Indemnité d’éviction : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11438

·

·

Indemnité d’éviction : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/11438
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

8 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/11438

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 30 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11438 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7RK

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de [Localité 11] – RG n° 21/00026

APPELANT

Monsieur [L] [K]

[Adresse 6]

[Localité 11]

comparant en personne, assisté de Me Doriane DEHU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

ETABLISSEMENT PUBLIC ILE-DE-FRANCE MOBILITES

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 7]

[Localité 9]

représenté par Me Jonathan AZOGUI de la SCP LONQUEUE – SAGALOVITSCH – EGLIE-RICHTERS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P682

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE – COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par Monsieur [S] [M], en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Valérie GEORGET, Conseillère

Madame Corinne JACQUEMIN, Conseillère

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Dans le cadre de l’aménagement d’une voie de bus en site propre « T Zen 5 » dans les villes de [Localité 20] et de [Localité 10] dont Ile-de-France Mobilités (IDFM) est le maître d’ouvrage, une enquête parcellaire a été menée du 2 au 19 décembre 2019.

Par arrêté inter-préfectoral du 16 décembre 2016, prorogé le 5 octobre 2021, le projet « TZen 5 » a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique au profit du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), désormais dénommé Ile-de-France Mobilités (IDFM), en vue de la réalisation d’une voie de bus.

Par arrêté préfectoral n°2020/3061 du 16 octobre 2020, les parcelles et droits réels nécessaires à la réalisation de la ligne de bus « T-ZEN-5 », situés sur le territoire de la commune de [Localité 20] ont été déclarés cessibles, immédiatement pour cause d’utilité publique, au profit d’IDFM.

Par courrier en date du 18 décembre 2020, l’autorité expropriante a notifié une offre d’indemnité d’éviction globale de 95 700 euros dont 88 000 euros de droit au bail.

Est notamment concerné par l’opération M. [L] [K], entrepreneur individuel, en tant que locataire des lots 2, 4, 7 et 19 de la parcelle cadastrée A n°[Cadastre 2] sise[Adresse 17]i à [Localité 20].

A défaut d’accord entre les parties, l’autorité expropriante a notifié le 4 mars 2021 à l’entreprise de M. [K] la saisine du Juge de l’expropriation afin de fixer le montant de I’indemnité d’éviction à revenir.

Une ordonnance d’expropriation en date du 7 mai 2021 a transféré la propriété des biens expropriés.

Par un jugement du 9 mai 2022, après transport sur les lieux le 1er juin 2021, le juge de l’expropriation de [Localité 11] a :

Annexé à la décision le procès-verbal de transport ;

Fixé l’indemnité totale d’éviction due par IDFM à M. [K] au titre de l’opération d’expropriation des locaux commerciaux et d’activité sis[Adresse 17]i à [Localité 20] à la somme de 21.350 euros,

Précisé que cette indemnité totale d’éviction se décompose de la manière suivante :

Indemnité pour frais de déménagement : 20.000 euros ;

Indemnité pour trouble commercial : 1.350 euros.

Débouté M. [L] [K] de toutes ses autres demandes,

Condamné IDFM à payer à M. [L] [K] de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné IDFM aux dépens ;

Rejeté toutes les autres demandes des parties.

M. [L] [K] a interjeté appel du jugement le 30 juin 2022 portant sur la fixation de l’indemnité d’éviction.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ déposées au greffe le 30 septembre 2022 par M. [L] [K], notifiées le 1er octobre 2022 (AR intimé non daté et AR CG le 10 octobre 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Réformer le jugement en tant qu’il a statue’ sur l’indemnité principale et les indemnite’s accessoires ;

Fixer l’indemnité d’e’viction de son entreprise employant neuf salarie’s, de la partie commerciale des lots n°7 et 19 de l’immeuble sis [Adresse 17] à [Localité 20], dont elle e’tait locataire à titre commercial.

A TITRE PRINCIPAL, SUR LA PERTE DU FONDS :

à la somme de 580 149 euros répartie comme suit :

Indemnite’ principale : 275 800 euros HT euros

Indemnite’ de remploi : 26 430 euros

Trouble commercial : 27 000 euros

Frais de de’me’nagement 100 877 euros HT, soit [Cadastre 2] 052 euros TTC

Frais administratif : 2000 euros

Travaux non amortis : 29 600 euros

Frais de licenciement : 58 267 euros

Troubles de toute nature et gestion de la proce’dure : 40 000 euros

Total 580 149 euros

SURSEOIR A STATUER sur les indemnite’s suivantes :

Perte sur stock : sur justificatifs ;

Le surplus des indemnite’ de licenciements, compte tenu de la date des licenciements et du temps pour libe’rer les locaux ;

A TlTRE-SUBSIDIAIRE, SI LE JUGE CONSIDERE L’ACTIVITE COMME TRANSFERABLE

Indemnité’ principale : 100 000 euros

Indemnité’ de remploi : 8 850 euros

Trouble commercial : 27 000 euros

Frais de déménagement 100 877 euros HT, soit [Cadastre 2] 052 euros TTC

Frais de réinstallation : 54 850 euros HT soit 65 820 euros TTC

Frais administratif : 2000 euros

Travaux non amortis : 29 600 euros

Frais de licenciement : surseoir pour les e’ventuels de’parts

Frais de double loyer : 7200 euros

Sur les travaux de réinstallation : 289 682 TTC

Troubles de toute nature et gestion de la procédure : 40 000 euros

Indemnité’ en raison de l’éviction ante’rieure au paiement complet : 50 000 euros

Total 741 204 euros

SURSEOIR A STATUER sur les indemnite’s suivantes :

Perte sur stock : sur justificatifs ;

Le surplus des indemnite’ de licenciements, compte tenu de la date des licenciements

En tout e’tat de cause :

Condamner IDFM au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, pour la procédure d’appel ;

Condamner IDFM aux entiers dépens.

2/ déposées au greffe le 28 mars 2023 par M. [L] [K], notifiées le 28 mars 2023 (AR Intimé le 31 mars 2023 et AR CG le 31 mars 2023), aux termes desquelles les mêmes demandes sont formulées à la cour avec une pièce nouvelle 3 RIB.

3/ déposées au greffe le 30 mars 2023 par M. [L] [K], notifiées le 31 mars 2023 (AR Intimé le 03 avril 2023 et AR CG non retourné), correspondant à une lettre du 29 mars 2023 adressée à IDFM

4/ adressées au greffe par IDFM, intimé, le 22 décembre 2022, notifiées le 23 décembre 2022 (AR appelant le 28 décembre 2022 et AR CG le 28 décembre 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Confirmer le jugement du Juge de l’Expropriation du Tribunal judiciaire de Cre’teil en date du 9 mai 2022 (RG 21/00026) dans toutes ses dispositions ;

Débouter M. [L] [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions d’appel et notamment celles relatives aux indemnités pour indemnité’ principale, remploi, trouble commercial, frais de déménagement, frais de réinstallation, frais administratif, travaux non amortis, frais de licenciement, double loyer, perte sur stock, indemnité en raison de l’éviction antérieure au paiement complet ;

Condamner M. [L] [K] à verser à IDFM une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [L] [K] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

5/ adressées au greffe par IDFM, intimé, le 5 janvier 2023, notifiées le 13 mars 2023 (AR appelant le 15 mars 2023 et AR CG le 16 mars 2023) correspondant à un mémoire de production de pièce N°2 : PV de signification de sommation de quitter les lieux.

6/ adressées au greffe le 27 décembre 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 30 janvier 2023 (AR appelant le 31 janvier 2023 et AR intimé le 1er février 2023), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Infirmer le jugement de première instance,

Fixer l’indemnité d’éviction à allouer à M. [L]’ [K] à :

Indemnité’ principale (Perte du droit au bail) : 24 403 euros,

Indemnités accessoires : 31 580 euros,

Soit un total de 55 983 euros.

EXPOSÉ DES PRÉ TENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

M. [L]’ [K] fait valoir que :

Concernant la description du bien, le bien objet du bail fait partie des lots n° 7 et 19 au sein de l’immeuble sis [Adresse 17], cadastré A n° [Cadastre 8] sur la Commune de [Localité 20].

Concernant la situation générale du bien, l’immeuble est situe’ au coeur d’un quartier mixte (habitations et entreprises) en plein essor, à proximite’ du centre-ville et ses commerces et transports en commun, en bordure de Seine (rive gauche), et à proximité’ immédiate de la Ville de [Localité 9]. Il s’agit d’un R+1 sur cave et rue. Il s’agit d’un bon emplacement tant pour des logements que pour un local commercial d’activite’s dans une ville mitoyenne de [Localité 9] en forte transformation actuelle et future. Il ressort des pièces du dossier et des photographies que les façades sont en bon état, seule une infime partie de façade au droit du bien susvisé dans le jugement était endommagée.

Concernant la description du local commercial, le lot n°19 (pour sa partie commerciale) : 71 m², Ie lot n°7 : 109,21 m², soit 180,21 m² au total. Le local commercial faisant partie des lots 7 et n°19 : dispose d’une superficie de 71 m² et 109,21 m² =de surface utile. Ils permettent de stocker une grande quantité de matériaux ne’céssaires à l’activité de Monsieur [F], et disposent de sanitaires.

Concernant la situation d’urbanisme, le bien se situe à proximite’ immédiate de la Seine et la rue [Adresse 17], dans laquelle il est situé, comporte nombre d’immeubles de logements, un commerce (Monoprix) à proximite’ et des locaux d’activite’.

Concernant la méthode d’évaluation applicable, le différentiel de loyer entre le loyer actuel et le loyer à payer qui doit être prise en compte en cas de transfert, perte du fonds en l’absence de transfert et de locaux disponibles à proximite’ : % du chiffre d’affaires moyen.

Concernant le bail et l’éviction commerciale en cas de transfert, le local commercial en rez-de-chaussée (lot n°19) et au sous-sol (lot n°7) fait l’objet d’un bail commercial comme l’indique l’autorité expropriante. Il s’agit d’un bail du 01/01/1998, pour une durée de 23 mois, en tacite prolongation depuis le 12 novembre 1999. Ce bail a été communiqué à Geofit et, en tout état de cause, un bail verbal serait suffisant à indemniser l’entreprise. Sur cette base, Geofit avait fait une proposition à hauteur de 88 000 euros sur l’indemnité principale tenant au droit au bail. Toutefois, la proposition ne mentionnait rien sur les indemnités accessoires. La réalité de l’occupation de l’entreprise de Monsieur [F] a été établie : transport, photos, expertise : la nécessité de déménager et les troubles générés sont patents. Le montant de la location annuelle est de 14.400 euros. L’expert-comptable a attesté du paiement du loyers.

Concernant les termes de comparaison pour le calcul l’indemnité de droit au bail, la moyenne issue des termes produits par l’autorité expropriante est de 131 euros/m². L’autorité expropriante évoquait l’application d’un coefficient de situation de 4 « compte tenu de l’emplacement du local proche d’une zone d’activité’», sans toutefois justifier ce point. Comme le relevait le commissaire du gouvernement dans ses conclusions, ce terme ne peut ainsi être retenu. L’application d’un coefficient ainsi dégradé et applicable aux situations les plus mauvaises, alors que précisément la situation de proximités d’une zone d’activités économiques mais également de [Localité 9] à proximité immédiate ainsi que des bords de Seine n’est pas justifiée. La situation du bien permet au contraire l’application d’un meilleur coefficient de situation. Un coefficient de 5, a minima, aurait dû être retenu. L’expertise produite retient ce coefficient (pièce n° 11). La moyenne des termes produits par le commissaire du gouvernement en première instance est de 135 euros/m² et celle de l’exproprié de 150 euros/m²/an. Un coefficient de situation de 5 peut être retenu, eu égard à la proximité’ de la Seine, de [Localité 9], et de la zone d’activités. L’indemnisation doit permettre la location d’un bien équivalent.

Concernant le calcul de l’indemnité d’éviction, il convient de distinguer deux situations, la première est celle du cas du transfert de l’activité, l’indemnité principale est accordée selon la méthode de la valeur du droit au bail. Le loyer théorique est de 27.031,50 euros, en appliquant un coefficient de 5, le loyer de 14 400 euros comprend également la partie de la parcelle [Cadastre 3] (pas d’autres loyer dans le bilan). Cependant compte tenu double loyer auquel M. [K] devra faire face et de ce que le loyer de 14 400 euros est aussi sur la parcelle [Cadastre 3], cela fait une indemnité principale de 100.000 euros.

Concernant le calcul de l’indemnité d’éviction, dans la deuxième situation en cas de perte du fonds, Monsieur [K] n’a pas trouvé à se réinstaller, à proximite’, et par ailleurs, l’autorité expropriante n’a formulé’ aucune proposition en ce sens. Le chiffre d’affaires moyen de cette entreprise étant de 788 000 euros / an, il y a lieu de retenir pour la perte du fonds de commerce compte tenu de l’activité de 35 % de 788 000 euros soit 275 800 euros.

Concernant l’indemnité de remploi, son montant varie selon que c’est l’une ou l’autre des méthodes qui est retenue.

Concernant l’indemnité pour trouble commercial, elle correspond au préjudice subi par le locataire évincé pendant la période de déménagement. Elle est estimée à trois mois d’EBE ou, à défaut, à un mois de masse salariale (salaires + charges sociales). En l’espèce, selon les documents comptables transmis, l’EBE 2019 (arrondi au millier d’euros) est de : 108 000euros. EBE = Résultat d’exploitation + dotation aux amortissements – produits exceptionnels + charges exceptionnelles. Le trouble commercial peut donc être estimé à : 108 000 euros / 4 = 27 000 euros. Le premier juge ne pouvait, comme il l’a fait et malgré le transport sur les lieux considéré qu’il n’y aurait aucun trouble commercial à indemniser.

Concernant les frais de déménagement et la charge de la preuve, tout d’abord sur la charge de la preuve, pour mémoire, en matière d’expropriation, il n’y a aucune raison de faire supporter à l’exproprié la charge de faire produire des devis en cette période compliquée et tendue, compte tenu de la pénurie de main d”uvre. Ce faisant, le juge de première instance a violé l’article 6-1 sur le droit au procès équitable de la Convention européenne des droits de l’homme, et l’article 17 de la DDHC et le protocole additionnel 1 de la convention sur le droit de propriété. Le premier juge a semblé omettre la particularité de la procédure d’expropriation. Concernant l’appréciation portée en première instance et la demande en appel, si le montant des frais de déménagement est apprécié habituellement au regard des devis produits, il est extrêmement difficile d’obtenir plusieurs devis. Il a été demandé à l’autorité expropriante de proposer une entreprise : elle a refusé. La difficulté d’obtenir un devis ayant été e’voquée dans les conclusions de première instance dès le 20 septembre 2021. Le manque de main d’ouvre depuis le covid, accru par la guerre en Ukraine est un phénomène connu. ll n’est pas admissible de faire supporter cette situation aux commerçants évincés dans le cadre d’une expropriation. La pe’riode post covid et l’absence de motif visant à faire porter cette charge sur l’exproprié nécessite de prendre en compte ce devis. Le transport sur les lieux a montré le volume de matériel en stock, qui ne saurait être nie’. Pour rappel, deux types de devis sont produits, l’un porte sur le déménagement d’une part, et, l’autre sur la réinstallation dans un autre local. La moyenne des deux devis est de 108.877 euros HT soit [Cadastre 2].052 euros TTC.

Concernant les frais de réinstallation (aménagements simples) l’éviction du site génère pour le local d’activités, l’obligation de déménager, puis de réinstaller dans les nouveaux locaux l’ensemble des meubles et matériels dont notamment les racks. L’entreprise est dans les lieux depuis 1998 et il s’agit d’une entreprise de BTP : le volume est conséquent. Là encore, le commerçant évincé rappelle la difficulté de faire venir des entreprises pour des devis. La moyenne est de 54 850 euros HT soit 65 820 euros TTC.

Concernant les travaux de réinstallation, Monsieur [F] n’a pas trouvé de locaux disponibles d’un seul tenant et à proximité, il a dû envisager deux lieux, pour un montant total de 289.682 euros TTC.

Concernant la perte des stocks, la société locataire peut prétendre être indemnisée du préjudice subi par la perte sur les produits proposés à la vente.

Concernant les frais administratifs et frais d’imprimerie divers, ces frais correspondent aux frais administratifs et juridiques générés par la fermeture du local (publicité, modifications administratives, etc.) L’entreprise est installée dans ces locaux depuis 1998 : il est évident que tous Ies fournisseurs, les clients récurrents savent que l’entreprise est en réalité’ située dans ces locaux, sans s’intéresser au siège social mentionne’. lls sont le plus souvent estimés pour un tel bien, aux alentours de 2 000 euros. La position du jugement est quelque peu de’concertante par son manque de réalisme face à l’entreprise installe’e depuis près de 25 ans et expropriée, précisément parce que son local est bien situe’ (axe, bord de Seine, proximité de [Localité 9], etc…).

Concernant les indemnités de licenciement, l’entreprise fait travailler entre 6 et 9 personnes, comme en attestent l’expertise et les charges salariales. Il convient de surseoir à statuer sur cette question.

Concernant les travaux et aménagements non amortis, il y a lieu de retenir une indemnite’ à ce titre, lorsque le transfert d’activité ne permet pas à l’exploitant d’amortir normalement des investissements. Selon le bilan 2021, le montant des travaux non amortis est de 29 966 euros.

Concernant l’indemnité de double loyer, le transfert de locaux peut ne pas être de type « bord à bord », en sorte que les évincés doivent alors acquitter un double loyer entre le moment où il ferme le précédent local et celui où il ouvre le nouveau. Cette réalité’ ne peut être nie’e : il va de soi que l’emménagement et l’installation ne peuvent intervenir en un instant de raison après le déménagement. Il convient d’allouer 6 mois de loyer à ce titre soit : 7 200 euros.

Concernant la re’paration du pre’judice d’une prise de possession antérieure au paiement du prix, le fait de prendre possession sur un prix non juste (et pre’alable) est un pre’judice re’parable. L’indemnité lie’e à la prise de possession ante’rieure au paiement du prix est de 50 000 euros.

Concernant les troubles ge’ne’re’s par l’expropriation / l’e’viction dans les conditions d’existence de l’e’vince’ et le temps consacre’, le tribunal a violé les dispositions de l’article L. 321-1 du code de l’expropriation. L’expropriation génère des troubles dans les conditions d’existence des personnes morales et physiques, et ne’cessite’ de consacrer du temps et ce encore plus lorsque la charge de la preuve incombe à l’exproprié et que le premier juge exige d’un entrepreneur de BTP qu’il se comporte comme le ferait un juriste averti (devis, conformite’ des baux, gestion telle une entreprise du cac 40, recherches, termes de re’fe’rence avec les nume’ros de publication, relogement et ou licenciement etc)… sans tenir compte de la re’alite’ de l’expropriation. ll ne saurait ê’tre se’rieusement conteste’ qu’une proce’dure d’expropriation a une incidence certaine en termes, de gestion et de perte de temps non indemnise’ ; Or, ce pre’judice qui est re’el doit être indemnise’. Ce sont nombre de chantiers qui ne seront pas ge’re’s ; nombre de devis qui ne seront pas re’alise’s ; nombre d’heures sacrifie’es pour la gestion de cette proce’dure. En outre, sur le pre’judice moral, le juge de l’expropriation est la seule juridiction française à ne pas reconnaître le pre’judice moral. La Cour Europe’enne des droits de l’homme, n’exclut pas la re’paration du pre’judice moral. Non seulement, il est connu de tous les Conseils spe’cialise’s en droit de l’expropriation que la valorisation est moindre que celle du marche’ en expropriation, les seules re’fe’rences produites en attestent, mais au surplus, la douleur est elle-même nie’e et le coût de gestion e’galement. Il est pour le moins, incompréhensible pour un non initie’ et quoiqu’il en soit choquant pour un initie’ de voir que cette e’nergie perdue dans le cadre de cette privation brutale, n’est ni valorise’e ni indemnisée. Inde’pendamment du pre’judice moral, ce temps consacre’ sans aucun motif, encore une fois, l’exproprié subit l’expropriation, devra être indemnise’ à hauteur de 40 000 euros.

Concernant l’article 700 du code de procédure civile, Monsieur [K] sollicite le remboursement de ses frais à hauteur de 10 000 euros, pour la proce’dure d’appel.

M. [L]’ [K] fait valoir dans un second jeu de conclusions que :

Concernant la réalité du bail commercial, le commissaire du gouvernement précise que, le bail s’étant poursuivi, peu importe les termes du bail. Le bail a été produit 3 fois, alors même que le commissaire du gouvernement déclare qu’il n’avait pas été produit en première instance. L’autorité expropriante fait grief à M. [K] d’avoir mentionné son adresse personnelle d’habitation pour son siège social, ce qui pour l’entrepreneur reste classique, cet argument n’est pas sérieux.

Concernant les frais de déménagement, les deux devis produits ne peuvent pas être écartés. Les conclusions de l’autorité expropriante demandent à fixer à 13 euros/m3, soit la valeur la plus basse n’est pas justifiée, alors que l’encombrement du local est avéré et il n’y a pas de « vide » le volume est entier. Ce prix injustifié par IDFM n’inclut nullement le déballage et la réinstallation en rayon qui et toujours une prestation en sus.

Concernant les frais de réinstallation, les étagères ne peuvent être déménagées, de nouveaux racks doivent être installés. Ces aménagements sont en sus du déménagement et doivent être indemnisés. De jurisprudence constante les frais de réinstallation sont dus et sans abattement pour vétusté de l’ancienne installation. (Cass. Civ 3, 29 juin 2022, n°21-15.741).

IDFM rétorque que :

Concernant les caractéristiques physiques et juridiques du bien exproprié, la parcelle originelle supportant la copropriété cadastrée section A n°[Cadastre 8] était d’une superficie de 450 m². Dans le cadre de l’arrêté de cessibilité (Pièce n°1), la parcelle a fait l’objet d’une division cadastrale le 24 juillet 2020 en parcelles A n°[Cadastre 2] /A n°[Cadastre 3]. La parcelle A n°[Cadastre 2] expropriée est d’une superficie de 236 m² en forme de rectangle. Ce terrain est actuellement occupé par un ensemble immobilier en copropriété en R+2 sur cave. Il est à usage de logement et d’activité. L’ensemble est composé d’un bâtiment principal divisé en deux ailes avec des accès distincts. Le bâtiment et les parties communes nécessitent des travaux importants de rafraichissement comme le reconnaît l’exproprié. Après transport sur les lieux, il a été acté que les parties communes étaient en très mauvais état. Dans son procès-verbal de transport sur les lieux, le premier juge a retenu que la façade de l’immeuble est dans un état médiocre d’entretien. En appel, l’exproprié sollicite d’écarter sans fondement cette description qui résulte pourtant d’une constatation formelle du premier juge reproduite dans une décision de justice. Quant au constat d’huissier produit en cause d’appel et datant du 19 juillet 2022, il est postérieur d’une année après la date d’appréciation de la consistance des biens au 7 mai 2021 (Pièce n°1). En tout état de cause, le constat d’huissier produit par la partie adverse permet d’attester que les biens ne sont pas en bon état.

Concernant le local commercial, il se situe au rez-de-chaussée, [Adresse 17]. Les lots 19 et 7 correspondent à un local d’activité au rez-de-chaussée et au sous-sol du bâtiment pour une superficie de 180,21 m². Le bien est en mauvais état comme il a pu être dûment constaté lors du transport. A l’origine, il s’agissait d’un bar, mais il a été transformé et sert à présent de lieu de stockage pour la société en nom personnel, M. [L] [K] ayant une activité’ de construction et de rénovation immobilière. Ce local n’a pas d’aménagement particulier, il ne sert que pour du stockage avec une partie en sous-sol. La Cour constatera que les parties sont d’accord sur l’ensemble des surfaces à prendre en compte.

Concernant la date de référence, les biens expropriés sont estimés à la date de la décision de première instance et leur consistance appréciée à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété conformément à l’article L. 322-1 du code de l’expropriation, sachant toutefois que seul est pris en considération leur usage effectif à la date de référence. L’ordonnance d’expropriation a été édictée le 7 mai 2021 (Pièce n°1). Par conséquent, le Jugement doit être confirmé en tant qu’il indiqué que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, la consistance des biens étant arrêtée à la date d’édiction de l’ordonnance d’expropriation ou à la date du jugement si l’ordonnance n’est pas encore intervenue. En vertu des dispositions de l’article L.322-2 du code de l’expropriation, la date de référence se situe, en principe, un an avant l’ouverture de l’enquête publique. Cette règle est néanmoins assortie d’un certain nombre d’exceptions parmi lesquelles figure l’hypothèse de l’expropriation d’un bien situé dans une zone où s’applique le droit de préemption conformément à l’article L. 213-6 du code de l’urbanisme. En effet dans cette hypothèse, l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme prévoit que la date de référence prévue à l’article L. 322-2 du code de l’expropriation est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien. Le droit de préemption urbain ayant été instauré sur l’ensemble dues zones urbaines et à urbaniser du territoire de [Localité 20], il convient donc de se référer au dernier document opposable aux tiers, soit le plan local d’urbanisme révisé par une délibération du conseil de territoire de l’EPT Grand [Localité 14] Seine Bièvre le 15 décembre 2020, affichée en Préfecture le 22 de’cembre 2020. La date de référence est donc celle du 22 décembre 2020 et doit être confirmée.

Concernant la situation d’urbanisme, le bien exproprié est situé en zone UFi du PLU révisé le 15 décembre 2020. La zone UFi est une zone d’activités économiques avec de très nombreuses restrictions comme les activités commerciales ou la création de logements qui en sont exclues. Seul un tènement industriel peut être édifié. Elle est également comprise en zone inondable (couverte par un Plan de prévention des risques d’inondation) ce qui limite fortement sa constructibilité. La parcelle se situe en effet en zone violet foncé face à une zone rouge qui constitue la zone la plus à risque, à l’exception de la zone rouge bordant la Seine, soit la zone en « aléas forts et très forts ».

Concernant la situation locative, le local professionnel (lots 7 et 19) est loué à la suite d’un bail commercial de 1998 à la société Maison Peinte devenue société en nom personnel M. [L] [K]. Ce local n’est pas enregistré au RCS ni comme siège social ni comme e’tablissement secondaire. Lors de la campagne de réévaluation des valeurs locatives des locaux professionnels en 2013, il a été déclaré un loyer de 4 189 euros/an. ll est désormais allégué un loyer de 14 400 euros. Cette société a une activité qui correspond au code APE 4120A construction de maisons individuelles. Concernant le local commercial, le bail est désormais produit en cause d’appel (Pièce adverse n°4) mais il sera aisément vérifié que celui-ci signe le 18 janvier 1998 ne produit plus aucun effet conformément à son article 1° qui indique que ce bail précaire ne peut en aucun cas être prorogé ni même par tacite reconduction. Aucun loyer n’est mentionné dans le bail. La Cour pourra ainsi constater qu’il s’agit d’une occupation de fait et sans aucun titre par le gérant de la SCI OPERA, M. [K].

Concernant l’indemnité principale, elle est classiquement calculée d’après la valeur du fonds de commerce ou la valeur du droit au bail. En l’espèce, il n’est pas contesté que le local loué par M. [L] [K] est un lieu de stockage annexe pour sa société. Partant, son indemnité principale devra donc être calculée selon la méthode de la valeur du droit au bail car il ne subira aucun préjudice lié à une perte de clientèle mais uniquement un préjudice lié à la prise d’un nouveau bail qui pourrait s’avérer d’un montant plus élevé. Par ailleurs, il convient de rappeler que M. [L] [K] est également le gérant de la SCI OPERA, propriétaire des murs, dont la procédure de fixation judiciaire pour l’indemnité de dépossession est pendante devant la Cour. En appel, M. [K] sollicite étonnamment à titre principal une indemnisation selon la perte d’un fonds de commerce. Celui-ci est évidemment inexistant pour les raisons ci-avant exposés et il suffit d’ailleurs d’observer les écritures de l’appelant pour s’en convaincre. II soutient finalement dans le corps de ses écritures cette demande uniquement à titre subsidiaire sans jamais la justifier, produisant un dernier exercice comptable de l’année 2019 qui concerne son siège social. Il sera évidemment rappelé que le litige concerne l’e’viction d’un local de stockage, sans aucun bail, sans immatriculation au RCS comme établissement secondaire. En tout état de cause, la seule production adverse n°24 qui fait état d’un nouveau bail conclu par M. [K] démontre à lui seul l’argumentation erronée dès lors que nonobstant l’absence de tout fonds de commerce, M. [K] a transféré son local de stockage et continue son activite’ comme il l’indique dans ses écritures. En cause d’appel, il est produit un bail précaire (non soumis au statut des baux commerciaux), datant de 1998 qui est aujourd’hui échu des lors que les dispositions de l’article l’interdisaient explicitement toute prorogation même tacite. La Cour constatera ainsi qu’il n’y a aucun préjudice à indemniser dès lors qu’il n’y a aucun titre reliant la SCI OPERA et M. [K]. Ce dernier occupe simplement ce bien en tant que propriétaire, sans qu’aucun contrat de location ne le lie à sa société. Il ne saurait ainsi être indemnisé M. [K] sans bail, sauf à conduire à un enrichissement sans cause. Il n’y a donc aucun préjudice à indemniser dans le cadre d’une éviction. En conséquence, l’indemnité principale doit être fixée à la somme de 0 euros, en l’absence d’un bail et d’une preuve de versement d’un loyer. A titre extraordinaire et purement subsidiaire, si le Juge de l’Expropriation devait se fonder sur un loyer, dont on ne connaît pas le montant de manière certaine et dont il n’est pas prouvé qu’il soit versé, il pourrait être effectué le raisonnement suivant : le loyer annuel prétendument payé par M. [L] [K] est de 14 400 euros. Compte tenu de la superficie de 180,21 m², le loyer métrique est le suivant : 14 400 euros / 180,21 m² = 80 euros/m²/an/HC/HT. Il ressort des 4 termes de comparaison produits par IDFM des valeurs entre 80 et 150 euros/m²/an. ll peut être raisonnablement retenu une valeur de 120 euros/m²/an proche de la moyenne. Le loyer de marché peut donc être calculé ainsi : 180,21 m² x 120 euros/m²/an/HT/HC = 21 625,20 euros, soit un différentiel de loyer avec celui actuellement payé par M. [L] [K] de : 21.625,20euros – 14.400euros = 7.225,20euros. Il est fait application d’un coefficient de situation ou d’emplacement qui rend compte de la re’alite économique : en l’espèce, il sera retenu un coefficient de situation de 4 compte tenu de l’emplacement du local proche d’une zone d’activité.

Concernant les termes de comparaison, en cause d’appel, il sera constaté l’absence de toute critique contre les termes d’IDFM qui pourront donc être retenus. Par ailleurs, il sera aisément écarté les quatre termes de comparaison produits par M. [L] [F] pour 150 euros/m²/an dès lors qu’il s’agit manifestement d’entrepôts de très grande superficie (moyenne de 435,5 m²) alors qu’IDFM produit des références pour une surface moyenne de 184.75 m², soit 4 m² de différence exactement avec le local analysé. La Cour pourra ainsi écarter ces termes et prioritairement les références 1, 3 et 4 avec des surfaces de 664 m², 400 m² et 411m². Quant au coefficient de 5 retenu, il n’est justifié par strictement aucun élément. Tout d’abord, il sera rappelé qu’un coefficient jugé comme bon pour un fonds de commerce varie entre 4,5 et 5,5 comme l’a rappelé récemment la Cour d’appel de Versailles (Cour d’appel de Versailles, 4e ch. expropriations, 8 octobre 2019, n° 18/05993). Par ailleurs, lorsqu’aucun fonds de commerce n’est exploité, il n’y a aucun bénéfice à percevoir d’un emplacement. La Cour d’appel de Versailles l’a elle-même rappelée en ces termes pour une éviction. Partant, le locataire ne tire aucun bénéfice de l’emplacement de son local dès lors qu’il sert uniquement à du stockage, qu’il ne constitue pas l’emplacement d’un fonds de commerce ni même d’une adresse de représentation de son activite’. Sa situation en face de Seine ne lui confère strictement aucune plus-value à la location, bien au contraire, dès lors qu’il est manifestement excentré. Un coefficient élevé de 4 sera maintenu. Il sera d’ailleurs relevé l’absence de toute justification de la somme de 100 000 euros réclamée par le locataire puisqu’il calcule lui-même une indemnite’ pour valeur du droit au bail de 63 157 euros (valeur prétendue de marche de 27 031 euros avec coefficient 5), pour l’arrondir sans aucun fondement à 100 000 euros.

Concernant la demande du Commissaire du gouvernement en première instance de fixer cette l’indemnité forfaitairement à un an de loyer, IDFM s’en remet à l’appréciation de la Cour.

Concernant les indemnités accessoires, l’indemnité de remploi, elle doit être fixée à la somme de 0 euros ou subsidiairement 1 740 euros si, par extraordinaire, il serait pris en compte ce bail échu (non soumis au statut des baux commerciaux et dont aucun montant de loyer n’est pourtant versé).

Concernant l’indemnité pour trouble commercial qui vise à réparer la perte de bénéfice pendant l’interruption temporaire d’activité correspondant au transfert. Selon les usages et les professions, il convient généralement de retenir 3 mois de bénéfices déclarés à l’administration fiscale ou 15 jours de chiffres d’affaires HT ou 1,5 mois de salaires avec charges. Le premier juge a aisément écarté cette demande dès lors qu’aucun document n’était communiqué en première instance. Le bien exproprié ne constitue pas le siège social de M. [K] mais uniquement un lieu de stockage de son matériel. Le siège social de son activite’ se situe à [Localité 11]. Ainsi, il n’existe ni bail, ni fonds de commerce, ni exploitation du local commercial, ni immatriculation au RCS pour cette adresse, tout au plus un simple lieu de stockage pour une activite’ située à [Localité 11], [Adresse 6]. Il est inexistant au regard de la situation professionnelle de l’exproprié. Ce dernier peut donc continuer librement son activité’ dès lors qu’il s’agit d’une simple annexe à son activité’ qui s’exerce à l’extérieur de ce local (peinture et construction). L’activité de M. [K] ne s’arrêtera jamais du fait de cette éviction. Le Juge de l’Expropriation de Nanterre a par exemple déjà retenu un ratio de 20% pour ce poste d’indemnité lorsque l’activité touchée par l’éviction ne représente que 20% de l’activité totale » (TJ Nanterre, 17juillet 2020, RG N°20/00003). En cause d’appel l’exproprié produit des liasses fiscales (2017 à 2019). L’exproprié est particulièrement silencieux et n’évoque jamais cette problématique. Au surplus, de manière étonnante, il n’est pas fourni les liasses fiscales pour l’exercice 2020 ou 2021, y compris en cause d’appel les trois bilans fournis pour 2017, 2018 et 2019 sont tronqués et ne comportent pas toutes les pages. Contrairement à ce qu’indique l’exproprié, aucun élément des liasses fiscales ne fait ressortir un EBE pour 108 000 euros. Si ce montant devait être pris en compte, la Cour ne manquera pas d’appliquer le coefficient d’abattement dès lors que l’entreprise de M. [K] continuera à fonctionner normalement puisqu’elle ne se situe pas dans les lieux expropriés mais à [Localité 11]. Le siège social et unique établissement de cette société’. Compte tenu des nombreuses lacunes de ces documents, du fait que l’exproprié refuse de produire ses bilans pour les années 2020 et 2021, qu’il n’existe aucun bail, ni fonds de commerce, ni immatriculation de ce local au RCS, la Cour pourra faire une juste appréciation en allouant 5% du montant allégué par l’exproprie pour couvrir Ie simple manque à gagner le temps du déménagement et le préjudice du au transfert (uniquement le temps de déménagement) soit : (108 000 euros/4) x 5% = 1350 euros, soit un total de l’indemnité pour trouble commercial : 1 350 euros.

Concernant l’indemnité pour frais de déménagement, pour calculer ce chef de préjudice, il convient généralement de produire au moins deux devis. M. [K] en produit désormais plusieurs pour une demande globale de 100 877 euros HT.

Concernant l’allégation selon laquelle l’expert aurait validé ce montant dans son rapport, d’une part, c’est parfaitement inexact, il ne le mentionne pas, d’autre part, cela n’aurait aucune incidence dès lors qu’il est uniquement sollicité un devis réaliste de la part d’un tiers. En l’absence de plusieurs devis nécessaire en matière d’expropriation afin de s’assurer de la sincérité du tiers rédacteur, une juste appréciation du volume des biens lors du transport sur les lieux est nécessaire. Sur le premier devis établi le 7/10/2020 par l’entreprise DEMECO. Il convient de s’apercevoir que ce devis est particulièrement insincère et rehaussé à dessein dès lors qu’il est mentionné le volume de déménagement pour » pour ce montant. La Cour constatera ainsi que le prix au mètre cube s’élève donc à 86 euros HT ou 103 euros TTC. Il est constant que le prix moyen d’un déménagement oscille entre 15/m /TTC à 50/m /TTC en lle-de-France pour une distance de moins de 50 kilomètres. Sur le deuxième devis établi par Maison Peinte, le document produit émanant de la société MAISON PEINTE, c’est-à-dire de M [K] lui-même ne retiendra évidemment pas le Tribunal dès lors qu’il ne peut être confectionné de preuve pour soi-même. Sur le troisième devis établi par Déménageurs Bretons le 9/6/2022, ce devis semble plus réaliste, il est indiqué un volume de 1 050 m pour un montant total de 92 000 euros HT. Sur le quatrième devis établi par DEMECO le 9/6/2022, ce devis semble également plus réaliste, il est indiqué un volume de 1 050 m pour un montant total de 89 000 euros HT. Dès lors qu’il s’agit d’un déménagement d’un simple local de stockage, un juste prix de 15/m /TTC sera retenu, soit15euros/m ITTC x 1 320 m = 19 800 euros arrondis à 20 000 euros. Subsidiairement, il sera retenu le devis le plus récent et le mieux disant (il n’y a pas de raison d’établir une moyenne) pour le déménagement, c’est-à-dire celui de l’entreprise DEMECO pour 89 000 euros. Ainsi, l’indemnité pour frais de déménagement telle qu’elle avait été fixée par le premier juge à la somme de 20.000 euros doit être confirmée.

Concernant l’indemnité pour réinstallation dans un nouveau local, compte tenu de l’état de la coque brute en très mauvais état, aucune réparation ne sera admise pour ce type de demande dès lors que M. [K] tirera nécessairement un bénéfice dans l’installation d’un nouveau local qui comportera agencement, peinture aux murs etc. Il est donc manifestement impossible de subir un préjudice pour la réinstallation dans un local ayant une vocation unique de stockage alors que celui actuellement occupé ne dispose d’aucun agencement. Il est avancé un chiffre de 54 850 euros HT en produisant deux devis totalement lacunaires qui indiqueraient que la fourniture de 50 éléments rack de stockage comprendrait un prix de 59 000 euros HT ou encore un second devis qui ne mentionne tout simplement aucun élément livrable. En réalité, il s’agit de deux simples devis de déménagement des déménageurs DEMECO et Déménageurs Bretons. La Cour constatera que l’exproprié fait une nouvelle fois défaut dans la preuve de ses prétentions dès lors qu’il n’explicite jamais les raisons qui conduiraient à l’indemniser d’un montant de 54 850 euros HT pour simplement entreposer des matériaux. Ce dernier reconnaissant explicitement qu’il n’y a aucun travail à effectuer. Seule une indemnité’ pour déménagement visant à déplacer du matériel constitue un préjudice réel et certain. L’indemnité pour réinstallation doit être fixée à la somme de 0 euros.

Concernant l’indemnité sur les travaux de réinstallation, ce chef de préjudice n’est pas expliqué et il est impossible de comprendre les prétentions de l’exproprié. Il sollicite un montant de 289 682 euros TTC pour travaux de réinstallation, qui font double emploi avec le poste précèdent, sans aucune explication. Ce dernier produit étonnamment deux factures confectionnées et émises par lui-même (Maison Peinte) du 24 juin 2022 pour « la construction d’un entrepôt sur le terrain sur cour sis au [Adresse 17] » (sur un terrain en copropriété qui ne lui appartient donc pas) et dont on ne saisit pas la pertinence. L’indemnité sur les travaux de réinstallation doit être fixée à la somme de 0 euros.

Concernant l’indemnité pour perte sur stock, la partie adverse sollicite une indemnité pour perte sur stock et demande à cet effet un sursis à statuer. Compte tenu du fait que la société [K] continue aujourd’hui encore son activité’ tant qu’IDFM n’a pas pris possession (IDFM a payé l’indemnité au 31 août 2022 mais M. [K] refuse tout départ des lieux), il est effectivement impossible de statuer sur le montant d’une telle indemnité. Il y a  lieu de retenir une indemnité à ce titre lorsque la cessation d’activité oblige l’exploitant à liquider ses stocks dans des conditions préjudiciables. Lorsqu’il s’agit d’un stock non périssable comme en l’espèce, ce n’est évidemment pas le cas. M. [K] a une « activité’ de construction et rénovation immobilière ». On ne saisit pas ainsi quels prétendus stocks seraient voués à disparaître. Cette demande est ainsi manifestement contraire aux dispositions de l’article L. 321-1 du code de l’expropriation car il s’agit d’un préjudice purement et simplement inexistant. M. [K] n’apporte aucun élément destiné à indiquer les éléments qui seraient à indemniser. La Cour d’appel de Paris rappelle à ce titre qu’en « l’absence d’éléments chiffres sur le quantum, tel que par procès-verbal d’Huissier, il n’appartient pas à la cour de pallier à la carence de M. [X] dans l’administration de la preuve. La demande d’indemnisation pour perte sur stocks sera rejetée » (CA Paris, Expro, 5 novembre 2020, RG N°19/09337). Dans ses conclusions d’appelant, l’exproprié n’explique, ni n’a jamais allégué qu’il existerait une possibilité de perdre des produits proposés à la vente. Cette indemnité doit être fixée à la somme de 0 euros.

Concernant l’indemnité pour frais administratifs et frais d’imprimerie divers, M. [K] sollicite étonnamment une somme de 2 000 euros arguant qu’elle correspondrait aux frais administratifs et juridiques générés par la fermeture du local (publicité, modifications administratives, etc…). Il convient de constater que ce poste de préjudice n’est ni fondé dans son principe ni dans son quantum. Aucun document ni devis n’est produit. Cette demande est purement inopérante dès lors que l’éviction ne concerne pas le siège social de l’entreprise qui est domiciliée à [Localité 11]. On ne saisit ainsi pas quelles sont les prétendues formalités à effectuer dès lors que le RCS n’a aucune connaissance de l’activité de M. [K] pour le bien objet de l’e’viction. Il convient au surplus de noter que le local objet de l’éviction ne constitue pas même un établissement secondaire. Il n’apporte encore une fois aucun document à l’appui de ses allégations. Cette demande doit être écartée.

Concernant l’indemnité pour frais de licenciement, le juge ne peut indemniser un préjudice incertain ou éventuel conformément à l’article L. 321-1 du code de l’expropriation. Le juge peut surseoir à statuer sur cette demande afin que le préjudice devienne certain et définitif, afin de constater l’éventuel licenciement des seuls salariés impactés par cette éviction (CA Versailles, Ch., 22 mars 2016, n° 14/03685 – CA Versailles, 4e’”‘e Ch., 24 octobre 2017, n°15/01582 – TGI Paris, 4 mai 2017, n°16/00310 : Pièce n°9 adverse). La société [K] ne pourra procéder à aucun licenciement dès lors que l’activité va continuer. De plus, il n’était justifié ni bulletin de salaire ni contrat de travail en première instance. L’allégation selon laquelle l’entreprise ferait travailler 9 personnes est encore une fois incantatoire. Il résulte des éléments fournis qu’il n’existe que deux CDI, sous réserve, que les salariés soient encore dans l’entreprise. Cette demande ne repose une nouvelle fois sur aucun caractère réel et certain.

Concernant l’indemnité pour travaux et aménagement non amortis, elle est sollicitée pour un montant de 29 600 euros qui correspondrait à l’amortissement de travaux ou d’investissements. ll sera relevé qu’aucun document n’est produit. Aucune date à laquelle ces amortissements sont calculés n’est communiquée. Comme pour les demandes précédentes, la Cour écartera aisément cette demande des lors que le local ne comprend aucun agencement ni bien destiné à être amorti fiscalement. Désormais, le montant des travaux non amortis serait prétendument justifié d’après le bilan 2019. D’une part, ce chiffre n’apparaît nulle part. D’autre part, il ne fait aucun doute que trois années après la fin de cet exercice, soit à la date de l’évaluation des biens au jour du jugement, ces prétendus travaux auront été plus qu’amortis. Cette demande doit être écartée.

Concernant l’indemnité pour double loyer, il convient de rappeler que le barème classiquement proposé par les chambres d’expropriation est de deux mois de double loyer sauf démonstration d’une nécessité d’obtenir un délai supérieur. Il sera fait classiquement une juste appréciation du double loyer à payer par M. [K] en l’indemnisant de deux mois de son loyer actuel. Dès lors qu’aucun bail en cours n’est produit, ni preuve d’un loyer ou de son versement, ce poste de préjudice doit être écarté.

Concernant l’indemnité pour « réparation du préjudice d’une prise de possession antérieure au paiement complet du prix ». Il est impossible de comprendre le fondement de cette demande sauf à interpréter l’argumentation de l’exproprié selon laquelle elle s’érigerait contre la volonté du législateur qui a précisé que les jugements rendus par les juridictions d’expropriation n’étaient pas suspensifs et que l’expropriant pouvait prendre possession des biens dans le délai d’un mois après le paiement de l’indemnité conformément aux articles L. 231-1 et R. 311-25 du code de l’expropriation. La jurisprudence citée par le Conseil Constitutionnel est parfaitement inopérante car elle concerne les hypothèses où l’exproprié subit un préjudice effectif après fixation d’une indemnité’ plus élevée par la Cour, après prise de possession. Ce préjudice, éventuellement subi, n’est pas réparable par la Cour qui statue sur le montant de l’indemnité fixée par le premier Juge. Ces affirmations sont particulièrement fallacieuses car l’exproprié refuse obstinément de quitter les lieux nonobstant le paiement intégral de l’indemnité de première instance par IDFM. Nonobstant le paiement intégral des indemnite’s d’occupation, IDFM n’a toujours pas pris possession des biens expropriés compte tenu du refus manifeste de l’exproprié de quitter les lieux. Concernant le total de l’indemnité pour « réparation du préjudice d’une prise de possession antérieure au paiement complet du prix » : non fondé.

Concernant l’indemnité pour « troubles générés par l’expropriation / l’éviction dans les conditions d’existence de l’évincé et le temps consacré » L’exproprié sollicite une indemnité de 40 000 euros pour trouble dans les conditions de l’existence en raison essentiellement des contacts, du temps et de l’énergie engagés dans ce dossier, sans toutefois jamais prouver la moindre de ses allégations. D’une part, il sera relevé que la plupart des demandes de l’exproprié relèvent essentiellement des frais de défense, qui ne sont pas en lien direct avec l’expropriation, mais indemnisés dans le cadre des dépens ou des frais non compris dans les dépens par les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. D’autre part et en tout état de cause, le Conseil constitutionnel a jugé que l’exclusion de la réparation du préjudice moral par le Juge de l’expropriation était conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution (CC, 21 janvier 2011, n°2010-87 QPC). Cette demande sera donc jugée irrecevable et n’a rien de choquante dès lors que l’ensemble des préjudices matériels sont déjà pris en compte dans les indemnités allouées, comme le rappelle le Conseil constitutionnel : En tout état de cause, l’exproprié ne produit devant la Cour aucun élément pour définir tant le principe que le quantum de ce préjudice allégué. Cette demande doit être écartée.

Concernant l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, IDFM, qui n’est manifestement n’est pas la partie perdante dans cette instance, ayant été contraint d’exposer des frais pour sa défense en cause d’appel, est bien fondé à solliciter la condamnation de l’exproprié à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux entiers dépens de l’instance d’appel. Concernant la demande de 10 000 euros pour la procédure d’appel sollicitée par l’exproprié, ces éléments ne feront que renforcer la conviction de la Cour sur le caractère déraisonnable de l’ensemble des demandes de l’exproprié.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description du bien exproprié, la parcelle cadastre’e A, n°[Cadastre 2], seule, concerne’e par l’expropriation, re’sulte d’une division parcellaire intervenue le 24 juillet 2020. La parcelle mère, cadastre’e A n°[Cadastre 8] à [Localité 20], a fait en effet l’objet d’une division en deux nouvelles parcelles, (A n°[Cadastre 2] et A n°[Cadastre 3]). La parcelle A n°[Cadastre 2] objet de l’emprise présente configuration sensiblement rectangulaire, pour une surface de 236 m². Le bâti – ensemble en copropriété’ – est divise’ en deux ailes et dispose de deux accès distincts : l’un depuis l’immeuble R 2 situe’ [Adresse 4], l’autre’ sur une cour au [Adresse 17] (R + 1). Situe’ dans la partie Nord de [Localité 20], près de la limite d'[Localité 13], au sein d’une zone à dominante et à proximité’ imme’diate de la Seine, il est en façade sur un axe fre’quente’ ([Adresse 12]). Il est d’usage mixte de logements et d’activité.

Concernant la situation locative, les deux lots concerne’s sont occupe’s par M. [L]’ [K], enregistre’ en tant qu’entrepreneur individuel au RCS de Cre’teil sous le nume’ro 348 843 483 depuis le 06/12/1988, pour une activite’ de construction et de re’novation immobilière avec un code-APE 4120A « construction de maisons individuelles ». Selon la pièce produite en première instance, un contrat de location dérogatoire a e’te’ conclu le 01/01/1998 entre le propriétaire et l’occupant relativement à ce local,pour une dure’e de 23 mois. Manifestement, depuis cette date, l’occupant a e’te’ maintenu dans les lieux. Or, selon l’article L145-5 du code du commerce dans sa rédaction applicable à la date de l’ordonnance d’expropriation, « les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la dure’e totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l’expiration de cette dure’e, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du pre’sent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. Si à l’expiration de cette dure’e et au plus tard à l’issue d’un de’lai d’un mois à compter de l’e’che’ance le preneur reste et est laisse’ en possession. Il s’opère un nouveau bail dont l’effet est re’gle’ par les dispositions du présent chapitre ». Le bail affectant le lot 19 et 7 est donc un bail commercial. A défaut de fourniture par 1’e’vince’ de quittances, une attestation délivrée par l’expert comptable de l’entreprise individuelle atteste, pour ce local, le versement d’un loyer annuel de 14.400 euros HT au profit de la SCI OPERA proprie’taire, soit un loyer unitaire de 80 euros/m² HT. Le rapport d’expertise fournit par la partie exproprie’e elle-même diverge quant au montant du loyer paye’ par le locataire pour ce local, puisqu’il y est en effet indique’ un loyer annuel de 4 189 euros/annuels (au lieu des 14.400 euros/an atteste’s par le comptable.

Concernant la date de référence, en vertu de l’article L 322-2 du code l’expropriation « les biens sont estime’s à la date de la de’cision de première instance ; toutefois et sous réserve de l’application des dispositions des articles L 322-3, L 322-6, sera seul pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits re’els immobiliers et ce avant l’ouverture de l’enquête pre’vue à l’article L 1 ou, dans le cas pre’vu à l’article L [Cadastre 3]-4, un an avant la de’claration d’utilite’ publique. » Toutefois, l’article L 213-6 du Code de l’urbanisme pre’cise que « lorsqu’un bien soumis au droit de pre’emption fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilite’ publique, la date de re’fe’rence pre’vue 5 l’article L 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilite’ publique est celle pre’vue à l’article L 213- 4 », soit la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus re’cent des actes rendant public, approuvant, re’visant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situe’ le bien ». En l’espèce les biens objet de la pre’sente proce’dure sont soumis au droit de pre’emption urbain. Le PLU de [Localité 20] vu pour approbation en Conseil Territorial de l’EPT Grand-[Localité 14] Seine Bièvre le 15 décembre 2020 et affiche’ en Préfecture le 22 de’cembre 2020. Par conséquent la date de re’fe’rence est celle du 22 décembre 2020.

Concernant la situation d’urbanisme, la parcelle A n° [Cadastre 2] est situe’e en zone UFi à la date de re’fe’rence. La zone UF correspond aux espaces de’die’s aux activite’s e’conomiques. Il s’agit de zones d’activite’s e’conomiques destinee’s à muter pour devenir de nouveaux quartiers mixtes. Le « i » de’signe les espaces soumis à des risques d’inondation. L’emprise et la hauteur des constructions sont re’gis par les orientations d’ame’nagement et de programmation.

Concernant l’indemnité principale, l’activité exerce’e par l’entreprise de M. [L] [K], artisan maçon, n’est pas de’pendante d’une clientèle d’achalandage, avec risque de perte de clientèle en cas de changement de lieu d’exploitation. Au surplus, le local concerne’ ne correspond pas au siège de l’entreprise lequel se situe sur une autre commune (Cre’teil – 7 km environ), mais consiste en un local accessoire, à usage d’entreposage de matériaux et de’pourvu de tout bureau. L’hypothèse d’une perte éventuelle du fonds artisanal n’est donc pas à retenir ici. Dès lors, le Commissaire du gouvernement envisagera en principal une indemnisation pour perte du droit au bail. La valeur du droit au bail s’apprécie habituellement par application de la me’thode dite du « différentiel de loyer », laquelle consiste à chiffrer la différence entre le loyer qui aurait e’te’ payé si le bail avait e’te’ renouvelé aux mêmes conditions et le loyer qu’il faudrait payer au, prix du marché’ pour un local équivalent. A ce différentiel est appliqué un coefficient de situation qui dépend de la qualité de l’environnement et de la commercialité de la rue ou du secteur pour l’activité exercée. Compte tenu de l’accès plutôt aisé du bien via notamment la D 152, mais par ailleurs de la rareté des places de stationnement à proximite’ du local, le commissaire du gouvernement préconise de retenir ici un coefficient de situation de 4,5. Pour les termes de comparaison releve’s par le commissaire de gouvernement, les offres récentes dessous illustrent le niveau de loyer actuel pour des locaux à usage d’entrepôts situés sur la commune de [Localité 20], (consultation 11/2022, sites marchands de location de locaux d’activité), Le prix dominant des offres de prise à bail de biens similaires sur [Localité 20] est de l’ordre de 120 euros HT/HC/m² /an pour des locations de locaux à usage d’entrepôt / activite’s sans partie bureau, à l’instar du bien occupé par M. [K] En tenant compte de la plus petite superficie du local de M. [K] par rapport aux références releve’es, mais par ailleurs de son état d’entretien gene’ral médiocre, de l’absence de prestations particulières (gardiennage, stationnement dédié, aire de man’uvre…), enfin de la situation malaisée de 60 % de la superficie disponible en sous-sol (avec accès par simple escalier), le commissaire du gouvernement propose de retenir un loyer annuel de re’fe’rence de 110 = euros HT-HC/m²/an, soit au cas particulier, un loyer the’orique de 2180,21 m² x 110 euros/m²/an = 19 823 euros, soit une économie de loyer de 19.823euros 14.400euros = 5423 euros, soit, valeur du droit au bail, après application d’un coefficient de 4,5 = 5 423 euros x 4,5 = 24 403 euros.

Concernant l’indemnité de remploi, elle doit être fixée à la somme de 1221 euros.

Concernant l’indemnité pour trouble commercial, cette indemnité est destine’e à compenser la perte de chiffre d’affaires, subie par le locataire, pendant la pe’riode de de’me’nagement et de re’installation. L’e’viction portant au cas particulier sur un local accessoire, sans déplacement du siège de l’entreprise où sont prises les commandes de chantiers extérieurs et les travaux de facturation, pour un local implante’ par ailleurs dans un périmètre géographique ou les offres de locaux de stockage ne sont pas rares (annonces de professionnels abondantes), le commissaire du gouvernement propose de retenir à ce titre un mois de bénéfice net de la dernière période triennale non impactée par le Covid, soit les exercices 2017 à 2019.

Concernant les frais de déménagement, l’examen des devis fournis par la partie évincée corrobore l’affirmation de la partie demanderesse en page 14 de son mémoire d’appel, à savoir que « les entreprises ne se de’placent pas pour un devis incertain dans cette pe’riode tendue ». Ainsi, le devis VTaillot (Demeco) fait-il mention des prestations du type « matériel informatique, objets fragiles, dossiers et documents…, ne correspondant nullement aux caractéristiques du local à déménager (entreposage de matériel de peinture et autres, d’e’chafaudages…) – A l’instar du précèdent, le devis « Les de’me’nageurs bretons » ne pre’sente aucun détail de prestation propre au local à déménager, se contentant pour sa part d’e’voquer « un prix de base selon tarif blanc », sous réserve notamment de volume indique’ par le client… Le caractère individualisé et approprié de ces deux devis au local concerne’ ne ressort donc nullement de la lecture des documents fournis. » Enfin, le devis « Maison Peinte » émane quant à lui de l’entreprise évincée elle-même, le bail initial de 1998 ayant été signé précisément au profit de l’entreprise « maison peinte », appartenant à M. [K]. Dans ces conditions, la condition d’impartialité’ du chiffrage (57 900 euros HT pour le local) ne se trouve pas remplie. On y releve en outre de nombreux coûts afférents à la « fourniture » et à la « mise en carton », qui paraissent assez mal adaptés à la nature principale des biens à transporter (pots de peinture en taille professionnelle, e’chafaudages divers.) Le premier juge avait retenu pour ce poste indemnitaire un « montant forfaitaire de 20 000 euros. » A de’faut de chiffrage pertinent par professionnel et compte tenu tant de la superficie du local (180 m²) que de la nature des biens à de’menager (biens très majoritairement non fragiles, mobilier réduit à de simples racks…), ce montant apparaît comme tout à fait équitable et doit être confirmé.

Concernant les frais de réinstallation, le caractère non adapté des deux devis fournis à ce titre – puisqu’est seule pre’vue la fourniture à neuf de 50 éléments « racks » de rangement, écartant de fait la possibilité d’une récupération des racks actuels et leur remontage dans le nouveau local ne permet pas le chiffrage du préjudice certain, au sens des dispositions de l’article L321-1 du code de l’expropriation. En outre, le démontage et le remontage des meubles que constituent en l’espèce les étagères fait normalement partie des prestations de déménagement de base. Une indemnité en sus pour « frais de re’installation » ferait donc ici double emploi, en l’absence de tout autre aménagement spécifique. Cette demande doit être écartée.

Concernant les frais du double loyer, l’offre relativement abondante releve’e sur le net pour des locaux de stockage dans le secteur considéré (recherche limite’e à [Localité 20]) rend incertain le préjudice invoqué au titre du double loyer. En conséquence, aucune indemnité au titre de ce chef de préjudice ne doit être allouée.

Concernant l’indemnité pour perte de stocks, indemnités de licenciement et travaux non amortis, s’agissant d’une activité sans vente de marchandise, avec des salariés exerçant leur activité à l’exte’rieur et avec, pour seuls équipements dans le local évincé, des étagères, le caractère incertain de chacun de ces trois chefs de préjudice est patent. Ces indemnités doivent être écartées.

Concernant l’indemnité pour prise de possession « antérieure au paiement du prix », il résulte des dispositions combinées des articles L.231-1 et R. 311 25 du CECUP que la prise de possession du bien exproprié, en cas d’appel du jugement fixant l’indemnité, est subordonnée au paiement par l’expropriant de la totalité de la somme fixée par le juge de première instance. Dès lors, sauf pour l’intimé appelant à apporter la preuve que cette condition légale n’aurait pas été respecte’e par l’expropriant an cas particulier, le préjudice par lui invoque ne présente pas de caractère certain, au sens des dispositions de l’article L321-1 CECUP et doit être écarté.

Concernant l’indemnité pour temps consacré, l’article 700 du code de procédure civile permet à la partie de’fenderesse d’obtenir la condamnation de la partie tenue au paiement des dépens à lui payer une somme déterminée par le juge au titre des frais qu’elle a exposé dans l’instance et qui ne sont pas compris dans les dépens de celle-ci. Sont visés, par exemple, les honoraires d’avocat, les frais de déplacement ou encore la rémunération d’un expert amiable. Le juge fixe le montant de cette indemnité en tenant compte de l’équité. C’est ainsi qu’en première instance, M. [K] s’est vu octroyer une somme forfaitaire de 3.000 euros au titre des dits « frais irrépétibles ». Le coût financier, pour la partie expropriée, du déroulement de la procédure a donc bien été pris en compte par le premier juge.

Concernant le préjudice moral/psychologique également invoqué par la partie appelante, ce dernier n’est pas indemnisable en matière d’expropriation, seul le préjudice matériel étant susceptible de réparation.

SUR CE, LA COUR

– Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l’article R311-26 du code de l’expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1er septembre 2017, l’appel étant du 30 juin 2022 , à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.

À peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L’intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l’espèce, les conclusions de M. [K] du 30 septembre 2022, d’IDFM du 22 décembre 2022 et du commissaire du gouvernement du 27 décembre 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai de M. [K] sont en réplique, ne comportent pas de demandes nouvelles sont donc recevables.

La nouvelle pièce adressée hors délai le 28 mars 2023 par M. [K] correspondant à 3RIB est de pure réplique et est donc recevable.

La nouvelle pièce adressée hors délai le 30 mars 2023 par M. [K] correspondant à une lettre du 29 mars 2023 adressée à IDFM est de pure réplique et est donc recevable.

La nouvelle pièce N°2 adressée hors délai le 5 janvier 2023 par IDFM correspondant à un PV de signification de quitter les lieux est de pure réplique et est donc recevable.

– Sur le fond

Aux termes de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s’impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la réserve d’une juste et préalable indemnité.

L’article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l’article L 321-1 du code de l’expropriation, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Aux termes de l’article L 321-3 du code de l’expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l’indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l’article L 322-1 du code de l’expropriation le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l’expropriant fait fixer l’indemnité avant le prononcé de l’ordonnance d’expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l’article L 322-2, du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération – sous réserve de l’application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code – leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L’appel de M. [K] porte sur le montant de l’indemnité d’éviction.

S’agissant de la date de référence, le premier juge a retenu le 22 décembre 2020 en application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l’urbanisme.

M. [K] n’a pas conclu sur ce point ; IDFM et le commissaire du gouvernement retiennent la même date que le premier juge.

Le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain, il convient de confirmer le jugement qui a exactement retenu la date du 22 décembre 2020 en application de l’article L322-2 du code de l’expropriation et de l’article L313-6 du code de l’urbanisme correspondant à l’affichage en préfecture du PLU de [Localité 20] vu pour approbation en conseil territorial de l’EPT Grand [Localité 14] Seine Bièvre le 15 décembre 2020.

S’agissant des données d’urbanisme, à cette date la parcelle A numéro [Cadastre 2] est située en zone Ufi, correspondant aux activités économiques, destinées à évoluer pour devenir de nouveaux quartiers mixtes.

Le « i » désigne les espaces soumis à des risques d’inondation, l’emprise de la hauteur des constructions étant régie par les orientations d’aménagement et de programmation.

IDFM souligne que la parcelle se situe en zone inondable (couverte par un plan de prévention des risques d’inondation) ce qui limite fortement sa constructibilité et que la parcelle se situe en effet en zone violet foncé face à une zone rouge qui constitue la zone la plus à risque, à l’exception de la zone rouge bordant la Seine, soit la zone en « aléas forts et très forts ».

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s’agit d’une parcelle cadastrée A numéro [Cadastre 2], seule concernée par l’expropriation, résultant d’une division parcellaire intervenue le 24 juillet 2020, la parcelle mère, cadastrée A numéro [Cadastre 8] à [Localité 20], ayant fait l’objet d’une division en deux nouvelles parcelles A numéro [Cadastre 2] et A numéro [Cadastre 3].

La parcelle A numéro [Cadastre 2] objet de l’emprise présente une configuration sensiblement rectangulaire, pour une superficie de 236 m².

Le bâti – ensemble en copropriété – divisé en deux, dispose de deux accès distincts, depuis l’immeuble R+2 situées [Adresse 4], l’autre sur une cour donnant au [Adresse 17] (R+1).

Situé dans la partie Nord de [Localité 20], près de la limite d'[Localité 13], au sein d’une zone à dominante activité à proximité immédiate de la Seine, il est en façade sur un axe fréquenté(D [Adresse 5]).

En état extérieur et intérieur moyen à médiocre, il est à usage mixte de logement et d’activités.

Les lots 7 (sous-sol) et 19 (rez-de-chaussée) correspondent à local commercial de 180,21 m² au total, situé en sous-sol ([Cadastre 2] m²) en rez-de-chaussée (71 m²), à l’angle des deux voies, avec une salle d’eau et WC correspondant à un local de stockage de matériaux.

M. [K] souligne le très bon emplacement de l’immeuble objet du bail, l’immeuble étant situé au c’ur d’un quartier mixte (habitation et entreprise) en plein essor, à proximité du centre-ville et ses commerces et transports en commun, en bordure de Seine (Rive Gauche), et à proximité immédiate de la Ville de [Localité 9] ; qu’il s’agit d’un bon emplacement tant pour des logements que pour un local commercial d’activités ; que les façades sont en bon état, seule une infime partie de la façade au droit du bien susvisé dans le jugement étant endommagée et il produit à l’appui un constat d’huissier.

IDFM rétorque que le bâtiment et les parties communes nécessitent des travaux importants de rafraîchissement comme le reconnaît l’exproprié, et que le premier juge a noté dans son procès-verbal de transport : « la face de l’immeuble est dans un état médiocre d’entretien : le crépi recouvrant les briques est dégradé. Les parties communes ne sont pas entretenues et sont très sales ».

Il ajoute que le constat de huissier produit en appel est daté du 19 juillet 2022 soit postérieur d’une année à la date d’appréciation de la consistance des biens au 7 mai 2021.

Le commissaire du gouvernement souligne l’absence d’aménagement intérieur pour le local commercial (mur béton, sol brut par endroit, éclairage néon, plafonds métalliques).

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S’agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s’agit de celle du jugement de première instance conformément à l’article L322-2 du code de l’expropriation, soit le 9 mai 2022.

– Sur l’indemnité principale

1° Sur les surfaces

Les surfaces pour les lots 19 et 7 correspondants à local d’activité au rez-de-chaussée au sous-sol pour une 180,21 m² ne sont pas contestées par les parties.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2° Sur la méthode pour la fixation d’indemnité principale

Le juge de l’expropriation dispose du pouvoir souverain d’adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

Le premier juge a rappelé les deux méthodes généralement utilisées, a indiqué qu’en l’espèce, le local n’est pas enregistré au registre des commerces et sociétés, ni comme siège social, ni comme établissement secondaire, que par ailleurs aucun bail n’a été fourni, ni aucune preuve de versement de loyers ; il n’a en conséquence accordé aucune indemnité pour la valeur du droit au bail.

M. [F] indique qu’il a versé un bail en première instance, il le verse de nouveau en appel (pièce numéro 6), celui-ci concernant le local commercial en rez-de-chaussée (lot numéro 19) au sous-sol (numéro 7) du premier janvier 1998, pour une durée de 23 mois, en tacite prolongation depuis le 12 novembre 1999 ; il ajoute qu’en tout état de cause un bail verbal serait suffisant à indemniser l’entreprise de toute évidence installée dans les lieux.

IDFM souligne que le local professionnel est loué à la suite d’un bail commercial de 1998 à la société Maison Peinte devenue société en nom personnel de M. [F], que ce local n’est pas enregistré au registre du commerce et des sociétés, ni comme siège social, ni comme établissement secondaire ; que lors de la campagne de réévaluation des valeurs locatives des locaux professionnels en 2013, il a été déclaré un loyer de 4189 euros/par an et il est désormais allégué un loyer de 14’400 euros, que ce bail ne produit plus aucun effet conformément à son article premier qui indique que ce bail précaire ne pourra en aucun cas être prorogé ni même par tacite reconduction et qu’au surplus aucun loyer n’est mentionné dans le bail ; il conclut qu’il s’agit d’une occupation de fait et sans aucun titre par le gérant de la SCI OPERA, M. [F].

Le bail de M. [F] mentionne les loyers dans deux cases :

‘ loyers et charges : 1200 francs ;

‘ caution : deux mois de loyers 2400 francs.

L’extrait du bilan 2017 démontre que le loyer est payé à hauteur de 1400 euros et les bilans produits de 2017 à 2019 attestent du paiement ; l’expert-comptable de l’entreprise atteste du paiement des loyers de 2017 à 2021 pour un montant de 14’400 euros HT (pièce numéro 8).

Les deux lots concernés sont occupés par M. [F], enregistré en tant qu’entrepreneur individuel au registre de commerce et sociétés de [Localité 11] sous le numéro 348 843 483 depuis le 6 décembre 1988, pour une activité de construction et de rénovation immobilière avec un code APE 41 20A « construction de maisons individuelles » ; un contrat de location dérogatoire a été conclu le 1er janvier 1998 entre le propriétaire et l’occupant relativement à ce local, pour une durée de 23 mois, et depuis cette date l’occupant a été maintenu dans les lieux.

Selon l’article L145-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la date de l’ordonnance d’expropriation, les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à 3 ans. À l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. Si, à l’expiration de cette durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

En conséquence, le bail affectant le lot 19 et 7 est donc un bail commercial ; si le rapport d’expertise fourni par M. [F] diverge quant-au montant du loyer payé par le locataire pour ce local, puisqu’il est indiqué un loyer annuel de 4189 euros/par an, il convient de retenir le montant attesté par l’expert-comptable de l’entreprise individuelle soit la somme de 14’400 euros par an hors-taxes.

L’activité exercée par l’entreprise de M. [F], artisan maçon, n’est pas dépendante d’une clientèle d’achalandage, avec risque de perte de clientèle en cas de changement de lieu d’exploitation, et le local concerné ne correspond pas au siège de son entreprise, lequel se situe sur une autre commune à [Localité 11] à 7 km, mais consiste en un local accessoire, à usage d’entreposage de matériaux et est dépourvu de tout bureau ; il n’y a pas donc de perte du fonds artisanal; en outre, M. [F] produit un nouveau bail, démontrant qu’il a transféré son local de stockage et continue son activité comme il l’indique dans ses écritures.

En conséquence il convient de retenir la méthode du droit au bail qui s’apprécie par application de la méthode dite du « différentiel de loyer », laquelle consiste à chiffrer la différence entre le loyer qui aurait été payé si le bail avait été renouvelé aux mêmes conditions et le loyer qu’il faudrait payer au prix du marché pour un local équivalent ; à ce différentiel est appliqué un coefficient de situation qui dépend de la qualité de l’environnement de la commercialité de la rue ou du secteur pour l’activité concernée.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

1° termes de comparaison

A [Localité 18] de M. [F]

Il propose les termes suivants :

‘local d’activité de 664 m² à [Localité 15] à l’Anglais à [Localité 20], 8258HC, HT, soit 149 euros/m²/par an

‘Local d’activité de 267 m², [Adresse 16] à [Localité 20], 3337 HC HT, soit 149 euros/m²/par an

‘Local d’activité de 400 m², [Adresse 16] à [Localité 20], 5000 euros HC HT, soit 150 euros/m²/par an

‘Local d’activité de 211 m² à [Localité 20], 5103 euros HC HT, soit 149 euros/m²/par an

Ces termes comparables non critiqués seront retenus.

Il propose également des termes de comparaison figurant dans le rapport d’expertise (pièce numéro 11) :

‘local d’activité/entrepôts 2554 m², à [Localité 20], 125 euros/m²/an HC HT

‘local d’activité/entrepôts de 787,03 m², à [Localité 20], 149 euros/m²/an HT HC

‘local d’activité/entrepôts de 501 m², à [Localité 20], 133 euros/m²/an HC HT

‘local d’activité/entrepôts de 329 m², à [Localité 20], 131 euros/m²/an HT HC

‘local d’activité/entrepôts de 329 m², à [Localité 20], 131 m²/an HT HC

‘local d’ activité/entrepôts de 695 m² à [Localité 20], 134 euros/m²/an HT HC

‘local d’activité/entrepôts de 797 m², à [Localité 20], 140 euros/m²/an HT HC

‘local d’activité/entrepôts de 501 m², à [Localité 20], 133 euros/m²/an HT HC

‘local d’activité/entrepôts de 501 m², à [Localité 20], 138 euros/m²/an HT HC

‘local d’activité/entrepôts à [Localité 20], 398 m², 141 euros/m²/an HC HT

Ces termes comparables et non critiqués seront retenus

B [Localité 18] d’IDFM

Il propose quatre références issues de sites spécialisés sur la commune de [Localité 20] pour des locations de surface de locaux équivalents :

‘entrepôts sur 2 niveaux, de 100 m², 1338 euros, 80 euros/m²/an HT HC

‘local d’activité de 267 m², 3338 euros, 150 euros/an/m² HT HC

‘local d’activité de 152 m², 1800 euros, 142 euros/an/m² HT HC

‘local d’activité de 120 m², 1200 euros, 120 euros/an/m² HT HC

Il convient d’écarter le premier terme qui est manifestement déconnecté du marché , étant trop bas ; les autres termes comparables non contestés seront retenus.

C [Localité 18] du commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement propose des offres à partir d’une consultation de novembre 2022, sur des sites marchands de location de locaux d’activités, concernant des locaux à usage d’entrepôts situés sur la commune de [Localité 20] :

‘local entrepôt de 329 m², 130 euros HT/m² (avec partie bureaux)

‘local d’activité de 358 m², 130 euros HT/m² (avec partie bureaux)

‘local d’activité de 310 m², 123 euros/m² HT (sans partie bureaux)

‘Local entrepôt de 320 m², 120 euros HT/m² (sans partie bureaux)

‘Local d’activité de 329 m² 830 m², 120 euros HT/m² (partie activité).

Le commissaire de gouvernement indique que le prix dominant des offres de prise à bail de biens similaires à [Localité 20] est de l’ordre de 120 euros HT/HC/AN pour des locations de locaux à usage d’entrepôt/activités sans partie bureau, comme le bien occupé par M. [F].

Ces termes comparables et non critiqués seront retenus.

La moyenne des termes est donc de :

149+ 149+ 150+ 149+ 125+ 149+ 133+ 131+ 134 + 140 + 133 + 138 + 140 (termes de M. [F]) + 150+ 142+ 120 (termes d IDFM)+ 130+ 130+ 123+ 120+ 120 (termes du commissaire du gouvernement2855/21)=135, 9 euros/an / HT HC.

Il convient cependant de tenir compte de la plus petite superficie du local de M. [F] par rapport à la majorité des références retenues, de son état d’entretien général médiocre, de l’absence de prestations particulières (gardiennage, stationnement dédié, aire de man’uvre) et de la situation malaisée de 60 % de la superficie disponible en sous-sol avec accès par un simple escalier, et de retenir en conséquence le loyer annuel de référence proposé par le commissaire du gouvernement de 110 euros HT HC/m²/an.

Le loyer théorique est donc de : 180,21 m² X 110 euros/m²/an= 19’823 euros.

L’économie de loyer est donc de : 19’823 euros-14’400 euros= 5423 euros

2° coefficient de situation

M. [F] demande de retenir au regard de la proximité de la Seine, de [Localité 9], de la zone d’activité un coefficient de situation de 5.

IDFM indique que la situation en face de Seine ne confère aucune plus-value à location, bien au contraire, dès lors qu’il est manifestement excentré et il demande de retenir un coefficient de 4.

Le commissaire du gouvernement compte tenu de l’accès plutôt aisé du bien via notamment la D 152, mais par ailleurs de la rareté des places de stationnement à proximité du local, préconise de retenir un coefficient de situation de 4,5.

Au regard de la proximité de la Seine, de l’accès aisé du bien, mais également au regard de la rareté des places de stationnement à proximité du local, il convient de retenir un coefficient de 4,5.

La valeur du droit au bail est donc de :

5423 euros X 4,5 (coefficient de situation)= 24’403 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

– Sur les autres indemnités

1° sur l’indemnité de remploi

il convient de retenir les taux habituels :

5 % sur 23’000 euros= 1081 euros

10 % sur 1403 euros= 140 euros

soit un total de 1221 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

2° Sur l’indemnité pour trouble commercial

Le premier juge compte-tenu de l’absence de bail, de fonds de commerce, d’immatriculation du local, a alloué une indemnité de 1350 euros à ce titre.

M. [F] demande à ce titre à partir de l’EBE de 2019 : 108’000 euros/4= 27’000 euros.

IDFM rétorque que le local est uniquement un lieu de stockage, que les trois bilans fournis pour 2017, 2018 et 2019 sont tronqués, que les liasses fiscales pour 2020 et 2021 ne sont pas produites, et que le préjudice dû au titre du transfert correspond uniquement au déménagement et est de : 108’000/4 X 5 %= 1350 euros.

Le commissaire du gouvernement indique que l’éviction porte en l’espèce sur un local accessoire, sans déplacement du siège de l’entreprise où sont prises les commandes de chantiers extérieurs les travaux de facturation, que le local est implanté par ailleurs dans un périmètre géographique ou les offres de locaux de stockage ne sont pas rares ; il propose de retenir à ce titre un mois de bénéfice net de la période triennale non impactée par le COVID, soit les exercices 2017 à 2019 soit la somme de : 124’314euros X1/12= 10’359 euros.

Il convient de retenir les exercices 2017 à 2019, non impactés par le COVID:

‘2017 : bénéfice net de 276’193 euros

‘2018 : -2301 euros de bénéfice net

‘2019 : 99’050 euros de bénéfice net

soit : 124’314 eurosX1/12= 10’359 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

3° sur l’indemnité de déménagement

Le premier juge en l’absence de deuxième devis a alloué une indemnité de 20’000euros à ce titre.

M. [F] indique qu’il a été difficile d’obtenir des devis en raison du manque de main-d”uvre depuis le COVID, accru par la guerre en Ukraine.

Il produit deux types de devis concernant l’un sur le déménagement et l’autre sur la réinstallation dans un autre local.

Il produit les devis suivants :

‘devis détaillé de 2007 et de 2020 par la société TAILLOT(DEMECO) : 113’900 euros hors-taxes soit 136’680 euros TTC

‘devis Maison Peinte : 108’610 euros hors-taxes soit 132’332 euros TTC

‘devis les déménageurs bretons : 92’000 euros hors-taxes 70’400 euros TTC

‘devis DEMECO actualisé : 4000 euros hors-taxes soit 106’800 euros TTC

soit une moyenne de 100’877 euros hors-taxes soit [Cadastre 2]’052 euros TTC,

somme qu’il demande.

IDFM rétorque que le premier devis établi le 7 octobre 2020 par l’entreprise DEMECO est particulièrement insincère dès lors qu’il est mentionné le volume de déménagement pour 320 m³ ; que le deuxième devis émanant de la société Maison Peinte, émane de M. [F] lui-même et doit donc être écarté ; que le troisième devis plus réaliste mentionnait un volume de 1050 m³ et le quatrième devis mentionne également le même volume.

Il propose donc s’agissant de déménagement d’un simple local de stockage, de retenir un prix de 15/m3, soit 15 euros/m3/TTC X 1320 m³= 19’800 euros arrondis à 20’000 euros.

À titre subsidiaire, il demande de retenir le devis le plus récent et le mieux disant c’est-à-dire l’ entreprise DEMECO pour 89’000 euros.

Le commissaire du gouvernement indique que :

‘le devis DEMECO fait mention des prestations « type » suivantes – matériel informatique, objets fragiles, dossiers et documents, ne correspondant nullement aux caractéristiques du local à déménager (entreposage de matériel de peinture et autres, d’échafaudages)

‘le devis les déménageurs bretons ne présentent aucun détail de prestation propre au local à déménager, se contentant d’évoquer « un prix de base selon tarif blanc », sous réserve notamment du volume indiqué par le client.

‘le devis Maison Peinte de l’entreprise émane de l’évincée elle-même et la condition d’impartialité du chiffrage ne se trouve pas remplie.

Il propose à défaut de chiffrage pertinent par un professionnel et compte tenu de la surface du local de 180 m², de la nature des biens à déménager, à savoir des biens très majoritairement non fragiles, du mobilier réduit à de simples racks, de retenir le poste indemnitaire forfaitaire de 20’000 euros.

Au regard des pièces versées aux débats :

‘Il convient d’écarter le devis du 07 octobre 2020 par l’entreprise DEMECO qui fait état de prestations ne correspondant aucunement aux caractéristiques du local à déménager, comme le mentionne le commissaire du gouvernement ;

‘le devis les déménageurs bretons ne présentant aucun détail de prestation propre au local à déménager doit également être écarté ;

‘le devis Maison Peinte émanant de l’entreprise évincée elle-même, le bail initial de 1998 ayant été signé au profit de l’entreprise Maison Peinte appartenant à M. [F], la condition d’impartialité n’est pas remplie et ce devis doit être écarté.

Au regard de la superficie de local de 180 m², de la nature des biens à déménager, à savoir des biens très majoritairement non fragiles, du mobilier réduit à de simples racks, comme le démontrent les photographies, il convient de retenir, le volume établi par DEMECO, soit un prix de 15 euros/M /TTC X1320 m = 19’800 euros arrondis à 20’000 euros.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

4° sur l’indemnité pour réinstallation et travaux de réinstallation

M. [F] indique que l’éviction du site génère pour le local d’activité, l’obligation de déménager, puis de réinstaller dans les nouveaux locaux l’ensemble des meubles et matériels, et notamment les racks, puisque les étagères ne peuvent être déménagées et que de nouveaux racks doivent être installés ; que l’entreprise estdans les lieux depuis 1998, que le volume est conséquent, et que l’aménagement et l’installation d’étagères/rack doit être indemnisé sans abattement pour vétusté.

Il produit deux devis :

‘second devis établi le six janvier 2021 par la société TAIILOT(DEMECO) : 59’900 euros hors-taxes soit 71’080 euros TTC

‘second devis de déménageurs Bretons : 49’800 euros hors-taxes soit 59’700euros TTC

‘soit une moyenne de 54’850 euros hors-taxes soit 65’820 euros TTC somme qu’il demande.

M. [F] ajoute qu’il n’a pas trouvé de locaux disponibles d’un seul tenant à proximité, et qu’il a dû envisager deux lieux :

‘nouveau local à [Localité 19] extension à [Localité 20] :110937 euros TTC (pièce numéro 16)

‘+ 78’745 euros TTC (pièce numéro 17), soit un total de 289’782 euros TTC.

Il indique que le local à Vitry a été aménagé, que le local était existant même s’il est en mauvais état, que le local appartient en propre à M. [F] et qu’il n’en est pas moins éligible à cette indemnité.

IDFM rétorque que le local a uniquement une vocation de stockage et qu’il ne dispose d’aucun aménagement et il ne propose aucune indemnité.

Le commissaire du gouvernement indique qu’il est prévu uniquement dans les deux devis la fourniture à neuf de 50 éléments racks de rangement, écartant de fait la possibilité d’une récupération des racks actuels et leur remontage dans le nouveau local ne permet pas le chiffrage du préjudice certain au sens de l’article L 321-1 du code de l’expropriation ; en outre, le démontage et remontage des meubles que constituent en l’espèce les étagères fait normalement partie des prestations de déménagement de base et une indemnité en plus pour frais de réinstallation fait double emploi, en l’absence de tout autre aménagement spécifique. Ils ne propose donc aucune indemnité.

Le devis DEMECO mentionne uniquement « démontage, protections ouverture de remontage des meubles nécessitant » et le devis les déménageurs bretons mentionne « mobilier fixé au mur » et M. [F] ne démontre pas en conséquence que les étagères ne peuvent être démontées et que de nouveaux racks doivent être installés.

En conséquence, en l’absence de préjudice direct et certain au sens de l’article L 321-1 du code de l’expropriation, il convient de confirmer le jugement de débouté.

5° indemnité pour frais de double loyer

M. [F] sollicite la somme de six mois de loyers soit la somme de 7200 euros.

IDFM indique qu’il est habituellement alloué deux mois du loyer actuel soit la somme de 2400 euros, et qu’en l’espèce en l’absence de bail en cours, ce poste de préjudice doit être écarté.

Le commissaire du gouvernement indique que l’offre relativement abondante relevée sur le net pour des locaux de stockage dans le secteur considéré de [Localité 20] rend incertain le préjudice invoqué au titre du double loyer.

Comme l’indique le commissaire du gouvernement, en raison de l’offre importante, le préjudice n’est pas certain au sens de l’article L3 [Cadastre 2]-1 du code de l’expropriation.

Le jugement de débouté sera confirmé.

6° indemnité pour perte de stocks

M. [F] indique que la société locataire peut prétendre être indemnisée du crédit subi par la perte sur les produits proposés à la vente et demande donc un sursis à statuer.

IDFM rétorque qu’il s’agit d’un stock non périssable, s’agissant d’une activité de construction et rénovation immobilière et que le préjudice est donc inexistant.

Le commissaire de gouvernement indique qu’il s’agit d’une activité sans vente de marchandise, et que ce préjudice est donc incertain.

En l’espèce, l’activité de M. [F] correspondant à un stock non périssable, à savoir une activité de construction et rénovation immobilière, il n’y a pas de perte de stocks.

En conséquence, le jugement de débouté sera confirmé.

7° indemnité de licenciement

M. [F] indique que l’entreprise fait travailler entre six et neuf personnes, comme en attestent l’expertise et les charges salariales, soit un montant de 58’267 euros ; il demande donc de surseoir à statuer pour le surplus.

IDFM rétorque que le juge de l’ expropriation peut surseoir à statuer sur la demande d’indemnité pour frais de licenciement afin que le préjudice devienne certain et définitif, afin de constater l’éventuel licenciement des seuls salariés impactés par cette éviction ; néanmoins, la société de M. [F] ne pourra procéder à aucun licenciement dès lors que l’activité va continuer ; en tout état de cause, les pièces produites démontrent qu’il n’existe que deux CDI, sous réserve, que les salariés soient encore dans l’entreprise.

Le commissaire du gouvernement indique qu’il s’agit d’une activité sans vente de marchandise, avec des salariés exerçant leur activité à l’extérieur et avec, pour seuls équipements dans le local évincé, des étagères, rendant incertain le préjudice invoqué, notamment d’éventuels licenciements directement liés à l’éviction.

Il n’est pas démontré par les pièces versées aux débats, à savoir un CDD pour un peintre en 2021,un CDD pour un peintre en 2011,un CDD pour un peintre 2018,un CDI pour un peintre 2000 euros, un CDI pour un patron 2018, un CDD pour un peintre 2022, la preuve de licenciements directement liés à l’éviction et le versement effectif d’indemnité à ce titre .

En conséquence, le jugement de débouté sera confirmé.

8° travaux non amortis

M. [F] indique que le transfert d’activité ne lui permet pas d’amortir normalement des investissements (pièce numéro 22 : travaux d’aménagement non amortis) et il sollicite selon le bilan 2021, la somme de 29’966 euros.

IDFM rétorque que le local ne comprend aucun agencement, ni bien destiné à être amorti fiscalement.

Le commissaire du gouvernement conclut au caractère incertain de ce préjudice.

M. [F] ne verse pas aux débats le bilan 2021 invoqué.

Il n’y a donc pas de préjudice.

Il convient donc de confirmer le débouté.

7° frais administratifs et frais d’imprimerie divers

M . [F] demande à ce titre la somme de 2000 euros.

IDFM rétorque qu’aucun document n’est produit, et que le local objet de l’éviction ne constitue pas même un établissement secondaire.

Le commissaire du gouvernement n’a pas conclu sur ce point.

Le préjudice n’est pas établi, puisque l’ objet de l’éviction ne constitue pas même un établissement secondaire.

Le jugement de débouté sera confirmé.

8° indemnité liée à la prise de possession antérieure au paiement complet du prix

M. [F] demande une indemnité de 50’000 euros au titre de la prise de possession antérieure au paiement complet du prix, en indiquant que le Conseil constitutionnel dans une décision 2014-451 QPC du 13 février 2015 a indiqué : « considérant qu’en tout état cause, l’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation ; que, par suite, lorsque l’indemnité définitivement fixée excède la fraction de l’indemnité fixée par le juge de 1ère instance qui a été versée par l’expropriant lors de la prise de possession du bien, l’exproprié doit pouvoir obtenir la réparation du préjudice résultant de l’absence de perception de l’intégralité de l’indemnité d’expropriation lors de la prise de possession’.

Cependant, le code de l’expropriation prévoit que les jugements rendus par la juridiction d’expropriation ne sont pas suspensifs et que l’expropriant peut prendre possession des biens dans le délai d’un mois après paiement des indemnités conformément aux articles L231-1 et R311-25 du code de l’expropriation.

En conséquence, M. [F] sera déboutée de ce chef.

9° indemnité pour trouble généré par l’expropriation/éviction dans les conditions de licence de l’évincée le temps consacré

M. [F] sollicite une indemnité de 40’000 euros pour trouble et temps consacrée à la procédure d’expropriation.

Cependant, le Conseil constitutionnel a jugé que l’exclusion de la réparation du préjudice moral par le juge expropriation est conforme aux droits et libertés garanties par la constitution (21 janvier 2011, numéro 2010-87 QPC).

En outre, M. [F] sollicite cette indemnité pour les nombreux entretiens avec geofit, la gestion du dossier, la communication des éléments par les administrations, le temps passé sur le transport, aux audiences, le temps passé, le contact des entreprises pour les devis et les recherches de locaux qui correspondent aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera donc débouté de ce chef.

L’indemnité totale d’éviction est donc de :

24’403 euros (valeur du droit au bail) + 1221 euros (indemnité de remploi)+ 10’359 euros (indemnité pour trouble commercial)+ indemnité de déménagement (20’000 euros)= 55’983 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné IDFM à payer à M. [K] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de de débouter IDFM de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et de le condamner sur ce fondement à verser la somme de 3000 euros à M. [F].

– Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l’expropriant conformément à l’article L 312-1 du code de l’expropriation.

IDFM perdant le procès sera condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Statuant dans la limite de l’appel,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Fixe l’indemnité totale d’éviction due par Île-de-France mobilités(IDFM) à M. [L] [K] au titre de l’opération d’expropriation des locaux commerciaux d’activités située [Adresse 17] à [Localité 20], sur la parcelle cadastrée section A [Cadastre 2] à la somme de 55’983 euros se décomposant comme suit :

‘indemnité principale : 24’403 euros

‘indemnité de remploi : 1 221 euros

‘indemnité pour trouble commercial : 10’359 euros

‘indemnité de déménagement : 20’000 euros

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute M. [L] [K] de ses demandes de 40’000 euros pour les troubles de toute nature et gestion de la procédure et de 50’000 euros en raison de l’éviction antérieure au paiement complet ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute IDFM de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne IDFM à verser la somme de 3000 euros à M. [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Île-de-France Mobilités (IDFM) aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x