, elle n’était pas fondée à adresser à sa locataire, par lettre recommandée datée du 15 septembre 2020, une mise en demeure de payer sous quinzaine la somme de 303,92 euros en lui indiquant que passé ce délai le contrat pourrait faire l’objet d’une résiliation de plein droit alors qu’à cette date le remboursement du contrat était suspendu, la lettre avenant indiquant que l’exigibilité de deux loyers et primes d’assurances facturés chacun à hauteur de 77,34 euros HT était reportée ; cette mise en demeure n’a donc pu emporter les effets prévus au contrat, en particulier sa résiliation, au regard de la suspension des paiements accordée par la bailleresse elle-même alors qu’il est prévu à l’article 14 des conditions générales, invoqué par l’appelante, que ‘le contrat peut être résilié de plein droit par le bailleur par simple notification écrite au locataire sans qu’il ait besoin de ne remplir aucune formalité judiciaire huit jours après une simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse en cas de non respect par le locataire de l’une quelconque de ses obligations (…) telles que le non paiement à l’échéance d’un seul terme de loyer (…)’ ; ce même article prévoit qu’en cas de résiliation du contrat pour quelque cause que ce soit, le locataire versera au bailleur, outre les loyers échus impayés, une ‘indemnité égale à la somme des loyers restant à courir jusqu’au terme du contrat’ outre une somme égale à 10 % du montant hors taxe de l’indemnité de résiliation.

La mise en demeure du 29 octobre 2020, laquelle notifie déjà la résiliation du contrat en sollicitant le paiement de la somme totale de 7 162,67 euros, ne peut valoir mise en demeure préalable à la résiliation du contrat de sorte que la société Franfinance location est mal fondée en ses demandes de résiliation et au titre de l’indemnité de résiliation, correspondant aux loyers à échoir jusqu’à la fin du contrat et à l’indemnité contractuelle de 10 %.

Elle ne peut prétendre qu’au paiement des loyers échus et impayés à ce jour, soit, outre la somme de 727,67 euros correspondant aux sommes dont l’exigibilité avait été reportée, au loyer du mois d’octobre 2020 et aux intérêts calculés au 29 octobre, la somme de 4 320 euros au titre des loyers impayés de janvier 2021 à octobre 2022 inclus, soit la somme totale de 5 047,67 euros qui portera intérêt au taux légal, en application de l’article 1231-6 du code civil, à compter du 2 novembre 2020, date de réception de la mise en demeure, sur la somme de 725,82 euros correspondant aux seuls loyers échus et impayés à cette date.

Par courrier recommandé du 29 octobre 2020 dont l’intimée a signé l’avis de réception le 2 novembre 2020, la société Franfinance location a demandé à la société Garage de [Localité 1] de restituer le matériel loué sous quinzaine ; celle-ci, par courrier recommandé du 16 novembre 2020, reçu par la société Franfinance location le 19 novembre 2020, après avoir expliqué qu’elle n’avait pu trouver un nouveau prestataire, s’est engagée à restituer le copieur inutilisable à l’adresse indiquée sur le dernier courrier de la société Franfinance location ‘d’ici la fin du mois de novembre, aux vues de la conjoncture’.

Le matériel n’a pas été restitué, l’intimée soulignant que l’appelante n’a pas donné suite à sa proposition; outre que la cour relève qu’à cette date la France connaissait une nouvelle période de confinement dans le cadre de la crise sanitaire liée au virus de la Covid 19, elle ne peut à présent, en l’absence de résiliation du contrat de location, ordonner la restitution du matériel, objet de ce contrat, de sorte que la société Franfinance location sera déboutée de toutes ses demandes en lien avec la restitution et l’appréhension du matériel loué. La cour ne peut davantage juger que la société Franfinance location devra enlever le matériel loué à ses frais exclusifs et sous astreinte, comme le sollicite l’intimée.

Le sens de la décision, au regard des loyers impayés par l’intimée et du rejet de la demande de caducité, démontre que la procédure de la société Franfinance location n’est pas abusive de sorte que l’intimée sera déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 27 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Rejette l’exception d’incompétence soulevée par la société Garage de [Localité 1] ;

Dit que le tribunal de commerce de Versailles était compétent ;

Evoquant le fond de l’affaire,

Déboute la société Garage de [Localité 1] de sa demande de caducité du contrat de location ;

Dit que la résiliation de plein droit du contrat de location n’est pas intervenue ;

Condamne la société Garage de [Localité 1] à payer à la société Franfinance location la somme de 5 047,67 euros TTC qui portera intérêt au taux légal sur celle de 725,82 euros euros TTC à compter du 2 novembre 2020 ;

Déboute la société Franfinance location et la société Garage de [Localité 1] de leurs demandes en lien avec la restitution du matériel loué ;

Rejette toute autre demande et notamment la demande de dommages et intérêts de la société Garage de [Localité 1] pour procédure abusive ;

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Garage de [Localité 1] aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller, pour la Présidente empêchée, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller,

 


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