Indemnité d’éviction : 6 juin 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/02036

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Indemnité d’éviction : 6 juin 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 21/02036

6 juin 2023
Cour d’appel d’Angers
RG
21/02036

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 21/02036 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E4LG

Jugement du 13 Juillet 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 11/03779

ARRET DU 06 JUIN 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. SPIRIT OF FACTORY

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Agnès EMERIAU de la SELAS ORATIO AVOCATS, substituée par Me TESSIER, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 2101913

INTIMEE :

SCI GIRODA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Guillaume BOIZARD de la SELARL BOIZARD – GUILLOU SELARL, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 200310

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 21 Mars 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport, et Mme ROBVEILLE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 06 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte reçu le 5 juillet 1999, la société (SARL) Spirit of Factory s’est vue consentir par M. et Mme [W] un bail commercial sur un immeuble situé [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 5], pour une durée de 9 ans, à effet au 1er juillet 1999, moyennant un loyer mensuel en principal de 1 676,94 euros HT et hors charges, payable mensuellement et d’avance, avec indexation sur l’indice national du coût de la construction, afin d’y exercer une activité de commerce de bar-brasserie-fabrique de bière.

Le 2 mai 2000, la société Giroda a acquis l’immeuble de M. et Mme [W] et a repris le bail aux droits des anciens propriétaires.

Par acte du 19 décembre 2008, la SARL Spirit of Factory a signifié à la SCI Giroda une demande de renouvellement de bail commercial au visa de l’article L.145-10 du code de commerce.

Par acte d’huissier du 23 février 2009, la SCI Giroda a signifié son refus de renouvellement, sans offre d’indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes, au motif d’une absence de régularisation du paiement de loyers et en raison d’un manque d’entretien par la preneuse des menuiseries extérieures de l’immeuble. Elle a mis en demeure la SARL Spirit of Factory de mettre fin à une infraction au bail commercial.

Selon acte d’huissier délivré le 28 septembre 2011, la SARL Spirit of Factory a fait assigner la SCI Giroda devant le tribunal de grande instance d’Angers aux fins de la voir condamner à lui payer une indemnité d’éviction. Elle a contesté les motifs graves et légitimes allégués par la SCI Giroda au soutien de son refus de renouvellement.

Par jugement du 12 janvier 2015, le tribunal de grande instance d’Angers a notamment :

– déclaré les demandes de la SARL Spirit of Facory non prescrites,

– dit que les motifs invoqués par la SCI Giroda pour refuser le renouvellement du bail de la SARL Spirit of Factory sans indemnité d’éviction ne sont pas graves et légitimes au sens des dispositions de l’article L. 145-17 du code de commerce

– débouté la SCI Giroda de sa demande de résiliation du bail consenti à la SARL Spirit of Factory,

– dit que la SCI Giroda doit une indemnité d’éviction à sa locataire la SARL Spirit of Factory,

– ordonné une expertise aux fins de fixer l’indemnité d’éviction due par la SCI Giroda la SARL Spirit of Factory du fait du refus de renouvellement du bail,

– commis pour y procéder M. [M] [C], avec pour mission notamment de se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission permettant de réunir les éléments d’appréciation du montant de l’indemnité d’éviction : en fonction des usages, du trouble commercial lié à la disparition du fonds de commerce, de la possibilité de réinstallation d’une nouvelle société, des frais de mutation, du trouble commercial résultant du transfert, de l’hypothèse de la disparition définitive du fonds, l’ensemble en application des dispositions de l’article L. 415-14 du code de commerce ; de fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de statuer sur le litige opposant les parties,

– condamné la SARL Spirit of Factory à payer à la SCI Giroda une provision de 11.053 euros à valoir sur le montant des loyers ou indemnités d’occuption impayés arrêtés en mai 2014 pour les mois de février, mars, avril et mai 2014,

– débouté la SCI Giroda de sa demande aux fins de mettre la taxe d’enlèvement des ordures ménagères à la charge de la SARL Spitif of Factory,

– débouté la SCI Giroda de sa demande aux fins de fixer l’indemnité d’occupation due par la SARL Spirit of Factory à 4.000 euros HT par mois,

– dit que l’indemnité occupation due par la SARL Spirit of Factory à la SCI Giroda demeure fixée conformément aux conditions du bail,

– débouté la SARL Spirit of Factory et la SCI Giroda de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservé les dépens,

– renvoyé l’affaire à une audience ultérieure de mise en état,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par acte du 28 mai 2015, la SCI Giroda a notifé à la SARL Spirit of Factory son droit de repentir et a consenti à titre irrévocable à un renouvellement du bail commercial, par application de l’article L. 145-58 du code de commerce.

Par acte du 23 juillet 2015, la SARL Spirit of Factory a notifié le transfert de son siège social [Adresse 7] à [Localité 5], à effet au 18 mai 2015, et a indiqué avoir pris des dispositions pour se réinstaller en un autre lieu dans le cadre d’un bail commercial conclu en la forme authentique, daté du 21 avril 2015.

La SCI Giroda a entendu maintenir son droit de repentir et a fait état de ce que la SARL Spirit of Factory avait restitué les clés le 11 août 2016 et invoqué un état déplorable des lieux.

Par jugement du 13 mars 2017, le tribunal de grande instance d’Angers, avec exécution provisoire, a :

– débouté la SCI Giroda de sa demande aux fins d’exercice du droit de repentir institué par l’article L. 145-58 du code de commerce,

– ordonné la reprise des opérations d’expertise confiées à M. [M] [C] suivant jugement du 12 janvier 2015,

– débouté la SARL Spirit of Factory de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la SARL Spirit of Factory à payer à la SCI Giroda la somme de 14 677 euros au titre du solde des indemnités d’occupation et des charges à compter du mois d’avril 2016 et jusqu’au 11 août 2016,

– débouté la SI Giroda de sa demande de provision sur travaux,

– condamné la SCI Giroda à payer à la SARL Spirit of Factory la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 25 juin 2019, sur appel de la SCI Giroda de cette dernière décision, la cour d’appel d’Angers a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, y ajoutant, a ordonné une mesure d’expertise confiée à M. [R] [E], sur l’état des locaux.

Parallèlement, M. [C] a poursuivi ses opérations d’expertise et a déposé son rapport le 15 mai 2019.

Le 12 octobre 2020, la SCI Giroda a cédé l’ensemble immobilier à la société (SARL) Prominvest, promoteur, pour la somme de 400.000 euros.

En l’état de ses dernières conclusions du 7 février 2021, la SARL Spirit of Factory a demandé au tribunal, sur le fondement de l’article L. 145-14 du code de commerce, de fixer l’indemnité d’éviction lui étant due par la SCI Giroda à la somme de 429.158,30 euros.

En défense, la SCI Giroda a entendu voir le tribunal juger la SARL Spirit of Factory juger que toute indemnité d’éviction ne saurait aller au-delà d’une somme de 56 661 euros, la juger recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle, condamner la société Spirit of Factory à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de la perte de valeur de l’immeuble en raison d’un défaut d’entretien par le locataire.

Par jugement du 13 juillet 2021, le tribunal judiciaire d’Angers a :

– condamné la SCI Giroda à verser la somme de 161 947,53 euros à la SARL Spirit of Factory au titre de l’indemnité d’éviction,

– débouté la SARL Spirit of Factory du surplus de ses demandes,

– débouté la SCI Giroda de sa demande reconventionnelle,

– condamné la SCI Giroda à verser à la SARL Spirit of Factory la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcé l’exécution provisoire du jugement,

– condamné la SCI Giroda aux dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile qui comprendront les frais d’expertise de M. [C] et les dépens du jugement du 12 janvier 2015.

Par déclaration du 9 septembre 2021, la SARL Spirit of Factory a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a condamné la SCI Giroda à lui verser la somme de 161 947,53 euros au titre de l’indemnité d’éviction, et en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes ; intimant la SCI Giroda.

La SCI Giroda a formé appel incident.

La SARL Spirit of Factory et la SCI Giroda ont conclu.

Par ordonnance de référé du 21 décembre 2021, le premier président de la cour d’appel d’Angers a aménagé l’exécution provisoire des condamnations prononcées avec exécution provisoire par jugement du tribunal judiciaire d’Angers en date du 13 juillet 2021 moyennant la consignation par la SCI Giroda du solde des condamnations prononcées, provisoirement arrêté à la somme de 117 997,98 euros ; a dit que le montant non réglé de ces condamnations mises à sa charge par ledit jugement devra être consigné avant le 31 janvier 2022 à la Caisse des dépôts et consignations dans l’attente de l’arrêt à intervenir sur l’appel de la décision susvisée et qu’à défaut le créancier pourra poursuivre l’exécution de la décision.

Une ordonnance du 20 mars 2023 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Spirit of Factory demande à la cour de :

– déclarer la SCI Giroda irrecevable, et en tous les cas mal fondée en son appel incident, demandes, fins et conclusions,

– l’en débouter,

– la déclarer elle-même recevable et bien fondée en son appel,

y faisant droit,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* condamné la SCI Giroda à verser la somme de 161 947,53 euros à la SARL Spirit of Factory au titre de l’indemnité d’éviction,

* débouté la SARL Spirit of Factory du surplus de ses demandes,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté la SCI Giroda de sa demande reconventionnelle,

* condamné la SCI Giroda à verser à la SARL Spirit of Factory la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la SCI Giroda aux dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile qui comprendront les frais d’expertise de M. [C] et les dépens du jugement du 12 janvier 2015,

statuant à nouveau,

– fixer l’indemnité d’éviction lui étant due par la SCI Giroda à la somme de 439 463,67 euros,

en conséquence,

– condamner la SCI Giroda à lui payer la somme de 439 463,67 euros au titre de l’indemnité d’éviction,

– condamner la SCI Giroda à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

– prononcer que les condamnations de la SCI Giroda porteront intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2011, date de l’assignation en paiement de l’indemnité d’éviction,

– condamner la SCI Giroda à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel,

– condamner la SCI Giroda aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La SCI Giroda demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ses dispositions concernées,

statuant à nouveau,

– fixer le montant de l’indemnité d’éviction due par elle à la SARL Spirit of Factory à la somme de 56 661 euros, conformément aux conclusions du rapport d’expertise judiciaire de M. [C],

– condamner la SARL Spirit of Factory au paiement de la somme totale de 100 000 euros correspondant à la perte de valeur de l’immeuble en raison d’un défaut d’entretien par le locataire,

– débouter la SARL Spirit of Factory de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner au remboursement des frais d’expertise judiciaire de M. [C] dont elle s’est acquittée pour la somme de 6 500 euros TTC,

subsidiairement,

– déduire des dépens auxquell elle pourrait être condamnée la somme de 6.500 euros TTC correspondant aux frais d’expertise judiciaire de M. [C] acquittée par elle.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

– le 20 mars 2023 pour la SARL Spirit of Factory,

– le 17 mars 2023 pour la SCI Giroda.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’indemnité d’éviction

Aux termes de l’article L. 145-14 du code de commerce :

‘Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.’

Ainsi, le preneur évincé a droit à l’indemnisation de tous les préjudices que lui cause l’éviction.

Sur l’indemnité principale

L’éviction emporte présomption de perte du fonds. Il appartient au bailleur de démontrer que le préjudice peut être moindre si l’activité est transférable.

Si l’activité est transférable, le bailleur doit indemniser le locataire de la valeur du droit au bail.

En cas de perte de fonds, le bailleur doit indemniser le locataire de la valeur du fonds de commerce perdu pour lui permettre d’acheter un fonds équivalent.

L’indemnité de remplacement, qui correspondant à la valeur marchande du fonds de commerce, doit tenir compte du droit au bail des locaux loués par le locataire puisque le droit au bail est un des éléments du fonds de commerce disparu, et constitue ainsi, sauf exception, l’indemnisation minimale à laquelle peut prétendre le locataire évincé.

Dans le cas présent, bien que le preneur ait modifié son activité en entrant dans les nouveaux locaux en ouvrant une crêperie à la place d’un bar-brasserie exploité dans les anciens locaux, l’expert a considéré que l’activité avait été transférée. Cependant, il a évalué l’indemnité principale sur la base de la perte totale du fonds de commerce de bar-restaurant exploité dans les locaux dont le preneur a été évincé, ayant retenu que le nouveau fonds de commerce n’avait aucune valeur marchande.

Les parties, tout en admettant que l’activité avait été transférée, sont d’accord pour, comme l’a fait l’expert, fixer l’indemnité principale à la valeur du fonds, mais divergent sur cette valeur.

L’expert a procédé au calcul de l’indemnité selon deux méthodes différentes.

Tout d’abord, selon la méthode dite du chiffre d’affaires, après avoir retenu le chiffre d’affaires moyen des trois dernières années avant la restitution des clés, il a obtenu une moyenne pondérée de 213 755 euros, dont le montant n’est contesté par aucune des parties, à partir de laquelle, en appliquant le barème «bar» (entre 100 % et 267 %), qui n’est pas davantage critiquée, il a abouti à une fourchette de valeur comprise entre 214 000 et 570 000 euros.

En utilisant la méthode basée sur la rentabilité, l’expert a isolé l’excédent brut d’exploitation (E.B.E.), a retenu une moyenne sur les trois dernières années, qu’il a pondérée, aboutissant à un montant de 11 022 euros, qu’il a estimé pouvoir être multipliée par un coefficient compris entre 3 à 5 correspondant, selon lui, à la durée pendant laquelle la rentabilité du fonds permet à un acquéreur de le payer.

Relevant l’existence de difficultés de paiement de la preneuse sortante à l’égard de l’URSSAF et de la TVA, outre des retards dans le paiement des loyers, la faible rentabilité du fonds et la nécessité de faire des travaux, l’expert a considéré devoir retenir la méthode basée sur la rentabilité du fonds et a estimé que le fonds avait une valeur de 33 000 euros, de laquelle il y avait lieu de déduire, pour déterminer le préjudice causé par l’éviction, le prix de la licence IV encaissé par la preneur sortante pour 10 000 euros, ce qui l’a conduit à proposer de fixer l’indemnité principale à 23 000 euros.

La société Spirit of Factory expose que son activité a été très fortement perturbée par la procédure en cours qui a débuté en 2009 alors que son droit à indemnité d’éviction n’a été fixé définitivement que par l’arrêt du 25 juin 2019, ce qui l’aurait contrainte de réduire au minimum ses investissements au regard de l’incertitude de sa situation, notamment quant à l’indemnisation susceptible de lui être accordée ensuite de ce refus de renouvellement, expliquant ainsi la baisse régulière du chiffre d’affaires, qui était de l’ordre de 300 000 euros antérieurement à 2009.

Elle conteste le choix fait par l’expert d’écarter le résultat obtenu par la méthode qui consistait à valoriser le fonds à partir du chiffre d’affaires au motif que cette valorisation serait trop élevée au regard de l’E.B.E. alors qu’en pareil cas, il conviendrait, selon elle, de retenir uniquement la méthode de calcul fondée sur le chiffre d’affaires en excluant toute pondération ou recoupement avec l’excédent brut d’exploitation, lequel ne représenterait que la capacité du preneur à générer de la trésorerie sans prendre en compte la réalité du préjudice subi par le preneur. Elle prétend que la méthode d’évaluation tenant compte de l’E.B.E. est tombée en désuétude notamment parce qu’elle est trop éloignée de la réalité économique et qu’elle est d’autant plus déconnectée de la réalité économique dans le cas présent que l’ensemble immobilier constituant le fonds était composé de quatre logements vacants et non loués.

Elle relève une contradiction de la part de l’expert à privilégier une méthode basée sur des répartitions comptables qu’il a lui-même estimé erronées.

S’agissant de la valorisation par la méthode de l’EBE, elle critique le postulat de l’expert selon lequel le fonds devrait être rentabilisé en trois ou cinq ans, ce qui, selon elle, ne correspond pas à la réalité de l’amortissement des investissements opérés dans ce domaine. Elle affirme qu’en réalité cet amortissement ne se fait généralement que sur une durée moyenne d’environ 10 ans (entre 7 et 12 ans).

Elle conteste que puissent être retenus comme facteurs de dévalorisation du fonds, la vétusté des agencements alors qu’elle prétend avoir su maintenir les locaux attractifs pour la clientèle étudiante, ou les travaux du tramway depuis lors terminés et alors que l’arrivée d’un tramway est un facteur favorable pour la commercialité.

Elle estime qu’en application de la méthode d’évaluation basée sur le chiffre d’affaires, pouvoir raisonnablement revendiquer une valorisation de son fonds à une somme de l’ordre de 250 000 à 300 000 euros.

De plus, elle est en désaccord avec l’expert qui a opéré une réduction du fait de la cession de la Licence IV.

Elle ajoute que l’expert a fait totalement abstraction dans ses opérations de la valeur du droit au bail qu’elle avait acquitté lors de son entrée dans les lieux en 1989 et qui s’élevait, pour la totalité des locaux de la [Adresse 8] à la somme de 167 693,92 euros.

Sur ce point, elle expose que par acte du 13 décembre 1989, le droit au bail du [Adresse 3] lui a été cédé pour la somme de 450 000 francs et celui du [Adresse 2] pour celle de 650 000 francs, soit en valeur brut (1 € = 6,55957 FF), 68 602,06 euros pour les locaux du [Adresse 3] et 99 091,86 euros pour ceux du [Adresse 2], au total de 167.693,92 €, en indiquant que l’immobilisation de ce droit au bail dans les bilans successifs a toujours été valorisé sur des valeurs brutes de 1989. Elle soutient que l’indemnisation auquel elle a droit ne pourrait être inférieure au montant de l’acquisition de son droit au bail en valeur brut de 1989 et qu’en appliquant le convertisseur officiel de l’INSEE pour calculer ce droit au bail en euros au regard de l’inflation arrêtée en 2016, année de remise des clés, le droit au bail serait valorisé à la somme de 257 662,22 euros. Elle prétend que cette valorisation n’a que peu varié au cours du bail en se prévalant de l’avis de valeur qu’elle a fait établir par un professionnel de l’immobilier dans le courant de l’année 2019 selon lequel il était, à cette date, de l’ordre de 170 000 euros, ce qui ne serait en rien excessif au regard des valeurs récemment relevées pour des locaux commerciaux à [Localité 5] faisant ressortir un taux moyen au m² de 2 500 euros, de sorte qu’appliqué à la surface du local litigieux de 219 m², le droit au bail pourrait s’élever à la somme de 547 500 euros. Elle rappelle, en outre, que la SCI Giroda a depuis cédé son immeuble à un promoteur immobilier au prix de 400 000 euros.

Elle invoque, également, la méthode d’évaluation du fonds par la recette journalière, régulièrement appliquée pour les débits de boisson, calculée en divisant le chiffre d’affaires moyen annuel par le nombre de jours d’ouverture dans l’année, puis en le multipliant par un coefficient faible de 500. Ainsi, l’indemnité calculée avec cette méthode d’évaluation par la recette journalière s’élèverait à la somme de 403 773,58 euros ((214 000/265) x 500 = 403 773,58), le chiffre d’affaires moyen annuel retenu étant de 214 000 euros, à raison d’une ouverture 5/7 jours, le nombre de jours retenu étant de 265.

En réponse à l’interrogation de la partie adverse, elle indique n’avoir perçu aucune indemnité d’éviction de la part des bailleurs pour les locaux [Adresse 3], que du fait du non-renouvellement du bail portant sur les locaux contigus elle a été contrainte de résilier.

Elle en déduit que sa demande de 275 000 euros n’a rien d’excessif, voire est au-deçà du montant qui aurait pu être évalué si l’expert avait pris en compte d’autres méthodes d’évaluation de l’indemnité d’éviction.

Elle reproche au premier juge de lui avoir alloué une indemnité forfaitaire de 100 000 euros, sans préciser la façon dont il l’a déterminée et tout en n’adoptant pas l’avis de l’expert.

La société Spirit of Factory conteste, ensuite, la déduction faite par l’expert du prix de cession de la licence IV.

La société Giroda approuve, au contraire, l’expert dans sa démarche en faisant valoir qu’il a constaté que l’activité qui était exploitée dans les lieux était en déclin et surtout peu rentable et a relevé que la situation financière dégradée du fonds de commerce ne permettait pas au gérant de percevoir une rémunération, raisons pour lesquelles elle prétend qu’une valorisation du fonds de commerce selon l’approche du chiffre d’affaires ne peut qu’être écartée, étant sans rapport avec la rentabilité, en ajoutant que l’expert judiciaire a pu préciser qu’il s’agissait d’une méthode autrefois privilégiée mais désormais employée par recoupement. Elle fait valoir que l’appréciation du préjudice subi par une entreprise ne s’apprécie pas au regard de la perte de chiffre d’affaires mais du résultat net d’exploitation, l’indemnité d’éviction est nécessairement fonction de la rentabilité du commerce.

Elle estime que la locataire sortante ne peut valablement soutenir qu’elle se serait trouvée dans une situation délicate pendant la dizaine d’années qu’a duré la procédure, sans pouvoir faire quelque investissement que ce soit, quand elle ne pouvait ignorer qu’elle avait un droit au maintien dans les lieux jusqu’à la date de règlement de l’indemnité d’éviction et que, dans ces conditions, elle avait tout intérêt à valoriser son fonds de commerce, de la même façon que si elle avait eu l’intention de céder ledit fonds de commerce.

Elle expose que la société Spirit of Factory ne prouve pas s’être acquittée d’un droit au bail d’un montant de 99 091,86 euros pour les locaux situés au [Adresse 2] et de 68 662,06 euros pour les locaux situés au [Adresse 3], autrement que par une liste des immobilisations au 31 décembre 2016 établie par elle-même et qu’elle ne peut prétendre intégrer dans son calcul le droit au bail des locaux du [Adresse 3] qui sont la propriété d’autres bailleurs. Elle ajoute qu’il ne peut davantage être tenu compte de l’avis de valeur établi complaisamment par une agence qui n’est pas spécialisée dans la négociation de fonds de commerce, ni se prévaloir de la liste des annonces se rapportant à des murs commerciaux proposés à la vente.

Enfin, elle expose que la méthode de l’évaluation du fonds de commerce par la recette journalière est inapplicable en l’espèce, faute pour l’intéressée de pouvoir produire une comptabilité sincère et véritable vérifiée par un expert- comptable, distinguant le chiffre d’affaires du bar et de celui de la brasserie.

Sur ce,

Au vu de l’accord des parties sur ce point et comme l’a fait l’expert, il convient de déterminer la valeur du fonds de commerce que la société locataire exploitait dans les locaux situés [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 5].

Pour ce faire, il faut se situer au mois d’août 2016, date du départ effectif de la société.

La première difficulté tient à ce que le fonds de commerce était exploité à la fois dans les locaux donnés à bail par la SCI Giroda et dans des locaux contigus situés au [Adresse 3] appartenant à un autre bailleur.

Ce n’est que si l’éviction d’un local n’empêche pas l’exploitation du local mitoyen, ce qui n’est pas prétendu ni encore moins démontré, que l’indemnité d’éviction se limite à la perte du seul local évincé. L’indemnité doit donc porter sur la totalité du fonds dès lors que le local contigu constitue un outil économique indivisible et indispensable à l’activité exercée au sein des locaux objets de l’éviction.

Les parties sont en désaccord sur la méthode à adopter entre celle dite ‘des usages professionnels’ basée sur le chiffre d’affaires et la méthode par la rentabilité du fonds.

Dans le cas présent, ces deux méthodes aboutissent à des résultats très différents puisque sur la base du chiffre d’affaires, l’expert parvient à une valeur comprise entre 214 000 et 570 000 euros alors que sur la base de la rentabilité, il obtient une valeur comprise entre 33 000 et 55 000 euros.

La troisième méthode applicable aux hôtels et débits de boissons, par la recette journalière, ne peut être utilisée que si la comptabilité permet de distinguer la recette du bar de celle de la brasserie, ce qui n’est pas le cas.

L’évaluation du fonds de commerce a été réalisée à partir des informations issues des comptes des exercices 2013 à 2016. La critique faite à l’expert de se fonder sur des données comptables dont il a relevé les erreurs de ventilation ne sera pas retenue dans la mesure où il a retraité l’E.B.E. en réincorporant la production immobilisée.

La faiblesse de la rentabilité a un impact direct sur la valeur du fonds, raison pour laquelle le fonds de commerce ne saurait, en l’espèce, être évalué sur les chiffres d’affaires.

C’est donc la méthode basée sur la rentabilité qui devrait être retenue.

L’estimation par la rentabilité consiste à déterminer la capacité du fonds à dégager du profit puis à appliquer à ce résultat un coefficient multiplicateur couramment compris entre 2,5 et 8. En appliquant le plus fort coefficient, la valeur du fonds ne serait alors qu’au plus de 88 000 euros.

Il faudrait déduire de cette somme la valeur de la licence IV puisque cette licence a été vendue en cours de procédure et son prix, de 10 000 euros, encaissé par la preneuse sortante. Même en tenant compte de la durée de la procédure particulièrement longue, qui a nécessairement bridé le développement de l’activité, la valeur du fonds calculée selon la méthode basée sur la rentabilité serait inférieure au montant du droit au bail que la société Spirit of Factory a payé en entrant dans les lieux.

Or, ainsi qu’il a été énoncé plus avant, l’indemnité de remplacement ne peut être inférieure du droit au bail des locaux loués par le locataire, qui est un des éléments du fonds de commerce disparu.

Le droit au bail est la contrepartie économique des avantages que constitue la reprise d’un bail existant, comportant des clauses plus ou moins avantageuses et l’existence d’un loyer qui peut apparaître sensiblement différent des loyers pratiqués sur le marché.

Force est de constater qu’aucune des parties n’a demandé à l’expert d’évaluer le droit au bail afférent aux locaux objet de l’éviction. La société Spirit of Factory a seulement, dans son dire, indiqué à l’expert qu’elle avait perdu son droit au bail qu’elle avait payé, lors de son entrée dans les lieux, au prix de 165 693,92 euros sans, toutefois, lui demander de l’évaluer au jour de sa sortie.

La société Spirit of Factory justifie par la production de l’acte notarié de cession du 13 décembre 1989, que le droit au bail a été acquis au prix de 650 000 francs pour les locaux situés [Adresse 2] et 450 000 francs pour les locaux situés [Adresse 3].

Elle affirme, sans que la preuve contraire ne soit rapportée, qu’elle n’a pas perçu d’indemnité d’éviction à la suite de la résiliation par elle du bail afférent aux locaux du [Adresse 3], à laquelle elle a été contrainte du fait de l’éviction de l’autre local.

Il n’est pas prétendu que le local du [Adresse 3] n’était pas indivisible du local contigu et indispensable à l’activité exercée au sein des locaux objets de l’éviction. Le préjudice que subit la preneuse sortant du fait de l’éviction des locaux du [Adresse 2] est donc la perte du droit au bail pour les deux locaux, ce dont elle doit être indemnisée par la SCI Giroda.

Sur la base d’un euro égal à 6,55957 francs, la contre-valeur en euros de ce droit au bail s’élevait, lors du passage à l’euro, à un total de 167 693,92 euros.

La société Spirit of Factory ne démontre pas, par les quelques annonces qu’elle produit, que la valeur du droit au bail aurait évolué en suivant l’inflation. Elle admet, d’ailleurs, le contraire en produisant un avis de valeur établi par un administrateur de biens à la date du 30 avril 2019 indiquant que cette valeur pourrait se situer aux environs de 170 000 euros. Si la SCI Giroda conteste la valeur de cet avis, elle ne produit aucun élément contraire.

Il s’ensuit que la valeur du fonds de commerce sera fixée à 170 000 euros, sans avoir à y ajouter la valeur de la licence IV déjà cédée et dont le prix a été perçu par la preneuse sortante. Il n’y a pas lieu d’allouer à celle-ci une indemnisation complémentaire à ce titre en l’absence de preuve d’un lien entre une prétendue minoration du prix de vente de la licence et l’éviction.

L’indemnité principale sera donc fixée à 170 000 euros.

Sur les indemnités accessoires

* les frais de remploi

L’acquisition d’un nouveau fonds de commerce a été soumise à des honoraires du notaire pour la rédaction du bail, au coût de publication du transfert du siège social, aux frais de greffe. Doit s’ajouter le coût du procès-verbal de remise des clés. C’est donc bien la somme de 1 299,27 euros, vérifiée par l’expert, qu’il convient de retenir.

* au titre du trouble commercial

La preneuse sortante sollicite l’indemnisation de ce trouble à hauteur de 50 000 euros en faisant valoir que son chiffre d’affaires a été très affecté par le refus de renouvellement du bail et qu’elle n’a exercé aucune activité pendant six mois, d’avril à novembre 2016, ayant dû réaliser des travaux de remise en état des locaux dont elle a été évincée.

Le trouble commercial est celui qui est lié au transfert de l’exploitation (recherche d’un nouveau site, déménagement, gestion de l’éviction).

La baisse de son chiffre d’affaires par rapport à la période antérieure au refus de renouvellement du bail, qui peut justifier l’application d’un coefficient de précarité dans l’évaluation de l’indemnité d’occupation, n’entre pas dans le poste d’indemnisation du trouble commercial.

Il est constant que la preneuse sortante a dû cesser son activité pendant six mois pour remettre en état des locaux, notamment en les désolidarisant des locaux contigus et aménager ses nouveaux locaux.

L’indemnisation du trouble commercial, en cas de simples perturbations est généralement basée sur l’E.B.E. corrigé ou le résultat d’exploitation, ce qui, dans le cas présent, correspondrait à 5 340 euros, calculé sur la moyenne des trois dernières années précédant l’éviction. Il sera alloué la somme de 10 000 euros pour indemniser l’absence d’activité.

* les frais de déménagement et de réinstallation

Les frais de réinstallation doivent être calculés suivant le principe de la reconstitution des installations et aménagements existants en tenant compte par ailleurs de la vétusté que le preneur est contraint d’abandonner du fait de l’éviction

L’expert a retenu la somme de 28 741, 60 euros se décomposant comme suit :

– location d’un véhicule le 23 juillet 2016 : 98,36 €

– achat de matériaux affectés aux travaux : 9 915,30 €

– main-d’oeuvre (un salarié) : 18 727,94 €

Le premier juge y a ajouté, à juste titre, les frais de location de véhicules correspondant aux dates de déménagement, soit 189,50 euros HT.

La preneuse sortante est également bien fondée à demander l’indemnisation des frais de déplacement avec sa camionnette pour l’achat des matériaux dont elle produit les tickets de caisse ou factures, sur la base d’une indemnité kilométrique s’élevant à 1 154 euros.

Ont été omises deux factures d’entreprise ayant exécuté des travaux dans le nouveau local ou fourni des matériaux pour ce local respectivement comptabilisées dans le compte agencement et aménagement divers et dans le compte matériel et outillage, d’un montant total de 5 001 euros HT.

Doit être indemnisé le coût de formation dispensé par le centre Asforest de 250 euros HT, obligatoire en cas d’ouverture d’un établissement pourvu d’une petite licence restaurant.

Il n’y a pas lieu d’ajouter une indemnisation pour le temps consacré par le gérant qui n’est pas salarié de la société et auquel celle-ci n’a rien versé.

L’affectation au transfert de l’activité des autres dépenses dont la preneuse sortante demande à être indemnisée n’est pas justifiée. Par ailleurs, il n’y a pas à indemniser les travaux et aménagements faits dans les locaux [Adresse 8], dont la valeur résiduelle au bilan est d’ailleurs très réduite, dès lors que les frais de réinstallation dans les nouveaux locaux sont indemnisés.

La somme de 35 336,10 euros sera ainsi allouée.

* sur l’indemnisation pour double loyer

Le transfert d’une exploitation peut entraîner le paiement par le locataire évincé d’un double loyer pendant la période nécessaire au déménagement et au réaménagement.

La preneuse sortante demande à être indemnisée d’un double loyer entre mai 2015, date d’effet du bail portant sur les nouveaux locaux jusqu’au mois d’août 2016, date de libération des anciens locaux. Elle réclame la somme de 15 200 euros correspondant à 16 mois à 950 euros, outre les charges (taxes foncières de l'[Adresse 7], les taxes foncières des locaux [Adresse 3], l’assurance du nouveau local, les frais de r��expédition du courrier, la location d’un entrepôt de stockage), portant sa demande à 20 681,97 euros.

La SCI Giroda, qui souligne que la preneuse a trouvé un nouveau local dès le mois de mai 2015 et qu’elle lui avait notifié son départ des lieux au 31 décembre 2015, s’oppose à cette demande.

La preneuse a dû entreprendre les travaux de remise en état des locaux situés [Adresse 8] et des travaux d’aménagement de son nouveau local. Il n’est pas démontré que ces travaux auraient dû s’étendre au-delà du 31 décembre 2015. De ce fait, la preneuse sortante ne sera indemnisée des doubles loyers et charges que jusqu’à cette date, soit 8 195 euros [7 600 euros (8 mois du nouveau loyer à 950 euros) et 595 euros (assurance au prorata temporis)] .

La location d’un entrepôt n’est justifiée par aucune pièce.

Il sera ajouté les frais de réexpédition du courrier, d’un montant de 123,20 euros

* sur les frais de rupture conventionnelle

L’une des salariés de la société Spirit of Factory, engagée comme serveuse, a rompu son contrat de travail lors du transfert de la société qui s’est accompagné d’un changement d’activité après une inactivité de six mois.

Dès lors que cette rupture est due au changement de l’activité ayant eu lieu du fait du non-renouvellement du bail, la société Spirit of Factory doit en être indemnisée, peu important que la rupture ne résulte pas d’un licenciement mais d’une rupture conventionnelle. Elle est donc en droit de réclamer la somme de 1 320 euros qu’elle a versée.

Récapitulatif :

L’indemnité d’éviction due à la société Spirit of Factory s’élève à la somme de 226 273,57 euros (170 000 + 1 299,27 + 10 000 + 35 336,10 + 8 195 + 123,20 + 1 320).

En application de l’article 1153-1, ancien du code civil, le point de départ des intérêts au taux légal sur cette somme sera fixé à la date du 11 août 2016 et non pas, comme le demande la société Spirit of Factory, à la date de l’assignation en justice du 28 septembre 2011, étant rappelé que son droit à l’indemnité a été reconnu après avoir écarté l’exercice du droit de repentir de la bailleresse, par jugement du 13 mars 2017.

Sur la demande d’indemnisation d’un préjudice moral

La société Spirit of Factory invoque avoir subi un préjudice moral du fait du non-renouvellement du bail et de la longueur de la procédure qui a duré plus de douze ans.

Mais il n’est pas démontré l’existence d’une faute de la SCI Giroda, laquelle trouverait son origine dans un abus de droit.

La demande sera rejetée.

Sur la demande d’indemnisation au titre d’une perte de valeur de l’immeuble

Aux termes de son rapport déposé le 23 octobre 2020, l’expert judiciaire a retenu que l’ensemble immobilier était dans un état de dégradation important en raison de sa vétusté et de l’absence de travaux incombant aux différents propriétaires depuis l’installation de la SARL Spirit of Factory, hormis la réfection de la couverture réalisée en 2014, constatant que les murs fissurés (intérieur et extérieur) ne permettaient pas la réalisation de travaux d’embellissement et que les menuiseries extérieures, dans un état très vétuste (bois dégradé) et déformées, rendaient illusoire et inutile leur remise en peinture. Il a considéré qu’un diagnostic structurel s’imposait pour effectuer des travaux de renforcement du bâtiment, de même qu’un remplacement des menuiseries extérieures et fermetures compte tenu de leur état d’origine.

La bailleresse demande l’indemnisation de la perte de valeur de l’immeuble en raison d’un défaut d’entretien par le locataire en s’appuyant, pour voir écarter les conclusions de l’expert judiciaire selon lesquelles le mauvais état des lieux lui est imputable, sur une note du 21 septembre 2020 d’un autre expert, qu’elle a mandaté et dont les constatations n’ont pas été établies contradictoirement.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a rejeté cette demande. Il n’est, en effet, pas démontré que le défaut d’entretien des menuiseries imputable à la société Spirit of Factory et les travaux réalisés par celle-ci soient la cause de la perte de valeur de l’immeuble.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera réformé du chef des dépens en ce qu’il a mis l’intégralité des frais d’expertise à la charge de la SCI Giroda dans la mesure où il y a lieu d’en laisser une partie à la société Spirit of Factory, à hauteur de 600 euros correspondant au surcoût qui lui est imputable à la lecture de la demande de provision complémentaire transmise le 27 septembre 2018 par l’expert au magistrat chargé du contrôle de l’expertise.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI Giroda sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Spirit of Factory Ia somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé le montant de l’indemnité d’éviction à la somme de 161 947,53 euros et en ce qu’il a condamné la SCI Giroda à supporter l’intégralité des frais d’expertise ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne la SCI Giroda à payer à la société Spirit of Factory la somme de 226 273,57 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 août 2016.

Dit que les frais d’expertise sont mis à la charge de la SCI Giroda sauf la somme de 600 euros qui est supportée par la société Spirit of Factory.

Rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de la société Spirit of Factory.

Condamne la SCI Giroda à payer à la société Spirit of Factory la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SCI Giroda aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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