6 octobre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02472
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 OCTOBRE 2022
N° RG 21/02472 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UOIL
AFFAIRE :
E.U.R.L. C. AGGOUNE HELIO’S PUB
C/
S.C.I. [Localité 4] CHATEAU
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Octobre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 3
N° RG : 15/04927
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la 3ème chambre de la Cour de cassation du 22 octobre 2020 cassant et annulant l’arrêt rendu par la 12ème chambre de la cour d’appel de Versailles le 19 mars 2019
E.U.R.L. C. AGGOUNE exerçant sous l’enseigne ‘HELIO’S PUB’
Immatriculée au RCS de Versailles sous le n° 447 513 490
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20210327 et Me Gilbert SAUVAGE de l’ASSOCIATION CHEDOT SAUVAGE SAUVAGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R089,
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.C.I. [Localité 4] CHATEAU
Immatriculée au RCS d’Antibes sous le n° 449 235 324
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2166154 et Me Zakaria GUERIOUABI substituant à l’audience Me Agnès VILETTE de la SELAS VERRIER VILETTE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Le 15 novembre 2005, la société [Localité 4] Château a donné à bail commercial à la société C. Aggoune (ci-après, la société Aggoune), exploitant sous l’enseigne Helio’s Pub, des locaux à usage de café, bar, brasserie, restaurant, traiteur, pizzeria, situés [Adresse 2], pour une durée de 9 années à compter du 15 novembre 2005, moyennant paiement d’un loyer annuel de 68.602 € HT et hors charges.
Le 28 avril 2009, la société Aggoune a assigné la société [Localité 4] Château en référé aux fins de désignation d’un expert en raison d’importants désordres affectant la façade de l’immeuble et entraînant des risques d’infiltration.
Par ordonnance du 11 juin 2009, le président du tribunal de grande instance de Versailles a désigné un expert qui a déposé son rapport le 6 septembre 2011.
Le 13 mai 2014, la société [Localité 4] Château a transmis à la société Aggoune un congé avec refus de renouvellement, et sans offre d’indemnité d’éviction, à effet du 14 novembre 2014.
Par acte du 9 juin 2015, la société [Localité 4] Château a assigné la locataire devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de validation du congé et expulsion.
Par jugement du 26 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Versailles a :
– constaté la régularité du congé et l’expiration du bail au 14 novembre 2014,
– dit que la société [Localité 4] Château ne justifie pas d’un motif grave et légitime de non-renouvellement, et qu’elle est tenue de verser une indemnité d’éviction à la société Aggoune,
– dit que la société Aggoune est redevable d’une indemnité d’occupation à compter du 15 novembre 2014,
– rejeté les demandes reconventionnelles de la société Aggoune,
– avant dire droit pour Ie surplus : ordonné une expertise confiée à M. [K] afin, pour l’essentiel, de donner un avis sur les indemnités d’éviction et d’occupation,
– Réservé les dépens.
Par acte du 15 novembre 2017, la société [Localité 4] Chateau a notifié à la société Aggoune renoncer au refus de renouvellement du bail.
Par arrêt du 19 mars 2019, la cour d’appel de Versailles a :
– infirmé, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement du 26 octobre 2017,
Et statuant à nouveau,
– constaté la prescription de l’action en responsabilité exercée, à titre reconventionnel, par la société Aggoune à l’encontre de la société [Localité 4] Château,
– condamné la société Aggoune à payer à la société [Localité 4] Château la somme de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Aggoune aux dépens d’appel.
Par arrêt du 22 octobre 2020, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 19 mars 2019 selon lequel le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir le 11 juin 2009 alors que les juges du fond auraient dû retenir la date du 6 septembre 2011 du fait de l’exécution de la mesure d’instruction, et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Vu la déclaration de saisine du 15 avril 2021 par la société Aggoune.
Par ordonnance du 14 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes présentées par les parties devant le conseiller de la mise en état.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 16 mars 2022, la société Aggoune demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté,
– déclarer irrecevable et mal fondée la contestation du bailleur et tendant à interdire à la société concluante de solliciter une exécution en nature,
– faisant droit à l’appel interjeté, réformer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande formée par la société Aggoune sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
Statuant à nouveau,
– dire et juger que la société [Localité 4] Château a agi et a exécuté de mauvaise foi la convention de bail ;
– dire et juger que la société [Localité 4] Château est tenue, nonobstant toutes clauses contraires aux travaux de gros ‘uvre,
– dire et juger que les articles 1719 et 1720 du code civil sont applicables nonobstant toute clause contraire notamment à propos de la jouissance paisible et de l’obligation de délivrance,
– dire et juger qu’en percevant l’indemnité d’assurance la société [Localité 4] Château a renoncé à se prévaloir des clauses du contrat relatives à l’entretien et s’est engagée à réaliser les travaux,
– condamner en conséquence la société [Localité 4] Château au paiement d’une indemnité mensuelle de 1.000 € en réparation du trouble de jouissance subi à compter du mois de juin 2009 correspondant à la date de nomination d’un expert judiciaire jusqu’à la réfection des façades,
– condamner la société [Localité 4] Château à procéder à la réfection totale des façades,
– dire et juger qu’à défaut d’avoir à réaliser de tels travaux dans les quatre mois de la décision à intervenir la société [Localité 4] Château sera redevable d’une indemnité journalière de 1.000€,
– autoriser la société Aggoune à désigner, aux frais de la société [Localité 4] Château, un architecte chargé de suivre et surveiller la bonne marche des travaux que fera réaliser le bailleur, le respect des normes environnementales et celles spécifiques à la Ville de [Localité 4],
– à titre subsidiaire, autoriser la société Aggoune à se substituer au bailleur et à faire réaliser les travaux de ravalement,
– dans cette hypothèse, condamner la société [Localité 4] Château au paiement préalable:
/ d’une somme de 90.472,69 € HT (soit 107.703,33 € TTC) représentative du coût de la réfection,
/ d’une somme de 9.951,99 € HT (11.942,39 € TTC), représentative de la maîtrise d »uvre,
/ d’une somme de 20.000 € représentative des diverses suggestions nécessitées par la direction du chantier par le locataire,
– en toute hypothèse, condamner la société [Localité 4] Château au paiement d’une somme de 46.552,15 € TTC pour la perte d’exploitation générée pendant la durée du chantier,
– condamner la société [Localité 4] Château au paiement de la somme de 10.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [Localité 4] Château en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, JRF & associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, la société [Localité 4] Château demande à la cour de :
– déclarer la société [Localité 4] Château recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
– déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes formulées par la société Aggoune afin de voir condamnée la société [Localité 4] Château à procéder à la reprise des façades,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de [Localité 4] le 26 octobre 2017 en toutes ses dispositions,
– débouter la société Aggoune de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
– condamner la société Aggoune à payer à la société [Localité 4] Château la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Aggoune à payer à la société [Localité 4] Château les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 avril 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a constaté la régularité du congé et l’expiration du bail au 14 novembre 2014, dit que la société [Localité 4] Chateau était tenue de verser une indemnité d’éviction à la société Aggoune, laquelle était redevable d’une indemnité d’occupation à compter du 15 novembre 2014, mais postérieurement la société [Localité 4] Chateau a notifié à la société Aggoune renoncer au refus de renouvellement du bail.
Sur la recevabilité des demandes de la société Aggoune
La société [Localité 4] Chateau soutient que la demande de la société Aggoune tendant à obtenir la condamnation du bailleur à la réfection totale de la façade est nouvelle, au sens de l’article 564 du code de procédure civile, la seule demande qui n’est pas nouvelle étant celle relative à l’indemnisation de son trouble de jouissance. Elle conteste le fait que cette demande corresponde à l’évolution du litige, à la suite de l’exercice de son droit de repentir, ce d’autant que la 1ère demande de la société Aggoune n’était pas d’obtenir une indemnité d’éviction, mais l’annulation de son obligation de quitter les lieux. Elle ajoute que dès l’origine la société Aggoune pouvait solliciter une condamnation du bailleur à faire réaliser les travaux, et conteste que l’exercice du droit de repentir la placerait dans de nouvelles dispositions, car il ne constitue pas un fait survenu au sens de l’article 564 précité. Elle ajoute qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle modalité de l’exécution demandée dès l’origine en paiement, une demande visant à indemniser un préjudice et l’autre à obtenir l’exécution en nature d’une obligation.
La société Aggoune soutient qu’elle ne fait que développer une argumentation nouvelle tendant aux mêmes fins, que l’exécution en nature ne présentait aucun intérêt pour le preneur en 1ère instance puisque le bailleur sollicitait alors le non-renouvellement du bail, et qu’il ne s’agit que d’une modalité de l’exécution demandée dès l’origine en paiement. Elle ajoute que son action, qui tend aussi à une exécution en nature, est recevable, et que le repentir notifié par le bailleur entre la 1ère instance et l’appel constitue la survenance d’un fait prévu par l’article 564. Elle rappelle que la procédure avait à l’origine pour but de percevoir une indemnité d’éviction, et qu’elle demandait aussi la réparation de son préjudice de jouissance du fait de l’état défectueux des façades. Elle sollicite le rejet de la prétention tendant à voir déclarer irrecevable la demande portant sur une exécution en nature.
*****
L’article 564 du code de procédure civile prévoit qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Il résulte de la lecture du jugement que la société [Localité 4] Chateau avait saisi le tribunal de grande instance de Versailles d’une demande tendant notamment à voir valider le congé avec refus de renouvellement et sans offre d’éviction qu’elle avait donné à la société Aggoune, et à voir ordonner l’expulsion de celle-ci. Les demandes de la société Aggoune tendaient notamment à voir annuler le congé, à voir constater que la société [Localité 4] Chateau avait commis une faute en ne réalisant pas la réfection de la façade, à obtenir sa condamnation en réparation du trouble de jouissance, ainsi qu’au paiement d’une indemnité d’éviction.
Postérieurement au jugement rendu le 26 octobre 2017 par cette juridiction, la société [Localité 4] Chateau a notifié au preneur, par acte du 15 novembre 2017, qu’elle renonçait au refus de renouvellement.
Cette renonciation constitue un fait nouveau survenu depuis le jugement.
La demande de la société Aggoune en réparation du préjudice de jouissance présentée devant le tribunal de grande instance de Versailles reposait déjà sur la faute alléguée du bailleur de ne pas avoir procédé à la réfection des façades ; la société Aggoune n’avait alors pas d’intérêt à solliciter la condamnation du bailleur à la réfection des façades, alors que son éviction était recherchée par le bailleur.
C’est du fait de l’exercice du droit de repentir par le bailleur que la demande tendant à obtenir la condamnation de la société [Localité 4] Château à procéder à la réfection totale des façades est devenue utile pour la société Aggoune.
La demande tendant à obtenir l’exécution forcée en nature de l’obligation peut, comme la réparation des conséquences de l’inexécution, être sollicitée par la partie envers laquelle un engagement n’a pas été respecté.
Dès lors, l’exercice de ce droit de repentir constituant un fait nouveau, et la demande tendant à obtenir la réfection des façades reposant, comme la demande tendant à obtenir la réparation du préjudice subi du fait de la non-réfection des façades, sur ce même manquement du bailleur, cette demande tendant à voir le bailleur condamné à exécuter son obligation en nature – la réfection des façades – sera déclarée recevable.
Sur la prise en charge des travaux de réfection de la façade
La société [Localité 4] Chateau soutient que si le ravalement est considéré comme une réparation d’entretien, le bail peut prévoir qu’elle est supportée par le preneur, et qu’en l’espèce le bail prévoit que le preneur s’est engagé à effectuer toutes les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil. Elle ajoute qu’un expert judiciaire a, en 2011, préconisé une ‘reprise de ravalement’, celui-ci ayant été effectué en 2003, soit de simples réparations. Elle avance que la société Aggoune fait état de l’importance des désordres, alors qu’ils sont dus à son refus de procéder aux travaux d’entretien, cette société devant effectuer les travaux de façade. Elle conteste le caractère probant des photos versées par la société Aggoune, comme l’analyse juridique que l’expert s’est autorisée, et sollicite la confirmation du jugement qui a débouté la société Aggoune de sa demande.
La société Aggoune avance que les premiers juges n’ont pas pris en compte le rapport d’expertise, qui conclut à la reprise totale du ravalement, et elle en déduit la responsabilité du bailleur qui a encaissé l’indemnité d’assurance dommages ouvrages correspondant au coût de la réparation des désordres. Elle fait état de la déloyauté du bailleur, qui a encaissé cette indemnisation, a cherché à faire supporter le ravalement par le preneur, et à se prévaloir de ce ‘manquement’ du preneur pour solliciter le non-renouvellement du bail. Elle relève qu’une clause du contrat de bail ne peut dispenser le bailleur de délivrer les lieux conformément à l’usage pour lequel ils sont destinés, que l’article R145-35 du code de commerce interdit lors d’un renouvellement de mettre les grosses réparations à la charge du preneur, et qu’en l’espèce les reprises à effectuer sont bien des grosses réparations. Elle distingue l’obligation d’entretien et la restauration, et demande que la responsabilité du bailleur soit retenue.
*****
L’article 606 du code civil prévoit que les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien.
Le bail commercial conclu entre les parties impose au preneur de maintenir toujours en bon état d’usage les locaux loués, ‘d’exécuter tous travaux qui s’avéreraient nécessaires y compris les grosses réparations, telles que définies à l’article 606 du code civil’.
L’article R145-35 du code de commerce indique notamment que ne peuvent être imputées aux locataires les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil.
Cet article est applicable à la date du renouvellement soit le 15 novembre 2014, de sorte que le bailleur ne pouvait plus mettre à la charge du locataire les travaux de ravalement qui constituent une grosse réparation.
Les dépenses de ravalement, qui ne constituent pas des charges locatives, incombent, sauf stipulation expresse contraire, au bailleur.
Selon le rapport d’expertise judiciaire de M. [T] rendu le 6 septembre 2011, un ravalement a été effectué en 2003 (réceptionné le 17 décembre 2003) et, à la suite de désordres apparus dès le 5 mai 2004, la SCI propriétaire ([Localité 4] Chateau) aurait obtenu des assureurs une indemnité de 40.000 €, sans que les travaux de réparation correspondants ne soient entrepris.
L’expert a d’abord envisagé, au titre des remèdes, l’éventualité de solutions par traitement de surface, en relevant que ‘le ravalement bien que fissuré et d’aspect irrégulier très médiocre reste stable et n’est pas à l’origine de désordres secondaires avérés’.
Il estime ensuite, au titre de la reprise radicale du ravalement, ‘qu’on doit envisager un piochage complet jusqu’au support en maçonnerie, les corniches pouvant être conservées et une reprise complète avec des produits de ravalement…’.
En réponse aux dires des conseils des parties, il a notamment indiqué que les désordres relatifs à la façade étaient au moins aussi visibles lors de la signature du bail que lors du constat d’huissier du 5 mai 2004 réalisé 18 mois plus tôt mais se sont sans nul doute affirmés au moins visuellement par la suite. Il a aussi indiqué qu’ ‘en l’état, les défauts de ravalement ne fragiliseraient la structure de l’immeuble que si des pièces de bois restent ancrés dans les façades ce qui est bien possible. Ils menacent par contre, l’étanchéité des façades et l’intégrité des ouvrages sensibles à l’humidité (linteaux, menuiseries).’ Il conclut que le seul remède envisageable aux désordres est de reprendre totalement le ravalement.
La cour observe pour autant que l’expert a également indiqué, dans ses conclusions datant du 6 septembre 2011, que ‘le ravalement bien que fissuré et d’aspect irrégulier très médiocre reste stable’, et relevé que les désordres sur la façade étaient visibles lors de la signature du contrat de bail.
Cette expertise, ayant plus de onze années, est assez imprécise quant à la dégradation de la façade.
Par ailleurs, il est à relever qu’il n’est pas justifié d’une dégradation de l’état de la façade depuis la réalisation de cette expertise, aucun document dressé contradictoirement ou sur décision de justice n’est intervenu depuis la réalisation de cette expertise.
Ainsi, les deux clichés photographiques versés par la société Aggoune ne sont pas datés et ne permettent pas d’appréhender le désordre dont cette société souffrirait.
Un procès-verbal de constat a aussi été dressé le 11 février 2022 à la demande de la société Aggoune, qui souhaitait faire constater les travaux d’entretien qu’elle avait réalisés depuis 2020 et les dégradations visibles sur les façades du bâtiment.
L’huissier a relevé sur la façade la présence de nombreuses fissures, décollements d’enduits, d’efflorescences sur les parements en briques ; il a noté que les entourages des fenêtres et des linteaux du 1er étage étaient fissurés, qu’un linteau s’affaissait et menaçait de tomber.
La société Aggoune verse également un contrat d’architecte non signé du 8 février 2022 portant sur un ‘projet de ravalement’, ou des devis de travaux, mais ces pièces ne peuvent en soi justifier de la nécessité de procéder auxdits travaux.
Dans ces conditions, il s’en suit que la cour dispose du seul constat dressé non contradictoirement et à la demande de la société Aggoune, depuis la réalisation de l’expertise il y a plus de onze années.
Cette seule pièce ne permet pas d’apprécier avec précision l’état de la façade, notamment l’état de dégradation qu’elle présenterait, et la nécessité de faire droit à la demande de la société Aggoune qui sollicite que le bailleur soit condamné ‘à procéder à la réfection totale des façades’, alors que le constat ne fait état que de dégradations ponctuelles dont les parties n’établissent pas si elles relèvent de l’entretien courant du preneur ou d’une réfection à la charge du bailleur.
Si le bailleur est obligé d’entretenir la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, d’en faire jouir paisiblement le locataire pendant la durée du bail, les seules pièces produites sont insuffisantes à établir l’existence d’un manquement du bailleur à ses obligations.
Il n’est justifié d’aucun désordre empêchant la jouissance paisible des locaux loués.
En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande de la société Aggoune tendant à obtenir la condamnation du bailleur à procéder à la réfection totale des façades, ou à titre subsidiaire à autoriser la société Aggoune à se substituer au bailleur et à faire réaliser les travaux de ravalement, la société Aggoune demandant alors notamment la condamnation du bailleur au paiement préalable de 90.472,69 € HT représentant le coût de la réfection.
Il sera au surplus relevé que la société Aggoune, qui fait état du caractère dissuasif pour la clientèle de l’état de la façade, ne produit aucune attestation de clients se plaignant de l’état de la façade, ni ne pièce démontrant une baisse de fréquentation ou une diminution de son chiffre d’affaires.
La société Aggoune sera donc déboutée de ses demandes, et le jugement confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Chaque partie supportera ses dépens de 1ère instance et d’appel, et il ne sera pas fait droit aux demandes présentées au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
statuant par arrêt contradictoire dans les limites de l’appel, après cassation,
Déclarerecevable la demande de la société Aggoune tendant à obtenir la condamnation de la société [Localité 4] Château à procéder à la réfection totale des façades,
Confirme le jugement uniquement en ce qu’il rejette les demandes reconventionnelles de la société Aggoune,
y ajoutant,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, JRF & associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,