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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 26 OCTOBRE 2022
N° RG 20/00892 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LO37
Monsieur [O] [Y]
SELARL [X] [D]
GIE LES COMPAGNONS DE SAINT GENES
SAS LES COMPAGNONS DU DENTAIRES DE L’ATLANTIQUE
c/
S.E.L.A.R.L. CHIRURGIENS-DENTISTES MOKA
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 janvier 2020 (R.G. 2018F00048) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 17 février 2020
APPELANTS :
Monsieur [O] [Y], né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 5]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
SELARL [X] [D], représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]
GIE LES COMPAGNONS DE SAINT GENES, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
SAS LES COMPAGNONS DU DENTAIRES DE L’ATLANTIQUE, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
représentés par Maître Laurent BABIN de la SELARL ABR & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. CHIRURGIENS-DENTISTES MOKA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
représentée par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie PIGNON, Présidente,
Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [Y] est un professionnel de la vente et de la distribution de matériel dentaire. M. [Z] et M. [D] sont des chirurgiens-dentistes.
Ils ont créé ensemble le groupement d’intérêt économique les compagnons de Saint Genès selon statuts du 6 janvier 2016, M. [Y] agissant pour le compte de la société commerciale en formation Les compagnons du dentaire de l’Atlantique, M. [Z] agissant pour le compte de la Selarl de chirurgiens dentiste Moka et M. [D] agissant pour le compte de la Selarl [X] [D].
Ils ont donné pour objet à leur groupement de ‘ faciliter et de développer l’activité économique de ses membres, d’en améliorer ou d’en accroître ou d’en accroître les résultats et notamment de permettre et de faciliter l’exécution du contrat d’exercice libéral conclu entre lesdits membres et le GIE’, notamment en mettant à la disposition des praticiens des locaux, des matériels et des équipements de chirurgie-dentaire ainsi que les moyens humains jugés nécessaires. Aux termes de ses statuts, le GIE était administré et géré par un administrateur unique, désigné en la personne de M. [Y], pour une durée illimitée.
La société anonyme simplifiée ‘les compagnons du dentaire de l’Atlantique’ ayant pour activité l’exploitation de tout centre dans lequel seront exercés la chirurgie, les soins dentaires et d’esthétiques maxillo-faciale, a été créée selon statuts déposés au greffe du tribunal de commerce de Bordeaux le 25 février 2016.
Le 29 février 2016, M. [Y] agissant au nom et pour le compte du groupement d’intérêt économique ‘les compagnons de Saint Genès’ a conclu un ‘contrat d’exercice’ avec M. [Z] agissant pour le compte de la Selarl de chirurgiens dentiste Moka aux termes duquel ce dernier s’engageait à verser au GIE les compagnons de Saint Genès une redevance mensuelle égale à 20% du montant de ses honoraires mensuels et a exercé son art exclusivement au profit du groupement en échange de la fourniture des moyens matériels et humains nécessaires à l’exercice de sa profession.
Par acte du 2 janvier 2018, la Selarl de chirurgiens-dentistes Moka a fait assigner le GIE les compagnons de Saint Genès, M. [Y], la société ‘les compagnons du dentaire de l’Atlantique’, et la Selarl Le [D] devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de voir prononcer la nullité du GIE Les compagnons de Saint Genès.
Par jugement contradictoire du 9 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a:
– prononcé la nullité du GIE Les compagnons de Saint-Genès.
– dit que cette nullité ne valait que pour l’avenir.
– condamné le GIE Les compagnons de Saint-Genès à régler à la société Chirurgiens-dentistes Moka la somme de 119.000,00 euros,
– condamné la société Chirurgiens-dentistes Moka à payer au GIE Les compagnons de Saint-Genès la somme de 106.526,46 euros,
– ordonné la compensation entre ces sommes.
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
– dit que les dépens seront partagés par moitié entre la société Chirurgiens-dentistes Moka et le GIE Les compagnons de Saint-Genès.
Par déclaration d’appel du 17 février 2020, le GIE les compagnons de Saint-Genès, M. [Y], la société les compagnons du dentaire de l’atlantique et la société [X] [D] ont interjeté appel de cette décision dans des conditions de fond et de forme qui ne font pas l’objet de contestation.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 30 août 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, le GIE les compagnons de Saint-Genès, M. [Y], la société les compagnons du dentaire de l’atlantique et la selarl [X] [D] demandent à la cour de :
– à titre principal :
– déclarer la parfaite validité du GIE « Les compagnons de Saint-Genès ».
– déclarer que la société Chirurgiens-dentistes Moka a manqué à ses obligations dans l’exécution du contrat d’exercice.
en conséquence,
– réformer le jugement rendu par la 6ème chambre du Tribunal de Commerce de Bordeaux, RG n°2018F00049, en l’ensemble de ces dispositions en ce qu’il a :
– prononcé la nullité du GIE « Les compagnons de Saint-Genès ».
– dit que cette nullité ne vaut que pour l’avenir.
– condamner le GIE « Les compagnons de Saint-Genès » à régler à la société Chirurgiens-dentistes Moka la somme de 119.000,00 euros ,
– condamner la société Chirurgiens-dentistes Moka à payer au GIE les compagnons de Saint-Genès la somme de 106.526,46 euros.
– ordonné la compensation entre ces sommes.
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
– dit que les dépens seront partagés par moitié entre la Société Chirurgiens-dentistes Moka et le GIE « Les compagnons de Saint-Genès ».
et statuant à nouveau
– rejeter l’ensemble des demandes de la chirurgiens-dentistes Moka,
– condamner la société chirurgiens-dentistes Moka à payer au GIE Les compagnons de Saint-Genès la somme de 185.804,44 euros au titre des redevances dues, somme à parfaire à la date à laquelle l’arrêt de la cour sera rendu,
à titre subsidiaire,
-déclarer que dans l’hypothèse où le GIE Les compagnons de Saint-Genès serait nul, la nullité ne vaut que pour l’avenir et la société chirurgiens-dentistes Moka reste tenue des engagements pris avec le GIE Les compagnons de Saint-Genès jusqu’à la date où la décision prononçant la nullité est devenue définitive,
en conséquence,
– réformer le jugement rendu par la 6 ème chambre du tribunal de Commerce de Bordeaux, RG n°2018F00049, en l’ensemble de ces dispositions en ce qu’il a :
– prononcé la nullité du GIE « Les compagnons de Saint-Genès ».
– dit que cette nullité ne vaut que pour l’avenir.
– condamné le GIE « Les compagnons de Saint-Genès » à régler à la Chirurgiens-dentistes Moka la somme de 119.000,00 euros,
– condamné la Chirurgiens-dentistes Moka à payer au GIE
« Les compagnons de Saint-Genès » la somme de 106.526,46 euros,
– ordonné la compensation entre ces sommes,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– dit que les dépens seront partagés par moitié entre la société De chirurgiens -dentistes Moka et le GIE « Les compagnons de Saint-Genès »,
en statuant à nouveau:
– rejeter l’ensemble des demandes de la société chirurgiens-dentistes Moka.
– condamner la société chirurgiens-dentistes Moka à payer au GIE Les compagnons de Saint-Genès la somme de 185.804,44 euros au titre des redevances dues, somme à parfaire à la date à laquelle l’arrêt de la Cour sera rendu.
à titre infiment subsidiaire:
– déclarer que la société Chirurgiens-dentistes Moka reste tenue, à minima, au remboursement des dépenses qui ont été engagées pour son compte par le GIE « Les compagnons de Saint-Genès ».
En conséquence,
– réformer le jugement rendu par la 6 ème chambre du Tribunal de Commerce de Bordeaux, RG n°2018F00049, en l’ensemble de ces dispositions en ce qu’il a :
– prononcé la nullité du GIE « Les compagnons de Saint-Genès ».
– dit que cette nullité ne vaut que pour l’avenir.
– condamné le GIE « Les compagnons de Saint-Genès ». à régler à la société de Chirurgiens -dentistes Moka la somme de 119.000,00 euros.
– condamné la société de Chirurgiens -dentistes Moka à payer au GIE « Les compagnons de Saint-Genès » la somme de 106.526,46 euros.
– ordonné la compensation entre ces sommes.
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
– dit que les dépens seront partagés par moitié entre la Société « De chirurgiens -dentistes Moka » et le GIE « Les compagnons de Saint-Genès »,
en statuant à nouveau:
– rejeter l’ensemble des demandes de la société Chirurgiens-dentistes Moka.
– Condamner la société de Chirurgiens -dentistes Moka à payer au GIE Les compagnons de Saint-Genès, la somme de 180.379,20 euros, au titre du remboursement des dépenses qui ont été engagées pour son compte.
en tout état de cause,
– ordonner la compensation des éventuelles créances réciproques,
– condamner la Société de Chirurgiens -dentistes Moka à payer au GIE Les compagnons de Saint-Genès à Monsieur [O] [Y], à la société les compagnons de l’atlantique et à la Société [X] [D], chacun, la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Les appelants soutiennent que les statuts du GIE sont conformes aux dispositions légales; qu’à supposer même qu’une clause du contrat d’exercice soit contraire aux dispositions statutaires du GIE, une telle clause extrastatutaire ne pourrait entraîner la nullité du groupement; que seule cette clause du contrat d’exercice pourrait être ainsi déclarée inopposable à l’intimée; que l’objet du GIE n’est pas l’exercice de la profession de chirurgiens-dentistes, contrairement à ce que le conseil de l’ordre des dentistes a pu retenir; que la Selarl de chirurgiens dentiste Moka exerce bien sa profession de manière indépendante par rapport au GIE contrairement à ce que les premiers juges ont pu retenir; qu’il n’y a pas eu de violation d’une condition de validité des contrats, M. [Y] restant tenu de l’acte à défaut de reprise de celui-ci par la société ‘les compagnons du dentaire de l’atlantique’; que le GIE justifie de la réalisation de diverses prestations pour la selarl de chirurgiens-dentistes Moka, contrepartie des redevances qui doivent être réglées; que même si le GIE devait être annulé, les redevances seraient dues jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt de cette cour à intervenir;
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société « de Chirurgiens -dentistes Moka » demande à la cour de :
– déclarer le GIE Les compagnons de Saint-Genès, Monsieur [N] [O] [Y], la société Les compagnons de l’atlantique et la société [X] [D] mal fondés en leur appel,
– débouter le GIE Les compagnons de Saint-Genès, Monsieur [N] [O] [Y], la société Les compagnons de l’atlantique et la société S.E.L.A.R.L [X] [D] de l’ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions sur l’appel relevé en date du 18 février 2020 sur le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 janvier 2020,
– déclarer la Société de Chirurgiens-dentistes Moka recevable et bien fondée en son appel incident formé à l’encontre du Jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 janvier 2020,
en conséquence,
– confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 janvier 2020, en ce qu’il a :
« Prononcé la nullité du Groupement d’Intérêt Economique Les compagnons de Saint Genès constitué aux termes de statuts en date du 6 janvier 2016.
Dit que cette nullité ne vaut que pour l’avenir.
Condamné le GIE les compagnons de saint Genès à régler à la société de Chirurgiens -dentistes Moka la somme de 119.000,00 euros. »
– le réformer en ce qu’il a
« Condamné la société DE Chirurgiens -dentistes Moka à payer au GIE les compagnons de saint Genès la somme de 106.526,46 euros.
Ordonné la compensation entre ces sommes.
Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Dit que les dépens seront partagés par moitié entre la société De chirurgiens -dentistes Moka et le GIE Les compagnons de Saint-Genès. »
Et statuant à nouveau :
– dire et juger que le GIE « Les compagnons de Saint-Genès » a failli à l’ensemble de ses obligations contractuelles,
– dire et juger que les redevances réclamées par le GIE « Les compagnons de Saint-Genès » ne sont pas dues en application du principe de l’exception d’inexécution,
En conséquence,
– condamner le Groupement d’intérêt Economique Les compagnons de Saint-Genès in solidum avec les autres défendeurs, à rembourser à la Société de Chirurgiens-dentistes Moka la somme de 119.000,00 euros en réparation de son préjudice financier.
– condamner le Groupement d’intérêt Economique Les compagnons de Saint-Genès in solidum avec les autres défendeurs, à rembourser à la Société de Chirurgiens-dentistes Moka la somme de 15.971,86 euros au titre des factures payées par la Société de Chirurgiens-dentistes Moka en lieu et place du GIE, outre intérêts de droit
– condamner l’ensemble des défendeurs conjointement et solidairement à payer à la société de chirurgiens-dentistes Moka la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la Société Trassard et associés sur son affirmation de droit.
L’intimée soutient que le GIE exerçait en réalité lui-même l’activité économique au profit de la société anonyme simplifiée ‘les compagnons du dentaire de l’atlantique’; que l’objet du GIE ne doit pas être de réaliser des bénéfices; que son activité doit être auxiliaire par rapport à l’activité de ses membres; qu’il ne peut dès lors être prévu qu’un chirurgien-dentiste exerce son activité exclusivement à son profit; que le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes a refusé de valider ce montage; que M. [Y] n’avait pas pouvoir pour engager la société les compagnons du dentaire de l’atlantique qui n’était pas encore créée; que la nullité du GIE n’a pas d’effets rétroactifs; qu’elle argue d’une exception d’inexécution pour se soustraire au paiement des redevances, le GIE n’ayant pas rempli ses obligations contractuelles.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 août 2022 et le dossier a été fixé à l’audience du 21 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS :
1) sur la nullité
Aux termes de l’article L 251-1 du code de commerce, deux ou plusieurs personnes physiques ou morales peuvent constituer entre elles un groupement d’intérêt économique pour une durée déterminée.
Le but du groupement est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même.
Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci.
Aux termes de l’article L 251-5 du code de commerce, la nullité du groupement d’intérêt économique ainsi que des actes ou délibérations de celui-ci ne peut résulter que de la violation des dispositions impératives du présent chapitre, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général.
L’action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l’illicite de l’objet du groupement.
Le GIE constitue ainsi un groupement de moyens qui a pour principal objet de permettre à ses membres de développer leur activité économique grâce à la mise en commun de certains investissements.
En l’espèce, l’article 3 des statuts du GIE stipule que le groupement d’intérêt économique a pour objet, de faciliter et de développer l’activité économique de ses membres, d’en améliorer ou d’en accroître les résultats et notamment de ‘permettre et faciliter l’exécution du contrat d’exercice libéral conclu entre lesdits membres et le GIE’.
Il ressort des pièces produites aux débats que M.[Y], via sa société commerciale, a créé plusieurs GIE dont l’objet premier était de conclure des contrats d’exercice libéral avec divers praticiens qui, aux termes de ces contrats d’exercice, s’engageaient à exercer leur art ‘exclusivement au profit du groupement’ ( art 3 du contrat d’exercice conclu entre le GIE Les compagnons de Saint Genes et M. [Z]) en échange de la mise à disposition de moyens matériels et humains et en contrepartie du paiement d’une redevance mensuelle égale, en ce qui concerne M. [Z], via sa selarl, à 20% de ses honoraires.
Or, cette clause interdisant au praticien un exercice de sa profession indépendant du groupement est une entrave à la liberté d’exercice de ce dernier qui est contraire aux dispositions impératives de l’article L 251-1 du code de commerce, les GIE ne pouvant avoir pour objet que de faciliter ou de développer l’activité économique de leurs membres, et non de les contraindre.
Le GIE soutient en vain que cette restriction était limitée à un exercice dans les locaux mis à disposition, l’ouverture d’un cabinet secondaire étant soumise à des conditions restrictives et n’étant pas la pratique habituelle de l’exercice de la profession de chirurgien-dentiste. De fait, le docteur [Z] était tenu aux termes de ce contrat de n’exercer son activité qu’au profit du groupement.
Les premiers juges ont pu en outre à juste titre considérer que le contrat d’exercice conclu entre le GIE Les compagnons de Saint Genès et M. [Z] agissant pour le compte de la société de chirurgiens-dentistes Moka et les statuts du GIE étaient deux contrats interdépendants, de sorte que la clause d’exercice exclusive incluse dans le contrat d’exercice affectait la validité du GIE en ce qu’elle était contraire aux dispositions impératives de l’article L 251-1 du code de commerce.
Il convient en conséquence de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a prononcé la nullité du GIE.
Les dispositions de l’article 1844-15 du code civil étant applicable au GIE, les premiers juges ont également à bon droit pu considérer que cette nullité n’avait pas d’effet rétroactif.
Elle produit donc effet à compter de la décision de première instance du 9 janvier 2020, qui est confirmée sur ce point, et non de la décision à intervenir.
2) sur le paiement des redevances :
Le GIE sollicite le paiement des redevances des années 2016 et 2017 pour la somme de 111 915,44 euros ( en réalité, 5433,55 euros après imputation des acomptes) et des redevances des années 2018, 2019 et 2020 pour la somme de 180 370,89 euros.
La selarl de chirurgiens-dentistes Moka s’y oppose, arguant d’une exception d’inexécution, soutenant que le GIE n’a pas rempli ses obligations.
L’article 1 du contrat d’exercice stipule que le praticien exercera son art dans des locaux et à partir des moyens matériel et humain mis à disposition par le groupement.
Les articles 6 et 7 précisent que : ‘Conformément aux dispositions réglementaires et conventionnelles, le GROUPEMENT fournira au PRATICIEN le matériel et l’équipement nécessaire à l’exercice de son art. Le GROUPEMENT s’engage à entretenir, modifier et compléter, le cas échéant, ses installations techniques, ainsi qu’à assurer la fourniture des consommables’ et que ‘ le GROUPEMENT fournira, de façon permanente, le concours d’un personnel qualifié conformément aux normes. A ce titre, le GROUPEMENT s’engage à embaucher une assistante dentaire. »
L’article 8 bis du contrat d’exercice prévoit enfin que :
« 1. Le GROUPEMENT s’engage à entretenir, modifier et compléter, le cas échéant ses installations techniques pendant la durée du présent contrat en adéquation avec sa vocation de constituer un pôle d’excellence en médecine dentaire.
Il sera mis par le GROUPEMENT à la disposition du PRATICIEN :
– Le personnel nécessaire à l’exercice de son art,
– Le personnel administratif qui établira les notes d’honoraires et procédera aux démarches de recouvrement,
– Le chauffage, l’éclairage, le service de téléphone, l’eau, le gaz nécessaires aux locaux susvisés, ainsi que tous les travaux d’entretien qui pourraient devenir utiles,
– Le matériel instrumental et les consommables nécessaires aux interventions du PRATICIEN et qui sera entretenu par les soins du GROUPEMENT.
La redevance correspondant à ces prestations, services et fournitures est versée dans les conditions de l’article 9 ci-dessous. »
Le GIE soutient qu’il a rempli ses obligations, notamment en procédant à l’embauche d’une assistante dentaire, Mme [M] [E].
Or, parmi les 74 pièces qu’il produit, la plupart sont sans lien avec ce litige.
Ainsi les pièces 9 à 12 et 30 et suivantes concernent bien l’embauche de Mme [M], en qualité d’une assistante dentaire, mais par un autre GIE, contrairement à ce qui est indiqué dans le bordereau de communication des pièces, à savoir le GIE les compagnons de Montesquieu, également créé par M. [Y], mais sans lien avec le GIE Les compagnons de Saint Genès. Aucune pièce ne porte sur l’emploi d’une assistance dentaire pour le GIE les compagnons de Saint Genès.
De la même façon, la pièce 41 concerne le matériel technique et meublant mis à la disposition d’un autre dentiste du groupement, à savoir le docteur [C]. Aucune autre pièce n’atteste du matériel mis à disposition de la selarl de chirurgiens-dentistes Moka, qui, de son côté, a fait constater par un huissier de justice le 29 septembre 2017, l’absence de matériel de radiographie dans son cabinet.
Enfin:
– la pièce 4 intitulée tableau du prêt professionnel souscrit par le GIE Les compagnons de Saint Genès est en réalité un prêt consenti à la société Les compagnons du dentaire de l’atlantique,
– la pièce 8 intitulé ‘bail à usage professionnel conclu entre la SCI Baysselance et le GIE les compagnons de Saint Genes’ n’est signé par aucune des parties,
– les pièces 25, 72 et 73 sont des factures au nom de la société Les compagnons du dentaire de l’atlantique et non du GIE,
– la pièce 65 (de 85 pages) intitulée bon de commande du GIE Les compagnons de Saint Genès pour 37 900 euros ne comporte aucune référence au GIE Les compagnons de Saint Genes (le bon de commande ne comporte ni date, ni nom de client, ni signature).
Dès lors, le GIE les compagnons de Saint Genès ne démontre pas avoir rempli ses obligations essentielles qui consistaient dans l’embauche d’une assistante dentaire et dans la mise à disposition permanente et en bon état du matériel et des consommables nécessaires à la profession de chirurgien dentiste.
Le GIE sera ainsi débouté de sa demande en paiement des redevances des années 2016 à 2020 incluses. Il sera également débouté de sa demande subsidiaire en remboursement des dépenses qu’il dit avoir effectuées au profit de la selarl de chirurgiens-dentistes Moka mais dont il ne justifie pas.
Il sera enfin condamné à rembourser la somme de 106 482,39 euros ( et non 119 000 euros selon la pièce 14 de l’intimée) que lui a versée la selarl de chirurgiens-dentistes Moka à titre d’acompte à valoir sur les redevances des années 2016 et 2017.
La décision de première instance sera infirmée sur ces points.
La selarl de Chirurgiens-dentistes Moka sollicite enfin la condamnation du GIE à lui verser la somme de 15 971,86 euros en remboursement de factures qu’elle affirme avoir réglées pour le compte de ce dernier. Elle produit au soutien de sa demande un extrait de son grand livre de compte afin de démontrer qu’elle a elle-même pris en charge certains frais, notamment de fournitures dentaires. Elle ne démontre pas qu’elle a sollicité le GIE pour prendre en charge ses frais. En outre, elle a argué d’une exception d’inexécution, à laquelle il a été fait droit, pour ne pas régler les redevances dues au GIE en contrepartie notamment de la fourniture du matériel nécessaire à son activité professionnelle.
La décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle l’a déboutée de cette demande.
Le GIE les compagnons de Saint Genès, M. [Y], la société ‘les compagnons du dentaire de l’Atlantique’, et la Selarl Le [D] qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.
Le GIE les compagnons de Saint Genès sera condamné à verser la somme de 4000 euros à la selarl de chirurgiens dentiste Moka au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’y a pas lieu de prononcer une condamnation au paiement à une indemnité de procédure à l’encontre des autres appelants.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme la décision rendue par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 9 janvier 2020 en ce qu’elle a :
– prononcé la nullité du GIE Les compagnons de Saint-Genès.
– dit que cette nullité ne valait que pour l’avenir,
– débouté la selarl de Chirurgiens-dentistes Moka de sa demande de remboursement des sommes engagées pour le compte du GIE Les compagnons de Saint-Genès,
Infirme la décision en ce qu’elle a :
– condamné le GIE Les compagnons de Saint-Genès à régler à la société Chirurgiens-dentistes Moka la somme de 119.000,00 euros,
– condamné la société Chirurgiens-dentistes Moka à payer au GIE Les compagnons de Saint-Genès la somme de 106.526,46 euros,
– ordonné la compensation entre ces sommes,
– dit que les dépens seront partagés par moitié entre la société Chirurgiens-dentistes Moka et le GIE Les compagnons de Saint-Genès,
et statuant à nouveau,
Déboute le GIE Les compagnons de Saint-Genès de ses demandes de paiement des redevances,
Déboute le GIE Les compagnons de Saint-Genès de sa demande subsidiaire de remboursement des dépenses engagées pour le compte de la selarl Chirurgiens-dentistes Moka,
Condamne le GIE Les compagnons de Saint-Genès à rembourser la somme de 106 482,39 euros à la selarl Chirurgiens-dentistes Moka au titre des acomptes que celle-ci a versés sur les redevances des années 2016 à 2020.
Condamne in solidum le GIE les compagnons de Saint Genès, M. [Y], la société ‘les compagnons du dentaire de l’Atlantique’, et la Selarl Le [D] aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la selarl Trassard et associés,
Condamne le GIE les compagnons de Saint Genès à verser la somme de 4000 euros à la selarl de chirurgiens dentiste Moka au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la selarl Chirurgiens-dentistes Moka du surplus de sa demande d’indemnité de procédure
Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.