Indemnité d’éviction : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17167

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Indemnité d’éviction : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17167
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7 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/17167

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 07 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17167 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQEF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Août 2022 -Président du TJ de PARIS – RG n° 22/54859

APPELANTE

S.E.L.A.S. LEXINGTON AVOCATS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me François ELBERG, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

S.A.S. CLOVER MDB prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 3]

S.A.R.L. M R CONSEILS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentées par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 et assistées de Me Frédéric COPPINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0053.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Avril 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Patricia LEFEVRE, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre

Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

Par acte sous seing privé en date du 14 septembre 2012, la société [O] [N] et Cie, a consenti un bail commercial à la société Lexington avocats, portant sur des locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 6]. Ce bail a été consenti pour une une durée de neuf années à compter du 20 septembre 2012, moyennant un loyer annuel en principal de 161 460 euros hors taxes et hors charges.

Par acte extrajudiciaire en date du 3 août 2020, la société [O] [N] et Cie a délivré à la société Lexington avocats un congé sans offre de renouvellement avec paiement d’une indemnité d’éviction, à effet du 19 septembre 2021, cet acte précisant qu’à défaut d’accord sur le montant de l’indemnité, celle-ci sera déterminée par le tribunal à dires d’expert.

Selon les sociétés Clover Mdb et MR conseils, elles ont acquis les locaux du [Adresse 2] aux termes d’un acte notarié du 27 juillet 2021.

Les parties se sont rapprochées afin de rechercher les conditions de sortie de la locataire et par courriel en date 13 avril 2023, les bailleresses ont pris acte des exigences et de la position de la locataire sur le protocole transactionnel proposé à sa signature et de la rupture des pourparlers en résultant.

C’est dans ce contexte que par acte extra-judiciaire du 15 juin 2022, les sociétés Clover Mdb et MR conseils ont fait assigner la société Lexington avocats devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris afin que soit fixé à dire d’expert, le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation.

Par ordonnance contradictoire du 24 août 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

– ordonné une expertise judiciaire au contradictoire des parties et désigné en qualité d’expert :M. [G] [K] [Y] avec mission de :

– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

– s’entourer si besoin est, de tout sachant et technicien de son choix ;

– visiter les locaux donnés a bail à la société Lexington avocats situés [Adresse 2] à [Localité 6], les décrire, les photographier, en cas de contestation les mesurer, dresser, le cas échéant, la liste des salariés employés dans ces locaux et sur ces fonds :

– rechercher en tenant compte de la nature de l’activité professionnelle autorisée par le bail, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction :

a) dans le cas d’une perte du fonds (valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation, de la réparation du trouble commercial et de tous autres postes de préjudice, ainsi que de la plus-value en résultant) ;

b) dans le cas de la possibilité d’un transfert du fonds sans perte conséquente de clientèle sur un emplacement de qualité équivalente (coût du transfert, acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que 1’ancien, frais et droits de mutation, de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial et de tous autres préjudices éventuels) ;

– évaluer le montant de l’indemnité d’occupation susceptible d`être due par la société Lexington avocats depuis le 20 septembre 2021, en précisant les éléments permettant à la juridiction éventuellement saisie de déterminer ce montant ;

– évaluer le montant de l’indemnité d’éviction à laquelle pourrait prétendre la société Lexington avocats, en précisant les éléments permettant à la juridiction éventuellement saisie de déterminer ce montant ;

– faire une proposition de comptes entre les parties ;

– dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera son rapport en un exemplaire original au greffe du tribunal judiciaire de Paris, service du contrôle des expertises, Parvis du tribunal de Paris 75859 Paris cedex 17, avant le 30 mars 2023, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle ;

– dit que 1’expert devra, lors de l’établissement de chaque première note aux parties, indiquer les pièces nécessaires à sa mission, le calendrier de ses opérations et le coût prévisionnel de la mesure d’expertise ;

– dit que sauf accord contraire des parties, 1’expert devra adresser à celles-ci un pré-rapport de ses observations et constatations ;

– dit que l’expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l’article 276 du code de procédure civile et rappelé qu’il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;

– désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre chacune des mesures d’instruction et statuer sur tout incident ;

– dit que l’expert devra rendre compte à ce magistrat de 1’avancement de ses travaux d’expertise et des diligences accomplies et qu’il devra 1’informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à 1’exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;

– fixé à la somme de 2 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui devra être consignée par les demanderesses entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, Parvis du tribunal de Paris 75859 Paris Cedex 17, dans le délai de six semaines a compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;

– dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

– dit n’y avoir lieu a référé sur la demande tendant à voir fixer le montant de l’indemnité d’occupation provisionnelle ; .

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles ;

– dit n’y avoir lieu a référé sur le surplus ;

– mis à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés ;

– rappelé que sa décision est exécutoire à titre provisoire.

Le 5 octobre 2022, la société Lexington avocats a interjeté de cette décision et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile, d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire des parties, dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de fixation provisionnelle de l’indemnité d’occupation et dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens et statuant à nouveau de :

– condamner les sociétés Clover Mdb et MR conseils à lui payer la somme provisionnelle de 500 000 euros à titre d’indemnité d’éviction ;

– rejeter la mesure d’expertise, in futurum, sollicitée par les sociétés Clover Mdb et MR conseils ;

– fixer le montant provisionnel de l’indemnité d’occupation mensuelle à la somme de 15 425,33 euros (soit 14 102 euros hors TVA au titre de l’indemnité proprement dite, et 1 323,33 euros au titre des charges) et ce jusqu’au 3 janvier 2023 date de libération effective des lieux et de la remise des clés aux sociétés bailleresses ;

– rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions des sociétés intimées et les condamner in solidum, aux entiers dépens de première instance et à la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre à hauteur d’appel, une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, les sociétés Clover Mdb et MR conseils demandent à la cour, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile, de les déclarer recevables et bien-fondées en leurs demandes et en conséquence de déclarer la société Lexington avocats irrecevable et mal-fondée en son appel, de rejeter ses demandes et de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné une mesure d’expertise judiciaire au contradictoire des parties. Elles sollicitent l’infirmation de cette décision, en ce qu’elle a rejeté leur demande tendant à voir fixer le montant de l’indemnité d’occupation provisionnelle, dit n’y avoir lieu à condamnation aux frais irrépétibles et qu’il incombait à chacune des parties de prendre à sa charge les dépens par elle exposés et statuant à nouveau, de :

– fixer le montant provisionnel de l’indemnité d’occupation à la somme de 202 950 euros hors taxes et charges par an à compter rétroactivement du 20 septembre 2020 ;

– condamner la société Lexington avocats à leur payer une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE,

Au préalable, il convient de relever que bien que demandant à la cour de déclarer les demandes de l’appelante irrecevables, les sociétés Clover Mdb et MR conseils ne développent aucune argumentation sur ce point, le dossier ne révélant aucune fin de non-recevoir présentant un caractère d’ordre public.

Au soutien de son appel, la société Lexington avocats prétend que le premier juge a commis une erreur de droit en estimant que faute d’être revêtu de la formule exécutoire, l’accord des parties intervenu en février 2022 sur le montant de l’indemnité d’éviction n’est pas un obstacle à la demande d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, retenant de ce fait, l’existence d’un motif légitime. Elle sollicite, l’accord des parties étant incontestable, le versement provisionnel de l’indemnité fixée par les parties à la somme de 500 000 euros.

Les intimées objectent que le protocole d’accord proposé à la signature de la société Lexington avocats n’a pas été régularisé et que l’appelante ne prouve pas qu’un accord portant sur le montant de l’indemnité d’éviction a été entériné, ce qui est un obstacle à sa contestation de la mesure d’expertise ainsi qu’à sa demande provisionnelle.

*

En application de l’article 145 du code civil, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le juge des référés, saisi dans le cadre de l’article 145 du code de procédure civile, n’a qu’à s’assurer de la plausibilité du litige et que celui-ci n’est pas manifestement voué à l’échec.

En l’espèce, l’allégation de l’appelante que les parties auraient dépassé le stade des pourparlers et seraient parvenues à un accord définitif sur le montant de l’indemnité d’éviction excluant tout motif légitime à la demande d’expertise, repose sur un échange de SMS entre le 17 février et le 22 mars 2022, aux termes duquel les parties envisagent une alternative – la vente des locaux à la locataire ou son départ- évoquent les conditions de son départ et un draft (brouillon) du protocole. Cet échange limité à quelques lignes ne permet pas de retenir, avec l’évidence requise, l’accord allégué sur le montant de l’indemnité d’éviction d’autant que la société Lexington avocats, dans son courriel du 13 avril 2022, souhaitait que l’indemnité d’éviction de 500 000 euros soit assujettie à la TVA, précisant qu’à défaut de réponse favorable des bailleresses et de fourniture par celles-ci de garantie, elle n’avait d’autres choix que de mettre un terme à la négociation.

La décision déférée sera, en conséquence, confirmée en ce qu’elle ordonne une expertise in futurum.

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Pour les motifs retenus ci-dessus, la cour ne peut que constater le caractère éminemment contestable de l’obligation des bailleresses de verser l’indemnité d’éviction au montant prétendument convenu en février 2022. Il sera dit n’y avoir lieu à référé de ce chef.

Les sociétés bailleresses ont relevé appel incident, réclamant la fixation provisionnelle de l’indemnité d’occupation à la somme de 202 950 euros par an hors taxe et hors charge et ce à compter du 20 septembre 2020, fondant leur prétention sur les conclusions en date du 20 octobre 2020 de l’expert qu’elles ont mandaté, M. [L]. L’appelante réclame cette fixation à la somme provisionnelle mensuelle de 15 425,33 euros (soit 14 102 euros hors TVA au titre de l’indemnité proprement dite, et 1 323,33 euros au titre des charges).

Le caractère non-contradictoire du rapport de M. [L] du 20 octobre 2020 comme l’organisation ensuite d’une expertise judiciaire afin de fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Lexington avocats exclut que le montant retenu par ce technicien commis par les bailleresses puisse être qualifié d’incontestable.

En revanche, la créance des bailleresses est incontestable à hauteur de la somme dont la société Lexington avocats se reconnaît débitrice. La décision déférée sera infirmée de ce chef et la société Lexington avocats sera condamnée au paiement de la somme provisionnelle mensuelle, 15 425,33 euros (soit 14 102 euros hors TVA au titre de l’indemnité proprement dite, et 1 323,33 euros au titre des charges) pour la période qui s’est écoulée du 20 septembre 2021, date d’effet du congé sans offre de renouvellement à la libération des lieux le 3 janvier 2023.

Les dispositions de l’ordonnance déférée au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées. La société Lexington avocats sera condamnée aux dépens d’appel et à payer une indemnité au titre des frais exposés par les sociétés Clover Mdb et MR conseils  pour assurer leur défense devant la cour.

PAR CES MOTIFS,

Infirme l’ordonnance du 24 août 2022 en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu a référé sur la demande tendant à voir fixer le montant de l’indemnité d’occupation provisionnelle et la confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant

Condamne la société Lexington avocats à payer aux sociétés Clover Mdb et MR conseils la somme provisionnelle mensuelle de 15 425,33 euros (soit 14 102 euros hors TVA au titre de l’indemnité proprement dite, et 1 323,33 euros au titre des charges) à valoir sur l’indemnité d’occupation due sur la période du 20 septembre 2021 au 3 janvier 2023 ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation provisionnelle de l’indemnité d’éviction présentée par la société Lexington avocats ;

Condamne la société Lexington avocats à payer aux sociétés Clover Mdb et MR conseils la somme de 2000 euros en application, à hauteur d’appel, de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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