Indemnité d’éviction : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/14757

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Indemnité d’éviction : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/14757

8 septembre 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
21/14757

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT SUR RENVOI

après cassation

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/ 206

Rôle N° RG 21/14757 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIH4A

S.C.P. BR & ASSOCIES

S.A.R.L. [D]

C/

[K] [B]

[R] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me SIMON-THIBAUD

Me ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 01 Octobre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/04383.

Arrêt de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 02 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/20798.

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 28 Janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 109 F-D.

DEMANDEUR à la saisine

S.C.P. BR & ASSOCIES représenté par Maître [A] [G], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de la Société [D],

Dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Laurène ROUX, avocat au barreau de TOULON

S.A.R.L. [D]

immatriculée au RCS de TOULON sous le n°B 509.703.401,

prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur [M] [I] Dont le siège est sis [Adresse 7]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Laurène ROUX, avocat au barreau de TOULON

DÉFENDEURS à la saisine

Madame [K] [B]

née le 27 Avril 1942 à HANOI (TONKIN),

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Mathieu PERRYMOND, avocat au barreau de Toulon.

Monsieur [R] [B]

né le 06 Décembre 1950 à [Localité 5] (83),, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Mathieu PERRYMOND, avocat au barreau de Toulon.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure BOURREL, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [K] [N] épouse [B] est bénéficiaire de 2 autorisations d’occupation temporaire (AOT) sur la zone commerciale du port [6], dont la jouissance lui a été accordée jusqu’au 31 décembre 2028, sauf reconduction ou prorogation.

Le 2 avril 2001, Monsieur et Madame [B] ont consenti un bail commercial sur ces locaux à l’EURL Société d’exploitation Les Pécheurs.

Selon contrat du 9 décembre 2008, la Société d’exploitation Les Pécheurs a donné en location-gérance son fonds de commerce à la SARL [D], acte contenant une promesse de cession dudit fonds de commerce.

Par acte du 24 janvier 2011, les époux [B] ont donné à bail commercial ces locaux à la SARL [D] pour une période commençant à courir le 1er janvier 2011 et se terminant le 31 décembre 2020 moyennant un loyer annuel de 25 139,40 €. L’EURL Société d’exploitation Les Pécheurs a cédé son fonds de commerce à la SARL [D] par acte du 5 mai 2011 au prix de 250 000 €.

Un différend est intervenu entre Monsieur et Madame [B] et la SARL [D] sur le montant du loyer, le paiement de la TVA et les charges réclamés par les bailleurs.

Par acte d’huissier du 8 juillet 2014, Monsieur et Madame [B] ont fait signifier à la SARL [D] un commandement de payer la somme de 3923,54 € en principal et frais. Ce commandement a été délivré en vertu d’un bail commercial en date du 24 janvier 2004 et vise la clause résolutoire.

Par exploit du 30 juillet 2014, la SARL [D] a fait assigner les époux [B] en opposition au commandement de payer pour comporter une erreur quant à la date du bail visé, en requalification du bail qui lie les parties, et en réclamation sur le montant du loyer et des charges.

Par jugement du 1er octobre 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a :

-dit le bail en date du 24 janvier 2011 établi par les époux [B] et la SARL [D] parfaitement valable,

-dit en conséquence que seul le bail en date du 24 janvier 2011 régit les liens contractuels existants entre les époux [B] et la SARL [D],

-requalifié le bail conclu entre Monsieur et Madame [B] et la SARL [D] le 24 janvier 2011 de convention d’occupation précaire,

en conséquence,

-dit le commandement de payer délivré le 8 juillet 2014 sur le fondement des dispositions de l’article L. 145-41 du code de commerce nul et de nul effet,

-débouté Monsieur et Madame [B] de leurs demandes de constatation de la résolution du bail en date du 24 janvier 2011 par l’acquisition de la clause résolutoire,

vu l’article 1184 du Code civil,

-prononcé la résiliation de la convention d’occupation précaire en date du 24 janvier 2011 à compter de la décision,

-ordonné l’expulsion de la SARL [D] et de tout occupant de son chef, des locaux occupés en vertu de la convention d’occupation précaire en date du 24 janvier 2011 consentie par Madame [B] dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision,

-débouté les époux [B] de leur demande de condamnation sous astreinte,

-condamné la SARL [D] à payer aux époux [B], en deniers ou quittances, la somme de 42 696,92 € au titre des loyers et charges demeurés impayés du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015,

-condamné la SARL [D] à payer aux époux [B] une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant de 2952,79 € à compter du 1er octobre 2015 et jusqu’à la parfaite libération des lieux,

-débouté les époux [B] de leur demande de paiement au titre des redevances domaniales,

-débouté la SARL [D] de ses demandes de dommages et intérêts,

-condamné la SARL [D] à payer aux époux [B] la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SARL [D] aux dépens,

-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 25 novembre 2015, la SARL [D] a relevé appel de cette décision.

Par jugement du 13 décembre 2016, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL [D], puis le 21 décembre 2017, a adopté un plan de redressement. La SCP BR Associés prise en la personne de Maître [A] [G], a été désignée mandataire judiciaire puis commissaire à l’exécution du plan.

Par arrêt du 2 mai 2019, la chambre 1-8 de la Cour de céans a :

-confirmé le jugement en ce qu’il a dit que le bail du 24 janvier 2011 régissait les liens contractuels des parties, qu’il l’a qualifié de convention d’occupation précaire, déclaré nul le commandement de payer du 8 juillet 2014, débouter les époux [B] de leur demande de constatation de la résolution et de leurs demandes au titre des redevances domaniales et débouter la société [D] de sa demande de dommages-intérêts,

-infirmé pour le surplus

-débouté les époux [B] de leur demande de prononcé de la résiliation du bail,

-condamné solidairement Monsieur et Madame [R] [B] à payer à la société [D] :

*la somme de 13 779,64 € au titre de la TVA indûment perçue sur l’indemnité d’occupation,

*la somme de 3520,64 € au titre du solde locatif dû au 31 décembre 2015,

*la somme de 2400 € au titre des provisions indûment versées de janvier à décembre 2016,

*la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné les époux [B] aux entiers dépens y compris ceux de première instance.

Sur pourvoi de la SARL [D], par arrêt du 28 janvier 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu’il déboute la société [D] de sa demande de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 2 mai 2019 entre les parties par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a remis sur ce point l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée, a condamné Monsieur et Madame [B] aux dépens et à payer à la société [D] la somme de 3000 €.

La SARL [D] et la SCP BR Associés ont saisi la Cour d’Aix-en-Provence après cassation par déclaration du 18 octobre 2021.

Par décision présidentielle du 12 novembre 2021, l’affaire a été fixée à l’audience du 7 juin 2022.

Par conclusions du 4 mai 2022, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SCP BR Associés et la SARL [D] demandent à la Cour de :

« Vu l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques,

vu les articles L. 145-1 et suivants, elle. 145-14 et L. 622-22 du code de commerce,

vu les AOT consentis par la commune du Lavandou à Madame [B],

vu les articles 1134 et suivants du Code civil,

vu le commandement de payer délivré le 8 juillet 2014 par la SCP Belluffi-Pelissero-Marcer, huissiers de justice à Cuers à la SARL [D],

vu le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 1er octobre 2015,

vu les jugements du tribunal de commerce de Toulon en date du 13 décembre 2016, 2 mars 2017, 21 décembre 2017 et 25 janvier 2018,

vu l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 2 mai 2019,

vu l’arrêt du 28 janvier 2021 de la Cour de cassation cassant partiellement l’arrêt du 2 mai 2019,

À titre principal

Déclarer recevable et bien fondée la saisine sur renvoi après cassation de la société [D].

Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 1er octobre 2015 en ce qu’il a débouté la société [D] de ses demandes de dommages et intérêts.

Et statuant à nouveau, dans la limite de la cassation partielle prononcée,

Condamner les époux [B] à payer à la SARL [D] la somme de 6000 € au titre de son préjudice moral, en raison de leur comportement déloyal et de leur entière mauvaise foi.

Condamner les époux [B] qui ont commis une faute en établissant un bail commercial sur le domaine public dans lequel la locataire commerciale y a développé une activité commerciale dont le travail ne pourra jamais être valorisé en l’absence de fonds de commerce et d’un quelconque droit au bail, à payer à la SARL [D] la somme de 368 000 € de dommages et intérêts résultant de la requalification du bail commercial convention d’occupation précaire, entraînant la perte du droit au renouvellement, la perte de droit à l’indemnité d’éviction et la perte du fonds de commerce, étant précisé que cette indemnité ne pourra être inférieure à la somme de 250 000 € actualisée à la somme de 283 594 €.

Fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 1968,53 € à compter de la signification de la décision à intervenir.

Subsidiairement et avant-dire droit sur le préjudice

Ordonner une expertise judiciaire de l’ensemble du préjudice subi par la société [D] qui se retrouve sans bail commercial, sans fonds de commerce et simplement sous occupant précaire du domaine public.

Condamner solidairement les époux [B] à payer à la SARL [D] la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Badie, avocat à la Cour, sur son affirmation de droit. »

Par conclusions du 17 mai 2022, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur [R] [B] et Madame [K] [B] demandent à la Cour de :

«Vu le jugement de première instance,

vu le bail du 24 janvier 2011,

Révoquer l’ordonnance de clôture prononcée le 10 mai 2022.

Déclarer recevables les présentes conclusions en réponse.

À défaut, rejeter les conclusions de BR Associés et [D] en date du 4 mai afin que le principe du contradictoire soit respecté.

Confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté la société [D] de sa demande indemnitaire fondée sur la perte de son droit à renouvellement.

Débouter la société [D] de l’ensemble de ses demandes.

Condamner la société [D] à verser une somme de 5000 € aux époux [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Subsidiairement et si par extraordinaire, la demande indemnitaire de [D] devait être accueillie,

Désigner avant-dire droit un expert au contradictoire des parties pour évaluer son préjudice et juger que l’indemnisation qui pourrait être allouée à [D] ne lui (sera ‘) pas versée avant le 31 décembre 2028.

Réserver les frais irrépétibles et dépens qui peuvent l’être. »

L’instruction de l’affaire a été close le 7 juin 2022.

MOTIFS

1.Avant l’ouverture des débats, par ordonnance du 7 juin 2022, le président de la chambre a révoqué l’ordonnance de clôture du 10 mai 2022, et a clos à nouveau l’instruction de l’affaire. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture qui a déjà été satisfaite.

2.Par application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce, et la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le jugement cassé uniquement sur les points qu’elle atteint.

Ainsi, en cas de cassation partielle, la cour d’appel de renvoi est uniquement saisie et ne peut statuer que sur les points qui ont été cassés.

L’arrêt du 28 janvier 2021 a cassé l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 2 mai 2019 seulement en ce qu’il déboute la société [D] de sa demande de dommages et intérêts.

C’est pourquoi la demande de la société [D] en fixation de l’indemnité d’occupation à la somme de 1968,53 € est irrecevable.

3. L’arrêt du 2 mai 2019 de la cour d’appel de céans a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 1er octobre 2015 qui a qualifié le contrat de bail du 24 janvier 2011 régissant les liens contractuels des époux [B] et de la SARL [D] de convention d’occupation précaire.

En consentant un bail commercial à la SARL [D] sur des locaux situés sur le domaine public maritime, les époux [B] ont commis une faute dans la mesure où les biens situés sur le domaine public ne peuvent pas être soumis au statut des baux commerciaux.

Pour s’exonérer de leur faute, les époux [B] arguent que dans le bail du 2 avril 2001 consenti à la Société d’exploitation Les Pêcheurs, comme dans celui du 24 janvier 2011 consenti à la SARL [D], il est expressément mentionné « de ce que les locaux donnés à bail font partie du domaine public maritime », « dont la jouissance a été accordée jusqu’au 31 décembre 2028, sauf reconduction prorogation ».

Dans le bail du 24 janvier 2011 consenti à la SARL [D], il est ajouté que « le preneur est expressément avisé que le présent bail ne pourra être prolongé au-delà du 31/12/2028, date de la fin de l’amodiation consentie au bailleur. » 

Les époux [B] ajoutent que dans le contrat de location gérance consenti par la SARL Société d’exploitation Les Pêcheurs à Monsieur [M] [I] agissant pour la société en formation [D], il est aussi indiqué que les locaux dépendent d’un ensemble commercial dont la jouissance a été accordée jusqu’au 31 décembre 2028, sauf reconduction ou prorogation.

Ils estiment ainsi que la SARL [D] était parfaitement informée de ce que le bail qui lui était consenti l’était sur des locaux situés sur le domaine public maritime et que celui-ci ne pourrait perdurer au-delà du 31 décembre 2028, sauf reconduction ou prorogation.

Cependant, cette transparence relative n’est pas de nature à exonérer les époux [B] de leur erreur fautive, d’autant que dans ces 3 documents, il est écrit expressément que « les époux [B] sont propriétaires des locaux sis [Adresse 7] présentement donnés à bail, suite à l’acquisition qu’ils en ont faite conjointement par acte reçu par Maître [O] [S], notaire à [Localité 4] (Nord) en date du 4 juillet 1985. »

Cette affirmation inexacte, qui est le 1er paragraphe des baux du 11 juin 2001 et du 24 janvier 2011, est de nature à avoir induit en erreur les locataires sur la nature des droits des époux [B] sur les locaux loués.

De plus, et surtout :

-par arrêté interministériel du 26 décembre 1967 et avenant, la commune du Lavandou a été désignée concessionnaire du domaine public maritime jusqu’au 31 décembre 2028 pour la création d’un nouveau port,

– le contrat d’amodiation du 30 décembre 1983 consenti par la commune [Localité 3] à la Société centre européen de promotion France, devenue SCI Port [6] qui a aménagé la zone commerciale et a vendu les cellules commerciales édifiées sur le port, a été résilié par délibérations de la commune des 29 mai et 11 septembre 1996 comme contrevenant au principe d’inaliénabilité du domaine public maritime,

-les recours contre ces décisions de résiliation de la Société centre européen de promotion France ont été rejetés par les juridiction administratives, le jugement du tribunal administratif du 17 avril 2007 étant notifié aux occupants dont Madame [B],

– les titres de droit privé des personnes physiques ou morales qui avaient acquis ces cellules ont été déclarés nuls par le tribunal administratif de Nice par jugement du 2 avril 2009 et par la cour administrative d’appel de Marseille selon arrêt du 8 novembre 2011, décisions signifiées à Madame [B],

– les occupants des cellules se sont ainsi retrouvés sans droit ni titre,

– cette situation a été régularisée par la commune du Lavandou par la délivrance d’autorisation d’occupation temporaire sans attendre l’issue des procédures administratives,

– ainsi Madame [K] [B] a bénéficié de 2 AOT en date du 27 décembre 2007 et du 9 mars 2010.

Dans l’AOT du 27 décembre 2007, il est mentionné à l’article 7 alinéa 2 :

En raison de la domanialité publique des terrains, la présente autorisation est régie par les règles du droit administratif, et plus particulièrement du code du domaine de l’État ; la législation concernant les baux ruraux, les baux à loyer d’immeubles locaux à usage commercial, professionnel d’habitation ne lui est pas applicable.

Outre que l’évolution juridique des droits de Monsieur et Madame [B] sur les locaux donnés à bail commercial n’est nullement reprise dans le bail commercial du 24 janvier 2011 puisqu’il y est toujours fait référence à la qualité de propriétaire des bailleurs, lors de la conclusion de ce bail, Monsieur et Madame [B] savaient qu’ils ne pouvaient consentir un bail commercial à la SARL [D].

C’est donc vainement que les époux [B] soutiennent que la SARL [D] était parfaitement au courant par les stipulations contractuelles de la situation juridique des locaux loués au regard de leur situation sur le domaine public maritime.

Pour information, le 25 juin 2013, Madame [K] [B] a obtenu une autorisation d’occupation temporaire du domaine public concernant la terrasse de 67 m² qui se trouvent au droit de la cellule n° B7 bâtiment 1.

Dès lors qu’un lien contractuel précaire s’est substitué à un bail commercial, cela entraîne la perte du droit au renouvellement attaché à ce bail.

Les époux [B] arguent que le bail précaire peut être renouvelé et que dans l’hypothèse où Madame [B] obtiendrait la prorogation ou le renouvellement des deux amodiations qui lui ont été consenties, le bail précaire de la SARL [D] pourrait être reconduit.

Cependant, la SARL [D] a perdu le droit au renouvellement prévu par le statut protecteur des baux commerciaux. C’est la perte de ce droit protégé qui constitue un préjudice et qui doit être indemnisée.

Ce préjudice est égal à l’indemnité d’éviction à laquelle le locataire ne pourra prétendre puisque le bail qui régit sa relation aux bailleurs est une convention d’occupation précaire.

Par référence à l’article L. 145 -14 du code de commerce, ce préjudice est égal à la valeur du fonds de commerce perdu.

La SARL [D] produit 2 évaluations de la valeur du fonds de commerce.

La première évaluation a été faite par la société d’expertise comptable Agalex le 29 février 2016. L’expert-comptable a pris en considération le chiffre d’affaire moyen pondéré des années 2008 à 2015, en précisant que selon les usages, l’activité de restauration glacier se valorise sur la base de 70 % à 150 % du chiffre d’affaires HT ou 50 % à 105 % du chiffre d’affaires TTC.

Il conclut que la valeur au 31 décembre 2015 du fonds de commerce SARL [D] est de :

*moyenne fourchette basse : 235 221 €,

*moyenne fourchette haute : 499 579 €,

*moyenne globale : 367 400 €,

cette valeur comprenant le matériel nécessaire à l’exploitation d’un montant de 31 000 €.

Monsieur [F] [L], expert-comptable du cabinet Agalex conclu qu’au 31 décembre 2015 la valeur des éléments incorporels est de 336 000 €.

La 2e évaluation de la valeur du fonds de commerce a été faite le 9 avril 2021 par Monsieur [Z] [U], expert-comptable, sur les années 2017 à 2019, les résultats l’année 2020 étant indiqués à titre d’information. Il a suivi la même méthodologie que Monsieur [F] [L].

C’est ainsi qu’il arrive à :

*une valorisation fourchette basse 276 309 € HT ou 220 584 € TTC,

*une valorisation fourchette haute 592 090 € HT ou 463 227 € TTC,

soit

*une moyenne des valorisations fourchette basse à 248 446 €,

*une moyenne des valorisations fourchette haute à 527 658 €

soit une valorisation du fonds de commerce au 31 décembre 2019 à 388 000 €.

Il valorise les éléments incorporels du fonds de commerce à la somme de 20 000 €.

Il conclut que la valeur des éléments incorporels du fonds de commerce s’élève à la somme de 368 000 €.

Ces évaluations ne sont discutées ni dans la méthode, ni dans leur calcul, par les époux [B], alors qu’elles ont été soumises contradictoirement à leur appréciation. Il n’y a donc lieu à expertise.

Cependant, ce fonds de commerce étant, dès son origine et en toute hypothèse, limité dans sa durée au 31 décembre 2028, élément qui n’a pas été pris en compte par les experts-comptables, il sera appliqué une réduction de 20 %.

Les époux [B] sont condamnés à payer à la SARL [D] la somme de 290 000 € (388 000 ‘ 20 % – 20 000).

Cette indemnisation étant la conséquence de la qualification du bail du 24 janvier 2011 en bail d’occupation précaire, et du préjudice qui en est résulté, il n’y a lieu de reporter le paiement de cette indemnité au 31 décembre 2028.

4.La SARL [D] sollicite aussi la somme de 6000 € au titre de son préjudice moral en raison du comportement déloyal et de la mauvaise foi des époux [B].

L’absence de sincérité des époux [B] a été démontré au cours des développements qui précèdent, puisque les bailleurs ont consenti à la locataire un bail commercial alors qu’ils savaient qu’un tel contrat ne pouvait pas être signé sur des locaux situés sur le domaine public maritime.

Cette faute à entraîner un préjudice moral pour la SARL [D] qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 3000 €.

5. L’équité commande de faire bénéficier la SARL [D] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux [B] qui succombent, sont condamnés aux dépens et sont déboutés de leur demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Vu l’arrêt du 28 janvier 2021 de la Cour de cassation qui a cassé partiellement l’arrêt du 2 mai 2019 de la Cour d’appel de céans,

Déclare irrecevable la demande de la SARL [D] en fixation de l’indemnité d’occupation,

Infirme le jugement du 1er octobre 2015 du tribunal de grande instance de Toulon en ce qu’il a débouté la SARL [D] de ses demandes de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne solidairement Madame [K] [N] épouse [B] et Monsieur [R] [B] à payer à la SARL [D] la somme de 290 000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte de son droit à renouvellement,

Condamne solidairement Madame [K] [N] épouse [B] et Monsieur [R] [B] à payer à la SARL [D] la somme de 3000 € au titre de son préjudice moral,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne solidairement Madame [K] [N] épouse [B] et Monsieur [R] [B] à payer à la SARL [D] et à la SCP BR Associés prise en la personne de Maître [A] [G], en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la SARL [D], la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Madame [K] [N] épouse [B] et Monsieur [R] [B] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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