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7 juillet 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
22/00006
ARRET N° 23/127
R.G N° 22/00006 –
N° Portalis
DBWA-V-B7G-CI6N
Du 07/07/2023
[L]
ASSOCIATION MARTINIQUAISE D’EDUCATION POPULAIRE AM EP
C/
[L]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE
S.E.L.A.R.L. MONTRAVERS YANG TING
Association ASSOCIATION MARTINIQUAISE D’ÉDUCATION POPULAIRE
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 07 JUILLET 2023
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Fort de France, du 03 Novembre 2021, enregistrée sous le n° F 17/00149
APPELANTS :
Monsieur [I] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Claude CELENICE, avocat au barreau de MARTINIQUE
ASSOCIATION MARTINIQUAISE D’EDUCATION POPULAIRE AM EP
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Fred GERMAIN, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMES :
Monsieur [I] [B] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Claude CELENICE de la SELARL LABOR & CONCILIUM, avocat au barreau de MARTINIQUE
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 7],
[Localité 5]
Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE
S.E.L.A.R.L. MONTRAVERS YANG TING
Es qualité de «Mandataire judiciaire» de l’AMEP.
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Me [O] [C] Es qualité de «Commissaire à l’éxécution du plan» de l’AMEP. Centre d’Affaires AGORA [Adresse 8]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Fred GERMAIN, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 mai 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
– Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre
– Madame Anne FOUSSE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame [A] [Y],
DEBATS : A l’audience publique du 19 mai 2023,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 07 juillet 2023 par mise à disposition au greffe de la cour.
ARRET : Contradictoire
************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant contrat à durée indéterminée du 30 janvier 2013, M. [I] [L] a été embauché par l’Association AMEP, à compter du 1er février 2013, en qualité d’assistant en ressources humaines, moyennant une rémunération égale au SMIC, augmentée de 40 % et d’une indemnité forfaitaire mensuelle.
Par décision du 12 décembre 2016, l’inspecteur du travail a refusé à l’AMEP l’autorisation de licencier M. [L] en raison de la prescription des faits fautifs invoqués.
Mais, par décision du 5 octobre 2017, le ministre du travail a :
retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 16 juin 2016,
annulé la décision de l’inspection du travail du 12 décembre 2016,
autorisé le licenciement de M. [L].
Suivant lettre recommandée avec avis de réception du 3 novembre 2017, l’AMEP a notifié à M. [L] son licenciement en ces termes :
«Par décision du ministre du travail en date du 5 octobre 2017, ayant annulé la décision de l’inspection du travail, nous avons été autorisé à vous licencier.
La présente lettre constitue donc la notification de votre licenciement.
Les motifs en sont les suivants :
En mars 2016, nous avons été alertés sur votre absence depuis le 16 mars 2016 sans motif identifiable.
Face à ce constat d’absence nous vous avons aussitôt adressé une première mise en demeure de reprendre votre poste et de justifier de votre absence et nous vous avons convié à un entretien pour discuter de vos fonctions, et répondre aux questions sur lesquelles nous vous interrogions.
Vous ne vous êtes présenté ni à votre poste ni à l’entretien et n’avait aucunement justifié votre absence.
Nous vous avons adressé plusieurs mises en demeure, mais vous n’avez jamais repris votre poste et n’avez jamais justifié votre absence arguant a posteriori que nous aurions modifié votre contrat de travail et plus précisément votre lieu de travail sans votre accord et en violation de votre statut de conseiller prud’hommes.
Or votre contrat n’a aucunement été modifié.
En effet, votre contrat de travail prévoit que vous exercez vos fonctions au sein de l’établissement AMEP Redoute situé [Adresse 1] et précise qu’en cas de besoin vous pourriez être affecté dans tout établissement appartenant à l’association situé en Martinique.
Vous n’avez jamais été «affecté» sur le site de Raynal Sarcus mais vous vous y rendiez de votre propre chef.
C’est d’ailleurs pour justifier votre présence ponctuelle et temporaire et ainsi éviter les tensions sur ce site que nous avons complété l’ordre de mission du 1er octobre 2015 que vous présentez à tort comme une nouvelle affectation.
Votre absence injustifiée s’est donc perpétuée sans motif valable.
Le 19 juillet 2016 nous vous avons adressé une nouvelle mise en demeure de justifier de vos absences et de réintégrer votre poste.
Vous n’avez pas répondu à cette mise en demeure et avez ainsi persisté dans votre attitude fautive.
Face à votre silence, nous n’avons pas eu d’autre choix que de vous convoquer à un entretien préalable fixé le 28 septembre 2016 auquel vous ne vous êtes pas présenté.
Nous avons formulé une demande d’autorisation auprès de l’inspection du travail puis du ministre du travail qui a rendu l’autorisation visée en tête des présentes.
En conséquence, compte tenu de votre absence continue sans motif légitime, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave avec effet immédiat sans indemnité de préavis de licenciement.(‘)».
Par jugement du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Fort de France a annulé la décision du ministre du travail sur le motif de l’irrégularité de la procédure de licenciement.
Saisie du recours de l’AMEP à l’encontre de ce jugement, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la requête, par décision du 1er mars 2021.
Par ailleurs, par jugement du 21 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Fort de France a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de l’AMEP, désigné Me [C], es qualités d’administrateur judiciaire de l’AMEP et Me [F] [D], es qualités de mandataire judiciaire. Puis par jugement du 18 juin 2019, le même tribunal a prononcé l’homologation d’un plan par voie de continuation au bénéfice de l’AMEP, mis fin aux fonctions de l’administrateur judiciaire et nommé Me [C] es qualités de commissaire à l’exécution du plan.
Le 6 avril 2017, M. [I] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour obtenir la condamnation de l’AMEP au paiement de ses salaires, d’une indemnité compensatrice de congés payés, d’une indemnité d’éviction, de dommages-intérêts pour déloyauté dans l’exécution du contrat de travail, remise tardive de documents et des bulletins de paye, violation de l’obligation d’affiliation à la mutuelle et sa réintégration sous astreinte.
Par jugement contradictoire du 3 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a :
ordonné la jonction des procédures,
mis l’Unedic délegation AGS CGEA de Fort de France hors de cause,
condamné l’AMEP à payer à M. [L] les sommes suivantes :
2 795,26 euros, à titre de rappel de salaire d’octobre 2017 et 465,87 euros, à titre de rappel de salaire de novembre 2017,
95 030,00 euros, à titre d’indemnité d’éviction,
706,61 euros, à titre de remboursement des frais de santé,
1 000,00 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que les intérêts échus depuis plus d’un an seront productifs d’intérêts,
ordonné la réintégration de M. [L] sous astreinte de 1 000,00 euros par jour de retard,
débouté M. [L] du surplus de ses demandes,
condamné l’AMEP aux dépens.
Par déclaration électronique du 6 janvier 2022, M. [L] a relevé appel du jugement.
Par déclaration électronique du même jour, l’AMEP a également relevé appel du jugement.
Les procédures ont été jointes sous le numéro de rôle 22/00006.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mars 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 janvier 2023, M. [L] demande à la cour de réformer partiellement le jugement entrepris et de :
condamner l’AMEP à lui verser les sommes suivantes :
5 524,64 euros, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
170 495 euros, à titre d’indemnité d’éviction,
16 771,56 euros, à titre de dommages-intérêts pour déloyauté dans l’exécution du contrat de travail,
16 771,56 euros, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice né de la remise tardive de l’attestation pôle emploi et du certificat de travail,
5 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour remise tardive des bulletins de paye,
dire que les sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts,
condamner l’AMEP à lui verser la somme de 3 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [L] sollicite de la cour la confirmation du jugement sur les autres chefs de demandes.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant rappelle sa qualité de salarié protégé, qualité connue de son employeur, en tant que conseiller prud’hommes. Il fait valoir qu’il a le droit d’obtenir sa réintégration dans l’entreprise et la compensation des salaires perdus. Il expose encore que l’AMEP a exécuté de mauvaise foi son contrat de travail en violant l’obligation d’affiliation à une assurance complémentaire santé et en lui remettant tardivement l’attestation pôle emploi et le certificat de travail. Il insiste sur le fait que l’attitude de son employeur a eu des conséquences sur sa santé.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2023, l’AMEP demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris et de :
à titre principal, dire que M. [L] ne peut bénéficier des dispositions applicables à la réintégration et à l’indemnisation des salariés protégés,
à titre subsidiaire, dire que M. [L] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice de 170 495 euros, dire que les 118 575,89 euros, viennent en déduction du préjudice dont il entend se prévaloir et supprimer l’astreinte,
débouter M. [L] de ses demandes au titre des frais de santé, rappel de salaire et article 700 du code de procédure civile,
débouter M. [L] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
condamner M. [L] à lui verser la somme de 2 500 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la première instance.
Elle sollicite la confirmation du jugement querellé sur le reste.
Elle réclame enfin la condamnation de M. [L] à lui verser la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’AMEP réplique que le droit à réintégration s’applique aux salariés investis d’un des mandats énumérés à l’article L 2422-1 du code du travail. Elle s’en remet à la sagesse de la cour s’agissant de M. [L].
Elle énonce encore que la période de réparation du préjudice couverte par l’indemnité prend fin dès que le salarié atteint l’âge de la retraite d’office. Elle précise que l’indemnisation du salarié est proportionnelle au préjudice subi. Elle indique ainsi que M. [L] a effectivement perçu l’allocation de retour à l’emploi et des revenus dans le cadre de son entreprise Alphatext. Elle souligne également que M. [L] était éligible à la retraite à taux plein, le 1er juillet 2018.
S’agissant des salaires d’octobre et novembre 2017, elle expose que la date du licenciement de M. [L] est le 4 novembre 2017, que l’indemnisation liée au défaut de réintégration fait l’objet d’une indemnisation spécifique et que le salarié a cessé de se présenter à son poste à compter du 16 mars 2016.
Sur le remboursement des frais de santé, elle conteste la demande de M. [L] au regard de l’absence de justification de la part desdits frais prise en charge par la sécurité sociale et du pourcentage de participation de la mutuelle.
Elle s’oppose encore à la demande formée au titre des congés payés injustifiée.
Quant aux demandes de dommages-intérêts, elle soutient que M. [L] n’apporte pas la preuve d’une volonté délibérée de sa part de ne pas remettre l’attestation pôle emploi ou le certificat de travail et que le quantum réclamé est totalement exorbitant.
Par conclusions remises au greffe le 30 août 2022, l’Unedic Délégation AGS CGEA de Fort de France demande à la cour de :
à titre principal : déclarer irrecevable toute demande d’opposabilité de la décision à intervenir formée par M. [L], et déclarer irrecevabilité toute demande d’opposabilité formée par l’AMEP,
à titre subsidiaire : confirmer le jugement entrepris,
à titre très subsidiaire, prendre acte de ce que un plan de redressement par continuation a été arrêté au profit de l’AMEP et prolongé de deux ans par jugement du 12 octobre 2021 et confirmer sa mise hors de cause,
à titre infiniment subsidiaire, juger que sa garantie ne saurait excéder les limites de sa garantie légale et ne peut intervenir que conformément aux dispositions légales et règlementaires applicables en la matière.
Au titre de la demande principale, l’AGS fait valoir que, ni M. [L], ni l’AMEP n’ont relevé appel de la disposition du jugement prononçant sa mise hors de cause.
MOTIVATION
Sur la mise hors de cause de l’AGS :
Vu les dispositions des articles 901 et 954 du code de procédure civile,
Comme justement remarqué par l’Unédic Délégation AGS CGEA de Fort de France, ni M. [L], ni l’AMEP, n’ont soumis à la cour la disposition du jugement prononçant sa mise hors de cause. Dès lors, la cour n’est pas saisie de ce chef de demande qui se trouve définitivement tranché par la décision de première instance.
Sur la demande de réintégration du salarié :
Aux termes de l’article 2411-22 du code du travail, le licenciement du conseiller prud’homme ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail (‘).
Le salarié conseiller prud’hommes bénéficie du même statut protecteur que ses collègues, représentants du personnel, contre le licenciement. Or, à défaut d’autorisation du licenciement ou si celle-ci a été annulée, le salarié protégé a le droit de demander à être réintégré au sein de l’entreprise. Ce droit à demander sa réintégration doit s’appliquer, en l’espèce, à M. [L], dont la qualité de conseiller prud’hommes, connue de l’employeur au moment du licenciement, n’est pas contestée.
La décision des premiers juges doit donc être confirmée de ce chef.
Pour autant, l’astreinte dont les conseillers prud’hommes ont assorti l’exécution de cette condamnation n’apparaît pas nécessaire.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité d’éviction :
Selon les dispositions de l’article L 1235-3-1 du code du travail, (‘) lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à (‘) la violation d’une liberté fondamentale (‘) un licenciement d’un salarié protégé en raison de son mandat électif (‘). L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficie certains salariés (‘) qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité (‘).
La réintégration du salarié dans son emploi ou un emploi équivalent ne fait pas disparaître l’intégralité du préjudice subi par celui-ci qui a été privé de salaire pendant la période comprise entre la date où le licenciement est devenu effectif et celle de sa réintégration. Ce préjudice doit donc être réparé dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.
La jurisprudence considère cependant que l’employeur doit verser au salarié l’intégralité des sommes que celui-ci aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, peu important qu’il ait, ou non, perçu des salaires ou un revenu de remplacement durant cette période, en cas de violation d’une liberté fondamentale constitutionnellement protégée. Elle a pu appliquer cette solution à un salarié protégé.
Comme rappelé ci-dessus, le salarié conseiller prud’hommes bénéficie du même statut protecteur qu’un représentant du personnel d’une entreprise. De plus, la fonction de conseiller prud’hommes découle de la liberté fondamentale reconnue dans la constitution de bénéficier d’un mandat électif.
M. [L] peut donc, à juste titre, réclamer l’intégralité des salaires qu’il aurait perçu dans la période comprise entre son éviction, soit le 4 novembre 2017, et la date de sa réintégration.
Cependant, la cour de cassation a, dans un arrêt du 3 février 2016 (Cass Soc 3 février 2016, pourvoi n° 14-17.000) décidé que le salarié conseiller prud’hommes a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir depuis la date de prise d’effet de la résiliation jusqu’à l’expiration de la période de protection résultant du mandat en cours à la date de la demande, dans la limite de deux ans, durée minimale légale du mandat des représentants élus du personnel, augmentée de six mois.
Il convient d’appliquer cette jurisprudence à M. [L], lequel ne peut donc prétendre à la perception de son salaire que pour une période de 30 mois. L’indemnité est donc due du 4 novembre 2017 au 4 mai 2020.
L’AMEP fait valoir, en pure perte, que M. [L] pourrait bénéficier d’un départ à la retraite. En effet, il ressort d’un courrier de pôle emploi adressé à M. [L], le 2 juillet 2018, que celui-ci pouvant prendre sa retraite à taux plein, le versement de l’allocation de retour à l’emploi cesse à compter du 1er juillet 2018. Certes la cour de cassation a jugé que, dans l’hypothèse où le salarié fait valoir ses droits à la retraite, il a droit à la rémunération qu’il aurait perçu depuis la date de son éviction jusqu’à celle de son départ à la retraite. Pour autant, il n’est pas prouvé que M. [L], souhaitant prendre sa retraite à la date indiquée, sa réintégration était devenue impossible.
De même, l’AMEP réclame, à tort, la déduction de l’indemnité des sommes perçues par M. [L], à titre de l’allocation de retour à l’emploi ou des revenus perçus dans le cadre de l’activité de son entreprise Alphatext, pour les motifs exposés ci-dessus.
La base de calcul des premiers juges peut donc être reprise par la cour, l’AMEP ne contestant pas le montant du salaire brut retenu, ni l’ajout d’un 13ème mois. Cependant, les premiers juges ont commis une erreur sur le montant de l’indemnité, laquelle est donc égale à :
30 x 2795 + 2 x 2795 + 1397,50 = 90 837,50 euros
L’infirmation du jugement s’impose donc et l’AMEP est condamnée à verser à M. [L] la somme de 90 837,50 euros, au titre de l’indemnité d’éviction.
Sur les rappels de salaire :
Au regard des développements précédents au titre de la nullité du licenciement du fait de l’annulation de la décision d’autorisation de la rupture du contrat de travail, M. [L] réclame, à bon droit, le paiement de son salaire d’octobre 2017 et jusqu’au 3 novembre 2017. En effet, même s’il est constant que M. [L] ne s’est plus présenté à l’AMEP à compter du 16 mars 2016, faute pour l’employeur de démontrer qu’il a pris des mesures pour sanctionner cette absence, le paiement du salaire lui est dû.
Certes, le raisonnement des premiers juges est erroné, puisqu’il n’est pas question de réintégration à ces dates, M. [L] n’étant pas licencié. Cependant, l’AMEP ne justifie pas avoir payé au salarié son salaire pour la période indiquée.
Le calcul des premiers juges n’est pas critiqué par les parties.
Le jugement en ce qu’il a condamné l’AMEP à verser à M. [L] la somme de 3 182,29 euros, au titre du rappel de salaire, est donc confirmé.
Sur le remboursement des frais de santé :
M. [L] justifie que l’AMEP a procédé à la résiliation du contrat complémentaire santé souscrit à son nom. (pièce 19). Il s’avère que cette résiliation est intervenue au 1er janvier 2017.
Néanmoins, les premiers juges ne pouvaient condamner l’employeur au remboursement des frais dentaires exposés par M. [L] au cours de l’année 2017 sans se référer aux dispositions de ce contrat afin de déterminer le montant de la prise en charge par la compagnie AG2R la Mondiale.
En cause d’appel, M. [L] n’a pas davantage apporté la preuve de l’obligation pour la compagnie d’assurance mutuelle du remboursement intégral des factures de soins dentaires.
Dans ces conditions, la cour infirme le jugement querellé et déboute M. [L] de sa demande au titre du remboursement des frais de santé.
Sur la demande de dommages-intérêts pour déloyauté dans l’exécution du contrat de travail :
Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
La bonne foi se présumant, il appartient à M. [L] d’apporter la preuve de la déloyauté de son employeur.
Le salarié reproche à l’AMEP, sur ce fondement, de ne pas lui avoir versé ses salaires de septembre à novembre 2017, d’avoir résilié le contrat complémentaire santé et de lui avoir remis tardivement l’attestation pôle emploi et le certificat de travail.
La cour constate que M. [L] forme deux demandes de dommages-intérêts, l’une au titre de la déloyauté contractuelle, l’autre au regard du retard dans la remise des documents de fin de contrat, alors qu’il justifie la première par cette remise tardive. Il ne peut obtenir deux fois la réparation d’un même préjudice. La cour rejette d’emblée la demande spécifiquement intitulée au dispositif des écritures de l’appelant «dommages-intérêts pour le préjudice né de la remise tardive de l’attestation pôle emploi et du certificat de travail».
Les éléments produits aux débats permettent de comprendre que le 15 mars 2016 deux syndicats représentatifs des salariés dans l’entreprise ont déposé des préavis de grève. L’une des revendications écrites était le départ de M. [L] de l’AMEP. Un protocole de fin de conflit a été signé, aux termes duquel l’association s’engageait à envisager le départ de M. [L], lequel était, dans l’attente, interdit du site Raynal Sarcus. D’ailleurs, M. [N], président de l’association AMEP, a attesté avoir demandé à ce moment-là à M. [L] de ne pas se rendre sur ce site. L’AMEP a ensuite adressé un courrier à la DIECCTE, le 24 octobre 2016, relatif au projet de licenciement de M. [L] du fait de l’absence injustifiée de ce dernier à son poste de travail depuis le 16 mars 2016. Il n’est pas contesté que le salarié, prétendant avoir été affecté au site Raynal Sarcus, n’a pas accepté de travailler sur celui de Redoute et a été absent de son poste de travail. Le contrat de travail signé de M. [L] prévoyait un lieu d’activité du salarié à Redoute, sans exclure la possibilité de le faire travailler sur les autres sites de l’association. L’ordre de mission dont se prévaut M. [L] pour refuser d’intégrer l’établissement de Redoute, est établi au nom de Mme [W], en date du 1er octobre 2015, laquelle pouvait être accompagnée de M. [L] et d’un autre salarié pour se rendre à l’établissement Raynal Sarcus.
Dans ce contexte, l’AMEP s’est vue refuser l’autorisation du licenciement de M. [L] par l’inspection du travail, le 12 décembre 2016 et, sur son recours, le ministre du travail a, au contraire, permis ce licenciement, par décision du 5 octobre 2017. Le tribunal administratif a, ensuite, annulé cette dernière décision, par jugement du 22 novembre 2018, lequel a été confirmé par la cour administrative d’appel de Bordeaux, le 1er rmars 2021.
M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes, le 6 avril 2017. La procédure devant la juridiction prud’homale était donc en cours, lorsque le licenciement de M. [L] a été autorisé et notifié à l’intéressé, le 3 novembre 2017 puis annulé, le 22 novembre 2018.
Au regard de ces éléments de fait, il ne peut être reproché à l’AMEP de ne pas avoir encore payé les salaires réclamés par M. [L] et d’attendre l’issue de la procédure en cours. Au surplus, l’association a relevé appel du jugement, marquant ainsi sa contestation quant à la décision du conseil de prud’hommes. Cette attitude de l’employeur ne constitue pas une déloyauté dans l’exécution du contrat de travail.
Ensuite, il est constant que l’attestation pôle emploi date du 24 février 2018 et le certificat de travail a été signé par l’employeur, le 22 mars 2018. Pour rappel, M. [L] a reçu la notification de son licenciement, par lettre recommandée du 3 novembre 2017. Contrairement aux propos du salarié selon lesquels la preuve de son préjudice résulte de la sommation interpellative qu’il a fait signifier à l’AMEP, le 7 février 2018, cet acte d’huissier de justice ne peut à lui seul en justifier. Or, il appartient à M. [L] de démontrer à la cour la réalité de son dommage et le lien de causalité entre le comportement fautif de l’employeur et son préjudice. Faute d’éléments suffisants, la cour déboute M. [L] de sa demande en dommages-intérêts.
Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des bulletins de salaire :
La cour constate que cette demande formulée au dispositif des conclusions de M. [L] n’est pas motivée. Or, le salarié a la charge de la preuve de son préjudice.
Il est débouté de sa demande.
Les premiers juges l’ayant déjà rejetée, le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande au titre des congés payés :
Comme pour la demande précédente, cette prétention, rejetée par les premiers juges, est présente au dispositif des écritures de M. [L] mais celui-ci ne développe aucun moyen de fait ou de droit à son soutien.
La cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [L] de cette demande.
Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de première instance :
Les conseillers prud’hommes ont condamné l’AMEP au paiement de la somme de 1 000 euros à M. [L] de ce chef.
L’AMEP, succombant pour partie, cette condamnation est confirmée.
La demande de l’employeur est par contre rejetée.
Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L’AMEP est condamnée aux entiers dépens et à verser à M. [L] la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme partiellement le jugement en ses dispositions soumises à la cour en ce qu’il a assorti la réintégration d’une astreinte, sur le quantum de l’indemnité d’éviction, et en ce qu’il a condamné l’AMEP à payer à M. [L] des frais de santé,
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,
Dit que l’astreinte n’est pas nécessaire à l’exécution de la réintégration de M. [I] [L] à l’AMEP,
Condamne l’AMEP à verser à M. [I] [L] la somme de 90 837,50 euros, au titre de l’indemnité d’éviction,
Déboute M. [I] [L] de sa demande en paiement au titre de frais de santé,
Confirme le jugement sur le surplus des dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant
Condamne l’AMEP aux dépens,
Condamne l’AMEP à payer à M. [I] [L] la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,