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8 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/14153
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRET DU 08 FEVRIER 2024
(n° 70)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/14153 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIEPG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Août 2023 -Juge de l’exécution de PARIS RG n° 23/80834
APPELANT
Monsieur [B] [X]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Mathieu RETORET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1512
INTIME
Monsieur [E] [J]
Elit domicile chez son huissier de justice
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Sophie WILLAUME de la SELAS BYRD SELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1819
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Catherine Lefort, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte Pruvost, président
Madame Catherine Lefort, conseiller
Madame Valérie Distinguin, conseiller
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ordonnance du 24 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
-constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant M. [B] [X] et M. [E] [J] étaient réunies,
-condamné M. [X] à payer à M. [J] la somme de 11.600 euros à titre de provision à valoir sur les loyers et charges échus au 20 septembre 2022, 3ème trimestre 2022 inclus,
– autorisé M. [X] à se libérer de cette dette en quinze mois, par 14 mensualités de 775 euros et le solde à la 15ème mensualité, en sus du loyer et des charges courants, le premier versement devant être effectué le premier jour du mois suivant la signification de la présente ordonnance, et tout paiement étant imputé en priorité sur les loyers et charges en cours, puis le 1er de chaque mois, sauf meilleur accord des parties,
-suspendu pendant cette période les effets de la clause résolutoire, qui sera réputée n’avoir jamais été acquise en cas de respect des modalités de paiement,
-dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité (loyer ou arriéré) (souligné par le juge des référés) à son échéance et dans son intégralité, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets,
-constaté en ce cas la résiliation de plein droit du bail consenti à M. [X] portant sur des locaux situés [Adresse 2] [Localité 4],
-autorisé en ce cas l’expulsion de M. [X] et celle de tous occupants de son chef des lieux précités,
-condamné en ce cas M. [X] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle équivalente au montant du loyer et des charges, et ce à compter du non-respect des délais de paiement jusqu’à la libération effective des lieux.
Cette ordonnance de référé a été signifiée à M. [X] le 23 novembre 2022.
Le 5 avril 2023, M. [J] a fait délivrer à M. [X] un commandement de quitter les lieux ainsi qu’un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour avoir paiement d’une somme totale de 11.797,79 euros.
Par assignation du 20 avril 2023, M. [X] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris d’une demande d’annulation de ces deux commandements.
Par jugement du 3 août 2023, le juge de l’exécution a notamment :
rejeté la demande d’annulation du commandement de payer aux fins de saisie-vente,
rejeté la demande d’annulation du commandement de quitter les lieux,
condamné M. [X] à verser à M. [J] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de l’exécution a retenu que M. [X] payait les mensualités de 775 euros depuis le 3 novembre 2022 et le loyer à hauteur de 700 euros, alors que la dette locative avait été fixée par l’ordonnance de référé à 11.600 euros sur la base d’un loyer de 1.020 euros charges comprises, que le juge de l’exécution ne pouvait modifier le dispositif de la décision fondant les poursuites, que la procédure actuellement pendante pour fixer le montant du loyer et sa révision n’avait aucune incidence sur le titre exécutoire et pourrait seulement permettre un remboursement en cas de fixation de loyer à un montant inférieur, qu’ainsi, M. [X] ne s’était pas acquitté de l’ensemble des sommes dues depuis la signification de l’ordonnance, de sorte que la clause résolutoire était acquise.
Par déclaration du 7 août 2023, M. [X] a formé appel de ce jugement.
Par conclusions n°2 du 7 décembre 2023, M. [X] demande à la cour d’appel de :
infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 3 août 2023,
Statuant à nouveau,
prononcer la nullité du commandement de quitter les lieux délivré le 5 avril 2023,
prononcer la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 5 avril 2023,
rejeter les demandes plus amples ou contraires de M. [J],
condamner M. [J] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
renvoyer l’affaire devant la 18ème chambre, 2ème section du tribunal judiciaire de Paris (RG 22/10731),
A titre infiniment subsidiaire,
surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Paris sur le montant du loyer.
L’appelant soutient, à l’appui de ses demandes d’annulation des commandements :
que si le juge de l’exécution ne pouvait modifier les sommes auxquelles il a été condamné, il pouvait, en application de l’article 49 du code de procédure civile, interpréter le contrat de bail commercial ;
que le juge de l’exécution a déterminé le montant du loyer à hauteur de 1.020 euros par mois charges comprises alors que ni le commandement visant la clause résolutoire ni l’assignation n’indiquent un montant, que l’ordonnance de référé ne mentionne ni le montant ni le nombre de loyers impayés et que le contrat fait état d’un loyer de 8.400 euros annuel ; que l’ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée sur le montant du loyer qu’elle ne tranche pas dans son dispositif ;
qu’en fixant le loyer à 1.020 euros charges comprises, le juge de l’exécution a violé la force obligatoire du contrat de bail qui renvoie à la loi pour la révision triennale des loyers et ne prévoit pas de révision automatique, puisque M. [J] ne lui a jamais notifié la moindre révision de loyer de sorte que le loyer initial de 8.400 euros par an, soit 700 euros par mois, reste la loi des parties ; que même en appliquant l’indexation au 1er février 2021, le montant du loyer mensuel révisé n’était pas de 1.020 euros comme l’allègue M. [J] mais de 763,58 euros, soit 833,58 euros charges comprises ;
que lors de l’audience du juge de l’exécution, il était donc à jour tant de ses loyers et charges que des échéances au titre de l’arriéré ; que tous les loyers, charges et arriérés sont payés, l’échéancier fixé par le juge des référés arrivant à son terme le 31 décembre 2023 et ayant été respecté ;
A titre subsidiaire, il explique qu’une procédure de fixation du loyer est en cours devant le tribunal judiciaire de Paris, également saisi d’une contestation de la validité du congé délivré le 28 juin 2022 par le bailleur sans offre de renouvellement du bail ni indemnité d’éviction, et demande à la cour de renvoyer l’affaire devant cette juridiction ou en tout état de cause de surseoir à statuer dans l’attente du jugement, dans l’hypothèse où elle estimerait que les dispositions de l’article R.145-23 alinéa premier du code de commerce sont d’ordre public et lui interdisent d’interpréter le contrat de bail commercial pour en déterminer le loyer, détermination qui a une incidence sur la solution du litige.
Par ordonnance du 9 novembre 2023, non déférée à la cour, M. [J] a été déclaré irrecevable à conclure en application de l’article 905-2 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité des commandements de quitter les lieux et aux fins de saisie-vente
Aux termes de l’article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution.
Par ailleurs, il résulte de l’article L.213-6 alinéa 1er du code de l’organisation judiciaire que le juge de l’exécution doit trancher les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit.
Depuis l’ordonnance de référé du 24 octobre 2022, M. [X] justifie avoir payé chaque mois :
– 700 euros par mois au titre des loyers et charges courants,
– 775 euros par mois au titre de l’arriéré, en exécution de l’ordonnance, dès le 3 novembre 2022.
Dans la mesure où il existait une contestation entre M. [X] et M. [J] sur le montant du loyer courant à payer, le juge de l’exécution devait trancher celle-ci afin de déterminer si la clause résolutoire était ou non acquise en application de l’ordonnance de référé en vertu de laquelle les commandements contestés ont été délivrés et si, par voie de conséquence, la délivrance de ces commandements était justifiée.
Or il résulte des motifs de l’ordonnance de référé que M. [X] n’avait pas contesté le décompte locatif du bailleur, alors que c’est précisément devant le juge des référés, fixant le montant de la dette locative, qu’il aurait dû contester le montant du loyer mensuel réclamé. Toujours est-il que cette ordonnance ne mentionne nullement le montant du loyer, ni le nombre d’échéances impayées, se limitant à reprendre le montant du décompte locatif (11.600 euros) arrêté au 20 septembre 2022, 3ème trimestre 2022 inclus. Dès lors, le juge de l’exécution ne pouvait trouver, dans le titre exécutoire, l’information sur le montant du loyer, de sorte qu’il devait le déterminer au vu de toute pièce extérieure produite par les parties. L’assignation devant le juge des référés ne fournissant pas cette information, le juge de l’exécution s’est manifestement référé au décompte annexé au commandement de payer visant la clause résolutoire du 7 avril 2022. Or ce décompte porte sur un montant de 12.300 euros arrêté au 1er trimestre 2022 inclus. En l’absence de production du décompte actualisé fourni au juge des référés et en l’absence d’explications de M. [J], dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, il est difficile de comprendre le montant de la dette finalement retenu, d’autant plus que le décompte annexé au commandement fait certes état d’un loyer dû de 1.020 euros par mois charges comprises, mais seulement depuis le 1er trimestre 2021, le loyer charges comprises étant auparavant de 2.300 euros par trimestre, ce qui apparaît plus conforme au contrat de bail fixant le montant du loyer à 8.400 euros par an hors charges, soit 2.100 euros par trimestre, soit 700 euros par mois. De même, le commandement de payer aux fins de saisie-vente est délivré pour un montant principal de 9.645 euros mais aucun décompte ne permet de comprendre le détail de cette somme.
Pour autant, à supposer même que le juge de l’exécution ait fait une erreur sur le montant du loyer mensuel et que le montant à retenir soit de 700 euros par mois comme le soutient M. [X] (et comme il le soutient dans le cadre de l’instance pendante devant le tribunal judiciaire de Paris en contestation de la validité du congé et en fixation du montant du loyer), il n’en reste pas moins que ce montant n’inclut pas les charges, de sorte que M. [X] n’a pas payé les charges courantes, alors même que l’ordonnance de référé a énoncé précisément, dans son dispositif, que les mensualités de paiement de la dette étaient dues en plus du loyer et des charges courants. L’appelant ne peut donc prétendre avoir payé tous les loyers, charges et mensualités d’arriéré.
En tout état de cause, le simple fait que M. [X] conteste, devant le tribunal judiciaire et devant le juge de l’exécution et la cour, le montant du loyer de 1.020 euros par mois charges comprises, réclamé par M. [J], montre que c’est bien sur cette base, alléguée par le bailleur, que le montant de la dette a été fixé par le juge des référés. Il appartenait donc à M. [X] de contester ce montant en temps utile, étant rappelé que le juge des référés ne peut accorder une provision que si l’obligation n’est pas sérieusement contestable. C’est donc en vain qu’il conteste ce montant au stade de l’exécution au regard des dispositions précitées de l’article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution.
Il résulte de tous ces éléments que c’est à bon droit que M. [J] a estimé que la clause résolutoire avait retrouvé ses effets. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [X] de ses demandes.
Sur les demandes subsidiaires
La demande de renvoi devant le tribunal judiciaire est sans objet dès lors que la cour a statué, et aurait en tout état de cause été irrecevable, si elle avait été formulée à titre principal, dès lors que le juge de l’exécution, et partant la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, connaissent des contestations relatives à l’exécution forcée, de manière exclusive, conformément aux dispositions de l’article L.213-6 du code de l’organisation judiciaire.
Le sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal judiciaire n’apparaît pas opportun dans la mesure où le juge de l’exécution, et partant la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, ne peuvent remettre en cause le titre exécutoire, de sorte que la fixation du montant du loyer par le tribunal ne pourrait avoir une incidence sur la solution du litige soumis à la cour, et que, comme l’a relevé le premier juge, cette procédure pourrait seulement permettre le remboursement des sommes versées en trop. La demande de sursis à statuer est d’autant moins justifiée qu’elle est formée à titre subsidiaire.
M. [X] sera donc débouté de ses demandes subsidiaires.
Sur les demandes accessoires
L’issue du litige commande de confirmer les condamnations accessoires de M. [X], de le condamner aux dépens d’appel et de le débouter de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 août 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [B] [X] de ses demandes subsidiaires,
DEBOUTE M. [B] [X] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [B] [X] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,