Indemnités pôle emploi du journaliste : illégalité du différé d’indemnisation de 180 jours
Indemnités pôle emploi du journaliste : illégalité du différé d’indemnisation de 180 jours

Contestant la retenue par Pôle Emploi, d’un différé d’indemnisation de 180 jours que l’organisme applique aux journalistes dont l’indemnité de rupture a été fixée par la commission arbitrale des journalistes, en vertu de l’article L.7112-4 du code du travail, un journaliste a obtenu gain de cause.

Pour rappel, la rupture du contrat de travail des journalistes fait l’objet de règles spéciales d’indemnisation prévues par les articles L.7112-2 et suivants du code du travail. Pour les salariés disposant d’une ancienneté de plus de quinze ans, l’article L.7112-4 organise l’intervention d’une commission arbitrale pour déterminer le montant de l’indemnité due au journaliste.

Par ailleurs, le régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi est organisé par les accords signés par les partenaires sociaux, qui font l’objet d’un agrément.

Par arrêt du 5 octobre 2015, le Conseil d’Etat avait déjà annulé l’arrêté du ministre du travail portant agrément de la convention du 14 mai 2014, et pour permettre au ministre de prendre les dispositions nécessaires à la continuité du versement des allocations et du recouvrement des cotisations, a reporté les effets de l’annulation au 1er mars 2016. Les partenaires sociaux ont rédigé une nouvelle version de l’article 21 § 2 du règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage, applicable à compter du 29 février 2016 :

« Le différé visé au § 1er est augmenté d’un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature.

Il est tenu compte pour le calcul de ce différé, des indemnités et sommes inhérentes à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative.

Il n’est pas tenu compte, pour le calcul de ce différé, des autres indemnités et sommes inhérentes à cette rupture dès lors qu’elles sont allouées par le juge. »

L’arrêt du Conseil d’Etat du 5 octobre 2015 et la réécriture de l’article 21 § 2 du règlement général issu de l’avenant du 18 décembre 2015, ne sont pas de nature à modifier l’appréciation devant être faite sur l’intégration ou non de l’indemnité de rupture devant être versée aux journalistes ayant plus de quinze ans d’ancienneté.

Il ressort en effet des motifs de l’arrêt du 5 octobre 2015 que l’annulation de l’agrément de la convention, dans sa version initiale, a été motivée par la rupture d’égalité entre les salariés percevant des indemnités réparant le préjudice résultant de la rupture illégitime de leur contrat de travail, en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise ou de l’importance de l’effectif, en application des anciens articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail.

Or s’agissant de l’indemnité de rupture fixée par la commission arbitrale des journalistes au bénéfice des journalistes ayant plus de quinze ans d’ancienneté, le texte n’a pas pour objet de réparer le préjudice résultant d’une rupture illicite du contrat, mais de faire intervenir la commission arbitrale pour fixer le montant de l’indemnité de fin de contrat pour les journalistes ayant une ancienneté importante.

Pour ces journalistes, l’indemnité qui résulte de dispositions légales, en application de l’article L.7112-4 du code du travail, est soumise en outre à l’appréciation d’une instance arbitrale, qui est assimilée par la jurisprudence à une instance juridictionnelle.

La circulaire 2014-26 du 30 septembre 2014 de l’Unedic intègre dans le différé d’indemnisation spécifique, les indemnités supra légales, ce qui ne saurait être le cas de l’indemnité de rupture versée aux journalistes de plus ou moins quinze ans d’ancienneté, la loi réservant pour ces derniers l’intervention de la commission arbitrale pour déterminer le montant de leur indemnité.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 17 JUIN 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/14425 –��N° Portalis 35L7-V-B7D-CALGZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/15774

APPELANTES

Madame Y X ayant droit de Monsieur A X

Syndicat LE SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (« SNJ »)

Représentée tous deux par Me Zoran ILIC de la SELARL Brihi-Koskas & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137

INTIMEES

Etablissement Public POLE EMPLOI, DIRECTION GENERALE

Association UNEDIC

Etablissement Public POLE EMPLOI, DIRECTION REGIONALE OCCITANIE

Tous représenté(e)s par Me Arnaud CLERC de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Mariella LUXARDO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mariella LUXARDO, présidente

François LEPLAT, président

Natacha PINOY, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mariella LUXARDO, Présidente et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits constants et procédure

M. X, journaliste au sein de la société Midi Libre depuis 31 ans, a sollicité la rupture de son contrat en application de la clause de conscience prévue à l’article L.7112-5 1° du code du travail, suite à la cession de la participation du groupe Sud Ouest au groupe La Dépêche courant 2015.

La rupture de son contrat ayant pris effet au 31 mars 2016, M. X s’est inscrit à Pôle Emploi, antenne de Saint Jean de Vedas, le 1er avril 2016 et sollicité des allocations d’aide au retour à l’emploi (ARE).

Par lettre du 21 avril 2016, Pôle Emploi lui a notifié son droit à une allocation journalière de 116,21 euros, applicable à compter du 11 octobre 2016.

Contestant la retenue par Pôle Emploi, d’un différé d’indemnisation de 180 jours que l’organisme applique aux journalistes dont l’indemnité de rupture a été fixée par la commission arbitrale des journalistes, en vertu de l’article L.7112-4 du code du travail, M. X et le syndicat national des journalistes ont saisi le tribunal de grande instance de Paris par acte du 16 novembre 2017.

Par jugement contradictoire rendu le 1[…], le tribunal de grande instance a :

CONDAMNE in solidum la Direction régionale Occitanie de Pôle Emploi et l’UNEDIC à payer à M. X la somme de 2.000 euros (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE in solidum la Direction régionale Occitanie de Pôle Emploi et l’Unedic à payer au Syndicat National des Journalistes la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE in solidum la Direction régionale Occitanie de Pôle Emploi et l’Unedic à payer à M. X et au Syndicat National des Journalistes la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE in solidum Pôle Emploi et l’Unedic aux dépens ;

M. X est décédé le […]. Sa fille unique héritière, Mme Y X, a décidé de poursuivre l’action engagée par son père.

Par déclaration du 12 juillet 2019, Mme Y X et le Syndicat National des Journalistes ont interjeté appel de la décision.

L’Unedic, Pôle Emploi Direction Générale, et Pôle Emploi Occitanie ont interjeté appel le 30 juillet 2019.

Vu les conclusions transmises le 23 janvier 2020 par Mme Y X et le Syndicat National des Journalistes aux fins de voir :

Vu l’article 21 du Règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à

l’indemnisation chômage,

Vu les articles L. 7112-3 à L. 7112-5 du code du travail,

Vu le principe d’égalité de traitement,

Vu les articles 1 et 2 de la loi du 27 mai 2008,

Vu la Jurisprudence,

DIRE ET JUGER Mme Y X et le Syndicat National des Journalistes recevables et bien fondés en leurs demandes,

En conséquence :

CONFIRMER le jugement rendu le 1[…] par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a considéré que l’intégration de l’indemnité de rupture perçue par M. X et fixée par la Commission Arbitrale des Journalistes en application de l’article L. 7112-4 du code du travail, dans l’assiette de calcul du différé spécifique d’indemnisation, est illicite ;

INFIRMER le jugement intervenu en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de condamnation in solidum de la DIRECTION GENERALE ET LA DIRECTION REGIONALE OCCITANIE DE Pôle Emploi et l’Unedic à lui verser la somme de 20 917,80 euros nets à titre de rappel d’aide au retour à l’emploi ;

INFIRMER le jugement rendu le 1[…] par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts dus à M. X à la somme de 2 000 euros ;

INFIRMER le jugement rendu le 1[…] par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a fixé à un euro le montant des dommages et intérêts dus au Syndicat National des Journalistes ;

Et, statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que les condamnations prononcées par le Tribunal de Grande Instance de Paris au profit de M. X seront versées à Mme Y X agissant en qualité d’ayant droit de M. X,

En conséquence :

CONDAMNER in solidum la DIRECTION GENERALE ET LA DIRECTION REGIONALE OCCITANIE DE Pôle Emploi et l’Unedic à verser à Mme Y X agissant en qualité d’ayant droit de M. X la somme de 20 917,80 euros nets à titre de rappel d’aide au retour à l’emploi ;

CONDAMNER in solidum LA DIRECTION GENERALE ET LA DIRECTION REGIONALE OCCITANIE DE Pôle Emploi et l’Unedic à verser à Mme Y X agissant en qualité d’ayant droit de M. X la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices tant matériels que moraux résultant de l’application inégalitaire et discriminatoire du différé spécifique d’indemnisation ;

CONDAMNER in solidum LA DIRECTION GENERALE ET LA DIRECTION REGIONALE OCCITANIE DE Pôle Emploi et l’Unedic à verser au Syndicat National des Journalistes la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession ;

CONDAMNER in solidum LA DIRECTION GENERALE ET LA DIRECTION REGIONALE OCCITANIE DE Pôle Emploi et l’Unedic à verser à Mme Y X agissant en qualité d’ayant droit de M. X la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution du jugement à intervenir ;

CONDAMNER solidairement LA DIRECTION GENERALE ET LA DIRECTION REGIONALE OCCITANIE DE Pôle Emploi et l’Unedic à verser au Syndicat National des Journalistes la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution du jugement à intervenir ;

ASSORTIR l’ensemble des condamnations à intervenir des intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2017 ;

PRONONCER la capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Vu les conclusions transmises le 28 octobre 2019 par l’Unedic, Pôle Emploi Direction Générale, et Pôle Emploi Occitanie aux fins de voir :

Vu l’article L. 5312-10 du Code du travail,

Vu l’article R. 5312-26 du Code du travail,

DIRE ET JUGER que seule la Direction Régionale Occitanie de Pôle Emploi est compétente pour représenter Pôle Emploi dans le cadre du présent litige,

Confirmer le Jugement sur ce point,

Vu l’article 21 § 1 du Règlement Général annexé à la Convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage,

Vu les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du Code du travail,

Vu le principe d’égalité de traitement,

Vu l’arrêt du Conseil d’Etat en date du 5 octobre 2015 (n° 383956),

Vu les arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date des 15 juin 2010 (n°09-10437) et 25 septembre 2012 (n°10-18800),

DIRE ET JUGER que Pôle Emploi et l’Unedic ont fait une juste application de l’article 21§ 2 du Règlement Général annexé à la Convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage,

CONSTATER que le montant et les modalités de calcul de l’indemnité de rupture déterminée par la Commission Arbitrale des Journalistes en application de l’article L.7112-4 du Code du travail ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative au sens de l’article 21 § 2 alinéa 2 du Règlement Général,

CONSTATER que l’article 21 § 2 alinéa 3 du Règlement Général, entré en vigueur le 29 février 2016, n’est pas applicable à la situation de M. X dans la mesure où elle s’est inscrite sur la liste de demandeur d’Emploi antérieurement à son entrée en vigueur ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONSTATER que l’indemnité de rupture déterminée par la Commission Arbitrale des Journalistes ne constitue pas une indemnité « allouée par le juge » au sens de l’article 21 § 2 alinéa 3 du Règlement Général (nouvelle version),

DIRE ET JUGER que l’intégration de l’indemnité de rupture déterminée par la Commission Arbitrale des Journalistes dans l’assiette de calcul du différé d’indemnisation spécifique ne constitue pas une inégalité de traitement,

DIRE ET JUGER que l’intégration de l’indemnité de rupture déterminée par la Commission Arbitrale des Journalistes dans l’assiette de calcul du différé d’indemnisation spécifique ne constitue pas une discrimination en raison de l’âge,

DIRE ET JUGER que Pôle Emploi et l’Unedic n’ont commis aucune pratique illicite,

En conséquence,

Confirmer le Jugement en ce qu’il a considéré que c’est à tort que M. X a invoqué une violation des dispositions de l’article 21§2 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage,

Confirmer le Jugement en ce qu’il a rejeté la demande de rappel d’allocation de retour à l’emploi,

Infirmer le Jugement sur les autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Débouter Mme Y X ainsi que le syndicat National des Journalistes de

l’intégralité de leurs demandes vis-à-vis des appelants,

Condamner Mme Y X à payer à Pôle Emploi et à l’Unedic la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et de 1500 euros au titre de l’instance d’appel,

Condamner le Syndicat National des Journalistes à payer à Pôle Emploi et à l’Unedic la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de 1500 euros au titre de l’instance d’appel,

Condamner Mme Y X et le Syndicat National des Journalistes solidairement aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 octobre 2020 ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise hors de cause de la direction générale de Pôle Emploi

La direction générale de Pôle Emploi sollicite sa mise hors de cause au motif que les décisions prises à l’égard de M. X l’ont été par la direction régionale de Pôle Emploi Occitanie qui a seule qualité pour être partie à l’instance.

Selon Mme X, le directeur général de Pôle Emploi a qualité pour représenter l’institution en justice en application de l’article R.5312-19 alinéa 2 du code du travail.

Néanmoins, il n’est pas contestable qu’en application de l’article R.5312-26 du code du travail, Pôle Emploi est animée et contrôlée au plan local par une direction régionale qui prend les décisions concernant la liste des demandeurs d’emploi, et représente Pôle Emploi dans les actions en justice.

Le directeur général de Pôle Emploi sera par suite mis hors de cause, le tribunal n’ayant pas statué sur ce point, sauf en ne prononçant pas de condamnations pécuniaires à son encontre.

Sur l’intégration de l’indemnité de rupture fixée par la commission arbitrale des journalistes dans le différé d’indemnisation spécifique

Mme X et le SNJ concluent à la confirmation du jugement mais sur la base d’une interprétation différente des textes de celle faite par le premier juge qui s’est fondé sur une rupture d’égalité et une discrimination prohibée qui résulte de l’application du seul critère de modalités de fixation de l’indemnité par la commission arbitrale des journalistes ; que cette indemnité résulte selon M. X directement de l’application d’une disposition législative, l’article L.7112-4 du code du travail qui en prévoit les modalités de calcul ; que cette interprétation est confortée par le régime fiscal et social de l’indemnité ; qu’elle est conforme à l’esprit du texte et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, en ce que la commission arbitrale des journalistes est assimilée à une juridiction ; à titre subsidiaire, que l’interprétation retenue par Pôle Emploi crée une inégalité de traitement en ce qu’elle a pour effet d’appliquer aux journalistes deux régimes d’indemnisation distincts, selon l’ancienneté du salarié, de plus ou moins 15 ans ; que d’autres antennes de Pôle Emploi font une application différente de l’article 21 § 2 du Règlement Général, telles les antennes Champ-Ardenne et Ile-de-France.

Pôle Emploi fait valoir à l’appui de son appel que seules sont exclues de l’assiette de calcul du différé spécifique, les indemnités de rupture du contrat de travail dont le montant ou les modalités de calcul résultent directement de l’application d’une disposition législative, ce qui n’est pas le cas de l’indemnité de rupture fixée par la commission arbitrale des journalistes ; que l’article 21 § 2 du Règlement Général de Pôle Emploi n’est pas applicable dans sa nouvelle version entrée en vigueur au 29 février 2016 alors que M. X s’est inscrit à Pôle Emploi le 1er avril 2016 ; qu’en tous cas, la commission arbitrale des journalistes ne peut être assimilée au juge visé par les nouvelles dispositions, qui est nécessairement le juge compétent pour statuer sur une demande de dommages-intérêts, et correspond uniquement au juge prud’homal ; que la commission arbitrale des journalistes n’a aucune compétence pour statuer sur le contrat de travail ni sur les conséquences de sa rupture notamment indemnitaires ; que l’exclusion de l’indemnité de rupture fixée par la commission arbitrale des journalistes conduirait à une rupture d’égalité avec les autres salariés qui bénéficient d’une indemnité de licenciement supra-légale, intégrée dans le différé d’indemnisation spécifique.

Le litige porte sur l’intégration de l’indemnité de rupture fixée par la commission arbitrale des journalistes en application de l’article L.7112-4 du code du travail, dans le différé d’indemnisation spécifique de 180 jours, prévu par l’article 21 § 2 du règlement général annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage.

La rupture du contrat de travail des journalistes fait l’objet de règles spéciales d’indemnisation prévues par les articles L.7112-2 et suivants du code du travail.

Pour les salariés disposant d’une ancienneté de plus de quinze ans, l’article L.7112-4 organise l’intervention d’une commission arbitrale pour déterminer le montant de l’indemnité due au journaliste.

Par ailleurs, le régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi est organisé par les accords signés par les partenaires sociaux, qui font l’objet d’un agrément.

Dans sa rédaction applicable au 1er avril 2016, jour de l’inscription de M. X à Pôle Emploi, l’article 21 énonçait :

«  § 1er –

La prise en charge est reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation correspondant au nombre de jours qui résulte du quotient du montant de l’indemnité compensatrice de congés payés versée par le dernier employeur, par le salaire journalier de référence visé à l’ article 13.

§ 2 –

Le différé visé au § 1er est augmenté d’un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail, résultant d’un autre motif que celui énoncé à l’article L.1233-3 du code du travail, ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative. » …

Par arrêt du 5 octobre 2015, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté du ministre du travail portant agrément de la convention du 14 mai 2014, et pour permettre au ministre de prendre les dispositions nécessaires à la continuité du versement des allocations et du recouvrement des cotisations, a reporté les effets de l’annulation au 1er mars 2016.

Les partenaires sociaux ont rédigé une nouvelle version de l’article 21 § 2 du règlement général

annexé à la convention relative à l’indemnisation du chômage, applicable à compter du 29 février 2016 :

« § 2 –

Le différé visé au § 1er est augmenté d’un différé spécifique en cas de prise en charge consécutive à une cessation de contrat de travail ayant donné lieu au versement d’indemnités ou de toute autre somme inhérente à cette rupture, quelle que soit leur nature.

Il est tenu compte pour le calcul de ce différé, des indemnités et sommes inhérentes à cette rupture, quelle que soit leur nature, dès lors que leur montant ou leurs modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative.

Il n’est pas tenu compte, pour le calcul de ce différé, des autres indemnités et sommes inhérentes à cette rupture dès lors qu’elles sont allouées par le juge. » …

Le premier juge a considéré que M. X ne pouvait pas se prévaloir de ces nouvelles dispositions, entrées en vigueur après son inscription à Pôle Emploi, et s’est fondé sur le fondement subsidiaire de M. X, tiré d’une rupture d’égalité et d’une discrimination prohibée pour faire droit à ses demandes.

Néanmoins, la cour observe que l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 octobre 2015 et la réécriture de l’article 21 § 2 du règlement général issu de l’avenant du 18 décembre 2015, ne sont pas de nature à modifier l’appréciation devant être faite sur l’intégration ou non de l’indemnité de rupture devant être versée aux journalistes ayant plus de quinze ans d’ancienneté.

Il ressort en effet des motifs de l’arrêt du 5 octobre 2015 que l’annulation de l’agrément de la convention, dans sa version initiale, a été motivée par la rupture d’égalité entre les salariés percevant des indemnités réparant le préjudice résultant de la rupture illégitime de leur contrat de travail, en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise ou de l’importance de l’effectif, en application des anciens articles L.1235-3 et L.1235-5 du code du travail.

Or s’agissant de l’indemnité de rupture fixée par la commission arbitrale des journalistes au bénéfice des journalistes ayant plus de quinze ans d’ancienneté, le texte n’a pas pour objet de réparer le préjudice résultant d’une rupture illicite du contrat, mais de faire intervenir la commission arbitrale pour fixer le montant de l’indemnité de fin de contrat pour les journalistes ayant une ancienneté importante.

Pour ces journalistes, l’indemnité qui résulte de dispositions légales, en application de l’article L.7112-4 du code du travail, est soumise en outre à l’appréciation d’une instance arbitrale, qui est assimilée par la jurisprudence à une instance juridictionnelle.

Tel que l’observe le journaliste, la circulaire 2014-26 du 30 septembre 2014 de l’Unedic intègre dans le différé d’indemnisation spécifique, les indemnités supra légales, ce qui ne saurait être le cas de l’indemnité de rupture versée aux journalistes de plus ou moins quinze ans d’ancienneté, la loi réservant pour ces derniers l’intervention de la commission arbitrale pour déterminer le montant de leur indemnité.

Il ressort de ces éléments que la thèse soutenue par Pôle Emploi doit être rejetée et le jugement confirmé dans son principe par substitution de motifs.

Mme X sollicite en outre l’infirmation du jugement qui a rejeté la demande portant sur le rappel d’allocations d’aide au retour à l’emploi.

Le tribunal a rejeté cette demande au motif qu’il n’existait pas de certitude sur la perception de la totalité des allocations avant le départ à la retraite de M. X.

Or M. X est décédé le […]. L’application du différé spécifique d’indemnisation non applicable à l’indemnité fixée par la commission arbitrale, a eu pour effet de le priver de la totalité des allocations auxquelles il pouvait prétendre.

Le jugement sera par suite infirmé sur ce point, Mme Y X devant recevoir le paiement des sommes dues à son père, représentant la somme de 20.917,80 euros nets.

Le jugement sera confirmé sur l’indemnisation du préjudice moral et financier subi par M. X, qui n’a pas perçu d’allocation pendant plus de six mois.

Le jugement mérite son infirmation en ce qu’il a fixé à un euro symbolique l’indemnisation accordée au Syndicat National des Journalistes, alors que ce dernier défend l’intérêt collectif de la profession auquel la thèse de Pôle Emploi a porté une atteinte effective, qui s’est en outre matérialisée par l’aide apportée aux journalistes concernés, pour les défendre devant cet organisme.

Cette indemnité sera évaluée à la somme de 2.000 euros pour réparer le préjudice subi.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, Pôle Emploi et l’Unedic devront verser à Mme X la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et au Syndicat National des Journalistes celle de 500 euros, indemnités qui s’ajoutent à celles fixées en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Met hors de cause le directeur général de Pôle Emploi,

Confirme le jugement du 1[…] sauf en ce qu’il a :

— rejeté la demande de rappel d’allocations de retour à l’emploi présentée par M. X,

— fixé à un euro l’indemnisation accordée au Syndicat National des Journalistes,

Statuant à nouveau sur ces points,

Condamne in solidum Pôle Emploi Direction régionale Occitanie et l’Unedic à payer à Mme Y X venant aux droits de son père M. X, la somme de 20.917,80 euros nets à titre de rappel d’allocations d’aide au retour à l’emploi avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2017,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne in solidum Pôle Emploi Direction régionale Occitanie et l’Unedic à payer au Syndicat National des Journalistes une indemnité de 2.000 euros en réparation du préjudice subi,

Condamne in solidum Pôle Emploi Direction régionale Occitanie et l’Unedic aux dépens d’appel, et à payer à M. X la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et au Syndicat National des Journalistes celle de 500 euros.

La greffière La présidente empêchée


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