Indemnité d’éviction : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/02021

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Indemnité d’éviction : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/02021
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6 juillet 2023
Cour d’appel de Caen
RG n°
22/02021

AFFAIRE :N° RG 22/02021 –

N° Portalis DBVC-V-B7G-HBIV

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 09 Juin 2022 du Juge de la mise en état de COUTANCES

RG n° 21/00355

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

APPELANTS :

Monsieur [Y] [I] [K]

né le 18 Janvier 1953 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [R] [L] [A] épouse [K]

née le 23 Août 1955 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentés par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN,

assistés de Me Christophe BESSEDE, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMES :

Monsieur [C] [G] [W] [Z]

né le 21 Mai 1967 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [D] [H] [B] [M] épouse [Z]

N° SIRET : 820 905 198

née le 30 Janvier 1967 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentés et assistés de Me Caroline BOT, avocat au barreau de CHERBOURG

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 11 mai 2023

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 06 juillet 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

Suivant acte authentique en date du 31 août 2011, M. [Y] [K] et Mme [R] [A] épouse [K], bailleurs, ont consenti à la société Louis devenue la société Galex [Localité 6], preneur, un bail portant sur des locaux commerciaux à usage de salon de coiffure sis [Adresse 7]), pour 9 années à compter du 1er septembre 2011, moyennant un loyer annuel de 9.780 euros HT, soit 850 euros HT par mois.

Suivant acte authentique en date du 8 juin 2016, la SARL Galex [Localité 6], entre-temps mise en liquidation judiciaire, a, par le biais de Me [U] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire, cédé à Mme [D] [M] épouse [Z] et à M. [C] [Z] le fonds de commerce de coiffure situé à [Adresse 7], moyennant le prix de 10.000 euros, ainsi que le droit au bail, cette cession de bail ayant été agréée par les bailleurs.

Sur la base d’un rapport d’expertise ordonné par le tribunal administratif de Caen le 28 mai 2019, la maire de Granville a, le 26 juin 2019, pris un arrêté de péril imminent concernant l’immeuble en raison de son état menaçant ruine.

Mme [Z] a dès lors été contrainte de quitter les locaux et d’arrêter l’exploitation du salon de coiffure.

Par ordonnance de référé du 16 janvier 2020, le président du tribunal judiciaire de Coutances a condamné les époux [K] à verser à M. et Mme [Z] une provision de 15.000 euros à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice commercial lié à l’arrêt de l’exploitation de leur fonds de commerce, et a ordonné la suspension des loyers à compter du jour de l’assignation.

Par acte du 28 février 2020, les époux [K] ont signifié aux époux [Z] un congé portant refus de renouvellement du bail commercial sans indemnité d’éviction, visant la clause 14 stipulée dans le contrat prévoyant la résiliation pure et simple du bail, sans indemnité à la charge du bailleur, dans les cas de démolition totale ou partielle des biens loués, destruction ou expropriation pour toute cause indépendante de la volonté du bailleur.

Par actes d’huissier en date des 15 et 18 janvier 2021, les époux [Z] ont fait assigner les époux [K], ainsi que Me [X], notaire, devant le tribunal judiciaire de Coutances aux fins d’obtenir l’invalidation du congé délivré le 28 février 2020 et de les voir condamner in solidum à leur payer différentes sommes à titre d’indemnité d’éviction et de dommages et intérêts.

Par conclusions d’incident, les époux [Z] ont saisi le juge de la mise en état d’une demande de condamnation in solidum de Me [X] et des époux [K] à leur payer une provision de 138.112 euros à valoir sur le préjudice commercial de Mme [Z] pour la période du 1er juillet 2019 au 31 août 2020, et subsidiairement de 97.500 euros, outre 13.000 euros de perte de rémunération.

Par ordonnance du 9 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Coutances, a :

– condamné les époux [K] à payer aux époux [Z] à titre de provision la somme de 50.000 euros à valoir sur la perte de rémunération nette et le préjudice commercial de Mme [Z] pour la période du 1er juillet 2019 au 31 août 2020 ;

– rejeté la demande de provision formée à l’encontre de Me [X], comme se heurtant à une contestation sérieuse ;

– réservé l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– réservé les dépens ;

– rejeté les autres demandes ;

– renvoyé à la mise en état du 1er septembre 2022 à 10h00 ;

– débouté les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration au greffe de la cour en date du 9 août 2022, les époux [K] ont relevé appel de cette ordonnance.

Par dernières conclusions déposées le 27 avril 2023, les époux [K] demandent à la cour de :

A titre principal,

– Les dire recevables et bien fondés en leur appel,

– Réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

– Rejeter l’appel incident des époux [Z],

Statuant à nouveau,

– Dire les époux [Z] irrecevables en leurs demandes déjà présentées dans l’instance en référé, alors que la situation est identique,

– Déclarer irrecevables M. et Mme [Z] en toutes leurs demandes qui se heurtent à des contestations sérieuses et à tout le moins les en débouter comme étant mal fondées,

A titre subsidiaire,

– Réduire drastiquement le montant des demandes indemnitaires des époux [Z] et ce, déduction faite de la provision de 15.000 euros versée par les époux [K] en exécution de la procédure de référé,

– Débouter M. et Mme [Z] en leur demande d’indemnité pour préjudice moral,

En tout état de cause :

– Débouter Mme [D] [Z] et M. [C] [Z] de toutes leurs demandes,

– Condamner Mme [D] [Z] et M. [C] [Z] à leur payer une somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner Mme [D] [Z] et M. [C] [Z] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 9 mai 2023, les époux [Z] demandent à la cour de :

– Dire recevable et bien fondé l’appel incident qu’ils ont formé,

– Infirmer l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

– Condamner in solidum M. et Mme [K] à leur payer :

* à titre de provision à valoir sur le préjudice commercial de Mme [Z] :

– la somme de 138.112 euros pour la période courant du 1er juillet 2019 au 31 août 2020 (pertes d’exploitation)

Subsidiairement,

– la somme de 97.500 euros pour la période courant du 1er juillet 2019 au 31 août 2020 (pertes d’exploitation)

*à titre de provision à valoir sur la perte de rémunération nette de Mme [Z] :

la somme de 13.000 euros,

– Condamner in solidum M. et Mme [K] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mai 2023.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

L’article 789 3°du code de procédure civile dispose que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Les époux [Z] sollicitent une provision à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice commercial en invoquant un manquement des bailleurs à leur obligation de délivrance conforme prévue par l’article 1719 du code civil.

Ils font valoir que du mois de mai 2013, date à laquelle ils ont été informés de l’état de vétusté des planchers de l’immeuble et de l’avis défavorable à leur exploitation, jusqu’à la délivrance de l’arrêté de péril imminent du 26 juin 2019, les bailleurs n’ont réalisé aucun travaux, ce qui a contraint Mme [Z] à évacuer les lieux et à cesser l’exploitation de son salon de coiffure.

Les époux [K] soutiennent que les demandes provisionnelles des intimés sont irrecevables et, en tout état de cause, se heurtent à des contestations sérieuses au regard de :

– la parfaite connaissance par les époux [Z] de l’état de l’immeuble lors de l’acquisition du fonds de commerce,

– de la clause 14 du bail qui prévoit la résiliation pure et simple du bail, sans indemnité à la charge du bailleur, dans le cas où, par cas fortuit, force majeure ou toute autre cause indépendante de la volonté du bailleur, les biens loués venaient à être démolis ou détruits, totalement ou partiellement, ou encore déclarés insalubres,

– de l’article L 145-17, I, 2° du code de commerce, selon lequel le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.

La demande de provision présentée par les intimés devant le juge de la mise en état ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge des référés du 16 janvier 2020 puisque devant ce dernier, la demande d’indemnisation du préjudice commercial était limitée aux mois de juillet et août 2019.

Cette fin de non-recevoir est donc rejetée.

Il ressort des pièces produites aux débats que :

– suite à un premier diagnostic du bureau d’études Dicosis du 27 octobre 2011 concernant la structure des planchers et support de couverture, l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble litigieux a voté la réalisation des travaux relatifs à la charpente et la couverture pour un budget de 79.273,30 euros ;

– deux études techniques complémentaires ont été effectuées en 2013 émettant un avis défavorable à l’exploitation des planchers défectueux des 1er et 2ème étages,

– par courriers du 27 mai 2013, la mairie de [Localité 6] a invité le syndic et notamment M. [K] à réaliser les travaux de renforcement nécessaires au maintien de ces planchers en précisant qu’à défaut, une procédure de mise en péril de l’immeuble serait engagée ;

– le 6 novembre 2013, l’assemblée générale des copropriétaires a donné mandat au syndic de se rapprocher d’un autre architecte pour connaître sa position sur une réhabilitation de l’ensemble et autorisé celui-ci à passer commande pour un démarrage au plus vite ;

– le 14 octobre 2014, l’assemblée générale des copropriétaires :

° au vu des investigations complémentaires ne permettant pas l’exécution des travaux votés en 2011 dans les conditions initialement définies, a décidé l’annulation de ces derniers, cette résolution ayant été adoptée par les 3 copropriétaires présents dont M. et Mme [K], représentant 749 tantièmes /1000 ;

° ‘après avoir exprimé ses craintes sur la capacité des copropriétaires pour le financement des études dont les conclusions risquent d’aboutir sur un engagement financier trop important pour les copropriétaires’, a rejeté la résolution portant sur le financement d’une étude de faisabilité concernant la démolition/reconstruction ou réhabilitation de l’immeuble; les 3 copropriétaires présents, dont M. et Mme [K], se sont abstenus sur cette résolution.

Par suite, aucun des travaux exigés par l’état de vétusté du bien et nécessaires à l’exploitation des locaux, objets du bail, n’ont été réalisés et la procédure de péril imminent a été diligentée, aboutissant à l’arrêté de péril du 26 juin 2019.

Le 9 juin 2020, les époux [K] ont signé un compromis de vente de leur lot avec un promoteur, sous la condition suspensive de la vente de chacun des lots de l’immeuble, en vue de la réfection totale de celui-ci et de la création de nouveaux logements.

Les désordres en cause affectent la structure même de l’immeuble et donc les parties communes de sorte que les travaux préconisés relevaient de la décision du syndicat des copropriétaires et non des époux [K] à titre individuel.

Au surplus, dès lors que les appelants étaient copropriétaires minoritaires, possédant seulement 309/1000èmes des parties communes et donc 309 voix, un vote de leur part en faveur des travaux n’aurait rien changé à la délibération de l’assemblée générale.

Les éléments susvisés, en particulier l’ampleur des travaux à exécuter liés à l’état de délabrement et au risque d’effondrement de l’immeuble, leur absence de réalisation imputable à la décision collective de la copropriété et non à la volonté personnelle des bailleurs, et la prise de l’arrêté de péril, constituent des circonstances de nature à exonérer les époux [K] du paiement de toute indemnité envers leurs locataires en vertu de la clause 14 du bail et de l’article L 145-17, I, 2° du code de commerce.

La demande de provision des époux [Z], qui se heurte ainsi à une contestation sérieuse, doit être rejetée.

L’ordonnance entreprise est infirmée.

M. et Mme [Z] succombant, sont condamnés aux dépens de première instance et d’appel, à payer à M. et Mme [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et sont déboutés de leur demande formée à ce titre.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

INFIRME l’ordonnance entreprise des chefs de disposition dont il a été relevé appel ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [K] ;

DEBOUTE M. et Mme [Z] de leurs demandes ;

CONDAMNE M. et Mme [Z] à payer à M. et Mme [K] la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. et Mme [Z] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET F. EMILY

 


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