Indemnité d’éviction : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14692

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Indemnité d’éviction : 7 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14692
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7 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/14692

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 07 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14692 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGI6U

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2022 -Juge de la mise en état de Paris – RG n° 21/09672

APPELANTE

S.A.S. ALTER FINANCE CAPITAL immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 340 110 329, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Gilbert MANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0627

Assistée de Me Katia MERSIC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0449

INTIMEES

S.A. SOCIETE DES HOTELS ET CASINO DE [Localité 1] immatriculée au RCS de LISIEUX sous le numéro 475 750 337 , prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 8]

[Localité 1]

S.A.S. SOCIETE D’EXPLOITATION DE L’HOTEL ET DU RESTAURANT FOUQUET’S immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 402 594 006, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentées par Me Valérie PANEPINTO de la SCP GUILLEMAIN PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0102

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 5 Avril 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 907 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

M. Douglas BERTHE, Conseiller

Mme Marie GIROUSSE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Madame Laurène BLANCO, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Faits et procédure

Par acte authentique en date à [Localité 7] du 22 décembre 2000, la société Alter Finance a donné à bail à la société Hotelux – aux droits de laquelle vient la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] un immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 2] à [Localité 5], pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2001, à usage d’hôtel, résidence hôtelière et activités annexes tels que restaurant, bar, salon de thé, espaces boutiques. Le bail s’est poursuivi par tacite reconduction. Puis, par acte extrajudiciaire du 28 septembre 2015, la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] ont sollicité le renouvellement dudit bail pour le 1er octobre 2015.

Par un jugement mixte du 18 juillet 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a jugé que les lieux loués sont monovalents et a ordonné une mesure d’instruction.

Par acte extrajudiciaire en date des 3 et 6 août 2018, la société Alter Finance a notifié à la Société d’Exploitation de l’Hotel et au Restaurant Fouquet’s et la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] son droit d’option et leur a offert une indemnité d’éviction.

Par un jugement du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment débouté la Société d’Exploitation de l’Hotel et au Restaurant Fouquet’s et la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] de leur demande en nullité de la signification en date des 3 et 6 août 2018 par la société Alter Finance Capital portant exercice de son droit d’option et de leur demande de voir reconnaître que le bail a été renouvelé à compter du 1er octobre 2015, dit que la signification de l’exercice du son droit d’option a mis fin de manière irrévocable, à compter du 30 septembre 2015, au bail liant les parties, dit que la Société d’Exploitation de l’Hotel et du Restaurant Fouquet’s et la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] ont droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction et sont redevables d’une indemnité d’occupation du 1er octobre 2015 à leur libération effective des locaux et, avant dire droit, a ordonné une mesure d’expertise.

Par acte d’huissier de justice du 16 juillet 2021, la Société d’Exploitation de l’Hotel et du Restaurant Fouquet’s et la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] ont saisi le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir réputer non écrite la clause d’indexation insérée au bail du 22 décembre 2000 modifié par avenant du 20 novembre 2006 et d’obtenir le remboursement des trop-versés de loyers du 1er janvier 2008 au 31 mars 2020 à hauteur de la somme totale de 4.879.879,16 euros.

Par ordonnance en date du 5 juillet 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a notamment rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir de la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] et de la prescription de la demande de la Société d’Exploitation de l’Hotel et du Restaurant Fouquet’s et la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1].

Par déclaration en date du 3 août 2022, la société Alter Finance Capital a interjeté appel total de l’ordonnance du 5 juillet 2022.

Moyens et prétentions

Dans ses conclusions déposées le 31 octobre 2022, la société Alter Finance Capital, appelante, demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge de la mise en état du 5 juillet 2022 ;

Statuant à nouveau,

– déclarer la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] irrecevables en leur action pour défaut de qualité à agir ;

– déclarer la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] prescrites en leur action et donc irrecevables à agir ;

En conséquence,

– débouter la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] de leurs demandes ;

– condamner la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Dans leurs conclusions déposées le 15 novembre 2022, la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1], intimées demandent à la cour de :

– débouter la société Alter Finance Capital de l’intégralité de ses demandes ;

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en date du 5 juillet 2022 ;

– condamner la société Alter Finance Capital à payer à la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] la somme de 7.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la présente procédure d’appel, lesquels seront recouvrés par Me Valérie Panepinto, avocat constitué ;

– condamner la société Alter Finance Capital à payer à la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] la somme de 225 euros correspondant au timbre fiscal.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées.

SUR CE,

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Sur la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité à agir de la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et de la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] :

L’article L.145-28 du code de commerce prévoit, notamment, qu’aucun “locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.”

La société Alter Finance Capital considère que la demande en renouvellement du bail formée par les preneurs a eu pour conséquence de mettre un terme au bail au 1er octobre 2015, qu’ainsi les relations contractuelles entre les parties ne relèvent plus du statut des articles L.145-1 et suivants du code de commerce en ce que les sociétés SEHRF et SHCD n’ont plus la qualité de locataire mais sont devenues occupantes, tenant leur titre uniquement de l’article L.145 28 du code de commerce, que par l’exercice de son droit d’option le bailleur met un terme définitif aux relations contractuelles entre les parties et de ce fait les preneurs n’ont plus qualité à agir pour remettre en cause tout ou partie d’un contrat qui a pris la fin.

La Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1], intimées, font valoir que la signification d’une demande de renouvellement ne fait pas perdre au preneur sa qualité de locataire, puisqu’elle vise précisément à la poursuite des relations contractuelles dans le cadre d’un bail renouvelé, qu’en toute hypothèse le preneur ne perd pas qualité à agir lorsqu’il s’agit de voir reconnaître le caractère non écrit d’une clause du bail, que l’exercice du droit d’option par le bailleur ne fait pas perdre qualité à agir au preneur, peu important sa qualité « d’occupante » ou de « locataire », les relations entre les parties relevant dans ce cadre des dispositions de l’article L.145-28 du code de commerce et donc du statut.

Contrairement à ce que soutient le bailleur, c’est à bon droit que le juge de la mise en état a reconnu la qualité de « locataire maintenu dans les lieux » aux sociétés intimées conformément, d’une part, aux termes même de l’article L.145-28 du code de commerce, et, d’autre part, en ce que le droit de rétention reconnu au locataire par le statut lui garantit, en cette qualité, un droit au maintien dans les lieux selon les clauses et conditions du bail expiré, auxquelles peuvent se référer tant le bailleur que le preneur en cas de non-respect ou de manquement par l’une ou l’autre des parties au contrat. Partant le juge de la mise en état en a justement déduit que la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] sont fondées à contester la licéité d’une clause d’indexation prévue par le bail.

L’ordonnance rendue sera confirmée de ce chef.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande :

L’article L.145-15 du code de commerce énonce que sont notamment réputées non écrites les clauses qui ont pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce.

La société Alter Finance Capital fait valoir que la demande des preneurs, tendant à voir déclarer non écrite la clause d’indexation du bail, introduite le 16 juillet 2021, est prescrite en vertu de l’article 2224 du code civil, que par l’effet de la demande de renouvellement du bail qui a mis fin à ce dernier au 1er octobre 2015 suite à l’exercice de son droit d’option par le bailleur l’imprescriptibilité d’ordre public, dont pouvait disposer les locataires, s’est effacée au profit du droit commun, que les preneurs étaient donc prescrits lors de la délivrance de l’assignation.

La Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] opposent que l’action tentant à voir réputer non écrite la clause d’un contrat est imprescriptible, que le locataire évincé, par application de l’article L.145-28 du code de commerce « a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré » et a donc qualité à agir, qu’en conséquence, la cour confirmera l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action.

Contrairement à ce que soutient le bailleur, le maintien dans les lieux se poursuivant selon les clauses et conditions du bail expiré, le locataire maintenu peut contester la licéité de la clause d’indexation contenue dans ce dernier, sans que ne puisse lui être opposée une quelconque prescription, tel que cela résulte du caractère réputé non écrit de ces clauses aux termes de l’article L145-15 du code de commerce.

Ainsi, c’est à bon droit que le juge de la mise en état a rappelé le caractère imprescriptible de l’action fondée sur cette disposition et l’ordonnance sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société Alter Finance Capital à supporter la charge des dépens et à payer à la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] la somme totale de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant dans le cadre de la présente instance la société Alter Finance Capital supportera la charge des dépens d’appel, comprenant notamment le montant du timbre fiscal de 225 euros conformément aux dispositions de l’article 695 du code de procédure civile. Elle sera, en outre, condamnée à payer la somme totale de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1].

PAR CES MOTIFS 

La cour,

CONFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris, en date du 5 juillet 2022, rendue sous le numéro de RG 21/9672 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ,

Condamne la société Alter Finance Capital à payer à la Société d’Exploitation de l’Hôtel et du Restaurant Fouquet’s et à la Société des Hôtels et Casino de [Localité 1] la somme totale de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Alter Finance Capital à supporter la charge des dépens d’appel, lesquels seront recouvrés par Maître Valérie Panepinto.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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