6 mars 2023
Cour d’appel de Basse-Terre
RG n°
19/01686
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N° 52 DU SIX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
AFFAIRE N° : N° RG 19/01686 – N° Portalis DBV7-V-B7D-DF3L
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre – section encadrement – du 17 Septembre 2019.
APPELANTE
S.A. SOCIETE ANTILLAISE FRIGORIFIQUE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Karine LINON, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
INTIMÉE
Madame [P] [C] épouse [A]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominique TAVERNIER, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Rozenn LE GOFF, conseillère, présidente
Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère,
Madame Annabelle CLEDAT, conseillère.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 06 mars 2023
GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.
Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
Par contrat à durée indéterminée en date du 29 février 2016, Madame [P] [C] épouse [A] était recrutée par la SA société Antillaise frigorifique à compter du 1er mars 2016 en qualité de Directrice comptable des sociétés d’exploitation de la Guadeloupe.
Madame [P] [C] épouse [A] avait occupé précédemment le poste de directrice administrative et financière entre le 17 juillet 2000 et le 28 février 2016 au sien de la même entreprise.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 3 mai 2017, Madame [P] [C] épouse [A] était convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour motif économique.
Madame [P] [C] épouse [A] se voyait notifier son licenciement pour motif économique le 3 mai 2017.
Madame [P] [C] épouse [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe à Pitre pour contester le bienfondé de la rupture de son contrat de travail et articuler des demandes indemnitaires.
Par jugement en date du 17 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Pointe à Pitre en sa formation de départage a :
révoqué l’ordonnance de clôture prononcée le 22 mai 2018 ;
ordonné la clôture au 17 septembre 2019 ;
déclaré irrecevable la demande formulée par Madame [P] [C] épouse [A] afin d’obtenir la condamnation de la société SA société antillaise frigorifique (SAFO) à lui verser un rappel de salaire au titre d’une prime sur objectifs ;
dit que le licenciement pour motif économique de Madame [P] [C] épouse [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
condamné la société SA société antillaise frigorifique (SAFO) en la personne de son représentant légal à payer à Madame [P] [C] épouse [A] la somme de 180 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;
déclaré irrecevable la demande d’indemnisation formée par Madame [P] [C] épouse [A] à l’encontre de la société SA société antillaise frigorifique (SAFO) au titre des circonstances vexatoires de son licenciement ;
condamné la société SA société antillaise frigorifique (SAFO) en la personne de son représentant légal à payer à Madame [P] [C] épouse [A] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
rejeté les autres demandes ;
condamné la société SA société antillaise frigorifique (SAFO) aux dépens.
Par une déclaration en date du 18 décembre 2019 formée via le réseau privé virtuel des avocats , la société SA société antillaise frigorifique (SAFO) a relevé appel du jugement en ce qu’il avait dit que le licenciement pour motif économique de Madame [P] [C] [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’avait condamnée au paiement de la somme de 180 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la décision ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Par acte mêmement notifié par voie électronique le 8 février 2020, Madame [P] [C] épouse [A] a constitué avocat.
La SA société antillaise frigorifique (SAFO) a déposé des conclusions d’incident aux fins de solliciter du conseiller de la mise en état qu’il prononce l’irrecevabilité des demandes incidentes formées par Madame [P] [C] épouse [A] en l’absence de demande d’infirmation d’aucun chef de jugement par cette dernière.
Par une ordonnance en date du 2 mai 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré l’appel incident de Madame [P] [C] épouse [A] recevable et dit que les dépens de l’incident suivraient le sort de ceux de l’instance sur le fond.
Une ordonnance de clôture était rendue le 15 septembre 2022 et l’audience de plaidoirie fixée au 28 novembre 2022.
L’affaire était mise en délibéré au 27 février 2023 prorogé au 6 mars 2023.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Aux termes des dernières conclusions notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 25 août 2022, la SA société antillaise frigorifique demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel ;
– constater, dire et juger justifié le licenciement pour motif économique de Madame [A] ;
A titre subsidiaire de,
constater, dire et juger que Madame [A] ne justifie nullement d’un préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail,
En conséquence de,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pointe à Pitre le 17 septembre 2019 en ce qu’il :
a dit que le licenciement pour motif économique de Madame [P] [C] épouse [A] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
l’a condamnée à payer à Madame [P] [C] épouse [A] la somme de 180 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;
l’a condamnée à payer à Madame [P] [C] épouse [A] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
l’a condamnée aux dépens ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
déclaré irrecevable la demande formulée par Madame [P] [C] épouse [A] afin d’obtenir sa condamnation à lui verser un rappel de salaire au titre d’une prime sur objectifs ;
déclaré irrecevable la demande d’indemnisation formulée par Madame [P] [C] épouse [A] au titre des circonstances vexatoires du licenciement ;
Rejeté toutes autres demandes ;
Statuant à nouveau de,
– constater, dire et juger que la situation de l’entreprise l’obligeait à mettre en oeuvre la procédure de licenciement économique à l’encontre de Madame [A] et qu’elle a tenté vainement son reclassement ;
Subsidiairement de,
constater, dire et juger que Madame [A] ne justifie nullement d’un préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail ;
En conséquence de,
débouter Madame [A] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant injustifiées et non fondées ;
condamner Madame [A] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamner Madame [A] aux entiers dépens.
La SA société Antillaise frigorifique expose, en substance, qu’elle a entrepris une réorganisation de son activité et que dans le cadre de celle-ci, elle a été contrainte de mener une procédure de licenciement pour motif économique de sa Directrice des comptabilités de la Guadeloupe, Madame [P] [A].
L’employeur se défend d’avoir opéré un licenciement discriminatoire à l’encontre de sa salariée et fait plaider que le motif économique était parfaitement fondé.
Il souligne également avoir respecté son obligation de reclassement et critique en tout état de cause l’appréciation qui a été faite par le premier Juge du préjudice de Madame [A].
La SA société Antillaise frigorifique demande à la cour de rejeter les demandes articulées par Madame [A] des chefs de rappel de salaire et de dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires du licenciement.
En l’état des dernières conclusions notifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 21 août 2020, Madame [P] [A] demande à la cour :
Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail, de :
condamner la société SAFO à lui verser la somme de 15 524 euros à titre de rappel de primes.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
à titre principal de :
– prononcer la nullité de son licenciement intervenu pour un motif discriminatoire,
et en conséquence d’ordonner sa réintégration à son poste,
– condamner la société SAFO à lui verser une indemnité d’éviction calculée sur la base de son salaire brut mensuel d’un montant de 8 130 euros, soit 41 680 euros pour la période d’août 2017 à janvier 2018, ce montant étant à parfaire à la date du prononcé de la décision à intervenir.
A titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la cour devait la débouter de sa demande de nullité, elle lui demande de :
– condamner la société SAFO à lui verser la somme de 23 300 euros au titre des conditions vexatoires de licenciement,
– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a constaté l’absence de motif économique justifiant son licenciement,
– constater que la société SAFO n’a pas respecté son obligation de reclassement,
– constater que la rupture de son contrat de travail est abusive et en conséquence, de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la société SAFO à lui payer la somme de 180 000 euros à titre de dommages et intérêts, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et en ce qu’il a condamné la société SAFO à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
En tout état de cause de :
– condamner la société SAFO au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens éventuels.
Madame [P] [A], pour l’essentiel fait valoir, en premier lieu, que le licenciement dont elle a fait l’objet était discriminatoire au regard de son âge ; elle sollicite, outre sa réintégration le paiement de ses salaires à compter du mois d’août 2017 ;
Subsidiairement, elle fait plaider que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et demande la confirmation du jugement déféré s’agissant du quantum des dommages et intérêts alloués ;
Elle réitère les demandes jugées irrecevables par le premier juge et tenant à un rappel de salaire au titre de primes et à des dommages et intérêts au regard des circonstances vexatoires ayant entouré, à ses yeux, son licenciement.
Pour le surplus des explications des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
SUR CE.
L’appel relevé par la SA société Antillaise frigorifique conformément aux dispositions des articles L 1462-1 et R 1461-1 du Code du Travail est recevable.
Sur la mesure de licenciement intervenue.
Au terme de l’article L 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement ; dès lors, celle-ci sera ci-après reproduite :
« Madame,
Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour le motif économique suivant :
Alors que nous exerçons notre activité de holding animant nos filiales dans l’univers extrêmement concurrentiel qu’est celui de la distribution alimentaire, nous sommes contraints de procéder à une réorganisation de nos services afin de sauvegarder notre compétitivité.
En effet, il apparaît, outre une complexité organisationnelle, que nos coûts de fonctionnement sont trop importants, disproportionnés par rapport aux normes du secteur d’activité et représentent une menace pour l’équilibre de nos filiales.
C’est dans ces conditions que nous sommes contraints de supprimer le poste de Direction des Comptabilités de Guadeloupe.
Toutes les tentatives de reclassement se sont révélées vaines nous obligeant à poursuivre la mesure de licenciement engagée.
Lors de l’entretien préalable, nous vous avons remis une proposition d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Vous disposiez d’un délai de réflexion de vingt et un jours, soit jusqu’au 1er mai 2017 prorogé au 2 mai 2017, pour l’accepter ou pour la refuser.
Le 27 avril 2017, vous avez adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et de ce fait, votre contrat de travail est rompu d’un commun accord le 2 mai 2017.
Par ailleurs, nous vous informons que si vous en manifestez le désir, et dans le cas où la conjoncture viendrait à se retourner, vous aurez droit à une priorité de réembauchage pendant un an à compter de la rupture de votre contrat. Si vous acquérez une nouvelle qualification et que vous nous en informez, vous bénéficierez également de la priorité de réembauchage au titre de celle-ci.
A compter de la rupture de votre contrat de travail, en application de l’article L 911-8 du Code de Sécurité sociale, vous bénéficierez du maintien à titre gratuit des garanties de prévoyance et de santé en vigueur au sein de l’entreprise à condition que vous soyez prise en charge par le régime chômage.
Il vous appartiendra de prendre contact avec le cabinet APRIL, représentant l’organisme mutualiste AG2R La Mondiale au 0596 59 75 04 afin de lui fournir les justificatifs de ce vous remplissez, à l’ouverture et au cours de la période de maintien des garanties, les conditions requises pour en bénéficier.
Le maintien de cette couverture est d’une durée de 12 mois. Vous devrez également informer de la date de cessation du versement des allocations chômage dans le cas où celle-ci interviendrait avant la fin du délai de 12 mois.
Les garanties qui sont maintenues sont celles dont bénéficieront les salariés de l’entreprise, pendant votre période de chômage, de telle sorte que toute évolution collective de ces garanties à compter de votre départ vous sera opposable.
Nous tenons à votre disposition votre certificat de travail ainsi que l’attestation destinée au Pôle emploi et vous demandons de prendre contact avec nos services afin de convenir d’un rendez-vous pour la remise de ceux-ci et de votre solde de tout compte.
Nous vous prions de recevoir, Madame, l’expression de nos sentiments les meilleurs. »
A. Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement.
Madame [P] [C] épouse [A] fait plaider que le motif économique invoqué par l’employeur dissimulerait le vrai motif de la rupture du contrat de travail qui tiendrait, en réalité, à son âge.
Madame [C] épouse [A] soutient que son licenciement serait donc intervenu pour un motif discriminatoire et s’inscrirait dans le cadre d’une politique engagée par la SA société Antillaise frigorifique visant à rajeunir son personnel et à se séparer des éléments les plus anciens et les plus coûteux.
Il est constant qu’aux termes des dispositions de l’article L 122-45 du code du travail aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de classement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du présent code, en raison de sa santé ou de son handicap.
Madame [C] épouse [A] rappelle opportunément que la sanction de la violation du principe de non-discrimination est la nullité de l’acte ; raison pour laquelle elle sollicite non seulement la nullité de la mesure de licenciement dont elle a fait l’objet mais aussi sa réintégration.
Ainsi que le souligne avec exactitude le juge départiteur, c’est au salarié qu’il appartient d’apporter les éléments de fait laissant supposer qu’il a été victime d’une discrimination directe ou indirecte et à l’employeur d’établir que sa décision s’est fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge départiteur a opportunément souligné dans son jugement que Madame [C] épouse [A] n’avait pas versé la moindre pièce à l’appui de ses allégations.
La cour observe qu’en cause d’appel elle n’en a pas davantage produit se contentant de pétitions de principe et d’évoquer le départ de certains salariés.
Pour sa part, la SA société Antillaise Frigorifique a produit des éléments contredisant explicitement la thèse de Madame [C] épouse [A] et en particulier, un extrait du contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er avril 2016 de Monsieur [B] [D], en qualité de Directeur des systèmes d’information Groupe avec le statut de cadre (p.12 de l’appelante) ainsi que les bulletins de salaire de plusieurs salariés ayant une substantielle ancienneté (p. 13 et 14 de l’appelante).
La cour observe que Madame [C] épouse [A] s’est vue confier de nouvelles responsabilités et un nouveau contrat de travail alors même qu’elle était âgée de 52 ans.
Strictement aucun élément versé aux débats ne permet de soutenir que c’est en raison de son âge qu’une année après avoir été recrutée au poste de directrice des comptabilités Guadeloupe à l’âge de 52 ans, Madame [C] épouse [A] aurait été licenciée.
La cour confirme donc le jugement du conseil de prud’hommes déféré en ce qu’il a rejeté la demande de Madame [C] épouse [A] visant à voir prononcer la nullité de son licenciement de même que les demandes subséquentes de réintégration et de préjudice subi.
B. Sur le motif économique du licenciement.
Madame [C] épouse [A] fait plaider subsidiairement que le licenciement dont elle a fait l’objet ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.
La SA société Antillaise frigorifique fait état de ce qu’elle exerce une activité de holding pour le compte de ses filiales réparties sur les territoires de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane ainsi qu’au Havre.
Elle précise encore que ses filiales exercent une activité de distribution alimentaire.
Elle souligne que plusieurs motifs économiques justifiaient la suppression du poste de Madame [A], un premier motif tiré de la complexité organisationnelle et un second motif tiré de la réorganisation des services en raison de l’importance des coûts de fonctionnement disproportionnés par rapport aux normes du secteur d’activité et représentant une menace pour l’équilibre des filiales.
S’agissant de la complexité organisationnelle, l’employeur concentre ses explications sur le fait que le rôle de Madame [A] était de superviser les comptabilités des filiales de la Guadeloupe lesquelles disposaient d’un service comptable autonome.
Elle poursuit en précisant que cet échelon supplémentaire n’existait pas en Martinique et qu’il était source de difficulté et de complexité.
Sur ce point et à l’effet d’établir ce qu’elle avance, elle produit une seule attestation, celle de Madame [E] [M], Directrice des Affaires Financières du groupe SAFO (p. 77 de l’appelante).
Madame [M] se contente dans cette attestation de préciser deux points :
Le poste qu’occupait Madame [P] [A] a été supprimé en 2017
Depuis la suppression du poste, il y aurait un gain de temps dans la transmission des comptes à la Direction financière.
Cette seule attestation ne peut suffire, à elle seule, à établir ce que l’employeur avance s’agissant de la complexité qu’aurait constitué la présence de Madame [A] dans l’organigramme et son rôle dans la société. La transmission plus rapide des comptes à la Direction financière ne signifie pas que la présence de Madame [A] était source de difficultés ainsi que cela est plaidé.
La SA société Antillaise Frigorifique excipe qui plus est d’une mutation technologique cause structurelle dont la cour de cassation admet le bienfondé pour justifier la mise en place d’un licenciement économique.
Sauf que l’employeur n’explicite d’aucune façon en quoi consisterait la nouvelle technologie qu’elle a introduite et justifiant la suppression du poste de Madame [A] ; or, les mutations technologiques doivent être mentionnées dans la lettre de licenciement ce qui n’est nullement le cas de l’espèce.
La SA société Antillaise Frigorifique évoque, de seconde part, la réorganisation de ses services au regard des coûts de fonctionnement disproportionnés qui représentaient une menace pour sa compétitivité.
A l’appui ce qu’elle avance, la SA société Antillaise Frigorifique a produit deux pièces : un document émanant de Monsieur [J] [S], commissaire aux comptes, relatif au centre de galeries Montplaisir au [Localité 3] ‘ dit Sub [Localité 3] ‘ (p. 16 de l’appelante) et un échange de courriels ayant pour objet les immobilisations incorporelles mais faisant allusion – s’agissant du courriel du 20 mars 2017 de Madame [K] [X] expert-comptable – au coût élevé de certaines charges notamment les frais de siège et prestations (p. 17 de l’appelante).
L’existence d’une menace sur la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe nécessitant une anticipation des risques et, le cas échéant, des difficultés à venir, n’est pas suffisamment démontrée au cas de l’espèce au travers de ces deux seules pièces.
La cour relève par ailleurs que c’est à juste titre que le Juge départiteur a fait observer, s’agissant du document 16, que le commissaire aux comptes en étant à l’origine soulignait avoir déjà attiré l’attention des coûts groupe par le passé et que Madame [A] avait été néanmoins recrutée au poste de Directrice des comptabilités de la Guadeloupe au mois de février 2016.
La société appelante n’explicite pas en quoi en une année la menace sur la compétitivité se serait concrétisée voire aggravée. Elle ne peut, à cet égard, suppléer son manque de preuves par l’énumération de décisions de justice ayant, au cas par cas, admis l’existence d’un motif économique dans le licenciement motivé par la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Par surcroît, la SA société Antillaise Frigorifique ne donne pas non plus le moindre élément susceptible d’établir que le licenciement de Madame [A] aurait été effectivement l’occasion d’une réorganisation et aurait permis de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ;
La cour confirme donc le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement économique dont Madame [A] avait été l’objet était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La cour confirme également le jugement déféré en ce qu’il a dit qu’il était dès lors inutile d’examiner si l’employeur avait répondu à son obligation de reclassement.
II. Sur les conséquences indemnitaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur la demande de dommages intérêts au regard des conditions vexatoires du licenciement.
Le juge départiteur a dit que la demande présentée par Madame [A] et relative au caractère vexatoire de la mesure de licenciement intervenue était irrecevable au visa des dispositions de l’article 446-2 alinéa 2 du code de procédure civile, la demande de dommages et intérêts articulée par Madame [A] de ce chef ne figurant pas dans le dispositif de ses conclusions.
Devant la cour d’appel, Madame [A] réitère cette demande ; la SA société Antillaise Frigorifique lui oppose l’article 566 du code de procédure civile et subsidiairement soutient qu’il ne saurait lui être opposé le grief d’avoir mené sa procédure dans des conditions vexatoires pour la salariée.
Il est constant que le premier juge n’a pas été valablement saisi de la demande tendant au paiement de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires.
En cause d’appel, ladite demande doit s’analyser en une demande nouvelle irrecevable dès lors qu’elle n’est ni l’accessoire, ni la conséquence ni le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.
La cour juge donc la demande présentée par Madame [A] irrecevable.
B. Les dommages et intérêts.
Le premier juge a accordé à Madame [A] une somme de 180 000 euros en réparation du préjudice lié au prononcé d’une mesure de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Madame [A] en sollicite la confirmation.
Madame [A] n’avait certes qu’une ancienneté de quatorze mois au poste de directrice des comptabilités Guadeloupe mais avait précédemment travaillé au sein de la même entreprise durant presque seize ans au poste de directrice administrative et financière.
Madame [A] donnait manifestement à son employeur toute satisfaction dès lors que celui-ci l’avait promue très peu de temps avant de s’en séparer.
Madame [A] s’est trouvée, en suite de la rupture de son contrat de travail, confrontée à des difficultés financières dont il est justifié aux débats. Et même si Madame [A] a pu trouver un nouveau travail au sein de la société GES.COM où elle a été recrutée à compter du 3 juillet 2018 sa rémunération était sensiblement moindre ainsi que le démontre son bulletin de salaire du mois de décembre 2019.
Ainsi l’ancienneté de la salariée, son âge, ajoutés à la soudaineté d’une mesure dont il a été démontré qu’elle ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et aux conséquences qu’elle a eues sur la vie de l’intéressée, justifient amplement le quantum des sommes allouées par le premier juge.
La cour par adoption des motifs pertinents développés en première instance confirme la décision entreprise sur les dommages et intérêts alloués.
III. Sur la demande au titre des rappels de primes
Le juge départiteur a dit que la demande présentée par Madame [A] et relative au rappel de primes était irrecevable au visa des dispositions de l’article 446-2 alinéa 2 du code de procédure civile, la demande articulée par Madame [A] de ce chef ne figurant pas dans le dispositif de ses conclusions.
Devant la cour d’appel, Madame [A] réitère cette demande ; la SA société Antillaise Frigorifique lui oppose l’article 566 du code de procédure civile et subsidiairement indique que la demande est infondée.
Il est constant que le premier juge n’a pas été valablement saisi de la demande tendant au paiement d’un rappel de primes.
En cause d’appel, ladite demande doit s’analyser en une demande nouvelle irrecevable dès lors qu’elle n’est ni l’accessoire, ni la conséquence ni le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.
La cour juge donc la demande présentée par Madame [A] irrecevable.
IV. Sur les dépens et les frais irrépétibles.
Le jugement déféré sera confirmé s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.
La SA société Antillaise Frigorifique succombant, elle sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de la demande qu’elle forme au titre des frais irrépétibles.
Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [A] les frais irrépétibles qu’elle s’est vue contrainte d’exposer dans la présente instance en sorte que la société appelante sera condamnée à payer à Madame [A] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement en matière prud’homale,
Déclare recevable l’appel formé par la SA société Antillaise Frigorifique du jugement de départage en date du 17 septembre 2019 rendu par le conseil de prud’hommes de Pointe à Pitre,
Confirme le jugement de départage en date du 17 septembre 2019 rendu par le conseil de prud’hommes de Pointe à Pitre en toutes ses dispositions contestées
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de rappel de salaire formée par Madame [A] au titre d’une prime sur objectifs.
Déclare irrecevable la demande la demande de dommages et intérêts formée par Madame [A] au titre des circonstances vexatoires de son licenciement.
Condamne la société Antillaise frigorifique à payer à Madame [P] [C] épouse [A] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Antillaise frigorifique aux entiers dépens d’appel.
Et ont signé
La greffière La Présidente