Indemnité d’éviction : 6 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06064

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Indemnité d’éviction : 6 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06064

6 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG
22/06064

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 AVRIL 2023

N° RG 22/06064 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VOGE

AFFAIRE :

S.C.I. LA CHEYRELLE

C/

S.A.R.L. AFONSO

Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé rendue le 01 Juillet 2022 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 22/00520

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.04.2023

à :

Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.C.I. LA CHEYRELLE

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège.

N° SIRET : 480 180 033 (RCS Nanterre)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Ayant pour avocat plaidant Me Florian COULON, du barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.R.L. AFONSO

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège.

N° SIRET : 527 811 830

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 20220140

Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme ANDREI, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat en date du 30 juillet 2010, la société civile immobilière LA CHEYRELLE a donné à bail à la société Le Bourguignon, aux droits de laquelle vient la société AFONSO, un local commercial situé [Adresse 1].

Le 16 janvier 2019, la bailleresse a signifié à sa locataire un congé aux fins de non renouvellement du contrat de bail à compter du 31 juillet 2019, avec versement d’une indemnité d’éviction.

Par acte d’huissier de justice délivré le 27 janvier 2022, la société LA CHEYRELLE a fait assigner en référé la société AFONSO aux fins d’obtenir principalement :

– qu’il soit constaté la résiliation du bail à compter du 18 janvier 2021,

– l’expulsion de sa locataire et de tous occupants de son chef, en cas de besoin avec l’assistance d’un serrurier et le concours de la force publique, à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

– l’autorisation de séquestrer les objets et meubles meublants en garantie du paiement des sommes dues,

– la condamnation de la société AFONSO à lui verser la somme de 3 592,65 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’occupation due au titre des mois de mars, avril et mai 2022,

– la condamnation de la société AFONSO à lui verser jusqu’à parfaite libération des locaux une indemnité mensuelle d’occupation,

– à titre subsidiaire, le renvoi devant le juge du fond,

– la condamnation de la société AFONSO à lui verser la somme de 1200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 1er juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

– débouté la société LA CHEYRELLE de l’ensemble de ses demandes,

– mis à la charge de la société LA CHEYRELLE les entiers dépens de l’instance.

Par déclaration reçue au greffe le 3 octobre 2022, la société LA CHEYRELLE a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société LA CHEYRELLE demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile et L. 145-9, L. 145-28, L. 145-41 et L. 145-60 du code de commerce, de :

‘- déclarer la société LA CHEYRELLE recevable en son appel, et l’en disant bien fondée ;

– infirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre du 1er juillet 2022 (RG n°22/00520), en ce que celui-ci :

– débouté la société LA CHEYRELLE de l’ensemble de ses demandes,

– mis à la charge de la société LA CHEYRELLE les entiers dépens de l’instance,

et statuant de nouveau de ces chefs,

à titre principal,

– juger que la société AFONSO est occupante sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 1]) ;

à titre subsidiaire,

– constater dans l’hypothèse où la société AFONSO ne démontrerait pas avoir procédé au paiement des causes du commandement de payer du 25 janvier 2023 dans le mois suivant sa signification, l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail commercial ayant lié la société LA CHEYRELLE et la société AFONSO ;

en conséquence et en tout état de cause,

– enjoindre à la société AFONSO de quitter et restituer immédiatement à la société LA CHEYRELLE les locaux sis [Adresse 1], et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– se réserver la liquidation de l’astreinte ;

– ordonner, à défaut de restitution volontaire des locaux dans les huit jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir, l’expulsion de la société AFONSO et de tout occupant de son chef des locaux sis [Adresse 1]) avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

– dire, en cas de besoin, que les meubles se trouvant dans les locaux seront remis aux frais, risques et périls de la société AFONSO dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par le Commissaire de justice chargé de l’exécution, avec sommation à la société AFONSO d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines ;

– condamner la société AFONSO, à défaut de paiement avant l’audience du 27 février 2023, à payer à la société LA CHEYRELLE une provision au titre des échéances d’indemnités d’occupation et charges dues depuis le mois de juillet 2022, soit la somme de 7 723,06 euros ;

– condamner la société AFONSO aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

– condamner la société AFONSO à payer à la société LA CHEYRELLE la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel’.

Dans ses dernières conclusions déposées le 10 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société AFONSO demande à la cour, au visa des articles 510 et 835 du code de procédure civile, 1343-5 du code civil, L. 145-60 du code de commerce et 412-3 du code de la construction, de :

‘principalement,

– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel ;

– déclarer la société LA CHEYRELLE mal fondée en son appel et l’en débouter intégralement  ;

en conséquence,

– confirmer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre du 1er juillet 2022 ( RG n°22/00520 ) en ce que celui-ci :

– débouté la société LA CHEYRELLE de l’ensemble de ces demandes,

– mis à la charge de la société LA CHEYRELLE les entiers dépens de l’instance,

– dire aussi qu’il n’y a lieu à référé et débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

subsidiairement,

– accorder à la société AFONSO termes et délais de trois ans pour quitter les lieux si son expulsion devait être prononcée, et un report total d’un an pour le paiement de toute condamnation pécuniaire qui serait prononcée suivie d’un échelonnement sur deux ans pour le paiement effectif ;

en tout état de cause,

– condamner la société LA CHEYRELLE à payer à la société AFONSO la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laisser à sa charge les dépens de 1ère instance et d’appel dont distraction pour ces derniers directement au profit de Maître Philippe Châteauneuf, Avocat, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile’.

L’ordonnance de clôture a été rendue 14 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société civile immobilière LA CHEYRELLE affirme que, à la suite du congé délivré le 16 janvier 2019 et même si elle avait offert à la société AFONSO le paiement d’une indemnité d’éviction, il appartenait à celle-ci, en l’absence d’accord sur le montant de cette indemnité, de saisir le tribunal de commerce dans le délai de prescription de deux ans.

Elle soutient que, faute d’avoir engagé cette action, la société AFONSO est devenue occupante sans droit ni titre par l’effet de ce congé avec refus de renouvellement, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

Arguant de l’existence de nombreux retards dans le paiement des loyers au cours du bail, la société SCI LA CHEYRELLE conteste avoir été animée d’une intention frauduleuse lors de la délivrance du congé.

L’appelante reconnaît l’existence d’un paiement intervenu auprès de l’huissier au titre des indemnités d’occupation et charges des mois de mars à juin 2022 mais expose qu’une dette locative a persisté tout au long de la procédure.

Elle affirme que la conclusion d’un nouveau contrat de bail commercial suppose un accord des volontés des parties et fait valoir qu’il ne peut être sérieusement soutenu, au regard des circonstances d’espèce, que tel aurait pu être le cas, l’utilisation par l’huissier du terme générique de ‘loyer’ au lieu de ‘indemnité d’occupation’ ne pouvant à l’évidence servir de preuve en ce sens.

A titre subsidiaire, la société civile immobilière LA CHEYRELLE fait valoir que la société AFONSO a reçu le 25 janvier 2023 un commandement de payer visant la clause résolutoire au titre des indemnités d’occupation et charges afférentes aux mois de juillet à décembre 2022 et affirme qu’elle est fondée à solliciter l’acquisition de la clause résolutoire pendant la période de maintien dans les lieux du preneur, après un refus de renouvellement, ce maintien dans les lieux étant réputé s’effectuer aux clauses et conditions du bail expiré.

Elle en déduit que l’acquisition de la clause résolutoire doit être constatée, l’expulsion de la locataire étant ordonnée.

La société civile immobilière LA CHEYRELLE expose pouvoir réclamer le paiement des indemnités d’occupation trimestriellement, elle indique que leur montant a été fixé, d’un commun accord entre les parties, au montant du loyer après indexation et conteste la possibilité pour la locataire de déduire de la provision à ce titre le montant du dépôt de garantie.

La société AFONSO expose en réponse que le congé délivré le 16 janvier 2019 comprenait une offre de payer une indemnité d’éviction, qui reste valable même après l’expiration du délai de prescription de deux ans.

Elle en déduit que le silence du bailleur qui s’abstient de répondre au rappel de cette offre par sa locataire est frauduleux, ce qui constitue une contestation sérieuse des demandes de la SCI LA CHEYRELLE.

L’intimée fait valoir que la bailleresse lui a délivré un nouveau commandement de payer les loyers postérieurement à l’ordonnance critiquée, opérant ainsi une novation du bail annulant le congé antérieur, qui est d’ailleurs corroborée par la délivrance d’un nouveau congé le 25 janvier 2023.

Elle indique que le juge des référés ne peut valider un congé et conclut également au rejet de la demande subsidiaire de la SCI LA CHEYRELLE, exposant qu’il n’est pas démontré que le commandement aurait été dénoncé à d’éventuels créanciers inscrits, outre que les comptes de la bailleresse sont contestables et contestés.

Sur la provision, la société AFONSO expose que le loyer prévu contractuellement était de 12 000 euros par an payable trimestriellement à terme échu et que ces conditions doivent continuer à s’appliquer.

Elle affirme que le décompte de la bailleresse est erroné et ne peut donc donner lieu à aucune condamnation provisionnelle.

Elle sollicite subsidiairement l’octroi de délais, tant pour l’expulsion que pour le paiement.

Sur ce,

Sur l’expulsion

Aux termes de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Le dommage est réalisé et il importe d’y mettre un terme.

L’illicéité du trouble suppose la violation d’une obligation ou d’une interdiction préexistante et doit être manifeste. Il appartient à la partie qui s’en prévaut d’en faire la démonstration avec l’évidence requise devant le juge des référés.

L’existence de ce trouble est appréciée au jour où le juge statue et le juge des référés ne peut prononcer que les mesures conservatoires strictement nécessaires pour préserver les droits d’une partie.

La société civile immobilière LA CHEYRELLE expose à juste titre que constitue un trouble manifestement illicite l’occupation sans droit ni titre d’un local commercial.

En vertu des dispositions de l’article L. 145-10 du code de commerce, ‘à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.

La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception . Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu’à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous.

Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l’alinéa ci-dessous.

Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

L’acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement’.

L’article L. 145-28 du même code dispose ‘aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation’.

En l’espèce, par acte d’huissier du 16 janvier 2019, la société LA CHEYRELLE a fait signifier à la société AFONSO un congé avec refus de renouvellement de bail commercial avec offre de paiement d’indemnité d’éviction, à effet au 31 juillet 2019.

Ce congé comprenait la mention prévue au dernier alinéa de l’article L. 145-10 susmentionné quant au délai biennal de prescription.

Il résulte des articles L. 145-28 et L. 145-60 du code de commerce que le locataire, qui entend demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit agir avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné et le seul fait de délivrer un congé avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction en application de l’article L. 145-9 du même code ne vaut pas reconnaissance de ce droit à indemnité (Civ 3è, 30 mars 2017, 16.13-236).

Dès lors que la société AFONSO n’a pas demandé le paiement d’une indemnité d’éviction avant l’expiration du délai de deux ans à compter de la date d’expiration du bail, soit le 31 juillet 2019, l’action en paiement de l’indemnité d’éviction est, avec l’évidence requise en référé, prescrite et l’intimée ne peut plus se prévaloir, fût-ce par voie d’exception, du droit au maintien dans les lieux qui en est le corollaire.

C’est donc à juste titre que la société LA CHEYRELLE fait valoir que la contestation de la société AFONSO, qui n’est plus recevable à solliciter le paiement d’une indemnité d’éviction, n’est pas sérieuse et que celle-ci doit être considérée comme occupante sans droit ni titre depuis le 31 juillet 2021.

Il n’est pas démontré que la société LA CHEYRELLE aurait exprimé une volonté univoque de conclure un nouveau contrat de bail commercial avec la société AFONSO par la signification de deux commandements de payer postérieurement à la délivrance du congé, dès lors que ces deux commandements des 27 juillet 2022 et 25 janvier 2023 sont intervenus à la suite de l’ordonnance querellée qui avait rejeté la demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire et qu’il s’agissait manifestement pour l’appelante uniquement de mesures conservatoires dans l’attente de l’issue de son recours.

En conséquence, il y a lieu d’ordonner l’expulsion de la société AFONSO selon les modalités prévues au dispositif. Il y a lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte compte tenu du délai écoulé depuis la résiliation du bail.

Sur le délai pour l’expulsion

Aux termes de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. Le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions. L’article L. 412-4 précise que la durée des délais ne peut en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L441-2-3 et L441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l’espèce, la société AFONSO ne justifie l’existence d’aucun motif permettant de suspendre l’expulsion, alors qu’elle a reçu le 16 janvier 2019, soit depuis plus de 3 ans, le congé aux fins de non renouvellement du contrat de bail. Sa demande de délais à ce titre sera donc rejetée.

Sur la provision

L’article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Il ressort du décompte locatif produit par la société LA CHEYRELLE que la société AFONSO était redevable de la somme de 7 557, 81 euros arrêtée du 30 décembre 2022, loyers et indemnités d’occupation de décembre inclus.

Les arguments de la locataire sont sans pertinence dès lors que d’une part seuls sont réclamés les loyers et indemnités d’occupation échus et non à venir et qu’il ne saurait être déduit le montant du dépôt de garantie à ce stade de la procédure d’autre part.

Il y a donc lieu de condamner la société AFONSO à payer par provision cette somme à la SCI LA CHEYRELLE.

Sur les délais de paiement

Le 2e alinéa de l’article L. 145-41 du code de commerce dispose que :

‘Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge’.

Selon l’article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La société AFONSO ne justifie pas de sa situation financière et ne démontre donc pas être en mesure de s’acquitter de sa dette dans le délai susmentionné. Sa demande de délais de paiement sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société AFONSO devra supporter les dépens de première instance et d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la SCI LA CHEYRELLE la charge des frais irrépétibles exposés. L’intimée sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME l’ordonnance querellée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate que la société AFONSO est occupante sans droit ni titre des locaux loués depuis le 31 juillet 2021;

Ordonne à la société AFONSO de quitter et restituer immédiatement à la société LA CHEYRELLE les locaux sis [Adresse 1], dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

Dit que l’astreinte courra pendant trois mois ;

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des locaux dans les quinze jours suivant la signification du présent arrêt l’expulsion de la société AFONSO et de tout occupant de son chef des locaux sis [Adresse 1]) avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

Dit que les meubles se trouvant dans les locaux seront remis aux frais, risques et périls de la société AFONSO dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par le commissaire de justice chargé de l’exécution, avec sommation à la société AFONSO d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines ;

Condamne la société AFONSO à payer à la société civile immobilière LA CHEYRELLE par provision la somme de 7.557, 81 euros arrêtée au 30 décembre 2022, loyers et indemnités d’occupation de décembre 2022 inclus ;

Déboute la société AFONSO de toutes ses demandes,

Condamne la société AFONSO à verser à la société civile immobilière LA CHEYRELLE la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que la société AFONSO supportera les dépens de première instance et d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Mélanie RIBEIRO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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