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7 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/02862
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 07 JUIN 2023
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02862 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDDOC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/02355
APPELANTE
S.C.I. PELICAN PATRIMOINE TURENNE
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 490 746 799
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assistée de Me Julien LEYMARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0909
INTIMEE
SARL LA MERCERIE PARISIENNE
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 4]
[Localité 5]
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 394 494 025
Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Assistée de Me Reynald BRONZONI de l’AARPI ANTES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0590
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Nathalie RECOULES, Présidente de chambre
Douglas BERTHE, Conseiller
Emmanuelle LEBÉE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Madame Laurène BLANCO, Greffier présent lors de la mise à disposition.
Faits et procédure:
Par acte sous seing privé en date du 17 mars 2006, la société Damia aux droits de laquelle se trouve la société Pélican Patrimoine Turenne (ci-après, la société « Pélican ») a donné à bail à la société La Mercerie Parisienne divers locaux commerciaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 5] pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2006 jusqu’au 31 décembre 2014.
Par acte d’huissier de justice du 19 juin 2014, la société Damia a fait signifier à la société Mercerie Parisienne un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction à effet au 31 décembre 2014.
Par une ordonnance du 4 janvier 2016, M. [K] a été désigné en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport le 23 décembre 2016.
Arguant que la locataire s’est maintenu dans les lieux postérieurement à la date d’effet du congé, la société Pélican a saisi le tribunal de grande instance de Paris par assignation du 13 février 2018 aux fins de voir fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 81.200 euros par an hors charges et hors taxes.
Par jugement en date du 22 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
– dit que l’action en fixation de l’indemnité d’éviction est recevable ;
– rejeté les demandes de la société Pélican tendant à l’expulsion de la société Mercerie Parisienne, à la séquestration des biens et objets mobiliers et au paiement d’une indemnité d’occupation de droit commun ;
– dit que le refus de renouvellement délivré par la société Pélican le 19 juin 2014 à l’encontre de la société Mercerie Parisienne a mis fin à compter du 31 décembre 2014 minuit au bail du 17 mars 2006 portant sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 5] ;
– dit que ce congé a ouvert droit pour la société Mercerie Parisienne au paiement à une indemnité d’éviction et que cette dernière est redevable envers la société Pélican d’une indemnité d’occupation du 1er janvier 2015 jusqu’à son départ effectif des locaux ;
– condamné la société Pélican à payer à la société Mercerie Parisienne, outre les frais de licenciement sur justificatifs, la somme globale de 1.134.684 euros au titre de l’indemnité d’éviction, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, qui se décompose ainsi :
‘ 986.984 euros pour l’indemnité principale ;
‘ 102.400 euros pour les frais de remploi ;
‘ 2.000 euros pour le trouble commercial ;
‘ 43.300 euros pour les frais de réinstallation ;
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamné la société Mercerie Parisienne à payer à la société Pélican la somme annuelle de 81.200 euros hors charges et hors taxes du 1er janvier 2015 jusqu’à la libération effective des locaux à titre d’indemnité d’occupation ;
– dit que cette indemnité d’occupation sera indexée dans les conditions du bail ;
– dit qu’en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 13 février 2018, date de l’assignation, puis au fur et à mesure des échéances échues ;
– dit n’y avoir lieu à capitalisation de ces intérêts ;
– condamné la société Pélican à payer les dépens de l’instance, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire confiée à M. [D] [K] et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– condamné la société Pélican à payer à la société Mercerie Parisienne la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Par déclaration en date du 11 février 2021, la société Pélican Patrimoine Turenne a interjeté appel partiel du jugement du 22 décembre 2020.
Moyens et prétentions
Dans les conclusions déposées le 21 mars 2023, la société Pélican, appelante, demande en substance à la cour d’infirmer le jugement dont appel excepté concernant le montant de l’indemnité d’occupation et, statuant à nouveau, à titre subsidiaire, de juger la société Mercerie Parisienne irrecevable en sa demande de fixation d’indemnité d’éviction car prescrite, ordonner l’expulsion de la société Mercerie Parisienne, occupante sans droit, ni titre, et de toutes autres personnes se trouvant dans les lieux de son fait avec toutes conséquences de droit, à titre principal, de fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Mercerie Parisienne Parisienne à la somme de 81.200 euros hors taxes et hors charges par an, ordonner leur capitalisation dans les conditions 1343-2 du code civil, à titre subsidiaire, fixer le montant de l’indemnité d’éviction due à la société Mercerie Parisienne Parisienne à la somme de 394.515,20 euros, en tout état de cause, débouter la société Mercerie Parisienne Parisienne de ses demandes et la condamner aux dépens qui seront recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la société Pélican Patrimoine Turenne la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du même code.
Dans les conclusions déposées le 30 mars 2023, la société La Mercerie Parisienne, intimée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner au titre de la présente instance la société Pélican Patrimoine Turenne au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera synthétisée.
SUR CE,
Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Aux termes de l’article 2239 du code civil, applicable en l’espèce, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès et le délai recommence à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.
L’article 2241 du code civil prévoir que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.
L’article L.145-9 du code de commerce prévoit que l’action en paiement d’une indemnité d’éviction doit être introduite avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
La société Pélican Patrimoine Turenne expose que le point de départ du délai de prescription au 31 décembre 2014 a été suspendu et non interrompu par l’action en référé introduite par elle le 09/11/2015 et ce à son seul profit jusqu’au dépôt du rapport par l’expert désigné le 23/12/2016. Elle considère que, contrairement à ce que le preneur soutient, les conclusions déposées du 12 juin 2018 ne constituent pas une action au sens de l’article 30 du code de procédure civile ni une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil, de sorte que le preneur est prescrit dans sa demande depuis le 31 décembre 2016 faute d’avoir délivré une assignation en fixation du montant de l’indemnité d’éviction. À titre subsidiaire, elle soutient qu’à supposer même que le délai ait été suspendu à l’égard du preneur jusqu’au dépôt du rapport, il était prescrit au 13 février 2018.
La société La Mercerie Parisienne, intimée, oppose qu’en vertu de l’article 2241 du code civil, le délai de prescription de l’article L.145-60 du code de commerce a été interrompu par l’assignation en référé jusqu’au 4 janvier 2016, date de l’ordonnance, puis suspendu jusqu’au dépôt du rapport de l’expert le 23 décembre 2016 conformément aux dispositions de l’article 2239 du code civil, qu’ainsi elle n’était pas prescrite lorsqu’elle a formé sa demande reconventionnellement par conclusions signifiées le 15 mai 2018.
Contrairement à ce que soutient le bailleur, l’application des articles 2239 et 22041 du code civil n’est pas alternative mais cumulative. Ainsi, l’action en référé introduite le 09/11/2015 aux fins d’évaluer l’indemnité d’occupation due au bailleur et l’indemnité d’éviction due au preneur, tel que cela résulte des termes de l’ordonnance, l’ayant été par voie d’assignation, le délai de prescription a été interrompu à l’égard des deux parties puis suspendu par l’ordonnance rendue le 4 janvier 2016 de sorte que le délai qui a recommencé à courir à l’issue du dépôt du rapport de l’expert, le 23 décembre 2016, était un nouveau délai de deux ans. Il s’en déduit que la demande valablement formée à titre reconventionnelle par voie de conclusion signifiées par le preneur le 15 mai 2018 n’était pas prescrite.
Le jugement sera confirmé par motifs substitués en ce qu’il a déclaré recevable l’action en fixation de l’indemnité d’éviction.
Sur le montant de l’indemnité d’éviction
Aux termes de l’article L.145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction destinée à permettre à ce locataire de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. L’indemnité d’éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Sur l’indemnité principale
Il n’est pas contesté que l’éviction de la société Mercerie Parisienne entraînera la perte du fonds de commerce et qu’en conséquence l’indemnité d’éviction principale prend la valeur d’une indemnité de remplacement.
Il n’est par ailleurs pas contesté que la valeur du droit au bail étant supérieure à la valeur du fonds de commerce, le montant de l’indemnité d’éviction sera calculée en fonction de la valeur du droit au bail.
La valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d’usage d’appliquer un coefficient de situation en fonction de l’attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux.
La valeur locative est, conformément aux dispositions de l’article L.145-33 du code de commerce déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Aux termes de l’article R.145-6 du même code, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
L’article R.145-7 dispose que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6 et qu’à défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
C’est par motifs pertinents et détaillés, que la cour adopte, que le tribunal a rappelé les constats opérés par l’expert concernant les caractéristiques du bail et des locaux soulignant la bonne situation géographique des locaux, situés dans un axe commerçant recherché par les enseignes nationales et internationales de moyenne gamme, l’attractivité du quartier pour les chalands ainsi que la qualité de l’immeuble et des aménagements de la boutique exploitée. La bonne adéquation entre l’emplacement et l’activité de vente d’articles de mercerie à laquelle conclut l’expert n’est pas discutée.
Le bail prévoit, d’une part, que les lieux sont destinés à l’activité de « conception, [‘] fabrication ou mise en fabrication, [‘] négoce en gros, ou au détail, [‘] vente par correspondance d’articles de mercerie [mais aussi] de fils, de tissus, de dentelles, de laine, de bijoux, d’ouvrages, de perles de livres, de composants pour la réalisation d’ouvrage et de bijoux et accessoirement d’articles de décoration » et, d’autre part, une interdiction de céder le seul droit au bail indépendamment du fonds de commerce.
La surface pondérée des locaux fixée par l’expert à 53,10 m²P n’est pas contestée par les parties.
Faute d’activité équivalente dans la [Adresse 6], les valeurs de références mentionnées par l’expert concernent essentiellement des commerces de prêt-à-porter, de maroquinerie et de bijouterie qu’il a, conformément aux dispositions rappelées ci-dessus, corrigées en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
Ces valeurs concernent des boutiques néanmoins situées dans la même rue que les locaux occupés par la société intimée. Elles s’échelonnent, pour les locations nouvelles entre 1.364 et 4.235 €/m²P, pour les loyers fixés judiciairement entre 1.000 et 2.300 €/m²P et pour les loyers renouvelés amiablement entre 1.364 et 1.926 €/m²P.
L’expert a, sur la base de la valeur locative libre de marché en 2015, proposé de retenir le montant de 4.000 euros/m² au titre de la valeur unitaire locative de marché non discutée par les parties.
En revanche, le bailleur sollicite l’application d’un abattement de 30% considérant que les marges réalisées dans un commerce de prêt-à-porter sont supérieures à celles réalisées dans un commerce de lingerie et qu’en conséquence la valeur locative d’un commerce de mercerie doit être retraitée à juste proportion par rapport à la valeur marchande du fonds de commerce, sans toutefois apporter aucun chiffre probant ou étayé au soutien de son affirmation.
En outre, le tribunal a rappelé que l’expert avait procédé à l’analyse des prix de cession moyen constatés dans les grandes villes françaises variant de 50 à 85 % du chiffre d’affaires HT. L’expert a, tenant compte de l’objection relative à l’impossibilité pour une mercerie de supporter un loyer aussi élevé que celui d’une activité de prêt-à-porter ou de maroquinerie, conclu à l’application d’un coefficient d’abattement de 15%.
Ainsi, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a retenue la valeur locative de marché en 2015 à la somme de 180.540 euros, soit [(4.000 €/m² x 15%) x 53,1 m²].
Conformément aux dispositions des articles L145-34 et R.145-6 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés doit notamment tenir compte de la modification des facteurs locaux de commercialité, lesquels s’apprécient in concreto en ce qu’ils doivent présenter un intérêt pour l’activité commerciale considérée.
C’est par motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a repris les observations faites par l’expert concernant les facteurs locaux de commercialité tout en caractérisant, au cas d’espèce, en quoi l’amélioration constatée, qui a bénéficié à tous les commerces de la rue depuis 2006, n’a pas présenté d’intérêt particulier pour la locataire dans la mesure où, alors qu’elle bénéficie d’une bonne visibilité depuis la rue lorsque la porte cochère est ouverte, elle n’a pu bénéficier des avantages de la piétonnisation de la rue le dimanche depuis octobre 2008, cette porte étant fermée ce jour-là.
Faute pour le bailleur d’apporter la preuve d’un intérêt direct pour l’activité du preneur des facteurs qu’il avance, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé le montant du loyer de renouvellement au montant arrondi de 57.167 €/HT, retenant l’application de l’indice ICC non discuté par les parties.
En absence de contestation des parties du coefficient de 8 appliqué par l’expert au calcul de la valeur du droit au bail par le différentiel des deux valeurs ci-dessus retenues, la cour confirmera le montant de l’indemnité principale à la somme de 986.984 euros.
Sur les indemnités accessoires
Frais de remploi ou d’agence :
Ces frais comprennent les frais et droits de mutation que doit supporter le locataire évincé pour se réinstaller.
Faute pour le bailleur de justifier de la nouvelle méthode qu’il soutient, le tribunal sera suivi en ce qu’il a retenu la proposition de l’expert de retenir un pourcentage de 10% de la valeur vénale du fond représentée ici par la valeur du droit au bail mais sera infirmé sur son montant en raison de l’erreur matérielle commise, le tribunal ayant calculé les 10% sur la valeur du droit au bail calculé par l’expert sur la base de l’ILC et non de l’ICC comme finalement retenu.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef et la cour fixera le montant de l’indemnité au titre des frais de remploi à la somme de 98.698 euros.
Les frais de réinstallation
Ces frais sont destinés à indemniser le preneur des sommes engagées pour libérer entièrement les locaux dont il est évincé et des frais nécessaires à la reprise de son activité dans de nouveaux locaux.
Il est d’usage qu’un abattement soit appliqué au frais justifiés ou estimés par le locataire évincé pour tenir compte de la vétusté des mobiliers abandonnés et de leur amortissement.
Contrairement ce que soutient le bailleur, l’abattement de 50% retenu par l’expert tient compte de ces critères et le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu sur ce poste la somme de 43.300 euros.
Sur l’indemnité d’occupation
Conformément aux dispositions de l’article L145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui a droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction est tenu au paiement d’une indemnité d’occupation, égale à la valeur locative de renouvellement.
Le montant retenu par le tribunal au titre de l’indemnité d’occupation n’est pas contesté par les parties et sera confirmé. En revanche, la bailleresse sollicite de la cour d’infirmer la décision en ce qu’elle n’a pas ordonné la capitalisation des intérêts sollicitée.
Contrairement à ce qu’a retenu les tribunal, le principe du droit à percevoir une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2015 ayant été reconnu aux termes de la décision laquelle a constaté que « des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû », les conditions de l’article 1343-2 du code civil sont remplies et il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à compter de la date du jugement conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du même code.
Le jugement sera donc infirmé de ce seul chef.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Succombant partiellement en ses demandes, la SCI Pélican Patrimoine Turenne sera condamnée à supporter la charge des dépens et à payer à la société Mercerie Parisienne la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris, sous le numéro de RG 18/2355, en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité de remploi à la somme de 102.400 euros et en ce qu’il a refusé d’ordonner la capitalisation des intérêts dus sur l’indemnité d’occupation ;
Statuant à nouveau,
Fixe le montant de l’indemnité de remploi à la somme de 98.698 euros ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus sur le paiement des indemnités d’occupation depuis le 22 décembre 2020 ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI Pélican Patrimoine Turenne à payer à la société Mercerie Parisienne la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la SCI Pélican Patrimoine Turenne à supporter la charge des dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE