Indivisibilité contractuelle : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/04234

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Indivisibilité contractuelle : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/04234
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/04234 –

N° Portalis DBVH-V-B7F-IIJ4

MPF -AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

21 mai 2021

RG :19/03844

[V]

C/

S.A.S. CM CIC LEASING SOLUTIONS (ANCIENNEMENT GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE)

Grosse délivrée

le 12/01/2023

à Me Marion TOUZELLIER

à Me Emmanuelle VAJOU

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 12 Janvier 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Nîmes en date du 21 Mai 2021, N°19/03844

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 25 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022 prorogé au 12 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Maître [C] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Marion TOUZELLIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. CM CIC LEASING SOLUTIONS

(ANCIENNEMENT GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE) Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 12 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 5 juillet 2011, [C] [V] a loué auprès de la société CM-CIC Leasing Solutions anciennement dénommée GE Capital Equipement Finance un photocopieur de marque Canon durant soixante-trois mois moyennant un loyer intercalaire de 5 mois de 2455,78 euros suivi de 21 loyers trimestriels de 2511,60 euros. Au terme du contrat, le 31 mars 2016, le locataire n’a pas restitué le matériel et restait redevable de loyers impayés d’un montant de 15120 euros.

Par acte en date du 12 janvier 2012, [C] [V] a loué à la même société un photocopieur de marque Xerox durant soixante-six mois. Au terme du contrat, le 30 avril 2016, le locataire n’a pas restitué le matériel et restait redevable de loyers impayés d’un montant de 20 232 euros.

Après mise en demeure de payer le montant des arriérés visant la clause résolutoire délivrée sans succès au locataire le 21 octobre 2015 au titre de chacun des contrats précités, par acte du 3 juillet 2019, la société CM-CIC Leasing Solutions a assigné [C] [V] devant le tribunal judiciaire de Nîmes en résiliation des contrats.

Par jugement contradictoire du 21 mai 2021, le tribunal a :

– débouté M. [V] de sa demande en nullité des deux contrats de location,

– débouté M. [V] de sa demande en caducité ou résiliation pour inexécution fautive des contrats de location,

– dit que M. [V] ne rapporte pas la preuve d’un paiement de 12 000 euros à la société CM-CIC Leasing Solutions,

– condamné M. [V] à verser la somme de 16 632 euros au titre du contrat n° H32387901 avec intérêts légaux à compter du 3 juillet 2019,

– condamné M. [V] à verser la somme de 22 255,20 euros au titre du contrat n° H814007801 avec intérêts légaux à compter du 3 juillet 2019,

– débouté la société CM-CIC Leasing Solutions de sa demande de restitution des matériels,

– condamné M. [V] aux entiers dépens, distraits au profit de Me Audrey Moyal, aux offres de droit,

– dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par acte du 29 novembre 2021, [C] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2022, l’appelant demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté la restitution du matériel, d’infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de:

– prononcer la nullité, ou à défaut la caducité voire la résiliation des contrats aux torts de la société CM-CIC Leasing Solutions à leur date respective d’interruption des loyers et de débouter la société CM-CIC Leasing Solutions de ses demandes,

– constater que la somme de 12 000 € a bien été payée par l’appelant à l’huissier poursuivant, en 6 versements de janvier à mai 2019 ;

– condamner la bailleresse à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile..

L’appelant reproche à la bailleresse de l’avoir trompé sur des éléments déterminants du contrat tels que la durée du financement et fait observer à la cour que les sommes réclamées sont erronées et à géométrie variable. Il affirme que faute de maintenance, le matériel ne fonctionnait pas normalement ce qui justifie selon lui la caducité et l’anéantissement rétroactif des contrats. En outre, il affirme que l’inexécution fautive de la société CM-CIC Leasing Solutions entraîne la résiliation des contrats interdépendants à ses torts. De manière subsidiaire, il demande à ce que la cour n’accorde pas au bailleur le bénéfice de la pénalité contractuelle et déduise la somme de 12 000 euros payée à l’huissier dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance de référé du 19 octobre 2018 réformée en appel. Enfin, la société CM-CIC Leasing Solutions ayant expressément accepté de renoncer à la restitution des deux copieurs, sa demande de ce chef sera écartée.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 mai 2022, l’intimée demande à la Cour de :

– confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions,

– condamner [C] [V] à lui payer une somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’intimée considère que le dol invoqué n’est nullement démontré et que l’appelant n’est pas recevable à solliciter l’annulation des contrats dès lors qu’ils ont été exécutés, une telle exécution valant confirmation. Elle ajoute que les dysfonctionnements du matériel ne sont pas davantage démontrés et estime qu’il appartient au locataire d’agir contre les fournisseurs du matériel et qu’il ne peut pas s’abstenir de régler ses derniers loyers, son bailleur financier n’intervenant pas dans les prestations d’entretien du matériel. Elle considère que le principe de l’interdépendance des conventions n’est absolument pas transposable à la présente espèce et que sa créance est parfaitement certaine, liquide et exigible.

Par ordonnance du 24 juin 2022, la procédure a été clôturée le 11 octobre 2022 et l’examen de l’affaire a été renvoyé à l’audience du 25 octobre 2022.

MOTIFS:

Sur la nullité du contrat pour vices du consentement (contrainte, dol, erreur):

L’appelant, après avoir rappelé le contexte dans lequel il a souscrit les deux contrats litigieux, soutient qu’il a été victime de manoeuvres dolosives et d’erreurs commises sur des éléments déterminants du contrat tels que la durée du financement de sorte que l’altération de son consentement justifie d’annuler les contrats.

Le tribunal n’a pas fait droit à la demande d’annulation des deux contrats au motif qu’il ne rapportait pas la preuve du dol ou des erreurs alléguées.

L’appelant considère que la société GE Capital ( devenue CM-CIC Leasing Solutions) a exercé des pressions sur lui pour profiter de la confusion résultant d’un litige survenu à l’occasion de l’exécution d’un précédent contrat de location de photocopieur conclu entre les parties ( contrainte). Il reproche à sa cocontractante d’avoir en outre commis des manoeuvres dolosives en lui réclamant des sommes dont le montant était variable et erroné dans les mises en demeure successives et l’assignation ainsi qu’en lui remettant des échéanciers sur lesquels la durée du financement indiquée est différente de celle mentionnée dans l’assignation. Il estime que les manoeuvres dolosives et les erreurs commises sur des éléments déterminants du contrat comme la durée du financement ont vicié son consentement.

L’intimée conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté la demande d’annulation du contrat pour vice du consentement au motif que le locataire a renoncé à invoquer la nullité du contrat en réglant la quasi-totalité des loyers et qu’il ne rapporte pas la preuve du dol allégué.

Un litige a opposé les parties lors de l’exécution d’un précédent contrat de location souscrit 20 mai 2011 par le locataire qui invoquait le défaut de maintenance du matériel par le fournisseur. Selon l’appelant, la société GE Capital lui a proposé de signer les 5 juillet 2011 et 12 janvier 2012 deux contrats portant sur deux nouveaux photocopieurs fournis par d’autres fournisseurs. Comme la bailleresse avait engagé à son encontre une procédure de saisie-vente dans le cadre du précédent litige, il a accepté, dans la confusion dit-il, de signer deux nouveaux contrats de location pour une somme totale de 126 530,67 euros sans maintenance intégrée portant sur deux photocopieurs multifonction dont la valeur vénale respective était sur le marché inférieure à 10 000 euros.

Le procès-verbal de saisie-vente versé aux débats pour démontrer les pressions morales exercées par sa cocontractante pour obtenir la signature de deux nouveaux contrats de location à des tarifs exorbitants porte la date du 25 août 2015, soit quatre ans après la signature des contrats de location de sorte que la contrainte alléguée n’est pas établie, aucun autre élément probant n’étant produit par l’appelant pour justifier de son existence.

Les manoeuvres dolosives et les erreurs imputées à la bailleresse ‘ inertie délibérée avant d’engager une action judiciaire contre le locataire, signature d’un accord transactionnel pour pièger le locataire le 19 février 2016, discordances sur le montant de la dette et la durée de l’engagement financier dans les courriers de mise en demeure et l’assignation ‘ se situent toutes au cours de la période d’exécution du contrat: à les supposer établies, elles n’ont donc eu aucune incidence sur la formation du contrat et n’ont pas pu altérer le consentement de [C] [V] quand il a accepté de signer les contrats litigieux les 5 juillet 2011 et 12 janvier 2012.

Le jugement qui a écarté la demande d’annulation des contrats pour vices du consentement sera donc confirmé.

Sur la caducité des contrats:

L’appelant fait valoir que les contrats de fourniture du matériel, de maintenance et de financement sont interdépendants de sorte que la résiliation de l’un d’entre eux entraîne la caducité de tous les autres. Comme il a résilié les contrats de maintenance le liant aux fournisseurs des deux photocopieurs qu’il a d’ailleurs rachetés pour un prix dérisoire, il en déduit que le contrat de financement est devenu caduc. Il déduit du prix dérisoire auquel il a acheté les photocopieurs à la bailleresse ‘ 500 euros le photocopieur ‘ la parfaite connaissance par cette dernière des dysfonctionnements du matériel loué qu’il impute à l’absence de maintenance. Il estime en conséquence qu’il n’est pas redevable des loyers échus postérieurement à la résiliation. A titre subsidiaire, il demande à la cour de prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société CM-CIC Leasing Solutions pour sanctionner l’inexécution fautive de son obligation.

Les premiers juges ont rejeté la demande au motif que [C] [V] n’établissait pas l’anéantissement du contrat de fourniture de matériel.

L’intimée conteste l’interdépendance des contrats de fourniture, de maintenance et de financement et soutient qu’elle n’est intervenue qu’à titre purement financier pour mettre à la disposition du locataire un matériel que ce dernier avait choisi et négocié directement auprès du fournisseur. Elle estime que son locataire ne peut être exonéré du paiement des six derniers loyers alors même qu’il n’a pas appelé en la cause les deux fournisseurs du matériel loué de sorte que la cour n’est pas en mesure d’examiner l’éventuelle résiliation du contrat de maintenance alléguée.

Le matériel après avoir été choisi par [C] [V] a été financé par un contrat de location longue durée consenti par la société GE capital équipement finance (la société GE), devenue CM-CICLeasing solutions. L’article 1er du contrat de location de longue durée stipule que le locataire, agissant en qualité de mandataire du bailleur, choisit sous sa seule responsabilité le matériel objet de la location chez le fournisseur de son choix avec lequel il convient des délais et modalités de la livraison, le bailleur s’engageant seulement à passer commande du matériel choisi par lui. Les contrats de fourniture, de maintenance et de financement des photocopieurs qui sont tous les trois nécessaires à la réalisation d’une opération globale tendant à la mise à disposition du locataire d’un matériel qu’il a préalablement choisi constitue un ensemble contractuel indivisible.

L’appelant ne rapporte pas toutefois la preuve qu’il a résilié unilatéralement les contrats de fourniture et de maintenance des photocopieurs, le seul fait que les fournisseurs n’aient exercé aucune action à son encontre alors qu’il avait cessé de leur payer les sommes dues au titre de la maintenance n’est pas suffisant à l’établir. Aucun courrier adressé au fournisseur pour déplorer les dysfonctionnements des photocopieurs et la défaillance de leur maintenance n’est produit.

Les fournisseurs concernés ‘ les sociétés DATA BURO et B.I Net Works ‘ n’étant pas parties à la présente procédure pour obtenir la résolution des contrats de fourniture et de maintenance pour inexécution fautive de leurs obligations et par suite, la caducité du contrat de location financière, le tribunal a débouté à bon droit [C] [V] de ses demandes.

L’appelant ne précise et ne prouve la faute que la société CM-CIC Leasing solutions à l’occasion de l’exécution des contrats de location de longue durée de sorte que la demande de résolution desdits contrats n’est pas fondée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à constater la caducité des contrats de location de longue durée ou de prononcer leur résolution.

Sur les pénalités:

Le tribunal a condamné [C] [V] à payer la somme de 16 632 euros au titre du contrat n°H32387901, correspondant, selon le décompte produit par l’intimée ( pièce n°3) au montant total des six loyers impayés ( 2520 X 6=15120 euros) et à l’indemnité de 10 % prévue par l’article 10-3 du contrat ( 1512 euros).

[C] [V] a été aussi condamné à payer la somme de 22 255,20 euros au titre du contrat n°H81407901, correspondant, selon le décompte produit par l’intimée ( pièce n°8) au montant total des six loyers impayés ( 3 372 X 6=20 232 euros) et à l’indemnité de résiliation de 10 % prévue par l’article 10-3 du contrat ( 2023,20 euros).

Aux termes de l’article 10-3 b/des contrats, le bailleur se réserve le droit d’exiger, outre le paiement des loyers impayés, une indemnité égale à 10% de l’indemnité de résiliation égale au montant total des loyers HT postérieurs à la résiliation selon les termes de l’article 10-3 a/.

L’appelant demande à la cour de ne pas allouer cette indemnité à la bailleresse faute de sommes principales imprécises.

Le nombre et le montant des loyers impayés n’est ni contesté ni contestable et les pénalités réclamées, représentant 10% du montant des loyers échus et impayés et stipulée par les contrats, sont dues par le locataire.

Les premiers juges ont donc à bon droit condamné ce dernier à les payer.

Sur l’article 700 du code de procédure civile:

Aucune considération d’équité ne justifie d’allouer à la société CM-CIC Leasing Solutions la somme qu’elle réclame au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société CM-CIC Leasing Solutions de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne [C] [V] aux dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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