6 juillet 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/04645
COUR D’APPEL
D'[Localité 1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 3-2
N° RG 22/04645 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJELB
Ordonnance n° 2023/M144
[R] [O]
Représenté par Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant,
Appelants
S.A.R.L. TIME SUD
Représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARLBOULAN-CHERFILS-IMPERATORE,plaidant, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Intimée
ORDONNANCE D’INCIDENT
du 06 Juillet 2023
Nous, Gwenael KEROMES, présidente de la Chambre 3-2 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, assistée de Chantal DESSI, Greffier,
Après débats à l’audience du 04 Mai 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l’incident était mis en délibéré, avons rendu le 06 Juillet 2023, l’ordonnance suivante :
EXPOSE DU LITIGE
Mme [R] [O] a fait appel le 29 mars 2022 d’un jugement du tribunal de commerce de Cannes du 08 mars 2022 qui l’a déboutée de sa demande d’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de la Sarl Time Sud, son ancien employeur, redevable à son égard d’une somme de 95 848,97 euros au titre d’un jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Cannes du 23 avril 2021, lui-même frappé d’un appel.
La Sarl Time Sud s’étant acquittée de la partie de la condamnation assortie de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce a considéré qu’elle avait fait face à son passif exigible et a par conséquent rejeté la demande d’ouverture de la procédure collective.
Les conclusions de l’appelante ont été notifiées par RPVA le 30 juin 2022.
Par des conclusions d’incident déposées et notifiées le 09 février 2023, la Sarl Time Sud soulève la caducité de l’appel au visa des articles 908, 905-2 alinéa 1er, 542, 954 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la caducité de la déclaration d’appel est encourue lorsque l’appelant n’a pas demandé dans le dispositif de ses conclusions déposées dans le délai de remise de ses écritures la réformation ou l’annulation de la décision querellée et que le président est compétent pour la prononcer lorsque l’affaire est suivie sous le régime du bref délai.
Le dispositif des conclusions de l’appelante qui seul lie la cour d’appel, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, est ainsi libellé :
‘PAR CES MOTIFS
Vu les pièces figurant au bordereau, Kbis récent, nouvelle SAT démontrant la clôture du compte bancaire, actes d’huissier démontrant la qualité de créancier de Madame [O] et ATD, indemnité d’éviction virée à [M] SA pour 393 Kolinski€
Vu les articles L.640-4 et L.640-5, R 640-1 alinéas 2 et 3 du Code de commerce,
Vu l’article 1343-1 du Code civil
Vu l’article A 444-31 du Code de commerce
Vu les articles R 123-96 et R 123-100 alinéa 2 du code de commerce (Cf kbis)
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Est demandé à la Chambre commerciale de la Cour d’appel
À titre principal
ORDONNER la liquidation judiciaire de TIME SUD Sarl au capital de 100 Kolinski€
CONDAMNER TIME SUD Sarl à 5000 € sur le fondement de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE
LA CONDAMNER aux entiers dépens
À titre subsidiaire
ORDONNER le redressement judiciaire de TIME SUD Sarl au capital de 100 Kolinski€
CONDAMNER TIME SUD Sarl à 5000 € sur le fondement de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE
LA CONDAMNER aux entiers dépens’.
L’appelante ne précise pas l’objet de son appel, à savoir s’il tend à la réformation ou à l’annulation de la décision. La déclaration d’appel ne mentionne pas d’avantage l’objet de l’appel, se limitant à énoncer expressément les chefs du jugement qu’elle critique.
**
Par conclusions en réplique à l’incident, déposées et signifiées le 3 mars 2023, Mme [R] [O] demande :
– de prononcer l’irrecevabilité de l’incident soulevé par l’intimée dans ses conclusions déposées en février 2023 après une défense au fond actée par RPVA de juillet 2022 qui soulève un autre incident ;
– de condamner Time Sud à 5 000 euros d’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner Time Sud aux entiers dépens.
L’appelante rétorque que les conclusions d’incident sont irrecevables car déposées après le dépôt des conclusions au fond intervenu au mois de juillet 2022 et que le président ou le conseiller de la mise en état n’est pas compétent pour en connaître, seule la cour l’étant.
Elle fait état d’une ordonnance d’incident rendue le 4 octobre 2022 par le président de la chambre 3-1 dans une affaire soumise au régime du bref délai, et demande au Président de la chambre
Sur quoi, la société Time Sud, partie intimée, demande aux termes de ses dernières conclusions déposées le 03 mai 2023, à la cour de :
– dire et juger la société Time Sud recevable et bien fondée dans son incident ;
– prononcer la caducité de l’appel ;
– débouter Mme [O] de ses demandes ;
– Condamner Mme [O] à payer à la société Time Sud la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Me Cher fils.
Elle rétorque que la caducité de l’appel n’est pas une exception de procédure qui doit être soulevée avant toute défense au fond à peine d’irrecevabilité, et que l’article 905-2 alinéa 6 du code de procédure civile prévoit que les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de l’appel ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l’article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal ; qu’en raison de l’absence de conseiller de la mise en état dans une procédure à bref délai, le président de la chambre est compétent pour statuer sur la caducité de l’appel, compétence qu’il partage avec la cour.
L’affaire a été fixée à l’audience d’incident du 4 mai 2023.
Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.
SUR CE,
1) sur la recevabilité de l’incident :
Il ressort des articles 73 et 74 du code de procédure civile que la caducité, qui est un incident d’instance, n’est pas une exception de procédure qui doit être soulevée avant toute défense au fond et fin de non-recevoir.
Dès lors, l’incident doit être déclaré recevable.
2) sur la caducité de la déclaration d’appel.
L’article 542 du Code de procédure civile dispose que « L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel »
L’article 954 dispose que les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Elles comprennent un dispositif récapitulant les prétentions. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Et la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
En application de l’article 905-2, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie, l’appelant dispose d’un délai d’ un mois à compter de l’ avis de fixation à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.
Et selon l’article 910-1, les conclusions exigées par les articles 905-2 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige.
Il résulte de la combinaison de ces textes que :
– dès lors que les conclusions d’appelant exigées par l’article 905-2 du code de procédure civile sont toutes celles qui, remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, déterminent l’objet du litige porté devant la cour d’appel et que l’étendue des prétentions dont est saisie la cour est déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l’article 905-2 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l’article 954,
– les conclusions d’appelant remises dans le mois de l’avis de fixation à bref délai qui comportent un dispositif qui ne conclut pas à l’infirmation totale ou partielle ou à l’annulation de la décision doivent être considérées comme ne remplissant pas les conditions prescrites par les dispositions précitées ; l’appelant n’ayant pas déposé ses conclusions dans le délai prescrit à l’article 905-2 du code de procédure civile, la caducité de la déclaration d’appel doit être prononcée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Time Sud :
La mauvaise appréciation qu’une partie peut faire de ses droits n’est pas fautive en elle-même, sauf à démontrer par la partie qui s’en prévaut, l’existence d’une intention malveillante ou dilatoire.
En l’espèce, il n’est pas démontré par la Sarl Time Plus que Mme [O] qui a initié la procédure collective à son encontre sur la base d’une jugement rendu par le conseil de prud’hommes et qui a fait appel de la décision l’ayant déboutée de sa demande, ait été animée par une intention de nuire, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande d’indemnisation de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Mme [O] qui succombe dans ses prétentions n’est pas fondée en sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au vu des circonstances de l’espèce, il n’est pas contraire à l’équité de condamner Mme [O] à payer à la Sarl Time Sud, qui a exposé des frais pour la défense de ses intérêts en appel, la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Elle sera en outre condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, présidente, statuant par ordonnance susceptible de déféré et mise à disposition au greffe,
Vu les articles 778, 779, 905-1, 905-2 et 907 du code de procédure civile,
Déclarons recevable l’incident formé par la Sarl Time Sud ;
Prononçons la caducité de la déclaration d’appel formée par Mme [R] [O] contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Cannes le 8 mars 2022 (n° 2022P00002);
Déboutons la Sarl Time Sud de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
Condamnons Mme [R] [O] à payer à la Sarl Time Sud la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamnons aux dépens.
La greffière La présidente
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
La greffière