9 février 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
21/00323
N° 45
GR ————-
délivrée à :
– Me Quinquis,
le 13.02.2023.
Copie authentique délivrée à :
– Me Usang,
le 13.02.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 9 février 2023
RG 21/00323 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 2/2021, rg n° 2019/000755 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, jugement des Loyers Commerciaux du 17 juin 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 30 août 2021 ;
Appelante :
La Sarl [H] [R], (enseigne Le Self – Magasin [H] [R]), société à resonsabilité limitée, au capital de 100 000 FCP, immatriculée au Rcsd sous le n° 18174 B dont le siège social est sis à [Adresse 6], représentée par ses gérants : [B] et [H] [L] ;
Représentée par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [Z] [M], née le 9 décembre 1950 à [Localité 4], de nationalité française, retraitée, demeurant à [Adresse 2] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Et de la cause :
M. [S] [M], né le 26 février 1951 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
M. [N] [M], né le 24 juillet 1955 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 28 otobre 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience du 10 novembre 2022, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n°83/OD/PP. CA/21 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 15 décembre 202 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
La SARL RS est au bénéfice d’un bail commercial portant sur un immeuble sis à [Localité 4] à l’angle de l'[Adresse 1] et de la [Adresse 7] à [Localité 8]. Par acte du 28 novembre 2018, les consorts [M] ont donné congé pour le 31 décembre 2019 avec offre de renouvellement, indiquant qu’ils entendaient voir porter le loyer mensuel du nouveau bail à la somme de 450 000 Fr. CFP. Les consorts [M] ont notifié le 30 janvier 2019 un mémoire au preneur. Celui-ci a signifié le 25 février 2019 son acceptation du renouvellement du bail, mais a refusé le nouveau loyer proposé.
Par requête du 5 juillet 2019, les consorts [M] ont saisi la juridiction des loyers commerciaux pour voir fixer le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2020 à la somme de 450 000 Fr. CFP et condamner leur adversaire au paiement des intérêts légaux sur les loyers arriérés. Subsidiairement, ils ont demandé la désignation d’un expert.
La SARL RS a invoqué le montant excessif du loyer proposé est excessif puisqu’il s’élèverait au double du loyer actuel sans qu’il en soit justifié.
Une expertise a été ordonnée par jugement du 17 octobre 2019.
L’expert [J] chargée d’examiner le terrain donné à bail au regard des principes et critères définis par l’article L 145-33 du code de commerce et l’article 12 de la délibération n° 75-41 du 14 février 1975, de déterminer la variation des facteurs locaux de commercialité et de fournir un avis sur la valeur locative de l’immeuble en causé, en tenant compte des critères susvisés, de la modification éventuelle des facteurs locaux de commercialité et, également, des prix habituellement retenus pour une location similaire, a rendu son rapport le 13 août 2020.
[Z] [M], qui a indiqué que les locaux donnés à bail lui ont été attribués suivant attestation du 4 décembre 2015, a demandé de juger qu’elle est devenue propriétaire des travaux réalisés en 2018 par la SARL RS dans les locaux donnés à bail, compte tenu de la clause d’accession stipulée au bail ayant produit ses effets à l’expiration du bail précédent le 31 décembre 2019 ; de fixer en conséquence le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2020 à la somme mensuelle de 357 000 Fr. CFP hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées ; de condamner la SARL RS au paiement des intérêts légaux sur les loyers arriérés, les intérêts dus pour plus d’une année entière étant eux-mêmes capitalisés ; d’assortir le jugement de l’exécution provisoire ; de condamner la SARL RS à lui verser la somme de 250 000 Fr. CFP au titre des frais irrépétibles.
La SARL RS a demandé de : prononcer la nullité de l’expertise dès lors que l’expert n’a pas respecté les missions qui lui étaient confiées par le juge et les conditions réglementaires de l’article 12 de la délibération du 14 février 1975 ; déclarer les demandes des consorts [M] irrecevables et non fondées et les en débouter ; fixer son loyer à la somme de 161 250 Fr. CFP par mois à compter du renouvellement du bail ; condamner ses adversaires à lui verser la somme de 565 000 Fr CFP pour frais irrépétibles.
Par jugement rendu le 17 juin 2021, le juge des loyers commerciaux du tribunal de première instance de Papeete a :
Fixé le montant du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2020 à la somme mensuelle de 357 000 francs CFP hors charges et hors taxes, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées ;
Condamné la SARL RS au paiement des intérêts légaux sur les loyers arriérés, les intérêts dus pour plus d’une année entière étant eux-mêmes capitalisés ;
Ordonné l’exécution provisoire ;
Condamné la SARL RS à payer à [Z] [M] la somme de 250 000 francs CFP au titre de l’article 407 du code de procédure civile ;
Condamné la SARI. RS aux dépens dont distraction.
La SARL RS a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 30 août 2021.
Il est demandé :
1° par la SARL RS à l’enseigne LE SELF-MAGASIN [H] [R], appelante, dans ses conclusions visées le 24 mars 2022, de :
Infirmer le jugement entrepris ;
Prononcer la nullité du rapport d’expertise ;
Déclarer les demandes des consorts [M] irrecevables et non fondées et les en débouter ;
Les débouter de leur demande de fixation de loyer intégrant la valeur des constructions pour lesquelles aucune accession n’a eu lieu ;
Fixer le loyer à la somme de 161 250 F CFP par mois à compter du renouvellement du bail ;
Condamner les consorts [M] à lui verser la somme de 800 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens ;
2° par [Z] [M], intimée, dans ses conclusions visées le 23 juin 2022, de :
Débouter l’appelante de l’ensemble de ses fins, moyens et conclusions ;
Confirmer le jugement entrepris ; condamner l’appelante à lui verser la somme de 250 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
[S] [M] et [N] [M] n’ont pas conclu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 octobre 2022.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n’est pas discutée.
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur la nullité du rapport de l’expert :
Au soutien de sa demande tendant à l’annulation du rapport rendu par Mme [O] [J], la SARL RS invoque d’abord le fait que l’expert a évalué la valeur vénale des lieux et donc la valeur locative des locaux en prenant en compte les travaux qu’il a réalisés, ce qui serait contraire à l’article 16 de la délibération c portant réglementation des baux à usage commercial, industriel et artisanal.
Ce moyen n’est pas pertinent. Le bail renouvelé le 1er janvier 2020, dont il s’agit ici de fixer le loyer, est un bail nouveau ; d’ailleurs, il s’agit ici de fixation et non de révision de loyer. En conséquence, le nouveau loyer doit prendre en compte les travaux réalisés par le preneur. C’est bien ce qu’a compris l’expert qui a donc eu raison d’intégrer ces travaux dans son calcul d’évaluation de la valeur du bien.
-Sur la clause d’accession :
Au soutien de sa contestation du montant du bail réclamé par la bailleresse, la SARL RS fait valoir que Mme [Z] [M] ne peut demander le bénéfice de la clause d’accession qu’en fin de bail. Or, en l’espèce, il ne s’agirait pas d’une fin de bail puisque le preneur ne quitte pas les lieux. En tout état de cause, la clause d’accession est invoquée par Mme [Z] [M] pour la première fois dans ses dernières conclusions du 14 octobre 2020 et ne figurait pas dans le mémoire adressé au preneur et pas davantage dans la requête adressée au juge, actes qui fixent le cadre du litige, conformément à l’article 17 de la délibération précitée.
Une nouvelle fois, le raisonnement de la SARL RS doit être rejeté dès lors qu’en présence d’un bail renouvelé, c’est-à-dire un nouveau bail, Mme [Z] [M] est en droit d’invoquer le bénéfice de la clause d’accession. Et bien évidemment, il n’y a pas lieu de lui reprocher d’avoir manqué à évoquer ce droit dans son mémoire initial puisque, étant de droit, cette clause a naturellement vocation à jouer sans qu’il en soit expressément requis l’application.
Tous les moyens soulevés par la SARL RS étant rejetés, il y a lieu d’examiner la demande de Mme [Z] [M] tendant à fixer le montant du loyer dû par la SARL RS.
-Sur la demande principale Mme [Z] [M] :
Au regard des éléments d’appréciation dont dispose cette juridiction et principalement le rapport de Mme [O] [J] motivé, circonstancié et contradictoirement débattu par les parties, il convient de fixer le montant du loyer du bien dont Mme [Z] [M] est la bailleresse et la SARL RS le preneur à la somme de 357 000 francs CFP. Ce montant correspond à la valeur locative du bien loué, laquelle est déterminée ici en tenant compte de la valeur du foncier (estimé à juste titre par l’expert à 30 700 000 francs CFP), la valeur vénale des constructions (55 000 000 francs CFP), l’état d’entretien des lieux, leur emplacement au sein de la commune de [Localité 4].
-Sur la demande d’exécution provisoire
L’article 309 du code de procédure civile dispose que «Hors le cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée à la demande des parties ou d’office chaque fois qu’il y a urgence ou péril en la demeure et à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi.» En l’espèce, il est justifié que les conditions de mise en ‘uvre de l’article 309, qui sont l’urgence et le péril en la demeure, sont réunies ; en conséquence, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
-Sur la demande au titre des frais irrépétibles :
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme [Z] [M] les frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La SARL RS devra donc lui verser la somme de 250 000 Fr. CFP par application de l’article 407 du Code de procédure civile.
Les moyens d’appel sont : la nullité du rapport d’expertise est encourue pour non-signification du jugement qui a ordonné celle-ci, et pour non-examen des critères légaux de fixation du loyer et notamment de modification des facteurs locaux de commercialité ; le prix du loyer n’a pas à tenir compte des constructions faites par le nouveau locataire ; la méthode de calcul du coût actualisé des locaux utilisée par l’expert est erronée ; la clause d’accession en fin de bail s’applique au moment du départ définitif du preneur et n’a pas joué en l’espèce, ni n’a été invoquée dans le mémoire introductif du bailleur.
Les consorts [M] concluent à la confirmation du jugement
Sur quoi :
Le bail en cause a été passé en la forme authentique le 9 mars 1981 entre [I] [W] [M] et [H] [R]. Il s’est poursuivi par tacite reconduction pour une durée indéterminée à compter du 1er mai 1990. Il a été cédé en 2004 à la SARL [H] [R], puis a été transmis en 2018 à la SARL RS après le redressement judiciaire de celle-ci. Le congé avec offre de renouvellement a été signifié le 28 novembre 2018.
Ce bail commercial est soumis aux dispositions d’ordre public des articles L145-1 et suivants du code de commerce en vigueur en Polynésie française et de la délibération n° 75-41 du 14 février 1975 :
-Le bail tacitement reconduit ou renouvelé constitue un nouveau bail (art. L145-5).
-Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné (art. L145-9).
-Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord, il est fait référence à des éléments fixés par décret en Conseil d’État (art. 145-33).
-Pendant la durée de l’instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer.
Dans le délai d’un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais. Faute par le bailleur d’avoir envoyé dans ce délai à la signature du preneur le projet de bail conforme à la décision susvisée ou, faute d’accord dans le mois de cet envoi, l’ordonnance ou l’arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail vaut bail (art. L145-57).
-Le montant du loyer a’ renouveler ou à réviser doit correspondre à la valeur locative.
Celle-ci est, sauf circonstances particulières justifiant la prise en compte d’autres éléments, déterminée d’après :
La surface affectée à la réception du public ou a’ l’exploitation, la nature et la conformation des lieux ainsi que leur disposition dans l’immeuble ;
La destination et les modalités de la jouissance des lieux prévues au bail ;
L’état d’entretien ou de vétusté des locaux et les charges imposées à chacune des parties ;
L’importance des locaux annexes et dépendances affectés, le cas échéant, a’ l’exploitation du fonds ou a’ l’habitation ;
La nature et l’état des équipements mis a’ la disposition du locataire ainsi que l’existence de vitrines d’exposition ;
L’importance de la commune, du quartier, de la rue ;
L’intérêt de l’emplacement du point de vue de l’activité concernée ;
La nature de l’exploitation et l’adaptation des locaux a’ la forme d’activité exercée dans les lieux ainsi que les commodités offertes pour l’entreprendre.
À moins que ne soit rapportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive a’ une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice annuel du prix du mètre carré créé par la délibération n° 62-35 du 18 mai 1962 intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer (Dél., art. 12).
En aucun cas, il ne sera tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours (art. 16).
-Les contestations relatives a’ la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer devant le président du tribunal de première instance ou le juge qui le remplace.
Il est statué sur mémoire (art. 17).
Le prix judiciairement fixé ne peut, en aucun cas excéder les limites de l’offre et de la demande faite selon le cas en application des articles 7 ou 14, sauf si depuis lors les parties ont varié dans leurs prétentions. En ce cas, le prix ne peut prendre effet qu’a’ dater de la notification des nouvelles prétentions (art. 19).
Si les divergences portent sur des points de fait qui ne peuvent être tranchés sans recourir a’ une expertise, le juge désigne un expert, lequel devra s’expliquer, indépendamment de la mission complémentaire qu’il aura reçue du juge, sur tous les éléments mentionnés a’ l’article 12 (art. 20).
En l’espèce :
La régularité du congé avec offre de renouvellement et de la saisine du juge des loyers commerciaux n’est pas contestée.
Le jugement du 17 octobre 2019 a fixé les données du litige après échange de mémoires :
Le prix du nouveau loyer demandé par le bailleur est de 450 000 F CFP par mois. Le preneur a demandé qu’il soit fixé entre 130 et 200 000 F CFP en s’appuyant sur une consultation.
Le bailleur a invoqué des modifications de facteurs locaux de commercialité : développement et croissance économique de [Localité 4], emplacement, amélioration de l’urbanisme, augmentation du prix du foncier et raréfaction des locaux commerciaux vacants. Il a demandé une fixation de la valeur locative au montant de 10 364 F CFP/m2 en indiquant que celui-ci était inférieur à la moyenne du secteur pour des locaux équivalents.
Le preneur s’est opposé à ce que les travaux de rénovation qu’il a réalisés soient pris en compte. Il a conclu que le prix demandé est beaucoup trop élevé par rapport aux loyers moyens du secteur pour de locaux équivalents.
Le jugement du 17 octobre 2019 a ordonné une expertise et a fixé la mission de l’expert comme suit :
examiner le terrain donné à bail au regard des principes et critères définis par l’article L 145-33 du code de commerce et l’article 12 de la délibération n° 75-41 du 14 février 1975 ;
déterminer la variation des facteurs locaux de commercialité en tenant compte des critères susvisés, de la modification éventuelle des facteurs locaux de commercialité et, également, des prix habituellement retenus pour une location similaire, fournir un avis sur la valeur locative de l’immeuble en cause.
L’exécution provisoire a été ordonnée. L’expert a accepté sa mission après versement de la consignation par les consorts [M]. Il a déposé un rapport le 13 août 2020. Il a réuni les parties et leurs conseils le 16 janvier 2019. La société RS a présenté des dires. Elle n’est pas bien fondée à invoquer la nullité de l’expertise pour non-signification du jugement puisqu’elle a exécuté celui-ci et qu’elle ne justifie d’aucune atteinte à ses intérêts pour ce motif.
L’affaire a été fixée pour être plaidée en suite du dépôt du rapport. Il est composé comme suit :
-description du bien et définition d’un coefficient de vétusté ;
-valeur vénale du terrain selon les transactions enregistrées dans le secteur et la moins-value due à la vétusté et à l’état d’entretien des constructions ;
-valeur vénale des constructions selon la méthode dite de la reconstruction ;
-valeur locative calculée selon la rentabilité attendue compte tenu des valeurs du foncier et des constructions.
La société RS a exposé notamment dans son dire annexé au rapport que les travaux réalisés par elle ne devaient pas être pris en compte dans le calcul de la valeur locative, et que celle-ci devait être fixée par référence à l’évaluation du bien faite dans un partage successoral de 2015.
En droit, deux questions doivent être résolues.
Ainsi que l’a à bon droit retenu le premier juge, l’exclusion de la prise en compte des investissements du preneur pour le calcul de la valeur locative prévue par l’article 16 de la délibération de 1975 ne s’applique pas dans le cas présent, puisque le bail renouvelé est un nouveau bail, et non un bail dont le loyer est révisé durant son exécution dans les conditions prévues par les articles précédents de cette délibération.
Le bail du 9 mars 1981, qui a été tacitement reconduit aux mêmes conditions jusqu’au congé avec offre de renouvellement du 28 novembre 2018, a stipulé que : «Tous les travaux utiles, embellissements et améliorations quelconques apportés dans les lieux loués par le Preneur au cours du bail et présentant un caractère d’immeubles par destination demeureront, par voie d’accession, acquis au Bailleur et sans aucune indemnité à sa charge à la fin du bail, sans préjudice de la faculté qu’aura ce dernier de demander leur enlèvement et le rétablissement des lieux en leur état primitif aux frais du Preneur. »
Il résulte de cette clause claire et précise du bail que l’accession a été faite «à la fin du bail», c’est-à-dire, en l’espèce au moment du congé avec offre de renouvellement du 28 novembre 2018 (v. p. ex. Cass. 3e civ., 31 oct. 2000 : Gaz. Pal. 2001, 1, p. 409), lequel ne contenait pas de demande de rétablissement des lieux. C’est bien le congé délivré dans ces conditions qui a mis en ‘uvre la clause d’accession stipulée dans le bail, et non les mémoires du bailleur dans la présente instance.
Par ailleurs, le critère de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de la valeur locative ne joue qu’en cas de déplafonnement du loyer à l’occasion d’une révision triennale.
En fait :
La surface affectée à la réception du public ou a’ l’exploitation, la nature et la conformation des lieux ainsi que leur disposition dans l’immeuble ont été décrits dans le rapport de l’expert [J] qui comprend de nombreuses photographies.
La destination et les modalités de la jouissance des lieux prévues au bail sont bien documentées par celui-ci et par les constatations de l’expert [J].
L’état d’entretien ou de vétusté des locaux et les charges imposées à chacune des parties sont documentés par l’expert [J]. Son évaluation a justement tenu compte de la valeur des nouvelles constructions, comme il vient d’être dit.
L’importance des locaux annexes et dépendances affectés, le cas échéant, a’ l’exploitation du fonds ou a’ l’habitation et la nature et l’état des équipements mis a’ la disposition du locataire ainsi que l’existence de vitrines d’exposition, et la nature de l’exploitation et l’adaptation des locaux a’ la forme d’activité exercée dans les lieux ainsi que les commodités offertes pour l’entreprendre sont également bien documentés par le rapport de l’expert [J].
L’importance de la commune, du quartier, de la rue et l’intérêt de l’emplacement du point de vue de l’activité concernée ont été pris en compte par la comparaison avec les prix habituellement pratiqués et la valeur vénale du bien.
Le rapport n’encourt pas le grief d’annulation pour non-respect par l’expert de sa mission. Au demeurant, le juge n’est pas lié par ses constatations et conclusions.
La contestation par l’appelante de la prise en compte de la valeur des constructions faites par le preneur et de l’accession en fin de bail est une défense au fond. Il y a été répondu, ainsi que pour la non-incidence en l’espèce d’une modification des facteurs locaux de commercialité.
L’appelante justifie son offre de nouveau loyer par la production « d’éléments pour projet d’attestation de l’expert ». Il s’agit en effet d’un simple projet établi par un expert en évaluation de baux commerciaux qui se borne à indiquer une valeur du terrain et une valeur des constructions rénovées en leur appliquant un taux annuel de 4%, sans la moindre justification. Ce document ne permet pas de rapporter la preuve contraire aux éléments et calculs circonstanciés fournis par l’expert judiciaire. La référence à la valeur du foncier déclarée dans un acte de partage de 2015 n’est pas davantage probante puisque celle-ci ne tient pas compte des constructions ultérieures, et est au demeurant simplement déclarative.
Et c’est par des motifs complets et pertinents en fait et exacts en droit, qu’aucun moyen d’appel ne permet de remettre en cause, et que la cour adopte, que le jugement entrepris a retenu que : Au regard des éléments d’appréciation dont dispose cette juridiction et principalement le rapport de Mme [O] [J] motivé, circonstancié et contradictoirement débattu par les parties, il convient de fixer le montant du loyer du bien dont Mme [Z] [M] est la bailleresse et la SARL RS le preneur à la somme de 357 000 francs CFP. Ce montant correspond à la valeur locative du bien loué, laquelle est déterminée ici en tenant compte de la valeur du foncier (estimé à juste titre par l’expert à 30 700 000 francs CFP), la valeur vénale des constructions (55 000 000 francs CFP), l’état d’entretien des lieux, leur emplacement au sein de la commune de [Localité 4].
Il y a seulement lieu d’ajouter que le prix du loyer ainsi fixé correspond bien à la valeur locative déterminée en fonction : de la surface affectée à la réception du public ou a’ l’exploitation, la nature et la conformation des lieux ainsi que leur disposition dans l’immeuble ; de la destination et des modalités de la jouissance des lieux prévues au bail ; de l’état d’entretien ou de vétusté des locaux et les charges imposées à chacune des parties ; de l’importance des locaux annexes et dépendances affectés, le cas échéant, a’ l’exploitation du fonds ou a’ l’habitation ; de la nature et l’état des équipements mis a’ la disposition du locataire ainsi que l’existence de vitrines d’exposition ; de l’importance de la commune, du quartier, de la rue ; de l’intérêt de l’emplacement du point de vue de l’activité concernée ; de la nature de l’exploitation et l’adaptation des locaux à la forme d’activité exercée dans les lieux ainsi que les commodités offertes pour l’entreprendre.
Et que ce prix n’excède pas le prix offert par le bailleur en cas de renouvellement du bail, étant au demeurant observé que l’article 19 de la délibération du 14 février 1975 ne s’applique qu’en cas de demande de renouvellement faite par le preneur (art. 7) ou de demande de révision (art. 14).
Le jugement déféré a aussi à bon droit mis en ‘uvre les intérêts légaux sur les loyers arriérés avec capitalisation. Il sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.
Il sera fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de [Z] [M]. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l’appel recevable ;
Déboute la SARL RS de ses exceptions ;
Au fond, confirme le jugement entrepris ;
Condamne la SARL RS à payer à [Z] [M] la somme supplémentaire de 250 000 F CFP en application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;
Rejette toute autre demande ;
Met à la charge de la SARL RS les dépens de première instance et d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 9 février 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL