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7 février 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
23/01186
N° RG 23/01186 – N° Portalis DBVX-V-B7H-OZDE
Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
en référé du 30 janvier 2023
RG : 22/01728
S.C.I. GREUZE PRESSENSE
C/
[N]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 07 Février 2024
APPELANTE :
La société SCI GREUZE PRESSENCE, société civile immobilière, au capital social de 380.000 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le n° 501 414 346, dont le siège social est situé [Adresse 2]) représentée par son gérant en exercice
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Ayant pour avocat plaidant Me Bruno PERRACHON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [I] [N], né le 22 septembre 1967 à [Localité 3], commerçant Immatriculé auprès du Registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 484 803 143, exerçant en cette qualité au [Adresse 2]) et demeurant chez Madame [V] au [Adresse 1]
Représenté par Me Joanna AMSALLEM, avocat au barreau de LYON, toque : 1345
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 06 Décembre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Décembre 2023
Date de mise à disposition : 07 Février 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
– Véronique DRAHI, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Exposé du litige
[I] [N] a régularisé, en date du 10 août 1999, un bail commercial avec [K] [Y], moyennant un loyer trimestriel de 14.850 Francs charges comprises, pour l’exploitation d’une pizzeria, au [Adresse 2] (Rhône).
Le loyer était payable par trimestre d’avance.
Par acte de cession du 5 septembre 2005, [I] [N] a cédé son fond de commerce à la société Seven Seventy. Le loyer est resté fixé à la somme de 2 263,80 € par trimestre, charges comprises.
Le 28 janvier 2008, [K] [Y] a cédé à la SCI Greuze Préssencé l’immeuble sis [Adresse 2], laquelle a, dans le même temps, par protocole d’accord en date du 12 septembre 2008, convenu avec la société Seven Seventy d’une revalorisation des loyers commerciaux à la somme mensuelle de 1 100 € HT, outre 110 € de charges, ce à compter du 14 août 2008.
Par protocole d’accord du 7 octobre 2008, la SCI Greuze Pressencé et la société Seven Seventy ont convenu que les loyers et charges seraient payés mensuellement d’avance, que le loyer serait réévalué à chaque période triennale d’après l’indice du coût de la construction et que la consommation d’eau serait réglée en novembre et mai de chaque année, en sus du loyer et charges.
Par acte du 25 mars 2009, la société Seven Seventy a cédé son fonds de commerce à [I] [N], qui souhaitait reprendre son ancienne activité de restauration et a, à ce titre, racheté le fonds de commerce qu’il avait créé dix ans plus tôt. Le bail s’est donc poursuivi entre [I] [N] (preneur) et la SCI Greuze Pressencé (bailleur).
Par acte du 25 avril 2014, la SCI Greuze Pressencé a signifié à [I] [N] un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime sans offre d’indemnité d’éviction pour le 31 décembre 2014. Ce congé a également été délivré à [F] [X], dernière gérante de la société Seven Seventy.
Par exploit du 17 décembre 2015, [I] [N], contestant les motifs de ce congé, a saisi le Tribunal de grande instance de Lyon fin de se voir accorder, en vertu de l’article L. 145-14 du Code de commerce, une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial.
Par jugement du 10 mai 2022, le Tribunal judiciaire de Lyon a dit que les motifs du congé, n’étaient ni graves ni légitimes et a condamné la SCI Greuze Pressencé à payer à [I] [N] une indemnité d’éviction, désignant avant-dire-droit [R] [B] en qualité d’expert pour en évaluer le montant et évaluer également le montant de l’indemnité d’occupation due à compter de la résiliation du bail.
Le Tribunal a également jugé que [I] [N] était tenue de payer une indemnité d’occupation à compter du 1er décembre 2015 jusqu’à la libération des lieux et réservé la demande de compensation entre les sommes dues au titre de l’indemnité d’éviction et les sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation.
La SCI Greuze Pressencé a interjeté appel de cette décision par déclaration d’appel du 22 Juin 2022.
Par acte d’huissier du 12 août 2022, la SCI Greuze Pressencé a signifié à [I] [N] un commandement visant la clause résolutoire pour défaut de paiement de la somme de 2 652,42 € correspondant aux loyers et charges des mois de juillet et août 2022, justification d’une assurance pour l’exploitation des locaux et justification de l’exploitation du fonds à l’adresses des locaux.
Aux motifs que [I] [N] n’avait pas satisfait aux causes du commandement dans le délai d’un mois, la SCI Greuze, en date du 7 octobre 2022, l’a assigné devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir au principal constater l’acquisition de la clause résolutoire et statuer sur ses conséquences et le voir condamner à titre provisionnel à lui payer la somme de 2 652,42 € au titre des loyers et charges échus au mois d’août 2022.
En cours d’instance, le bailleur a signifié à [I] [N] deux nouveaux commandements :
un commandement du 18 novembre 2022, visant la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers de juillet 2022 à novembre 2022, soit 6 839,95 €, justification d’une assurance pour l’exploitation des locaux et justification de l’exploitation du fonds à l’adresses des locaux ;
un commandement du 18 novembre 2022, visant la clause résolutoire pour défaut de paiement du rappel de l’indexation des loyers sur période du 1er janvier 2021 jusqu’au 30 septembre 2022, soit la somme de 2 193,45 €.
Par ordonnance du 30 janvier 2023, le Juge des référés a rejeté l’ensemble des demandes de la SCI Greuze, l’a condamnée aux dépens et à payer à [I] [N] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le juge des référés a retenu en substance :
que le défaut d’exploitation n’est pas établi, les trois procès-verbaux de constat d’huissier produits pour en justifier correspondant à des périodes de fermeture hebdomadaire du restaurant, du vendredi midi au samedi soir ainsi qu’à des fêtes juives, connues du co-religionnaire bailleur ;
que [I] [N] a justifié de l’assurance des lieux loués ;
que [I] [N] justifie payer mensuellement son loyer par chèque et que le défaut de perception des chèques par le bailleur depuis le mois de juillet 2022 n’établit pas un défaut de paiement, dans un contexte très conflictuel entre les parties concernant l’indemnité d’éviction.
La SCI Greuze Pressencé a a interjeté appel de l’intégralité de cette décision par déclaration d’appel régularisée par RPVA du 15 février 2023.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 9 mars 2023, la SCI Greuze Pressencé demande à la cour de :
Vu l’article L. 145-41 du Code de commerce, vu l’article 1728-2° et 1242 du Code civil,
Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile,
‘ Infirmer l’ordonnance de référé rendue le 30 janvier 2023 en ce qu’elle a :
Rejeté les demandes de la SCI Greuze Pressencé,
Condamné la SCI Greuze Pressencé aux dépens,
Condamné la SCI Greuze Pressencé à payer à [I] [N] la somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Constater l’acquisition de la clause résolutoire figurant dans le bail commercial liant la SCI Greuze Pressencé à [I] [N] ;
‘ Dire et juger résilié le bail commercial liant la Société SCI Greuze Pressencé et [I] [N] portant sur les locaux du rez-de-chaussée du [Adresse 2] ;
‘ Déclarer [I] [N] occupant sans droit ni titre des locaux commerciaux sis [Adresse 2] ;
‘ Ordonner l’expulsion de [I] [N] et celle de tous occupants de son chef des locaux loués propriété de la SCI Greuze Pressencé avec, si nécessaire, assistance de la force publique ;
‘ Condamner [I] [N] à verser à la SCI Greuze Pressencé la somme provisionnelle de 6 839,95 € au titre de l’occupation sur la période de juillet à novembre 2022 ;
‘ Condamner [I] [N] à verser à la SCI Greuze Pressencé la somme provisionnelle de 2 193,45 € au titre du rappel d’indexation, objet du 2ème commandement de payer du 18/11/2022 ;
‘ Condamner [I] [N] à verser à la SCI Greuze Pressencé la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens d’instance.
La SCI Greuze Pressencé expose :
que par protocole du 7 octobre 2008 et suivant avenant N°2, il a été prévu une réévaluation du loyer à l’issue de chaque période triennale sur la base de l’indice du coût de la construction et le rappel de la règle du règlement de la consommation d’eau par le locataire en novembre et mai de chaque année, en sus du loyer et des charges ;
que [I] [N] n’a jamais accepté de payer sur la base du loyer réévalué en fonction de la clause de l’avenant N°2, ni de payer sa consommation d’eau, alors que le loyer est particulièrement bas ;
que depuis le mois de juillet 2022, le conflit s’est accentué puisque [I] [N] s’abstient purement et simplement de payer le loyer ;
L’appelante soutient que la clause résolutoire est acquise, à défaut d’exécution des clauses du bail.
Elle relève en premier lieu que le preneur ne respecte pas la clause d’exploitation sans interruption, faisant valoir :
que le bail prévoit que le commerce doit être exploité sans interruption ;
que les constats d’huissier produits établissent qu’il n’y a pas d’exploitation continue et que le commandement visant la clause résolutoire doit ainsi recevoir sa sanction ;
que la religion d’un locataire commercial n’a pas à être prise en compte dans un état laïc qui fait prévaloir les lois civiles et les contrats signés sur les pratiques religieuses.
Elle relève en second lieu que le preneur n’a pas justifié d’une assurance, alors que :
ce n’est que le 22 décembre 2022 que [I] [N] a communiqué une attestation d’assurance de la compagnie Generali émise le 17 octobre 2022 précisant qu’une garantie existait sur la période du 01/06/2022 au 30/12/2022 ;
qu’il n’a pas été justifié d’une assurance dans le mois qui a suivi le commandement signifié le 12 août 2022, ni même d’ailleurs dans le mois qui a suivi le commandement réitératif du 18 novembre 2022 ;
qu’en tout état de cause, l’attestation d’assurance Generali du 17 octobre 2022 ne mentionne pas la date de souscription de la police correspondante.
S’agissant de l’absence de règlement des loyers, l’appelante fait valoir :
que le Juge des référés laisse entendre que le bailleur intentionnellement n’encaisserait pas les chèques, ce qu’elle dément formellement, étant observé qu’en application de l’article 2274 du code civil, la bonne foi est toujours présumée, et que c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ;
que [I] [N] n’a jamais identifié les chèques qu’il aurait adressés et qui n’auraient pas été encaissés et qu’il pouvait payer par virement ;
que par ailleurs, [I] [N] n’a jamais réglé le rappel d’indexation ni dans le délai mensuel, ni au-delà du commandement du 18 novembre 2022.
Elle ajoute qu’il importe peu que le bail ait fait l’objet d’un congé avec refus de renouvellement, dès lors que tant que dure l’occupation, ledit bail et ses obligations restent applicables et qu’en réalité, [I] [N], estimant être en droit d’obtenir une indemnité d’éviction estime qu’il peut de toute façon s’affranchir de tout paiement et de respecter les termes du bail.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 7 avril 2023, [I] [N] demande à la cour de :
Confirmer l’Ordonnance de référé du 30 janvier 2023 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause, condamner la SCI Greuze Pressencé à lui payer la somme de 6 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
[I] [N] expose :
qu’au cours de l’année 2013, il a été confronté à une coupure de l’alimentation d’eau par la société VEOLIA et que le fournisseur lui a indiqué que le propriétaire de l’immeuble, ne réglait plus ses factures de consommation d’eau, conduisant VEOLIA à interrompre l’alimentation ;
qu’ayant sollicité vainement la SCI Greuze Pressencé afin qu’elle règle les factures d’eau, il a été contrainte d’y procéder en lieu et place de son bailleur ;
qu’en réalité, il est apparu que la SCI Greuze Pressencé tentait d’invoquer tout un ensemble de motifs infondés pour tenter d’évincer son locataire à moindre coût, raison pour laquelle elle lui a signifié un congé avec refus de renouvellement le 25 avril 2014 ;
que par jugement du 10 mai 2022, le Tribunal judiciaire de Lyon a retenu que les motifs du congé n’étaient ni graves ni légitimes et a condamné la SCI Greuze Pressencé à payer une indemnité d’éviction, désignant un expert pour l’évaluer ;
que dans son pré-rapport, l’expert a évalué l’indemnité d’éviction à la somme de 63 500 € et l’indemnité d’occupation annuelle à 9160 €, soit 763 € par mois ;
qu’il est étrange que la SCI Greuze Pressencé puisse faire délivrer de nouveaux commandements de payer visant la clause résolutoire alors qu’il n’est nullement contesté de part ni d’autre depuis le début de la procédure judiciaire en 2014, soit depuis 8 années, que le bail est résilié depuis le mois de janvier 2015 ainsi que l’a constaté le Tribunal Judiciaire dans sa décision du 10 mai 2022 ;
que cela démontre une volonté du bailleur d’évincer à tout prix son preneur sans aucune indemnité et tenter de trouver à tout prix également des manquements contractuels pour que cette indemnité d’éviction ne lui soit pas allouée et se préconstituer des preuves dans le cadre de la présente procédure ;
qu’ainsi, la question de la résiliation du bail n’est pas dans le débat, alors que la décision du 10 mai 2022, seule décision en vigueur à ce jour, précise parfaitement que [I] [N] est créancier à l’égard de son bailleur d’une indemnité d’éviction et que cette indemnité pourra se compenser avec les indemnités d’occupation postérieures à la date de résiliation du bail, qui viendraient à rester dues ;
qu’il est parfaitement inutile dans ce contexte que la SCI Greuze Pressencé délivre des commandements de payer visant la clause résolutoire par voie d’huissier, le bail étant résilié depuis le 1er janvier 2015.
S’agissant du non-paiement des loyers, l’appelant relève :
que le non-paiement des loyers est dû à la mauvaise foi du bailleur qui délibérément, ne procède pas à l’encaissement des chèques que lui verse [I] [N], étant observé qu’il ne s’agit pas en réalité de loyer mais d’une indemnité d’occupation ;
qu’en outre, dans le dernier commandement, le bailleur ne craint pas de solliciter le paiement d’indemnités d’occupation dont les montants sont parfaitement erronés.
S’agissant du défaut d’exploitation du fonds, l’intimé fait valoir :
qu’il est de confession juive, (à l’instar d’ailleurs du gérant de la SCI Greuze) et a pour clientèle, une majorité de personnes appartenant à la communauté juive de Villeurbanne et de Lyon qui le connaissent depuis de nombreuses années puisque le fonds de commerce de pizzeria est installé dans ce local depuis de très nombreuses années ;
que toute le monde sait, en ce compris le bailleur, qu’il n’ouvre pas son fonds de commerce les vendredis après-midi, les samedis toute la journée, en raison du shabbat, ainsi que les jours de fêtes religieuses lors desquelles les règles du talmud prescrivent qu’il est interdit de travailler, ce qui a été évoqué en cours d’expertise en présence du bailleur ;
que le bailleur a fait sciemment réaliser des constats d’huissier soit des vendredis après-midi ou samedis, soit des jours de fêtes religieuses juives, ce pour faire croire devant une juridiction que son preneur manquerait à son obligation d’exploitation de son activité ;
Il ajoute justifier qu’il a régulièrement et valablement souscrit à une assurance auprès de la compagnie Generali.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire par la SCI Greuze Pressencé et la demande d’expulsion
La cour rappelle qu’une demande d’un bailleur tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail commercial est fondée en référé sur les dispositions de l’article 834 du Code de procédure civile et les dispositions de l’article L 145-41 du Code de commerce.
Le premier de ces textes dispose que dans tous les cas d’urgence, le juge des référés peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Selon le second, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l’espèce, la cour, à l’examen des pièces versées aux débats, notamment du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Lyon le 10 mai 2022 constate :
que le 25 avril 2014, la SCI Greuze Pressencé a signifié à [I] [N] un congé avec refus de nouvellement pour motif grave et légitime sans indemnité d’éviction pour le 31 décembre 2015 ;
que [I] [N] a contesté le motif de ce congé en saisissant le Tribunal judiciaire de Lyon d’une demande d’indemnité d’éviction ;
que par jugement du 10 mai 2022, le Tribunal judiciaire de Lyon a dit que les motifs du congé délivré par la SCI Greuze Pressencé n’étaient ni graves, ni létigimes, a en conséquence condamné la SCI Greuze Pressencé à payer à [I] [N] une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, ordonnant avant-dire-droit une mesure d’expertise pour évaluer cette indemnité et dit également que [I] [N] était tenu de payer à la SCI Greuze Pressencé une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2015 jusqu’à libération des lieux.
Force est de constater que le Tribunal judiciaire de Lyon a validé le congé délivré, sauf à dire qu’une indemnité d’éviction était dûe par le bailleur, à défaut de motif grave et légitime établis et reconnu que le preneur n’était plus titulaire d’un droit au bail à compter du 1er janvier 2015 au regard du congé délivré.
Dans ces conditions, la cour ne peut qu’en déduire, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien-fondé des griefs de la SCI Greuze Pressencé formulés aux termes des commandements qu’elle a délivrés, que la demande de la SCI Greuze Pressencé visant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire d’un contrat de bail qui n’est plus effectif depuis le 1er janvier 2015 se heurte à une contestation sérieuse.
La cour en conséquence, mais pour ces motifs, confirme la décision déférée qui a rejeté la demande d’acquisition de la clause résolutoire présentée par la SCI Greuze, sur laquelle il n’y avait lieu à référé.
2) Sur les demandes de provision au titre de l’indemnité d’occcupation pour la période de Juillet à novembre 2022 et au titre du rappel d’indexation dû pour la période du 1er janvier 2021 jusqu’au mois de septembre 2022 présentées par la SCI Greuze Pressencé
En application de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
En l’espèce, il apparait que, dans ses motivations, le jugement du Tribunal judiciaire de Lyon du 10 mai 2022 a retenu :
qu’une indemnité d’occupation est due par [I] [N] depuis le 1er janvier 2015 et jusqu’à la libération des lieux ;
que la SCI Greuze Pressencé n’a pas entendu faire jouer la clause d’indexation du bail avant sa résiliation et que le montant de l’indemnité d’occupation, susceptible néanmoins d’être supérieur à celui du loyer appliqué, sera fixé par la voie de l’expertise préalable ;
que de la même façon, il ne doit pas être fait droit à la demande de complément de loyer correspondant à l’application de l’indexation à compter du 1er janvier 2013 ;
que la demande de compensation entre les indemnités d’occupations et d’éviction doit être réservée.
Par ailleurs, dans son dispositif, le Tribunal a :
dit que [I] [N] est tenu de payer à la SCI Greuze Pressencé une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2015 jusqu’à la parfaite libération des lieux et réservé la demande de compensation entre les indemnités d’éviction et d’occupation ;
avant dire droit, ordonné une mesure d’expertise aux fins d’évaluer l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation ;
rejeté toute autre demande.
La cour ne peut que constater que si le droit de la SCI Greuze Pressencé à indemnité d’occupation a été reconnu par le Tribunal à compter du 1er janvier 2015, aucune indemnité d’occupation n’a été fixée à la charge de [I] [N] à compter de cette date, lequel d’ailleurs n’a pas été condamné à ce titre, le Tribunal indiquant expressément que le montant de cette indemnité serait fixé dans le cadre de l’expertise ordonnée et réservant de ce fait la demande de compensation qui était présentée, étant observé que la demande de compensation avait été présentée par la SCI Greuze Pressencé elle-même au cas où une mesure d’expertise serait ordonnée.
La cour observe en outre que dans ses écritures, la SCI Greuze Pressencé sollicitait que [I] [N] soit condamné au paiement d’une occupation mensuelle de 1 205,65 € à compter du 1er janvier 2020 jusqu’à la libération des lieux et que compte tenu des éléments précédemment exposés, retenus par les juges du fond, il n’a pas été fait droit à cette demande.
Dès lors que la demande au paiement d’indemnité d’occupation a été rejetée par les juges du fond, lesquels ont considéré qu’il ne devait être statué sur cette demande qu’au regard du rapport d’expertise, il apparaît que la demande présentée à ce titre par la SCI Greuze Pressencé dans le cadre de la procédure de référé se heurte à une contestation sérieuse, le juge des référés ne pouvant aller à l’encontre de ce qui a été décidé par les juges du fond, dans un contexte où aucune condamnation n’avait été prononcée au titre de l’indemnité d’occupation.
Il en est de même de la demande de provision concernant l’indexation, étant observé de nouveau qu’une telle demande avait été présentée par la SCI Greuze Pressencé devant les juges du fond.
La cour en conséquence mais pour les motifs précédemment développés, confirme la décision déférée qui a rejeté les demandes de provision présentées par la SCI Greuze Pressencé au titre de l’indemnité d’occupation due pour la période de Juillet à novembre 2022 et au titre du rappel d’indexation dû pour la période du 1er janvier 2021 jusqu’au septembre 2022, sur lesquelles il n’y avait lieu à référé.
3) Sur les demandes accessoires
La SCI Greuze Pressencé succombant, la cour confirme la décision déférée qui l’a condamnée aux dépens de la procédure de première instance et à payer à [I] [N] la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.
Pour les mêmes raisons, la cour condamne la SCI Greuze Pressencé aux dépens à hauteur d’appel et à payer à [I] [N] la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel, justifiée en équité.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme la décision déférée dans son intégralité ;
Condamne la SCI Greuze Pressencé aux dépens à hauteur d’appel ;
Condamne la SCI Greuze Pressencé à payer à [I] [N] la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT