Indemnité d’éviction : 9 novembre 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01773

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Indemnité d’éviction : 9 novembre 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01773

9 novembre 2022
Cour d’appel de Reims
RG
21/01773

Arrêt n°

du 9/11/2022

N° RG 21/01773

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 9 novembre 2022

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 26 août 2021 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Commerce (n° F 19/00437)

SAS AZURIAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hugues BERRY, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉE :

Madame [M] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 septembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 9 novembre 2022.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Christine ROBERT-WARNET, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé des faits :

Madame [M] [U], embauchée par la société AZURIAL depuis le 5 janvier 2015 en qualité d’assistante administrative niveau EA1, par contrat à durée indéterminée à temps partiel, a été licenciée le 12 juillet 2019 pour cause réelle et sérieuse en raison d’un comportement conflictuel et opposant faisant suite au rejet de ses revendications professionnelles.

Le 2 octobre 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de demandes tendant à :

– faire procéder à son reclassement à l’échelon EA4 de la convention collective des entreprises de propreté,

– faire requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 13 mars 2015,

– faire dire nul son licenciement et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

– faire condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

. 12’802,14 euros de rappel de salaire, au titre de la reclassification,

. 11’937,18 euros d’indemnité de requalification,

. 16’356,60 euros d’heures complémentaires,

. 1 356,60 euros de congés payés afférents,

. 1 328,99 euros d’heures supplémentaires,

. 132,90 euros de congés payés afférents,

. 11’937,80 euros d’indemnité de travail dissimulé,

. 1 033,48 euros au titre des repos afférents aux heures supplémentaires,

. 1 033,48 euros au titre du défaut d’information sur le repos compensateur,

. 103,49 euros de congés payés afférents,

. une indemnité d’éviction à compter du jour de son licenciement jusqu’au jugement sur la base de 2 030,86 euros par mois,

. 48’740,64 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse, et à titre subsidiaire 12’185,16 euros,

. 2 030,86 euros au titre de la nullité de la procédure,

– d’ordonner en tout état de cause la production et documents sociaux rectifiés, le tout sous astreinte,

– de condamner l’employeur à le payer la somme de 3 000,00 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.

En réplique, l’employeur a conclu au débouté et à la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 1 800,00 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 26 août 2021, le conseil de prud’hommes :

– a dit que Madame [M] [U] occupait un poste d’assistante administrative échelon EA1 de la convention collective des entreprises de propreté,

– a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

– a dit que la salariée n’avait pas fait l’objet de harcèlement moral,

– a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– a condamné l’employeur à lui verser les sommes suivantes :

. 12’942,98 euros à titre d’heures complémentaires,

. 1 294,29 euros de congés payés afférents,

. 1 240,51 euros d’heures supplémentaires,

. 124,05 euros de congés payés afférents,

. 827,00 euros de repos non pris afférents aux heures supplémentaires,

. 827,00 euros au titre du défaut d’information sur les repos compensateurs,

. 82,70 euros de congés payés afférents,

. 500,00 euros au titre de la nullité de la procédure,

. 6 200,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a ordonné sous astreinte la remise des documents sociaux rectifiés,

– a débouté la salariée du surplus de ses demandes,

– a débouté l’employeur de ses demandes en mettant les dépens à sa charge.

Le 17 septembre 2021, la société AZURIAL a régulièrement interjeté appel du jugement sauf en ce qu’il :

– a dit que Madame [M] [U] occupait un poste d’assistant administrative échelon EA1 de la convention collective des entreprises de propreté,

– a dit que la salariée n’avait pas fait l’objet de harcèlement moral,

– a débouté la salariée du surplus de ses demandes.

Dans ses écritures du 30 juin 2022 auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé, la société appelante demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail en temps complet, en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il l’a condamnée au paiement de diverses sommes. Elle demande à la cour de débouter la salariée de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures du 14 février 2022 auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé du litige, la salariée intimée demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à certaines de ses demandes et d’infirmer le surplus en réitérant ses demandes principales et subsidiaires. À titre subsidiaire, elle demande la confirmation pure et simple du jugement et en tout état de cause, de débouter l’appelante de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1 500,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et 2 000,00 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2022.

Motifs de la décision :

1 – la requalification du contrat de travail

L’employeur appelant soutient que les horaires de travail et leur répartition dans la semaine n’ont pas varié pendant toute la durée de la période contractuelle et que la salariée n’a jamais prétendu ignorer ses horaires comme le prouvent les entretiens annuels, ainsi que la signature du contrat de travail et du planning hebdomadaire fixant les horaires et leur répartition. Il affirme que l’absence de signature du planning modificatif qui complète le planning initial ne permet pas de démontrer que la salariée était maintenue dans l’ignorance de ses jours et heures de travail. Il affirme donc que la salariée connaissait précisément son rythme de travail de sorte que la requalification doit être écartée.

La salariée soutient que l’avenant du 13 mars 2015 ne mentionne ni la répartition hebdomadaire du temps de travail, ni les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée devaient être communiquées par écrit, ni les limites dans lesquelles pouvaient être accomplies les heures complémentaires, en violation des exigences légales. Elle soutient que ces seules irrégularités formelles substantielles emportent requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein. Elle soutient de plus que ses heures de travail dépassaient systématiquement le temps contractuellement prévu, et le maximum de 10 % tolérables.

Le contrat de travail initial comportait le nombre d’heures hebdomadaires, leur répartition, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée devaient être communiqués par écrit, et les limites dans lesquelles pouvaient être accomplies les heures complémentaires, le tout dans le respect des dispositions de l’article L 3123-6 du Code du travail.

En revanche, l’avenant du 13 mars 2015 a augmenté le temps de travail et a renvoyé pour le surplus aux clauses non contraires du contrat initial. De fait, la répartition horaire n’était plus exacte. Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit, et les limites dans lesquelles pouvaient être accomplies les heures complémentaires demeuraient néanmoins celles du contrat initial. Il en résulte que seule la répartition horaire faisait défaut à compter de cette date.

Cette omission emporte présomption de travail à temps plein, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et la preuve que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de savoir à quel rythme elle devait travailler.

Or, l’avenant du 13 mars 2015 indique le nombre d’heures de travail mensuel. En outre, l’employeur fournit un courriel en date du 18 mars 2019 dans lequel la salariée indique que depuis plusieurs mois, elle a décidé de s’en tenir uniquement à ses horaires, sauf impératifs, et y arriver tant bien que mal en précisant que sa demande de passage à temps plein s’explique par le fait qu’elle n’a pas le temps de remplir toutes ses missions dans les 27 heures hebdomadaires contractuelles.

L’employeur satisfait donc à la double preuve nécessaire au renversement de la présomption de temps plein de sorte que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a requalifié le contrat sur la base de l’absence des mentions prévues à l’article L 3123-6 précité, sans examiner les moyens de l’employeur tendant à renverser la présomption.

En revanche, c’est à raison que la salariée soutient une requalification fondée sur un dépassement des heures complémentaires. En effet, lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein.

Or, le décompte que la salariée verse aux débats laisse voir que l’horaire de travail avait pu dépasser le temps de travail légal.

Certes, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions des articles L 3171-2 alinéa 1 et L 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, la salariée verse aux débats un décompte précis des heures effectuées qu’elle synthétise dans ses écritures de sorte que l’employeur est en mesure de justifier des horaires effectués, d’autant que la salariée était soumise à un horaire individuel.

Cette justification fait défaut. Dans ces circonstances, et compte tenu du nombre de tâches à accomplir en 27 heures hebdomadaires, la preuve de la réalité des heures complémentaires et supplémentaires est établie.

Le temps de travail ayant dépassé 151,67 heures en août 2016, le contrat sera requalifié en contrat de travail à temps complet à compter de cette date, par confirmation du jugement. Le dispositif du jugement sera complété en ce que la requalification prendra effet à compter du mois d’août 2016.

Bien que Madame [U] a demandé infirmation du jugement sur l’indemnité de requalification dont elle a été déboutée dans le jugement déféré, elle ne forme aucune prétention ni ne développe aucun moyen à ce titre en cause d’appel, de sorte que le jugement sur ce point sera confirmé.

2 – l’exécution du contrat de travail

– la classification

L’employeur appelant soutient que la salariée n’a pas exercé des fonctions dévolues à une employée administrative de niveau 4 dès lors que contrairement à ce qu’elle prétend, elle n’a pas exercé d’autres fonctions que celles afférentes aux tâches de secrétariat qui lui étaient dévolues.

La salariée intimée soutient qu’elle était engagée comme assistante administrative échelon EA1 alors qu’elle était située hiérarchiquement juste sous le directeur, qu’elle était seule à gérer la charge administrative en plus de la mission de facturation, quelle travaillait en totale autonomie, sans consignes, de sorte qu’elle doit être classée à l’échelon EA4 de la convention collective applicable.

Par une appréciation pertinente des éléments de la cause, le conseil des prud’hommes a pu rejeter la demande. En effet, selon la convention collective des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, applicable au contrat, la classification EA4 est réservée aux salariés qui sont suffisamment autonomes pour recevoir des instructions générales, sous le contrôle du responsable hiérarchique, pour analyser les données et informations transmises et pour déterminer le mode de réalisation le plus adapté. Au niveau de la technicité, les tâches ou travaux confiés aux salariés classés EA4 sont complexes. Cela suppose une technicité ou une pratique professionnelle reconnue que le salarié transmet à un collègue moins confirmé.

Madame [U], qui supporte la charge de la preuve ne verse aucune pièce permettant d’apprécier la réalité de ses tâches, hormis les courriers dans lesquels elle affirme elle-même effectuer des tâches de niveau EA4. Seule sa fiche de poste permet de connaître la réalité de ses tâches, lesquelles sont des tâches certes effectuées en toute autonomie, mais qui restent des tâches matérielles de gestion administrative et de comptes clients sous le contrôle du responsable d’agence, du responsable administratif et financier à qui elle rapportait, et du directeur général.

En définitive, la salariée ne justifie pas un niveau d’autonomie tel qu’elle était en possibilité d’analyser les données et informations transmises et de déterminer le mode de réalisation le plus adapté. Au niveau de la technicité, elle ne démontre pas la complexité des tâches accomplies supposait une technicité ou une pratique professionnelle reconnue.

Aussi, la demande ne peut aboutir de sorte que le jugement sera confirmé.

– les rappels de salaires

La salariée demande paiement de rappel de salaires depuis 2016, au titre de la reclassification, des heures complémentaires jusqu’à la limite de la durée légale du travail, et des heures supplémentaires au-delà, ce à quoi l’employeur oppose une fin de non recevoir tirée de la prescription, fondée sur l’article L 3245-1 du Code du travail, sans former dans le dispositif de ses écritures une prétention d’irrecevabilité.

Par conséquent, la demande doit être déclarée entièrement recevable.

. Le rappel de salaire au titre de la reclassification

L’employeur conteste la reclassification et le rappel de salaire subséquent.

La salariée intimée affirme que sur la base de cette reclassification elle aurait dû percevoir un complément de salaire pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019.

La demande de reclassification ayant été rejetée, la demande de rappel de salaires subséquente ne peut aboutir et le jugement sur ce point doit être confirmé.

. Le rappel de salaires au titre des heures complémentaires

L’employeur appelant affirme, vainement pour des motifs expliqués plus haut, que la salariée n’a pas travaillé au-delà de cette durée contractuellement prévue au contrat de travail. Il argue de ce que le calcul de la salariée est imprécis. Il soutient que la salariée ne peut obtenir deux fois paiement d’un même rappel de salaire, l’un au titre de la requalification de son contrat de travail et l’autre au titre d’heures complémentaires.

En raison de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, la salariée demande les heures correspondant à la différence entre 151,67 heures de travail mensuelles et 117 heures contractuellement prévues et payées et qu’elle qualifie de manière erronée d’heures complémentaires. En effet, à partir du moment où le contrat a été requalifié en contrat de travail à temps plein, ce sont les heures de travail impayées jusqu’au temps de travail légal qui sont réclamées. D’ailleurs, en toute logique, la salariée ne demande pas la majoration des heures dites complémentaires. C’est donc à tort que l’employeur qualifie cette formulation erronée de double demande.

A la lecture des bulletins de paie, il est établi que l’employeur a régulièrement payé 117 heures mensuelles, de sorte que la demande est fondée en son principe.

Compte tenu de la requalification à compter du mois d’août 2016, et considérant les taux horaires évolutifs, c’est la somme de 12 937,80 euros qui est due à ce titre, outre 1 293,78 euros de congés payés afférents. Le jugement sera donc infirmé au quantum.

. Le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires

L’employeur affirme que la salariée n’a pas travaillé au-delà de la durée contractuellement prévue au contrat de travail. Il argue de ce que le calcul de la salariée est imprécis et erroné.

La salariée intimée soutient qu’elle effectuait régulièrement des heures supplémentaires dès lors qu’elle effectuait des tâches précédemment dévolues à trois personnes et sollicite un rappel de salaire pour les années 2016 et 2018.

Le décompte établi par la salariée permet d’établir l’existence de 4,48 heures supplémentaires en août 2016 et aucune autre heure supplémentaire sur le reste de la période contractuelle jusqu’à la rupture.

C’est donc la somme de 56,05 euros qui est due à ce titre outre 5,60 euros de congés payés afférents par infirmation au quantum du jugement déféré.

. le repos compensateur

L’employeur affirme que les heures supplémentaires ne sont pas justifiées de sorte que la contrepartie obligatoire en repos n’est pas fondée, en faisant observer que la salariée demande deux fois la même somme d’abord au titre des « repos non pris » et ensuite au titre de « défaut d’information sur le repos compensateur ».

La salariée intimée soutient qu’elle aurait dû bénéficier d’un repos compensateur obligatoire en 2016 et en 2017, et prétend au repos compensateur sur la base de son salaire horaire issu de la reclassification, outre l’indemnisation pour n’avoir pas été informée de son droit à repos compensateurs.

Compte tenu de la rupture du contrat de travail, la salariée ne peut prétendre aux repos compensateurs mais à leur indemnisation.

En tout état de cause, le nombre d’heures supplémentaires effectué dans la limite du contingent de 190 heures ne justifie pas qu’il soit fait droit à la demande de sorte que le jugement, qui a fait droit doublement aux demandes, sans vérifier le dépassement du contingent d’heures supplémentaires et le principe du droit au repos compensateur obligatoire, doit être infirmé sur ce point.

. le travail dissimulé

L’employeur appelant soutient que la dissimulation de la rémunération et son intention coupable manque en fait pour caractériser le délit correspondant au travail dissimulé.

Si la salariée affirme que l’employeur n’ignorait rien de la quantité d’heures effectuées et non payées, aucune pièce du dossier ne permet de l’établir. Le fait que sa charge de travail fut génératrice d’heures supplémentaires n’est pas suffisant pour le caractériser dans la mesure où la salariée dit elle-même dans un courrier qu’à partir d’une certaine date, elle s’en tient à ses heures et parvient tant bien que mal à les exécuter. Par ailleurs, le décompte qu’elle produit n’est pas avalisé par l’employeur.

C’est donc à raison que le conseil de prud’hommes, constatant l’absence de preuve d’un élément intentionnel dissimulateur de l’employeur, a débouté la salariée de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.

. le harcèlement moral

L’employeur appelant fait observer que la salariée n’expose aucun élément de fait faisant croire un harcèlement qu’elle n’a par ailleurs jamais dénoncé le temps de la relation contractuelle.

La salariée intimée soutient qu’à partir du moment où elle a demandé conseil auprès de la DIRECCTE, l’employeur s’est livré à un harcèlement moral pour l’empêcher de faire valoir ses droits et s’appuie sur ses pièces 15 et 16, soit sur la convocation à l’entretien préalable au licenciement et sur un échange de courriels avec la personne l’ayant assistée lors de l’entretien préalable, laquelle s’interrogeait sur l’opportunité de signer le compte rendu rectificatif que madame [U] exigeait d’elle.

Il en ressort que la salariée ne présente pas de faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral.

Le fait que l’employeur ait sanctionné un comportement négatif après le refus de ses revendications ne peut être considéré comme des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel au sens de l’article L 1152-1 du code du travail.

Le jugement, qui a rejeté la demande en l’absence de faits susceptibles de caractériser le harcèlement moral, doit donc être confirmé.

3 – la rupture du contrat de travail

– la nullité du licenciement

L’employeur appelant conteste la nullité en faisant remarquer que la salariée n’expose aucun élément de fait relatif un harcèlement moral à une discrimination ou à l’atteinte à une de ses libertés fondamentales.

La salariée intimée soutient que le licenciement est l’aboutissement du harcèlement moral dont elle a été la cible.

En l’absence de harcèlement moral, le moyen ne peut aboutir de même que les demandes qui y sont attachées soit les demandes de dommages et intérêts et d’indemnité d’éviction, laquelle en tout état de cause, n’est pas fondée en l’absence de réintégration.

– le bien-fondé du licenciement

L’employeur appelant soutient que la salariée a été licenciée en raison de son comportement emporté et conflictuel rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, dès lors que la salariée a refusé la solution qui lui était proposée de changer de poste sur la base d’un temps plein avec modifications de son lieu d’affectation géographique.

Il critique le jugement qui selon lui, a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse au seul motif de la prétendue irrégularité et fait observer que la salariée ne décrit pas l’irrégularité qui aurait été commise, alors que la procédure s’est déroulée conformément aux dispositions des articles L 1232-2 à L 1232-5 et R 1232-1 à R 1232-3 du code du travail.

Il soutient que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a jugé que la procédure n’avait pas été respectée au motif que le départ de la salariée aurait été annoncé avant la rupture par la responsable des ressources humaines laquelle aurait demandé à la personne assistant la salariée de ne pas intervenir lors de l’entretien préalable.

Il prétend en effet qu’aucune décision de licenciement n’a été publiquement annoncée à des tiers à la relation contractuelle mais que la directrice des ressources humaine n’a fait qu’informer les membres de la direction de l’établissement d'[Localité 5] et du siège social de la mise à pied conservatoire de la salariée.

Il conteste les propos prêtés à la directrice des ressources humaines lors de l’entretien préalable.

La salariée intimée soutient que la décision de la licencier a été prise avant l’entretien préalable, comme le démontre un courriel que la directrice des ressources humaines a envoyé à des salariés qui lui en ont donné connaissance.

Elle ajoute que les griefs qui lui sont faits ne reposent sur aucun élément et qu’il ne peut lui être reproché de vouloir travailler quotidiennement sur la base d’une feuille de mission puisque la qualification qui lui a été attribuée ne laissait aucune place à l’autonomie.

Elle fait observer qu’aucun avertissement ni aucune remarque préalable n’ont été faites sur son prétendu comportement de sorte que la société employeur s’est montrée déloyale en ne respectant pas le contrat de travail.

Figure aux débats un courriel adressé par la directrice des ressources humaines à divers salariés le 25 juin 2019, soit le lendemain du courrier de convocation à l’entretien préalable contenant mise à pied conservatoire. Ce courrier est ainsi rédigé ‘Objet : départ [M] [U]. Bonjour à tous, Ce mail afin de vous annoncer le départ de [M] [U] à compter de ce jour. Vous pouvez adresser vos demandes à ….dans l’attente de son remplacement’. La formulation choisie ne laisse aucun doute sur l’effectivité de la décision de rupture dès l’envoi de la convocation à l’entretien préalable, puisque le départ apparaît définitif alors que la salariée était dans une situation de mise à pied conservatoire. C’est donc à raison que la salariée soutient que la décision de la licencier était prise avant l’entretien préalable qui s’est tenu le 5 juillet 2019, ce qui ne se réduit pas à une irrégularité de procédure, comme l’a qualifié le conseil de prud’hommes de manière erronée.

En revanche, c’est à raison que les premiers juges ont considéré que la décision de licencier avant l’entretien préalable rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée peut donc prétendre à des dommages et intérêts dans les conditions du barème légal de l’article L 1235-3 du Code du travail. En effet, le barème ne peut être écarté en raison du ‘contexte’ du dossier comme le plaide la salariée. Compte tenu de son ancienneté, c’est une indemnité comprise entre 3 et 5 mois de salaire qui est due. Considérant l’ancienneté de la salariée, son âge, son niveau de revenu (1 587 euros de salaire moyen brut mensuel reconstitué), et de l’absence de justificatifs de sa situation postérieurement à la rupture, la somme de 6 200,00 euros allouée par le conseil de prud’hommes est de nature à réparer entièrement les préjudices subis. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

. la régularité de la procédure

L’employeur appelant soutient que la procédure s’est déroulée conformément aux dispositions des articles L 1232-2 à L 1232-5 et R 1232-1 à R 1232-3 du code du travail. Il conteste les propos prêtés à la directrice des ressources humaines lors de l’entretien préalable au licenciement.

La salariée soutient que la responsable des ressources humaines a entravé son droit de se faire assister en se fondant sur un document qu’elle a elle-même rédigé et soumis à la signature de la personne qui l’a assistée et qui s’en est ouverte à l’employeur en ces termes : ‘ je vous fait parvenir ce courrier reçu par mail samedi 06/07/19 par Mme [U] qui me demande de le signer, elle me dit qu’elle est en droit de répondre et qu’elle n’a pas eu le temps de répondre. Pourtant pendant l’entretien je confirme qu’elle avait le temps et vous lui avait également demandé si elle avait des choses à ajouter. J’ai signé à nouveau ce courrier car elle me la demandé mais en aucun cas je ne l’ai rédigé, la première note est bien la mienne et c’est passé pendant l’entretien’

En l’absence d’autres éléments, les propos prêtés par la salariée à la directrice des ressources humaines, que l’employeur conteste, ne sont pas justifiés de sorte que l’irrégularité alléguée n’est pas établie.

C’est donc à tort que le conseil de prud’hommes, s’attachant à tort aux seuls dires de la salariée, a fait droit à la demande, dans son jugement qui doit être infirmé sur ce point.

4 – les autres demandes

– les documents de fin de contrat

Le conseil de prud’hommes ayant requalifié le contrat, fait droit aux demandes salariales, ainsi qu’à la demande indemnitaire liée à la rupture abusive du contrat de travail, a pu ordonner, sous astreinte, la remise des documents rectifiés de fin de contrat. Son jugement sera donc confirmé sur ce point sauf à ajouter que les rectifications devront être conformes au présent arrêt.

– l’application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail

Les conditions s’avèrent réunies pour condamner l’employeur, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement jusqu’au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois d’indemnités.

– les frais irrépétibles et les dépens

Succombant au sens de l’article 696 du code de procédure civile, l’employeur doit supporter les frais irrépétibles et les dépens de première instance de sorte que le jugement sera confirmé sur ces points.

En appel, l’employeur sera débouté de ses demandes à ce titre et condamné à payer à la salariée la somme de 2 500,00 euros.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 26 août 2021 par le conseil de prud’hommes de Reims en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :

. 12’942,98 euros à titre d’heures complémentaires,

. 1 294,29 euros de congés payés afférents,

. 1 240,51 euros d’heures supplémentaires,

. 124,05 euros de congés payés afférents,

. 827,00 euros de repos non pris afférents aux heures supplémentaires,

. 827,00 euros au titre du défaut d’information sur les repos compensateurs,

. 82,70 euros de congés payés afférents,

. 500,00 euros au titre de la nullité de la procédure,

Confirme le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la S.A.S AZURIAL à payer à Madame [M] [U] les sommes suivantes :

– 12 937,80 euros (douze mille neuf cent trente sept euros et quatre vingts centimes) au titre des heures comprises entre le temps de travail contractuellement prévu et le temps de travail légal,

– 1 293,78 euros (mille deux cent quatre vingt treize euros et soixante dix huit centimes) au titre des congés payés afférents,

– 56,05 euros (cinquante six euros et cinq centimes) au titre des heures supplémentaires,

– 5,60 euros (cinq euros et soixante centimes) de congés payés afférents,

Déboute Madame [M] [U] de ses demandes au titre des repos compensateurs et congés payés afférents ainsi que d’indemnité au titre de l’irrégularité de la procédure,

y ajoutant,

Dit que la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet prend effet au mois d’août 2016,

Dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d’y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales,

Dit que la rectification des documents de fin de contrat devra se faire conformément au présent arrêt,

Ordonne le remboursement, par la S.A.S. AZURIAL à Pôle Emploi, des indemnités de chômage servies à la salariée, du jour de son licenciement jusqu’au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités,

Déboute S.A.S. AZURIAL de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne la S.A.S. AZURIAL à payer à Madame [M] [U] la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) euros en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel,

Condamne la S.A.S. AZURIAL aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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