Indemnité d’éviction : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/18354

·

·

Indemnité d’éviction : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/18354

9 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
21/18354

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 09 FEVRIER 2023

N° 2023/ 98

Rôle N° RG 21/18354 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BITH7

[H] [T]

C/

Commune VILLE DE [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Annabelle DEGRADO

Me Siviane MELLUL

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de Nice en date du 25 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/01429.

APPELANT

Monsieur [H] [T]

né le 27 Novembre 1971 à [Localité 2] (TUNISIE)

en qualité d’exploitant direct du commerce d’alimentation générale, épicerie, import, export et négoce divers, activités connexes, vente de boissons à emporter,

domicilié [Adresse 1]

représenté par Me Annabelle DEGRADO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Michel BOURGEOIS, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Commune VILLE DE [Localité 4]

représentée par son maire en exercice, M. [P] [L], domicilié en cette qualité [Adresse 3]

représentée par Me Sivane MELLUL, avocat au barreau de NICE,

assistée par Me Jean-Marc PEYRICAL, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Catherine OUVREL, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine OUVREL, Présidente

Mme Angélique NETO, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023,

Signé par Mme Catherine OUVREL, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par une convention du 20 mai 1974, la commune Ville de [Localité 4] a chargé la société Sonacotra, devenue ensuite la SEM Adoma, de mettre en place une cité modulaire provisoire, [Adresse 1] à [Localité 4]. Depuis le 15 mars 1991, la SEM Adoma a renouvelé chaque année une convention locative avec monsieur [H] [T] portant sur un local à usage d’épicerie situé Marché des commerces à cette même adresse. Une redevance de 460,48 € était fixée. Le 25 janvier 2020, la SEM Adoma a renoncé à sa mission, la commune Ville de [Localité 4] devenant gestionnaire du local loué. Par arrêt du 18 février 2016, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a requalifié cette convention en bail commercial et a fait injonction à la commune Ville de [Localité 4] d’établir un bail commercial portant sur ces locaux. Le pourvoi en cassation a été rejeté le 8 mars 2018.

Ainsi, selon bail du 1er février 2017, la commune Ville de [Localité 4] a donné en location à monsieur [H] [T], des locaux à usage commerciaux, à destination d’alimentation générale, épicerie, vente de boissons à emporter, import, export et négoce divers, situés [Adresse 1] (lot 13), moyennant un loyer annuel de 5 525,64 € HT outre les charges. Ce bail a été notifié à monsieur [H] [T] le 16 mars 2017.

Le 20 novembre 2017, la commune Ville de [Localité 4] a délivré à monsieur [H] [T] plusieurs titres exécutoires relatifs aux loyers et charges dus entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2017. Une opposition à tiers détenteur a été notifiée le 13 mars 2018 à hauteur de 62 212,17 €.

Le 28 juin 2018, la commune Ville de [Localité 4] a notifié par huissier de justice un congé avec offre d’indemnité d’éviction.

La commune Ville de [Localité 4] a fait délivrer un commandement de payer daté du 4 juillet 2018 visant la clause résolutoire du bail et a mis en demeure monsieur [H] [T] de lui régler la somme de 63 893,58 €.

Ce commandement a été contesté par monsieur [H] [T] devant le tribunal judiciaire de Nice qui, par jugement du 11 décembre 2020, l’a débouté de toutes ses demandes de nullité du commandement du 4 juillet 2018, de nullité du bail commercial et de sa demande suspension de la clause résolutoire et de délais de paiement. Cette décision a été signifiée le 24 décembre 2020 à monsieur [H] [T]. Un appel a été interjeté mais déclaré caduc le 28 mai 2021.

La commune Ville de [Localité 4] a saisi le juge des référés par assignation du 3 août 2021.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 25 novembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice a :

constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 4 août 2018,

‘ ordonné, à défaut de départ volontaire, l’expulsion de monsieur [H] [T] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique, à compter de la signification de l’ordonnance et après délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

‘ dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte à ce stade de la procédure,

‘ dit que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que ceux-ci désigneront, à leurs frais, risques et périls et qu’à défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier de justice chargé de l’exécution avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire,

‘ condamné monsieur [H] [T] à payer à la commune Ville de [Localité 4] à titre provisionnel une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer, charges et taxes en sus, jusqu’à libération complète et effective des lieux,

‘ condamné monsieur [H] [T] à payer à la commune Ville de [Localité 4] la somme de 81 461,26 € à titre de provision à valoir sur les loyers et charges échus au 3 juin 2021,

‘ rejeté les autres demandes,

‘ condamné monsieur [H] [T] à payer à la commune Ville de [Localité 4] la somme de 1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de la procédure, en ce compris le coût du commandement de payer.

Selon déclaration reçue au greffe le 27 décembre 2021, monsieur [H] [T] a interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 19 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [H] [T] demande à la cour de :

réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

débouter la commune Ville de [Localité 4] de ses demandes,

condamner la commune Ville de [Localité 4] à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions transmises le 8 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la commune Ville de [Localité 4] sollicite de la cour qu’elle :

rejette toutes les demandes de monsieur [H] [T],

confirme l’ordonnance entreprise,

condamne monsieur [H] [T] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 12 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement. La condition d’urgence de l’article 834 du code de procédure civile n’est dès lors pas requise.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En vertu de l’article L 143-2 du code de commerce, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l’immeuble dans lequel s’exploite un fonds de commerce grevé d’inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu’après un mois écoulé depuis la notification.

Monsieur [H] [T] soutient, en premier lieu, que la commune Ville de [Localité 4] n’aurait pas respecté les dispositions de l’article L 143-2 du code de commerce, de sorte qu’aucune résiliation du bail ne pouvait intervenir, faute de dénonce aux créanciers inscrits. Or, la commune Ville de [Localité 4] justifie de la dénonce, le 6 août 2021, de l’assignation délivrée à l’appelant aux fins de résiliation du bail aux créanciers inscrits, notamment la Trésorerie municipale de [Localité 4], tels que figurant au sein de l’état de nantissement figurant sur l’état d’endettement de monsieur [H] [T] et produit aux dossiers. Dès lors, les exigences de l’article L 143-2 du code de commerce ont été satisfaites et aucune irrégularité ne vicie la procédure intentée par l’intimée.

En deuxième lieu, il résulte des pièces communiquées que les parties sont liées par un bail écrit en date du 1er février 2017 dans lequel est insérée une clause résolutoire applicable de plein droit en cas de non-paiement des loyers et charges dans le délai d’un mois à compter de la délivrance d’un commandement de payer. De même, l’article 2 de ce bail précise, en termes de prise d’effet / durée, que ‘le présent bail est consenti et accepté pour une durée de neuf années entières et consécutives qui commence rétroactivement à courir à la date de prise d’effet de la convention d’occupation précaire qu’il remplace, à savoir le 1er janvier 2009, pour se terminer le trente et un décembre 2017’.

Or, par acte délivré le 4 juillet 2018, la commune Ville de [Localité 4] a fait commandement à monsieur [H] [T] de payer la somme de 63 893,58 €, constituée des loyers et charges dus sur les périodes du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2017, puis, de février à juin 2018. Par le même acte, la commune Ville de [Localité 4] a manifesté son intention de se prévaloir de la clause résolutoire précitée. Ce commandement a été reconnu valable par jugement du tribunal judiciaire de Nice du 11 décembre 2020, devenu définitif, depuis que la déclaration d’appel interjetée par monsieur [H] [T] à son encontre a été déclarée caduque le 28 mai 2021. Monsieur [H] [T] ne peut donc pas aujourd’hui le critiquer utilement, étant observé qu’il se rapporte expressément au bail du 1er février 2017 et porte, pour partie du moins, sur des loyers ayant couru depuis sa signature. En aucun cas, ce commandement ne peut être privé d’effet à l’endroit du bail litigieux.

Il est observé qu’aucun règlement n’est intervenu dans le mois suivant sa délivrance, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a retenu la mise en oeuvre de la clause résolutoire, a relevé que monsieur [H] [T] était depuis lors occupant sans droit ni titre, et a ordonné son expulsion.

Certes, en application des dispositions des articles 641 et 642 du code de procédure civile, la résiliation du bail n’est pas intervenue le 4 août 2018 mais le 6 août 2018. Pour autant, si l’ordonnance entreprise sera infirmée quant à cette date, monsieur [H] [T] n’en tire aucune conséquence juridique et décale simplement le point de départ de l’indemnité d’occupation due.

Sur la provision pour dette locative

Par application de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’occurrence, le commandement de payer du 4 juillet 2018 porte sur les loyers et charges impayés sur les périodes du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2017, puis, de février à juin 2018. Or, le bail du 1er février 2017 mentionne expressément une rétroactivité de sa prise d’effet au 1er janvier 2009. De plus, la commune Ville de [Localité 4] a émis plusieurs titres exécutoires à ce titre envers monsieur [H] [T]. La validité de ce commandement est acquise, le juge du fond, dans la décision du 11 décembre 2020 devenue définitive, ayant apprécié la question du montant des sommes réclamées et ayant rejeté toute prescription à divers titres. De plus, la commune Ville de [Localité 4] a notifié le 13 mars 2018 une opposition à tiers détenteur auprès de l’établissement bancaire dont monsieur [H] [T] est client pour un montant de 62 212,17 €. Aucune contestation devant le juge compétent de cette opposition n’a été élevée par l’appelant.

Dès lors, la commune Ville de [Localité 4] est parfaitement en droit de réclamer le paiement des loyers et charges impayés depuis le 1er janvier 2009, donc avant la formalisation du bail du 1er février 2017 dont les effets ont été expressément fixés, contractuellement, de manière rétroactive.

En l’état du dernier décompte produit par la commune Ville de [Localité 4], et au demeurant non contesté en son montant, monsieur [H] [T] ne justifiant d’aucun paiement, il appert que l’appelant est redevable, sans contestation sérieuse, de la somme de 81 461,26 € au titre des loyers, indemnités d’occupation et charges échus au 3 juin 2021. L’ordonnance entreprise doit donc être confirmée.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Monsieur [H] [T], qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d’appel. En outre, l’indemnité à laquelle il a été condamné en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 2 000 € sera mise à sa charge au bénéfice de la commune Ville de [Localité 4], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en considération de l’équité et de la situation économique respectives des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise quant à la date de résiliation du bail commercial du 1er février 2017,

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Constate la résiliation au 6 août 2018 du bail commercial du 1er février 2017 liant la commune Ville de [Localité 4] à monsieur [H] [T],

Condamne monsieur [H] [T] à payer à la commune Ville de [Localité 4] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute monsieur [H] [T] de sa demande sur ce même fondement,

Condamne monsieur [H] [T] au paiement des dépens.

Le Greffier La Présidente

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x