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7 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/17105
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 07 JUILLET 2023
(n° , 18 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17105 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGP6A
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Juillet 2022 -Président du TJ de Meaux – RG n° 22/00273
APPELANTS
Monsieur [IG] [O]
[Adresse 20]
[Localité 18]
Monsieur [C] [N]
[Adresse 8]
[Localité 19]
né le 26 Mars 1993 à [Localité 11]
Madame [Y] [T]
[Adresse 8]
[Localité 19]
née le 24 Janvier 1989 à [Localité 22]
Madame [W] [S]
[Adresse 20]
[Localité 18]
Monsieur [F] [O]
[Adresse 7]
[Localité 12]
Madame [A] [I]
[Adresse 4]
[Localité 9]
Monsieur [U] [YF]
[Adresse 5]
[Localité 16]
Madame [X] [P]
[Adresse 5]
[Localité 16]
Monsieur [G] [L]
[Adresse 21]
[Localité 13]
Madame [J] [XV]
[Adresse 21]
[Localité 13]
représentés par Me Sylvie NOACHOVITCH de la SELARL SELARL INTER BARREAUX SYLVIE NOACHOVITCH & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1833, substituéE à l’audience par Me Sébastien BLAZARINI NOACHOVITCH et par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
Madame [JZ] [R]
[Adresse 1]
[Localité 17]
Monsieur [H] [M]
[Adresse 2]
[Localité 14]
Monsieur [B] [D]
[Adresse 10]
[Localité 15]
Monsieur [K] [V]
[Adresse 10]
[Localité 15]
représentés par Me Stéphane CHOISEZ de la SELARL CHOISEZ & ASSOCIES Société d’avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C2308,
et par Me Benjamin CABAGNO de la SELARL CHOISEZ & ASSOCIES Société d’avocats, avocat au barreau de PARIS substitué à l’audience par Me Mathilde LAVENU
INTIMEES
S.A.S. PV EXPLOITATION FRANCE
Société par actions simplifiée à associé unique, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 3],
[Adresse 3]
[Localité 11]
S.A.S. PV-CP CITY Société par actions simplifiée à associé unique, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 3],
[Adresse 3]
[Localité 11]
représentées par Me Géraldine MACHINET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque NAN 1701, et par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 juin 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Sonia DAIRAIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.
La société PV CP City exploite 247 appartements dans une résidence de tourisme dénommée Adagio Val d’Europe, située [Adresse 6] à [Localité 19] (77), aux portes de Disneyland à Marne-la-Vallée.
Elle vient aux droits de la société PV Résidences & Resorts France, elle-même venant aux droits de la société PV-CP Résidences exploitation, qui bénéficiait en qualité de locataire de baux commerciaux d’une durée de neuf années expirant le 30 septembre 2021 consentis par différents bailleurs, propriétaires de lots dans la résidence, aux droits desquels viennent M. [IG] [O] et Mme [S], M. [F] [O], Mme [I], M. [YF] et Mme [P], M. [L] et Mme [XV], M. [N] et Mme [T], M. [M], M. [V] et Mme [D] et Mme [R].
Entre le 24 février et le 26 mars 2021, les bailleurs ont délivré à la locataire des congés avec refus de renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction pour le 30 septembre 2021.
Entre octobre et décembre 2021, les bailleurs ont repris possession des lots et changé les serrures des locaux.
Par acte du 28 février 2022, la société PV Exploitation France a assigné M. [IG] [O] et Mme [S], M. [F] [O], Mme [I], M. [YF] et Mme [P], M. [L] et Mme [XV], M. [N] et Mme [T], M. [M], M. [V] et Mme [D] et Mme [R] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux, aux fins, pour l’essentiel, de les voir condamner sous astreinte à lui remettre les clés des nouvelles serrures, de voir ordonner leur expulsion et de les voir condamner à lui verser des dommages et intérêts à titre provisionnel.
Par ordonnance du 22 juillet 2022, le juge des référés a :
reçu l’intervention volontaire de la société PV CP City ;
déclaré parfait le désistement d’instance de la société PV Exploitation France ;
dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
condamné, chacun sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant deux mois à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours courant à compter de la signification de la décision et pour chacun des lots lui appartenant situé dans la résidence dénommée Adagio Val d’Europe située [Adresse 6] à [Localité 19] (77) :
M. [IG] [O] et Mme [S] propriétaires des lots 23 et 434 (respectivement appartements 16 et 355) ;
M. [F] [O] propriétaire du lot 170 (appartement 326) ;
Mme [I] propriétaire des lots 10 et 415 (appartements 29 et 247) ;
M. [YF] et Mme [P] propriétaires du lot 155 (appartement 372);
M. [L] et Mme [XV] propriétaires du lot 138 (appartement 201) ;
M. [N] et Mme [T] propriétaires des lots 45, 52, 110, 364 et 421 (respectivement appartements 172, 132, 229, 61 et 260) ;
M. [M] propriétaire des lots 46, 145 et 387 (respectivement appartements 173, 242 et 148) ;
M. [V] et Mme [D] propriétaires du lot 103 (appartement 276) ;
Mme [R] propriétaire des lots 131 et 420 (respectivement appartements 208 et 259) ;
à remettre à la société PV CP City les clés des serrures des appartements qui constituent les lots susvisés ;
ordonné, à défaut de remise volontaire à la société PV CP City des clés des serrures de ces appartements dans les huit jours de la signification de l’ordonnance, l’expulsion de M. [IG] [O], Mme [S], M. [F] [O], Mme [R], M. [N], Mme [T], Mme [I], M. [YF], Mme [P], M. [M], M. [L], Mme [XV], M. [V] et Mme [D], ainsi que de tous occupants de leur chef de ces appartements, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
condamné M. [IG] [O] et Mme [S] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 4.930,35 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [F] [O] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 2.771 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné Mme [I] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 4.316,07 euros toutes taxes comprises au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [YF] et Mme [P] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 2.928,51 euros toutes taxes comprises au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [L] et Mme [XV] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 10.590,72 euros toutes taxes comprises au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [V] et Mme [D] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 1.170 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné Mme [R] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 1.969,17 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance pour le lot 131 ;
condamné M. [M] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 2.993,13 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance pour les lots 46 et 145 ;
condamné M. [N] et Mme [T] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 8.564,65 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société PV CP City au titre de la privation de la jouissance des lots 387 et 420 appartenant respectivement à M. [M] et à Mme [R] ;
condamné à titre provisionnel la société PV CP City à payer à :
M. [IG] [O] et Mme [S] : 30.610,01 euros au titre des loyers impayés et 2.499,11 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [F] [O] : 12.195,23 euros au titre des loyers impayés et 785,97 euros au titre des indemnités d’occupation ;
Mme [I] : 21.570,18 euros (10.164,88 + 11 .405,30) au titre des loyers impayés et 3.107,57 euros (1.464,43 + 1.643,14) au titre des indemnités d’occupation ;
M. [YF] et Mme [P] : 10.284,28 euros au titre des loyers impayés et 872,80 euros au titre des indemnités d’occupation,
M. [L] et Mme [XV] : 7.475,80 euros au titre des loyers impayés et 1.942,20 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [N] et Mme [T] : 26.015,50 euros au titre des loyers impayés ;
laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;
rejeté les autres demandes.
Entre temps, en juillet 2022, les bailleurs ont introduit une action au fond à l’encontre de la société PV CP City devant le tribunal judiciaire de Meaux afin qu’il valide les congés délivrés, juge que les baux commerciaux sont arrivés à leur terme et condamne la société PV CP City au paiement des loyers impayés.
Par déclaration du 4 octobre 2022 (RG n° 22/17105), Mme [R], M. [M], Mme [D] et M. [V] ont interjeté appel de l’ordonnance de référé en ce qu’elle a :
reçu l’intervention volontaire de la société PV CP City ;
déclaré parfait le désistement d’instance de la société PV Exploitation France ;
dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
condamné, chacun sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant deux mois à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours courant à compter de la signification de la décision et pour chacun des lots lui appartenant situé dans la résidence dénommée Adagio Val d’Europe située [Adresse 6] à [Localité 19] (77) :
M. [M] propriétaire des lots 46, 145 et 387 (respectivement appartements 173, 242 et 148) ;
M. [V] et Mme [D] propriétaires du lot 103 (appartement 276) ;
Mme [R] propriétaire des lots 131 et 420 (respectivement appartements 208 et 259) ;
à remettre à la société PV CP City les clés des serrures des appartements qui constituent les lots susvisés ;
ordonné, à défaut de remise volontaire à la société PV CP City des clés des serrures de ces appartements dans les huit jours de la signification de l’ordonnance, leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef de ces appartements, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
condamné M. [V] et Mme [D] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 1.170 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné Mme [R] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 1.969,17 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance pour le lot 131 ;
condamné M. [M] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 2.993,13 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance pour les lots 46 et 145 ;
dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société PV CP City au titre de la privation de la jouissance des lots 387 et 420 appartenant à M. [M] et Mme [R] ;
laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;
rejeté les autres demandes.
Par déclaration du 10 décembre 2022 (RG n°22/20808), M. [IG] [O] et Mme [S], M. [F] [O], Mme [I], M. [YF] et Mme [P], M. [L] et Mme [XV] ont interjeté appel de la décision, en critiquant l’ensemble de ses chefs dispositif.
Par déclaration du 3 janvier 2023 (RG n° 23/01178), M. [N] et Mme [T] ont interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a :
reçu l’intervention volontaire de la société PV CP City ;
déclaré parfait le désistement d’instance de la société PV Exploitation France ;
dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
condamné, chacun sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant deux mois à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours courant à compter de la signification de la décision et pour chacun des lots lui appartenant situé dans la résidence dénommée Adagio Val d’Europe située [Adresse 6] à [Localité 19] (77) :
M. [N] et Mme [T], propriétaires des lots 45, 52, 110, 364 et 421 (respectivement appartements 172, 132, 229, 61 et 260), à remettre à la société PV CP City les clés des serrures des appartements qui constituent les lots susvisés ;
ordonné, à défaut de remise volontaire à la société PV CP City des clés des serrures de ces appartements dans les huit jours de la signification de l’ordonnance, leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef de ces appartements, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
alloué à la société PV CP City une provision de 8.564,65 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné à titre provisionnel la société PV CP City à leur payer 26.015,50 euros au titre des loyers impayés ;
laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;
rejeté les autres demandes.
Par deux ordonnances du 2 mars 2023, la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros RG 22/17105, RG 22/20808 et RG 23/01178 a été ordonnée.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 22 mai 2023, M. [M] et Mme [TZ], M. [V] et Mme [D] et Mme [R] (ci-après les appelants n° 1) demandent à la cour de :
infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle les condamne à la remise des clés, prononce leur expulsion et les condamne au paiement d’une indemnité provisionnelle ;
débouter la société PV CP City de l’intégralité de ses demandes ;
en tout état de cause,
condamner la société PV CP City au paiement de la somme de 1.000 euros à chaque propriétaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 24 mai 2023, M. [IG] [O] et Mme [S], M. [F] [O], Mme [I], M. [YF] et Mme [P], M. [L] et Mme [XV], M. [N] et Mme [T] (ci-après les appelants n° 2) demandent à la cour de :
confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
condamné à titre provisionnel la société PV CP City à payer à :
M. [IG] [O] et Mme [S] : 30.610,01 euros au titre des loyers impayés et 2.499,11 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [F] [O] : 12.195,23 euros au titre des loyers impayés et 785,97 euros au titre des indemnités d’occupation ;
Mme [I] : 21.570,18 euros au titre des loyers impayés et 3.107,57 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [YF] et Mme [P] : 10.284,28 euros au titre des loyers impayés et 872,80 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [L] et Mme [XV] : 7.475,80 euros au titre des loyers impayés et 1.942,20 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [N] et Mme [T] : 26.015,50 euros au titre des loyers impayés ;
confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a déclaré sérieusement contestable que le préjudice de jouissance subi par la société PV CP City soit identique pour chaque lot quelle que soit sa consistance ;
infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions, et notamment en ce qu’elle a :
reçu l’intervention volontaire de la société PV CP City ;
déclaré parfait le désistement d’instance de la société PV Exploitation France ;
dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
condamné chacun d’eux, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant deux mois à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours courant à compter de la signification de la décision et pour chacun des lots lui appartenant situé dans la résidence dénommée Adagio Val d’Europe située [Adresse 6] à [Localité 19] (77) à remettre à la société PV CP City les clés des serrures des appartements ;
ordonné, à défaut de remise volontaire des clés des serrures de ces appartements dans les huit jours de la signification, leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef de ces appartements, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
condamné M. [IG] [O] et Mme [S] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 4.930,35 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [F] [O] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 2.771 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné Mme [I] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 4.316,07 euros toutes taxes comprises au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [YF] et Mme [P] payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 2.928,51 euros toutes taxes comprises au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [L] et Mme [XV] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 10.590,72 euros toutes taxes comprises au titre de son préjudice de jouissance ;
condamné M. [V] et Mme [D] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 1.170 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance,
condamné Mme [R] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 1.969,17 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance pour le lot 131 ;
condamné M. [M] à payer à titre provisionnel à la PV CP City la somme de 2.993,13 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance pour les lots 46 et 145 ;
condamné M. [N] et Mme [T] à payer à titre provisionnel à la société PV CP City la somme de 8.564,65 euros hors taxes au titre de son préjudice de jouissance ;
dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société PV CP City au titre de la privation de la jouissance des lots 387 et 420 appartenant respectivement à M. [M] et à Mme [R] ;
laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;
rejeté les autres demandes ;
en conséquence, statuant à nouveau,
in limine litis,
déclarer irrecevables l’assignation et les demandes de la société PV Exploitation France et, par voie de conséquence, de la société PV CP City ;
à titre principal,
ordonner le sursis à statuer des demandes de la société PV CP City dans l’attente de la décision au fond ;
à titre subsidiaire,
débouter la société PV CP City de l’intégralité de ses demandes ;
juger que les demandes de la société PV CP City sont dénuées d’urgence ;
juger que les demandes de la société PV CP City se heurtent à des contestations sérieuses ;
juger que le chiffrage de la demande de la société PV CP City se heurte à des contestations sérieuses ;
juger que le calcul de la demande de la société PV CP City se heurte à des contestations sérieuses ;
condamner la société PV CP City à payer les sommes suivantes, confirmant ainsi l’ordonnance dont appel :
M. [IG] [O] et Mme [S] : 687 euros au titre des loyers impayés et de l’indemnité d’occupation ;
M. [F] [O] : 12.195,23 euros au titre des loyers impayés et 785,97 euros au titre des indemnités d’occupation,
Mme [I] : 21.570,18 euros au titre des loyers impayés et 3.107,57 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [YF] et Mme [P] : 872,80 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [L] et Mme [XV] : 7.475,80 euros au titre des loyers impayés et 1.942,20 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [N] et Mme [T] : 26.319,85 euros au titre des loyers impayés ;
condamner la société PV CP City à leur payer la somme de 2.500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
déclarer sérieusement contestable la créance invoquée par la société PV CP City ;
condamner la société PV CP City à supporter les entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 24 mai 2023, les sociétés PV CP City et PV Exploitation France demandent à la cour de :
confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné aux bailleurs la remise des clés à la société PV CP City, l’expulsion de tout occupant et a jugé que la société PV CP City avait subi un préjudice de jouissance des lieux litigieux ;
infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné les bailleurs à titre provisionnel à verser à la société PV CP City les sommes suivantes en réparation du préjudice :
les consorts [V]-[D] : 1.170 euros ;
Mme [R] : 1.969,17euros ;
M. [M] : 1.993,13 euros ;
les consorts [O]-[S] : 4.930,35euros ;
M. [F] [O] : 2.771 euros ;
Mme [I] : 4.316,07euros ;
les consorts [YF]-[P] : 2.928,51euros ;
les consorts [L]-[XV] : 10.590,72 euros ;
les consorts [N]-[T] : 8.564,65euros ;
et statuant à nouveau,
juger que les bailleurs manquent à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible des locaux loués ;
juger que les bailleurs ont commis une voie de fait en procédant au changement des serrures des locaux loués ;
en conséquence,
condamner chaque bailleur, sous astreinte de 2.000 euros par jour, à remettre les clés des nouvelles serrures à la société PV CP City ;
condamner les appelants à payer à la société PV CP City l’indemnité provisionnelle suivante :
M. [V] et Mme [D], propriétaires du lot 103 : 410.076 euros TTC ;
Mme [R], propriétaire des lots n°131 et 420 : 4.654.296 euros TTC ;
M. [M], propriétaire des lots n°46, 145, 387 : 21.938.292 euros TTC ;
M. [F] [O], propriétaire du lot n°170 : 4.231.080 euros TTC ;
M. [IG] [O] et Mme [S], propriétaires des lots n°23 et 434 : 13.078.116 euros TTC ;
Mme [I], propriétaire des lots n°10, 415 : 13.091.256 euros TTC ;
M. [YF] et Mme [P], propriétaire du lot n°155 : 8.847.036 euros TTC ;
M. [L] et Mme [XV], propriétaires du lot n°138 : 8.847.036 euros TTC ;
M. [N] et Mme [T], propriétaires des lots n°45, 52, 110, 364 : 35.798.220 euros TTC ;
ordonner l’expulsion immédiate des bailleurs et de tous occupants de leurs chefs en la forme accoutumée et ce, avec l’assistance de la force publique et l’aide d’un serrurier si nécessaire, pour que la société PV CP City recouvre la jouissance des locaux loués ;
sur la demande reconventionnelle en paiement des loyers,
à titre principal,
juger qu’il existe une contestation sérieuse à la condamnation de la société PV CP City en raison :
de la possibilité pour la société preneuse d’invoquer l’exception d’inexécution compte-tenu de l’impossibilité de jouir des locaux loués conformément à leur destination contractuelle ;
de la perte partielle de la chose louée libérant temporairement le preneur de son obligation de règlement des loyers ;
de l’existence d’une situation de force majeure rendant impossible l’exécution du bail et donc des obligations réciproques des parties ;
en conséquence,
dire n’y avoir lieu à référé ;
débouter les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes au titre des loyers afférents aux périodes impactées par les mesures administratives ayant rendu impossible l’exploitation des locaux loués ;
à titre subsidiaire,
accorder à la société PV CP City, compte-tenu des graves difficultés financières qu’elle rencontre du fait de la crise sanitaire, un délai de vingt-quatre mois pour procéder au paiement des sommes auxquelles cette dernière pourrait être condamnée par provision ;
en tout état de cause,
débouter les appelants de toutes leurs demandes ;
condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Sur l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt et de qualité à agir de la société PV Exploitation France et sur l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la société PV CP City
Les appelants n° 2 soutiennent, au visa des articles 31, 122 et 125 du code de procédure civile, que la société PV Exploitation France est irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt et de qualité à agir dès lors que celle-ci, qui a engagé l’action devant le juge des référés, n’a aucun lien contractuel avec eux, les baux ayant été signés avec la société PV-CP Résidences Exploitation, aux droits de laquelle est venue la société PV Résidences & Resorts France, laquelle, par apport partiel d’actif du 1er février 2021, a apporté la résidence Adagio Val d’Europe à la société PV CP City.
Ils arguent que la société PV Exploitation France est une société satellite du groupe Pierre et Vacances, qui n’a aucun lien avec eux et que, partant, l’intervention volontaire à l’instance de la société PV CP City est également irrecevable.
Il résulte des différents baux produits qu’ils ont été signés avec la société PV-CP Résidences Exploitation, aux droits de laquelle est venue la société PV Résidences & Resorts France.
Les intimées produisent un traité d’apport partiel d’actifs signé entre les sociétés PV Résidences & Resorts France et Pierre et Vacances Investissement 60, enregistré le 5 février 2021, dont il ressort qu’un apport partiel d’actifs de la branche d’activité « City » a été réalisé par la société PV Résidences & Resorts France à la société PV CP City.
Celle-ci vient donc bien aux droits de la société PV-CP Résidences Exploitation, locataire initiale des différents propriétaires appelants.
En revanche, cette seule pièce ne permet pas de démontrer les liens existant entre les bailleurs et la société PV Exploitation France, qui n’apparaît pas en qualité de cessionnaire de l’activité litigieuse.
Les intimées affirment dans leurs conclusions que la société PV Exploitation France vient aux droits de la société PV Résidences & Resorts France, mais elles ne le démontrent nullement. La première était en conséquence irrecevable, faute d’intérêt et de qualité, à saisir le juge des référés de demandes contre les différents bailleurs. Au demeurant, elle a sollicité sa mise hors de cause en première instance.
Cette irrecevabilité ne rend pas pour autant irrecevable la société PV CP City, laquelle est intervenue à titre principal à l’instance en référé afin de former des demandes propres.
En effet, aux termes de l’article 329 du code de procédure civile, l’intervention volontaire est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme ; elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.
Au cas présent, la société PV CP City élève des prétentions qui lui sont propres et elle a le droit d’agir relativement à ces prétentions dès lors qu’elle justifie venir aux droits de la locataire initiale des appartements litigieux.
En application de l’article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
La fin de non-recevoir tirée de l’absence d’intérêt et de qualité de la société PV Exploitation France ayant été régularisée par l’intervention de la société PV CP City avant que le premier juge ne statue, l’irrecevabilité ne peut être retenue et l’ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.
Sur la demande de sursis à statuer formée par les appelants
Les appelants n° 2 demandent à la cour de surseoir à statuer en application de l’article 378 du code de procédure civile dans l’attente de la décision du juge du fond.
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Mais la nature provisoire de la décision rendue en référé et la nécessité de statuer rapidement en raison, soit d’une urgence, soit d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent, soit encore d’une absence de contestation sérieuse, exclut au contraire que cette décision soit différée dans l’attente de celle qui sera rendue par le juge du fond.
La demande de sursis ne peut donc qu’être rejetée.
Sur l’irrecevabilité de l’action de la société PV CP City soulevée par les bailleurs
Les appelants n° 2 soutiennent également que l’action n’est pas recevable en référé en raison de l’absence d’urgence et de contestations sérieuses, en application de l’article 834 du code de procédure civile.
Il convient toutefois d’analyser les demandes de la société PV CP City au regard des pouvoirs du juge des référés tels qu’ils résultent des articles 834 et 835 du code de procédure civile, ce qui ne constitue pas une fin de non-recevoir et sera examiné ci-après.
Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite
Selon l’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est rappelé que ce texte ne requiert ni le constat de l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse, de sorte que les moyens des bailleurs relatifs à l’absence d’urgence ou à l’existence de contestations sérieuses sont inopérants.
La PV CP City soutient que les agissements des bailleurs, qui ont violé leur obligation de délivrance et de jouissance paisible, sont constitutifs d’un trouble manifestement illicite entravant l’exploitation de la résidence, et qu’elle a un droit au maintien dans les lieux en application de l’article L. 145-28 du code de commerce.
Elle ajoute que les comportements des bailleurs sont particulièrement condamnables car ils ont procédé aux changements des serrures de leur appartement sans son accord.
Les bailleurs opposent qu’ils n’ont pas manqué à leur obligation de délivrance et de jouissance paisible des locaux loués dès lors que la société PV CP City ne pouvait se prévaloir d’aucun droit au maintien dans les lieux en application de l’article L. 145-28 du code de commerce, aucune indemnité d’éviction ne lui étant due.
Ils ajoutent qu’aucune voie de fait n’a été commise, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, car les baux avaient été résiliés avant la reprise de possession des lieux et la société PV CP City avait accepté les congés donnés, ainsi qu’en attestent la remise volontaire des cartes d’accès aux appartements et l’absence de paiement d’une indemnité d’occupation.
Aux termes de l’article L. 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue ; jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.
Il n’appartient pas au juge des référés de statuer sur la validité des congés qui ont été délivrés par les bailleurs ni sur le droit de la société PV CP City à une indemnité d’éviction et, par suite, à un maintien dans les lieux faute de paiement de celle-ci, étant rappelé que le juge du fond est saisi à cette fin.
En revanche, ainsi que l’a retenu le premier juge par des motifs pertinents que la cour adopte, les bailleurs, après avoir délivré un congé, ont repris possession des lieux loués à la société PV CP City sans l’accord de celle-ci et sans décision de justice les y autorisant, avant tout examen par le juge du fond du droit au maintien dans les lieux du preneur commercial en application de l’article L. 145-28 du code de commerce. Ils ont ainsi, de fait, expulsé la locataire des lieux loués alors que, dès le mois de juillet 2021 (lettre du 2 juillet 2021), celle-ci leur avait indiqué qu’elle souhaitait poursuivre l’exploitation de la résidence.
C’est ainsi qu’à compter du 1er octobre 2021, les bailleurs ont modifié les dispositifs d’accès à leurs appartements en retirant les boîtiers électroniques et en installant des serrures avec clés.
Contrairement à ce qu’ils soutiennent, ils ne justifient pas d’un accord de la société PV CP City pour une restitution des lieux, alors qu’il est au contraire établi que celle-ci s’y est constamment opposée.
En particulier, les photographies de Mme [R] attestant d’une effraction dans son appartement, le constat d’huissier du 8 novembre 2021, l’attestation de réception de remise des clés du 7 novembre 2021 ou l’attestation du technicien de maintenance du 23 novembre 2021 ne permettent en rien de démontrer un accord de la locataire pour une reprise des lieux par les bailleurs mais confirment uniquement l’existence de cette reprise des lieux.
En effet, l’attestation de la réception du 7 novembre 2021 précise seulement que Mme [R] a « rendu les clefs de son appartement 208 aujourd’hui 7/11/2021 après le changement de serrure suite à la dégradation de son appartement » et qu’elle a restitué « la télé, la télécommande et le téléphone de l’appartement », ce qui ne permet nullement de constater l’existence d’un accord de la société PV CP City mais, au contraire, la seule initiative de la bailleresse.
En outre, M. [E], technicien de maintenance, qui a attesté le 23 novembre 2021 avoir reçu en mains propres l’ensemble des serrures électroniques des appartements remises par les propriétaires, « en accord avec la direction de l’hôtel », a rectifié son attestation le 25 mai 2022 en précisant qu’il avait reçu en mains propres les anciennes serrures mais « sans l’accord de la direction » et qu’il avait « de son propre chef » signé la lettre que lui avait remise M. [N], propriétaire. Il a ajouté qu’il reconnaissait avoir signé cette lettre mais qu’il n’avait pas mis le « tampon PV-CP présent sur cette dernière ».
De même, le procès-verbal de constat du 20 avril 2023 comportant la retranscription d’un message audio adressé à Mme [R] et indiquant qu’elle pourrait « récupérer » son appartement comme les autres ne saurait établir l’existence d’un accord de la société PV CP City, l’auteur de ce message étant inconnu et celui-ci indiquant « apparemment la direction s’en fout », ce qui ne saurait valoir approbation de la société elle-même.
Enfin, la circonstance que la société PV CP City n’ait pas réglé les loyers ou indemnités d’occupation postérieurement au 30 septembre 2021 ne permet pas d’en déduire un accord de sa part pour une restitution des lieux.
L’éviction de la société locataire par la reprise unilatérale des lieux loués par les bailleurs, sans l’accord de la société PV CP City ni décision de justice les y autorisant, constitue un trouble manifestement illicite qui justifie la saisine du juge des référés afin que celui-ci prononce des mesures de remise en état.
Contrairement à ce que soutiennent Mme [R], M. [M], Mme [D] et M. [V] (les appelants n° 1), les mesures de réintégration de la locataire ordonnées par le juge des référés ne portent pas atteinte au droit au respect de leur vie privée et familiale dès lors qu’ils ne résident pas dans les lieux loués, pas plus que des membres de leur famille, et que les biens ont été acquis à des fins de placement immobilier. La circonstance qu’ils tirent une partie de leurs revenus de leurs loyers commerciaux est indifférente au regard des droits protégés par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’ils invoquent.
L’ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a condamné sous astreinte les propriétaires des appartements à remettre les clés des serrures à la société PV CP City.
La demande d’expulsion des propriétaires sera en revanche rejetée, la réintégration de la société PV CP City par la remise des clés étant suffisante pour réparer le trouble manifestement illicite constaté et le prononcé d’une astreinte permettant de garantir l’exécution de la présente décision. Il convient toutefois, en l’absence d’exécution à ce jour, de prononcer une nouvelle astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois.
Le chef de dispositif relatif à l’expulsion sera donc infirmé.
Sur la demande de provision pour le trouble de jouissance subi formée par la société PV CP City
Selon l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
La société PV CP City demande la condamnation des bailleurs au paiement de provisions en réparation du préjudice subi du fait de la privation de jouissance des lieux. Elle évalue le préjudice subi à la perte de chiffre d’affaires sur la période de novembre 2021 à avril 2023 et soutient que les montants alloués par le juge des référés sont très insuffisants au regard de ce préjudice conséquent. Elle expose notamment que le préjudice de jouissance est sans rapport avec les loyers des appartements qu’elle aurait dû régler, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge.
Les bailleurs opposent que les chiffres avancés par la société PV CP City sont incohérents et incompréhensibles car, outre le fait que les appartements sont loin d’être occupés tous les jours de l’année et sont très différents les uns des autres (allant du studio à l’appartement pour neuf personnes), les montants sollicités correspondent à des années comportant entre 2.555 et 15.330 jours. Ainsi, ils relèvent que, selon les calculs de la société, alors qu’ils ne représentent qu’une petite portion de la résidence de 247 appartements, leurs seuls appartements permettraient de générer neuf fois le chiffre d’affaires annuel de la résidence entière.
La cour relève que les chiffres figurant dans les conclusions de la société PV CP City sont en effet incohérents et excessifs. De fait, l’analyse de ses tableaux révèle qu’elle a appliqué le chiffre d’affaires annuel global par catégorie d’appartements à un seul des appartements des appelants (2.829.480 euros pour un appartement de 4 personnes, 5.898.035 euros pour un appartement de 5 personnes par exemple), alors que la résidence comporte de nombreux appartements de chaque catégorie et qu’il convenait donc de diviser le chiffre d’affaires annuel global par le nombre d’appartements de la catégorie (soit 57 pour les appartements de 4 personnes, 113 pour les appartements de 5 personnes par exemple, ainsi qu’en atteste le rapport d’expertise du cabinet [Z] et Associés que l’intimée verse aux débats – pièce n°21).
En revanche, il n’est pas sérieusement contestable qu’elle a été privée de façon fautive de la jouissance des appartements litigieux à compter de début novembre 2021 ou début décembre 2021 selon les cas (selon la date de reprise des lieux) et que les bailleurs, qui ont commis une faute par la reprise illégale des lieux, sont redevables de dommages et intérêts qu’il appartiendra au juge du fond d’évaluer mais qui peuvent d’ores et déjà donner lieu au paiement de provisions, à hauteur du montant non contestable de l’obligation.
Comme retenu par le premier juge, le préjudice de jouissance doit être calculé de manière différente pour chaque bailleur puisque les appartements sont différents, certains étant des studios, d’autres des appartements pour 4 à 7 personnes. En outre, certains appelants sont propriétaires d’un seul appartement, d’autre de plusieurs. Cependant, le préjudice subi ne correspond pas aux loyers dont la société intimée aurait été débitrice, comme retenu par la décision entreprise, mais à la perte de chiffre d’affaires pour chaque lot.
En conséquence, au regard du rapport d’expertise du cabinet [Z] et Associés versé aux débats, du prix des nuités de chaque appartement, d’un taux de remplissage fixé à moins de 50% faute d’informations plus précises par lot, du nombre d’appartements par propriétaire et de la durée d’indisponibilité des appartements (18 mois), le montant non sérieusement contestable des provisions au titre du préjudice subi sera fixé comme suit :
M. [IG] [O] et Mme [S] (un appartement de 5 personnes et un appartement de 7 personnes) : 30.000 euros ;
M. [F] [O] (un appartement de 7 personnes) : 16.000 euros ;
Mme [I] (un appartement de 4 personnes et un appartement de 5 personnes) : 25.000 euros ;
M. [YF] et Mme [P] (un appartement de 5 personnes) : 13.000 euros ;
M. [L] et Mme [XV] (un appartement de 5 personnes) : 13.000 euros ;
M. [V] et Mme [D] (un studio) : 10.000 euros ;
Mme [R] (un appartement de 4 personnes et un studio) : 22.000 euros ;
M. [M] (2 appartements de 5 personnes et un de 4 personnes) : 38.000 euros ;
condamné M. [N] et Mme [T] (4 appartements de 5 personnes et un studio) : 60.000 euros.
La décision sera donc confirmée sur le principe de la condamnation des bailleurs au paiement de provisions au titre de la privation de jouissance des lots subie par la société PV CP City mais infirmée du chef des montant retenus.
Sur les demandes reconventionnelles des bailleurs en paiement de provisions au titre de la dette locative
Les bailleurs n° 2 demandent des provisions au titre des loyers impayés, exposant que la société PV CP City n’a pas procédé au paiement régulier des loyers qui leur étaient contractuellement dus pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire, alors que son obligation n’est pas sérieusement contestable.
La société PV CP City expose avoir réglé les provisions allouées en première instance, après déduction des dommages et intérêts auxquels les bailleurs ont été condamnés. Elle conteste toutefois être débitrice des loyers pendant la période de crise sanitaire liée au Covid-19, invoquant la perte partielle de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil, l’exception d’inexécution en raison du manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance prévue à l’article 1719 du code civil pendant les périodes de fermeture administrative décidées par les autorités et la force majeure.
Cependant, l’effet des mesures générales et temporaires d’interdiction de recevoir du public prévues par le Gouvernement pendant la période de crise sanitaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d’une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d’autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du code civil (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, publié ; 3e Civ., 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-21.867 ; 3e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-24.414).
En outre, le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Com., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.306, Bull. 2014, IV, n° 118). En particulier, le locataire n’est pas fondé à invoquer la force majeure résultant des mesures générales et temporaires d’interdiction de recevoir du public prises pendant la crise sanitaire pour échapper au paiement de ses loyers (3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.190, publié).
L’obligation de payer le loyer pendant cette période n’était donc pas sérieusement contestable pour la société PV CP City, contrairement à ce qu’elle soutient, et c’est à bon droit que le premier juge l’a condamnée au paiement des loyers impayés sur les périodes du 15 mars au 31 mai 2020, du 30 octobre au 14 décembre 2020 et du 1er janvier au 30 juin 2021.
S’agissant des montants des provisions allouées, il convient de relever que la société PV CP City ne conteste ni l’absence de règlement des loyers sur les périodes de fermeture administrative ni les montants réclamés.
Les bailleurs demandent la confirmation de la décision entreprise s’agissant de M. [F] [O], Mme [I] et M. [L] et Mme [XV].
M. [IG] [O] et Mme [S] exposent quant à eux qu’un jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 16 mars 2023 a condamné la société PV CP City à leur payer la somme de 32.422,12 euros au titre des loyers impayés, de sorte qu’elle reste redevable du solde, soit 687 euros, l’ordonnance entreprise l’ayant condamnée au paiement d’une somme globale de 33.109,12 euros.
Mais le jugement du juge du fond, qui s’est substitué à la décision du juge des référés, laquelle n’a pas autorité de la chose jugée au principal, a condamné la société PV CP City à payer à M. [IG] [O] et Mme [S] la somme de 32.422,12 euros au titre des loyers impayés pour la période de mars 2020 au 7 novembre 2021.
Cette période couvrant la période objet de la demande de provision formée devant le juge des référés (jusqu’au 3 novembre 2021), la demande est devenue sans objet et il n’y a plus lieu à référé, peu important la circonstance que la provision allouée en référé soit plus importante.
M. [YF] et Mme [P] précisent également qu’un jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 16 mars 2023 a condamné la société PV CP City à leur payer la somme de 10.910,25 euros au titre des loyers impayés, de sorte que la confirmation de l’ordonnance entreprise n’est pas sollicitée du chef des loyers, mais que reste due une somme de 872,80 euros au titre de l’indemnité d’occupation jusqu’au 8 novembre 2021, date à laquelle la serrure a été changée.
Cependant, le jugement du tribunal judiciaire de Meaux du 16 mars 2023 leur a alloué une somme de 10.910,25 euros au titre des loyers impayés pour la période de mars 2020 au 7 novembre 2021 également, soit jusqu’à la reprise des lieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé de ce chef, la décision du juge du fond s’étant de la même façon substituée à l’ordonnance de référé.
Enfin, M. [N] et Mme [T] réclament la somme de 24.182,53 euros au titre des loyers impayés au lieu de celle de 26.015,50 euros allouée en première instance et celle de 2.137,32 euros au titre de l’indemnité d’occupation sur la période du 30 septembre au 4 novembre 2021, date de la reprise des lieux, soit la somme globale de 26.319,85 euros.
Cette somme est conforme aux pièces contractuelles produites et leur sera allouée à titre provisionnel, l’ordonnance entreprise étant donc réformée de ce chef.
La décision entreprise sera donc confirmée, sauf à préciser qu’il n’y a plus lieu à référé s’agissant de la demande de condamnation au paiement d’une provision de la société PV CP City à l’égard de M. [IG] [O] et Mme [S] et de M. [YF] et Mme [P] et à rectifier le montant de la provision allouée à M. [N] et Mme [T].
Sur la demande subsidiaire de délais de paiement
Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
La société PV CP City sollicite des délais de paiement aux motifs qu’elle a subi une chute très importante de son activité en raison de la crise sanitaire.
Mais les données chiffrées communiquées correspondent aux années 2019-2021 et aucune information n’est donnée pour les années 2022-2023, de sorte que sa situation économique actuelle est inconnue.
En l’absence de tout document comptable attestant de sa situation financière actuelle et de difficultés réelles de paiement, sa demande sera rejetée, étant précisé qu’elle expose elle-même avoir réglé les provisions mises à sa charge, ce qui atteste de sa capacité à les régler, et que les montants sont modestes au regard de ses capacités de financement.
La décision entreprise sera donc également confirmée de ce chef.
Sur les frais et dépens
Au regard de l’issue du litige, aucune des parties ne peut être qualifiée de partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile. Chaque partie conservera donc à sa charge les dépens par elle exposés et, par suite, les frais engagés et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Comme devant le premier juge, la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par « Mme [TZ] », qui n’était pas partie en première instance, ne figure pas en qualité d’appelante dans la déclaration d’appel et n’est pas intervenue volontairement à l’instance, sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
reçu l’intervention volontaire de la société PV CP City ;
déclaré parfait le désistement d’instance de la société PV Exploitation France ;
dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;
condamné chacun des propriétaires, pour chacun des lots lui appartenant situé dans la résidence dénommée Adagio Val d’Europe située [Adresse 6] à [Localité 19] (77), à remettre à la société PV CP City les clés des serrures des appartements :
M. [IG] [O] et Mme [S] propriétaires des lots 23 et 434 (respectivement appartements 16 et 355) ;
M. [F] [O] propriétaire du lot 170 (appartement 326) ;
Mme [I] propriétaire des lots 10 et 415 (appartements 29 et 247) ;
M. [YF] et Mme [P] propriétaires du lot 155 (appartement 372);
M. [L] et Mme [XV] propriétaires du lot 138 (appartement 201) ;
M. [N] et Mme [T] propriétaires des lots 45, 52, 110, 364 et 421 (respectivement appartements 172, 132, 229, 61 et 260) ;
M. [M] propriétaire des lots 46, 145 et 387 (respectivement appartements 173, 242 et 148) ;
M. [V] et Mme [D] propriétaires du lot 103 (appartement 276) ;
Mme [R] propriétaire des lots 131 et 420 (respectivement appartements 208 et 259) ;
sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant deux mois à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours courant à compter de la signification de la décision ;
condamné à titre provisionnel la société PV CP City à payer à :
M. [F] [O] : 12.195,23 euros au titre des loyers impayés et 785,97 euros au titre des indemnités d’occupation ;
Mme [I] : 21.570,18 euros au titre des loyers impayés et 3.107,57 euros au titre des indemnités d’occupation ;
M. [L] et Mme [XV] : 7.475,80 euros au titre des loyers impayés et 1.942,20 euros au titre des indemnités d’occupation ;
laissé les dépens à la charge des parties qui les ont exposés ;
rejeté les autres demandes ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que l’obligation pour les propriétaires de remettre les clés de leurs appartements à la société PV CP City sera assortie d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois courant 15 jours après la signification du présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu d’ordonner l’expulsion des propriétaires de leurs appartements ;
Condamne les appelants à payer à titre provisionnel à la société PV CP City les sommes suivantes au titre de son préjudice de jouissance ;
M. [IG] [O] et Mme [S] : 30.000 euros ;
M. [F] [O] : 16.000 euros ;
Mme [I] : 25.000 euros ;
M. [YF] et Mme [P] : 13.000 euros ;
M. [L] et Mme [XV] : 13.000 euros ;
M. [V] et Mme [D] : 10.000 euros ;
Mme [R] : 22.000 euros ;
M. [M] : 38.000 euros ;
M. [N] et Mme [T] : 60.000 euros.
Rejette le surplus des demandes de provision formées par la société PV CP City ;
Rejette sa demande de délais de paiement ;
Dit qu’il n’y a plus lieu à référé s’agissant de la demande de provision formée par M. [IG] [O] et Mme [S] et par M. [YF] et Mme [P] contre la société PV CP City ;
Condamne la société PV CP City à payer à M. [N] et Mme [T] une provision de 26.319,85 euros au titre des loyers impayés ;
Rejette les autres demandes de provision ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d’appel ;
Rejette les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Président,