9 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/05284
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 09 NOVEMBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05284 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOQM
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 Mars 2022 -Juge de la mise en état de BOBIGNY CEDEX RG n° 20/02241
APPELANTE
S.A.S. GFI CONSEIL
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
INTIMEE
S.A.R.L. LE 69 PARMENTIER
N° SIRET : 532.563.376 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Représentée par Me Jean-marie GUELOT de l’AARPI GUELOT & BARANEZ Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R007
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Gilles BALAY, Président de chambre
Mme Emmanuelle LEBEE, Présidente
M. Douglas BERTHE, Conseiller chambre
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Gilles BALAY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffier présent lors du prononcé.
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FAITS ET PROCÉDURE
Madame [H] [I] épouse [X] était propriétaire d’un ensemble immobilier sis [Adresse 7] édifié sur les parcelles cadastrées 000 AT [Cadastre 1] et 000 AT [Cadastre 4] d’une contenance totale de 1 051 mètres carrés.
En vertu d’un acte de donation-partage du 18 décembre 2015 au profit de ses descendants, monsieur [U] [X] et madame [S] [X], épouse [T], sont devenus nus-propriétaires aux côtés de madame [H] [I] épouse [X], usufruitière pour lamoitié et propriétaire seule pour l’autre moitié.
Madame [H] [I] épouse [X] est décédée le 17 août 2017, son époux
survivant, monsieur [L] [X] étant usufruitier de la totalité de ses biens selon acte sous signatures privées en date du 8 avril 2011, Madame [H] [X], aux droits de laquelle se trouvent aujourd’hui Monsieur [L] [X], Madame [S] [X] épouse [T] et Monsieur [U] [X] (ci-après désignés : les consorts [X]) a consenti à Monsieur [V] [M], [E] [A] et [Y] [G], avec faculté de substitution au profit d’une SARL en cours de constitution, ce pour une durée de neuf années à compter du 8 avril 2011, le bail commercial d’un ensemble immobilier, anciennement à usage industriel, situé à [Adresse 7], à l’effet d’y exercer la mise à disposition au profit de tiers de locaux destinés à l’activité commerciale et professionnelle.
Par acte du 07 octobre 2019, les bailleurs ont fait signifier à la preneuse un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction pour la date du 7 avril 2020.
Par exploit du 16 janvier 2020, les consorts [X] ont fait assigner à comparaître la société le 69 Parmentier devant le tribunal judiciaire de Bobigny et, par exploit séparé, la société GFI Conseil, rédactrice du bail susvisé du 08 avril 2011. Par conclusions du 30 novembre 2021, la société le 69 Parmentier a soulevé un incident.
Par ordonnance du 10 mars 2022, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société GFI Conseil ; rejeté la demande d’expertise sollicitée par la société le 69 Parmentier ; débouté les parties de leur demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.
Par déclaration du 24 mars 2022, la société GFI Conseil a interjeté appel partiel de l’ordonnance et a été autorisé à assigner à jour fixe à la suite d’une requête déposée le 12 avril 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 24 mars 2022, par lesquelles la société GFI Conseil, appelante, demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence et l’a déboutée de ses demandes ; et statuant à nouveau, ordonner la transmission du dossier l’opposant à la société 69 Parmentier au tribunal de commerce de Bobigny ; subsidiairement déclarer recevable et bien fondée l’exception de connexité soulevée et en conséquence renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de BOBIGNY, condamner la société 69 Parmentier à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Vu les conclusions déposées le 25 août 2022, par lesquelles la société le 69 Parmentier, intimée, demande à la Cour de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence, y ajoutant, condamner la société GFI Conseil à lui payer la somme de
6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance avec bénéfice de l’article 699 du même code.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, la position des parties sera succinctement résumée.
Au soutien de ses prétentions, la société GFI Conseil prétend que son exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Bobigny est recevable au motif qu’elle ne pouvait soulever cette exception que postérieurement au désistement d’instance des consorts [X] à son égard, ce désistement devant s’analyser en une demande nouvelle permettant de soulever cette exception, ce qu’elle a fait par conclusions déposées le 17 janvier 2022. Elle fait valoir que, compte tenu du désistement des consorts [X], le seul lien d’instance subsistant est celui entre la société 69 Parmentier et elle, faisant observer l’incompétence du tribunal judiciaire pour statuer sur l’action en responsabilité extracontractuelle professionnelle, dès lors que le mandat de gestion est un acte de commerce ; que le litige oppose deux commerçants ; qu’il ne porte pas sur l’application du statut des baux commerciaux et que la concluante est soumise au statut des agents immobiliers qui attribue compétence exclusive, en cas de litige, aux tribunaux de commerce.
À titre subsidiaire, elle soulève l’exception de connexité et rappelle l’existence de deux instances l’opposant à la société 69 Parmentier, l’une devant le tribunal de commerce de Bobigny, suite à l’ordonnance rendue le 30 novembre 2021, aujourd’hui irrévocable, l’autre devant le tribunal judiciaire de Bobigny, suite à l’ordonnance dont appel. Elle expose que ces deux affaires ont un lien tel qu’il est indispensable de les faire instruire et juger ensemble, ajoutant que la compétence du tribunal de commerce doit être admise.
La société 69 Parmentier affirme qu’au moment où la société GFI Conseil avait soulevé l’exception d’incompétence, celle-ci avait déjà conclu au fond et expose que le désistement des consorts [X] ne remet pas en cause le lien d’instance existant entre la société GFI Conseil et la société concluante.
À titre subsidiaire, elle conteste l’existence d’un lien de connexité et expose essentiellement que les litiges sont caractérisés par une identité de cause et d’objet, la seule exception de litispendance ayant vocation à prospérer. Elle ajoute que la bonne administration de la justice ne commande pas de fragmenter le présent litige dont les intérêts de chacune des trois parties sont interdépendants et les conséquences subordonnées les unes aux autres.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur l’exception d’incompétence :
Aux termes de l’article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.
En l’espèce, c’est par conclusions du 17 janvier 2022 que la société GFI Conseil a soulevé l’exception d’incompétence du tribunal judiciaire de Bobigny au profit du tribunal de commerce de Bobigny, après avoir conclu au fond le 17 novembre 2020 contre son contradicteur, la société 69 Parmentier. Le fait que les consorts [X], à l’origine de l’instance, n’aient formé aucune demande à l’encontre de la société GFI Conseil, et qu’il n’existe plus de lien d’instance entre ces dernières parties, n’a pas modifié le lien d’instance avec la société 69 Parmentier et ne permet pas à la société GFI Conseil de déroger aux dispositions de l’article 74 suscité en soulevant son exception d’incompétence après avoir conclu au fond sur la question de son absence de responsabilité à l’égard de la société 69 Parmentier.
L’ordonnance entreprise sera donc réformée en ce qu’elle a déclarée mal fondé l’exception d’incompétence soulevée qui s’avérait en réalité irrecevable.
Sur l’exception de connexité :
Aux termes des articles 101 et 103 du code de procédure civile, s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction. L’exception de connexité peut être proposée en tout état de cause.
La société 69 Parmentier fait valoir que les demandes formées dans le cadre des deux instances en concours étant rigoureusement les mêmes, seule une exception de litispendance aurait vocation à prospérer et indique qu’il ne saurait être fait état d’une connexité en présence de litiges ayant une identité de cause et d’objet.
La société GFI Conseil admet pour sa part qu’il est « manifeste que deux instances opposant la société 69 PARMENTIER à l’encontre de la société GFI CONSEIL et tendant aux mêmes fins, sont actuellement pendantes » et « qu’elles concernent en effet les mêmes parties, les mêmes demandes, et reposent sur le même fondement ».
La cour constate que les deux litiges ne sont donc pas distincts et liés au sens des dispositions suscitées mais identiques par leur cause, leur objet et leurs parties, la connexité ne peut donc être retenue en l’espèce.
Aucune exception de litispendance n’a été soulevée.
En conséquence, la cour considère l’exception de connexité invoquée mal fondée et la rejettera.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La société GFI Conseil qui succombe devra supporter les dépens de l’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile . Il conviendra également d’autoriser Maître Patricia HARDOUIN, avocate au barreau de Paris, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile. La société GFI Conseil devra en outre indemniser la société 69 Parmentier fait pour ses frais irrépétibles d’instance en lui payant la somme de 3000 € en application de l’article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME partiellement l’ordonnance du juge de la mise en état de Bobigny du 10 mars 2022 en ce qu’elle a rejetté l’exception d’incompétence soulevée par la société GFI Conseil,
et statuant à nouveau sur ce seul chef,
DÉCLARE irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société GFI Conseil,
CONFIRME l’ordonnance entreprise pour le surplus,
et y ajoutant,
REJETTE l’exception de connexité soulevée par la société GFI Conseil,
CONDAMNE la société GFI Conseil à payer à la société 69 Parmentier la somme de 3000€ en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel,
CONDAMNE la société GFI Conseil aux dépens de l’appel et autorise Maître Patricia HARDOUIN, avocate au barreau de Paris à recouvrer directement ceux dont elle a fait l’avance sans recevoir de provision en application de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,