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8 juin 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
21/00162
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00162 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EZE4.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 01 Février 2021, enregistrée sous le n° F 19/00516
ARRÊT DU 08 Juin 2023
APPELANT :
Monsieur [Z] [U]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Véronique PINEAU de la SELARL INTER BARREAUX NANTES ANGERS ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Maître SALQUAIN, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMEE :
S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHÉS
Centre Commercial
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Maître CHENEDE, avocat plaidant au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 08 Juin 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
M. [Z] [U] a été engagé par la Sas Carrefour Hypermarchés (ci-après la société Carrefour) par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 1994 en qualité de vendeur, coefficient 170 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 1er juin 1999, M. [U] a vu sa classification conventionnelle passer à celle de vendeur de produits et de services, niveau III, puis par avenant du 14 octobre 2010, il a évolué au poste de conseiller de vente, niveau III, B, de la convention collective précitée.
À compter du 1er mai 2011 et alors qu’il était âgé de 54 ans, M. [U] est entré dans le champ d’application d’un accord interne permettant aux travailleurs seniors de travailler sur une base hebdomadaire de 32 heures.
M. [U] a été placé en arrêt de travail à compter du 28 avril 2014.
Par décision du 25 février 2016, la Maison Départementale de l’Autonomie (la MDA) lui a reconnu la qualité de travailleur handicapé, et elle a décidé d’une ‘orientation professionnelle : milieu ordinaire – maintien dans l’emploi du 3 mars 2015 au 2 mars 2020, avec un maintien dans l’entreprise sur un poste adapté’.
Le 20 avril 2017, M. [U] a adressé une demande de reconnaissance d’invalidité auprès de la caisse primaire d’assurance maladie du Maine-et-Loire (ci-après la caisse) laquelle l’a rejetée par décision du 22 mai 2017.
Le 16 juin 2017, M. [U] a été déclaré inapte par le médecin du travail en ces termes ‘inapte à la reprise à son poste de travail, éviter le port de charges répété, apte à un poste administratif’.
Par courrier du 6 octobre 2017, la société Carrefour a proposé à M. [U] un entretien prévu le 16 octobre 2017 afin d’étudier avec lui les possibilités de reclassement. Afin de préparer cet entretien, elle lui a transmis une fiche de desiderata qui sera complétée par le salarié le 15 octobre 2017, précisant qu’il n’est pas mobile à plus de 50 kilomètres de son poste actuel.
Par lettre du 16 octobre 2017, la société Carrefour a demandé au médecin du travail des précisions quant aux préconisations médicales à suivre dans sa recherche de reclassement.
Le médecin du travail a répondu par courrier du 30 octobre 2017, indiquant que le salarié pouvait être reclassé à des postes administratifs, en station assise, sans manutention manuelle de charges et à proximité des toilettes.
Le 9 janvier 2018, la société Carrefour a convoqué les délégués du personnel pour leur faire part des postes de reclassement disponibles pour M. [U], puis par courrier du 10 janvier 2018, elle lui a proposé trois postes :
– secrétaire commercial au sein de Carrefour Supply Chain à [Localité 3];
– assistant commercial opérations commerciales au siège Carrefour à [Localité 5] ;
– conseiller clients service engagement et qualité au siège du Commerce à [Localité 4].
Le 25 janvier 2018, M. [U] a refusé ces propositions.
Par courrier du 30 janvier 2018, la société Carrefour a informé M. [U] de l’impossibilité de le reclasser, puis par lettre du 31 janvier 2018, elle l’a convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 8 février 2018.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 février 2018, la société Carrefour a notifié à M. [U] son licenciement pour inaptitude médicalement constatée.
Par courrier du 24 juin 2019, le conseil de M. [U] a sollicité la saisie de la cellule handi-action et la réintégration du salarié dans son emploi.
Invoquant la nullité et subsidiairement l’absence de toute cause réelle et sérieuse de son licenciement, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers par requête du 5 août 2019 pour obtenir la condamnation de la société Carrefour, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul en raison de la discrimination liée à sa situation de travailleur handicapé, et subsidiairement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre des dommages et intérêts pour préjudice moral et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Carrefour a soulevé la prescription de l’action de M. [U], contesté tout manquement de sa part, et sollicité la condamnation du salarié au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 1er février 2021, le conseil de prud’hommes d’Angers a :
– débouté M. [U] de sa demande en nullité de son licenciement pour discrimination;
– dit que les demandes en contestation de son licenciement pour inaptitude sont prescrites;
– dit qu’il ne sera pas fait usage de l’article 700 du code de procédure civile et que chacune des parties fera face à ses propres dépens ;
– débouté les parties de leurs autres demandes.
M. [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 2 mars 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.
La société Carrefour a constitué avocat en qualité d’intimée le 25 mars 2021.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale du 7 mars 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [U], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 2 juin 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de le recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondé, infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 1er février 2021 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
À titre principal :
– juger que la société Carrefour a violé les dispositions de l’accord collectif en prenant l’initiative de s’abstenir de consulter les plateformes d’établissement prévu par l’accord dit ‘mission handicap’ du 15 mai 2017 ;
– juger l’existence d’une discrimination liée à son état de santé au regard du choix fait par l’employeur de ne pas faire bénéficier le salarié d’un accord destiné au contraire à protéger les salariés les plus fragiles ;
– juger que son licenciement est entaché de nullité ;
– ordonner sa réintégration dans les effectifs de la société Carrefour ;
– condamner la société Carrefour au paiement de la somme de 99 729,26 euros au titre de l’indemnité d’éviction pour la période courant du 14 février 2018 au 31 décembre 2022.
À titre subsidiaire :
– juger l’absence de recherches sérieuses et loyales de reclassement ;
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société Carrefour au paiement de la somme de 29 230,99 euros correspondant à 17,5 mois de salaire, sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail ;
– condamner la société Carrefour au paiement de la somme de 3 782,83 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés inclus.
En tout état de cause :
– condamner la société Carrefour au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral ;
– condamner la société Carrefour au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance, outre 2 000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la même en tous les dépens.
Au soutien de son appel, M. [U] fait valoir que le groupe Carrefour était signataire de différents accords pour le développement et le maintien de l’emploi des personnes handicapées soulignant que l’accord applicable à sa situation est celui signé le 15 mai 2017 avec effet rétroactif au 1er janvier 2017. Il indique qu’en application de cet accord, une plate-forme d’établissement doit être mise en oeuvre dès qu’un salarié handicapé fait l’objet d’une restriction d’aptitude ou d’une inaptitude à son poste afin de ‘discuter des solutions envisagées par la direction’. Il soutient qu’il n’a jamais été convoqué devant cette plate-forme alors qu’il était en arrêt de travail continu depuis juin 2014 et prétend que son employeur l’a exclu du dispositif conventionnel par crainte de son handicap. Il estime que l’absence de consultation des organes mis en place pour accompagner les personnes handicapées constitue une violation grave de l’accord et donc une discrimination à son encontre, fondée sur son état de santé. Le salarié indique ensuite que les bénéficiaires de l’accord du 15 mai 2017 ne sont pas exclusivement les salariés
handicapés mais, tous les salariés rencontrant des difficultés de santé. Il prétend en tout état de cause que la société Carrefour était informée tant de son état de santé que de sa qualité de travailleur handicapé et assure alors qu’il a été licencié en raison de son état de santé. Dans ces conditions, il sollicite la requalification de son licenciement en un licenciement nul.
À titre subsidiaire, M. [U] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse compte tenu de la défaillance de la société Carrefour dans sa recherche de postes de reclassement. À cet égard, il estime surprenant que seuls trois postes conformes aux prescriptions médicales lui aient été proposés compte tenu de la taille de la structure au plan régional.
Enfin, il affirme que le traitement discriminant de la société Carrefour et son attitude déloyale ont été dévastateurs pour sa santé et il sollicite la réparation de son préjudice tout en soulignant son ancienneté de vingt ans dans la société.
*
La société Carrefour, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 2 septembre 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
À titre principal et liminaire :
– confirmer en tous ses points le jugement entrepris ;
À titre subsidiaire :
– confirmer le jugement entrepris sur la prise en compte par la juridiction de première instance de l’argument de la prescription ;
– dire l’action de M. [U] prescrite sur le terrain de l’article L.1471-1 du code du travail ;
En tout état de cause et s’agissant de la contestation formelle de son licenciement :
– rejeter la demande de M. [U] de nullité de son licenciement pour défaut d’information sur son statut de travailleur handicapé ;
– rejeter sa demande de condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-2 du code du travail, dernier alinéa, et les ordonnances du 22 septembre 2017 ;
– en conséquence, confirmer en tous ces points le jugement entrepris ;
À titre éminemment subsidiaire et sur le fond :
– établir l’absence de toute discrimination dans le licenciement de M. [U] ;
– débouter M. [U] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de la dernière jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation du 18 décembre 2019 ;
– en conséquence, confirmer en tous ces points le jugement entrepris ;
En toute hypothèse :
– rejeter toutes prétentions contraires aux présentes, comme irrecevables et en tout cas non fondées ;
– condamner M. [U] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [U] aux dépens de première instance et d’appel.
À titre liminaire, la société Carrefour soulève la prescription de l’action de M. [U] au motif qu’il avait un an à compter de son licenciement pour le contester, soit jusqu’au 12 février 2019. Elle souligne que le délai de prescription de 5 ans n’est pas applicable, compte tenu de l’absence de demande relative à une prétendue discrimination dans sa requête initiale.
À titre subsidiaire, la société Carrefour soutient qu’elle a toujours eu une politique sociale plus favorable que la loi au bénéfice des travailleurs handicapés, en vue de leur reclassement et de leur maintien dans l’emploi, notamment aux termes d’un accord d’entreprise du 15 mai 2017. Elle assure néanmoins qu’elle n’a été informée du statut de travailleur handicapé de M. [U] que par sa communication de pièces en octobre 2019, et elle conteste alors avoir pris la décision de le licencier en raison de son état de santé. Elle ajoute ne l’avoir jamais déclaré comme travailleur handicapé dans les déclarations annuelles de l’entreprise ce qui aurait été le cas si elle en avait été informée, et qu’elle a maintenu son salaire dans son intégralité pendant les trois ans de son arrêt maladie.
Enfin, l’employeur soutient qu’il réalisé une recherche loyale et sérieuse de reclassement comme l’attestent ses échanges avec les élus du personnel mais également le maintien de salaire du salarié du 16 juillet 2017 au 13 février 2018, soit pendant sept mois suivant l’avis d’inaptitude, aux fins de s’assurer que toutes les possibilités de reclassement ont bien été explorées. Elle ajoute que bien que M. [U] soit dans l’impossibilité de l’exécuter, elle lui a a versé son indemnité compensatrice de préavis de deux mois.
MOTIVATION
Sur la nullité du licenciement
1. Sur la prescription
Aux termes de l’article L.1471-1 dernier alinéa du code du travail, ‘les deux premiers alinéas (relatifs à la prescription de deux ans de l’action portant sur l’exécution du contrat de travail, et à la prescription de douze mois de l’action portant sur la rupture du contrat de travail) ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L.1132-1, L.1152-1 et L.1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L.1233-67, L.1234-20, L.1235-7, L.1237-14 et L.1237-19-8, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L.1134-5.’
En application de l’article L.1134-5 du code du travail, l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
En l’espèce, M. [U] soutient que son licenciement est nul pour avoir été discriminé en raison de son état de santé, cette discrimination étant caractérisée, selon lui, par la non-application de l’accord d’entreprise du 15 mai 2017. Les dispositions de l’article L.1134-5 sont donc applicables.
Il a saisi le conseil de prud’hommes le 5 août 2019, soit dans le délai de cinq ans.
Il s’en suit que son action en nullité du licenciement pour discrimination n’est pas prescrite.
2. Sur la discrimination en lien avec l’état de santé
L’article L.1132-1 du code du travail pose en principe qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse, de son sexe ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Selon l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:
– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ;
– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
– la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de l’article L.1132-1 précité, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En application de l’article L.1132-4 du code du travail, sont nuls de plein droit toute disposition ou tout acte contraire au principe de non-discrimination.
M. [U] soutient que la société Carrefour a multiplié les pratiques discriminantes à son encontre. Il affirme avoir toujours été transparent sur son état de santé dont l’employeur était informé, comme il l’était de sa qualité de travailleur handicapé. Il fait valoir que l’accord d’entreprise du 15 mai 2017 prévoit dans chacun des établissements la mise en oeuvre obligatoire d’une plate-forme d’établissement permettant de discuter des solutions envisagées par la direction dès qu’un salarié handicapé ou un salarié ayant des difficultés de santé fait l’objet d’une restriction d’aptitude ou d’une inaptitude à son poste. Il assure n’avoir jamais été convoqué devant cette plate-forme durant les quatre ans de son arrêt. Il prétend que dès 2014, le référent handi-action aurait dû être saisi, ce qui n’a pas été le cas. Enfin, il indique avoir postulé en 2016 à un poste au sein du service après-vente mais ne pas avoir été retenu en raison de son état de santé fragilisé.
Au soutien de ses allégations, M. [U] communique :
– la décision de la MDA du 26 février 2016 faisant suite à sa demande du 3 mars 2015 et prévoyant une orientation professionnelle en milieu ordinaire avec maintien dans l’emploi du 3 mars 2015 au 2 mars 2020 ;
– la décision de la MDA du 26 février 2016 faisant suite à sa demande du 3 mars 2015 lui attribuant la reconnaissance en qualité de travailleur handicapé du 3 mars 2015 au 2 mars 2020 ;
– l’avis d’inaptitude du médecin du travail du 16 juin 2017 libellé en ces termes : ‘inapte à la reprise à son poste de travail, éviter le port de charges répété, apte à un poste administratif’;
– le courrier adressé par l’employeur le 6 octobre 2017 lui proposant un entretien le 16 octobre 2017 aux fins de rechercher un poste approprié à ses capacités et compatible avec les préconisations du médecin du travail, et joignant une fiche d’accompagnement à remplir par ses soins ;
– la fiche d’accompagnement remplie le 15 octobre 2017 lui demandant ses desiderata, sur laquelle il indique notamment ne pas être géographiquement mobile sauf, le cas échéant, dans la limite maximum de 50 kilomètres de son domicile situé à [Localité 6]. Cette fiche fait état en en-tête de l’item ‘travailleur handicapé’ sous lequel il a coché la case ‘oui’ ;
– le jugement rendu le 12 octobre 2017 par le tribunal du contentieux de l’incapacité lui refusant le bénéfice d’une pension d’invalidité ;
– l’accord d’entreprise signé le 15 mai 2017 relatif au maintien dans l’emploi et en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, dit ‘Mission Handicap’, prévoyant notamment la mise en place d’une plate-forme d’établissement dès qu’un salarié handicapé ou un salarié ayant des difficultés de santé fera l’objet d’une restriction d’aptitude ou d’une inaptitude à son poste ;
– la lettre de licenciement du 13 février 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement mentionnant les nombreux échanges de l’employeur avec le médecin du travail (13 juin 2017, 16 octobre 2017, 30 octobre 2017, 1er décembre 2017, 8 décembre 2017), les recherches de reclassement effectuées le 14 novembre 2017 auprès des autres établissements de l’entreprise et des entreprises du groupe, la consultation des délégués du personnel le 9 janvier 2018, son refus le 25 janvier 2018 des trois postes proposés, et le courrier du 30 janvier 2018 lui exposant les raisons pour lesquelles son reclassement est impossible.
En premier lieu, il convient d’observer que M. [U] ne communique aucun élément quant au fait qu’il aurait postulé en 2016 sur un poste au sein du service après-vente, et a fortiori, qu’il en aurait été évincé au profit d’un autre salarié.
En second lieu, s’il se plaint de l’absence de saisine dès 2014 du référent handi-action et de la plate-forme d’établissement, il apparaît d’une part, que cette dernière n’a été mise en place que trois ans plus tard par l’accord du 15 mai 2017, et d’autre part qu’en 2014, sa qualité de travailleur handicapé n’était pas reconnue et qu’il n’en avait pas même fait la demande.
En troisième lieu, si M. [U] justifie de sa reconnaissance en qualité de travailleur handicapé intervenue le 26 février 2016, il ne justifie pas en avoir fait part à la société Carrefour, pas davantage que de son état de santé tout au long de ses trois années en arrêt maladie, ce qui est au demeurant son droit le plus strict. Tout au plus a-t-il signalé le 15 octobre 2017 qu’il était travailleur handicapé par une simple croix sur une fiche qui a pu échapper à la société Carrefour, sans pour autant l’évoquer lors de l’entretien du 16 octobre 2017 qui a suivi alors que son objet était précisément de faire le point sur sa situation, et sans jamais aviser l’employeur de ce qu’il bénéficiait du statut attaché à cette qualité, ainsi qu’il l’a reconnu devant le conseil de prud’hommes.
Enfin, même à considérer que la plate-forme d’établissement instaurée par l’accord d’entreprise du 15 mai 2017 aurait dû être saisie suite à l’avis d’inaptitude du 16 juin 2017, il sera indiqué qu’elle se compose notamment du salarié et du médecin du travail, lesquels ont été pour le premier reçu en entretien pour faire le point sur sa situation et connaître ses desiderata, et le second largement interrogé et consulté, qu’elle prévoit la consultation des délégués du personnel, laquelle a été réalisée le 9 janvier 2018, et il sera rappelé que la procédure de reclassement a duré sept mois et que nombreuses recherches de reclassement ont été diligentées.
Du tout, il ressort qu’en définitive, M. [U] ne présente pas des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.
Dès lors, en l’absence de discrimination, la nullité du licenciement n’est pas encourue.
De la même manière, M. [U] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral consécutif à une discrimination, étant précisé de surcroît qu’il ne communique aucun élément justificatif de son préjudice.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
La cour n’ayant pas retenu l’existence d’une discrimination, l’action de M. [U] en contestation du bien-fondé de son licenciement est soumise au délai de prescription de l’article L.1471-1 du code du travail, tel que soulevé par la société Carrefour.
M. [U] ne reprend pas le moyen opposant présenté en première instance et ne conclut pas sur ce point.
L’article L.1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la rupture.
En l’espèce, M. [U] a été licencié par lettre du 13 février 2018 et il a saisi le conseil de prud’hommes le 5 août 2019, soit plus de douze mois après la rupture.
Par conséquent, son action en contestation du bien-fondé de son licenciement est irrecevable car prescrite.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
Il est équitable de faire application en appel de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Carrefour. M. [U] sera condamné à lui payer la somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel.
M. [U] qui succombe à l’instance sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel et condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 1er février 2021 dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [Z] [U] à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;
DEBOUTE M. [Z] [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;
CONDAMNE M. [Z] [U] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN C. TRIQUIGNEAUX-MAUGARS