6 avril 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/01243
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT MIXTE
DU 06 AVRIL 2023
Expertise
N°2023/75
Rôle N° RG 20/01243 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFQBS
SAS COMPAGNIE DE TOURISME CAMARGUAISE
C/
[M] [T]
[U] [R] épouse [T]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me [M] CAGNOL
Me Pascal ALIAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de TARASCON en date du 16 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 16/01872.
APPELANTE
SAS COMPAGNIE DE TOURISME CAMARGUAISE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 8]
représentée par Me Patrick CAGNOL de l’ASSOCIATION CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE, et assistée de Me Richard DAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [M] [T]
né le 11 Septembre 1959 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Franck MERKLING, avocat au barreau de STRASBOURG
Madame [U] [R] épouse [T]
née le 05 Août 1962 à [Localité 7], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Franck MERKLING, avocat au barreau de STRASBOURG
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [M] [T] et Mme [U] [R] épouse [T] sont propriétaires d’un appartement de type T3 avec parking dans une résidence en copropriété dénommée [Adresse 10], située en [Localité 4] dans le lotissement [Adresse 8], constitué de plusieurs copropriétés et d’un hôtel ainsi que d’équipements de loisirs.
Le lot acquis par les époux [T] fait l’objet d’un bail commercial consenti initialement à la société Maeva pour l’exploitation d’une activité de résidence de tourisme classée.
Le bail a été transmis à la société Compagnie de tourisme camarguaise qui a acquis le fonds de commerce du preneur en 2013 et poursuivi l’exploitation.
L’échéance du bail était contractuellement fixée au 31 octobre 2016.
Les bailleurs ont fait délivrer à la locataire le 12 avril 2016 une mise en demeure et un congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes au visa de l’article L.145-17-I-1° du code de commerce, pour le 31 octobre 2016.
Aux termes de ces actes, les bailleurs reprochaient à la locataire les manquements suivants :
– absence d’entretien des équipements et espaces verts du site,
– suppression du service de gardiennage et du service de réception 24/24,
– non règlement des charges de copropriété,
– absence d’entretien des parties privatives,
– non règlement du loyer en nature.
Par acte en date des 3 et 4 novembre 2016, la société Compagnie de tourisme camarguaise a fait assigner M. et Mme [T] devant le tribunal de grande instance de Tarascon aux fins d’entendre:
– condamner solidairement les défendeurs à lui payer une indemnité d’éviction d’un montant de 30856,85 euros TTC,
– dire que jusqu’au parfait et complet paiement de l’indemnité elle aura droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré,
– subsidiairement, désigner tel expert avec mission de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due.
M. et Mme [T] demandaient au tribunal :
– avant dire droit, d’enjoindre la demanderesse de produire les bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 10] pour les années 2016, 2017 et 2018,
– à titre principal, de débouter la Compagnie de tourisme camarguaise de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– à titre reconventionnel, de constater la validité du congé et l’existence de motifs graves et légitimes privant la locataire de toute indemnité d’éviction, de condamner la locataire à évacuer les lieux loués sous astreinte et à payer une indemnité d’occupation correspondant à la valeur locative estimée à 3000 euros par mois et aux charges.
Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Tarascon a statué comme suit :
– rejette la demande avant-dire droit de production des bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 10] ainsi que les attestations de classement en résidence de tourisme,
– déboute la Compagnie de tourisme camarguaise de toutes ses demandes,
– constate la validité du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime du 12 avril 2016,
– dit que la Compagnie de tourisme camarguaise sera privée de toute indemnité d’éviction,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise et tout occupant de son chef à quitter les lieux loués au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à M. et Mme [T] une indemnité d’occupation de 3000 euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise à payer à M. et Mme [T] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la Compagnie de tourisme camarguaise aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais du huissier lié à la signification de la mise en demeure et du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction,
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.
Le tribunal a retenu à cet effet :
– qu’aux termes de l’article 4 alinéa 3 du bail unissant les parties ‘le preneur bénéficiera de la jouissance des parties communes et éléments d’équipements collectifs de l’ensemble immobilier pendant toute la durée de l’exploitation sous forme de résidence de tourisme classée’,
– qu’il n’est pas contestable que depuis 2013, date d’achat par la demanderesse de la résidence [Adresse 10], il y a eu un démembrement de l’ensemble immobilier classé sous forme de résidence de tourisme, tant et si bien que même si le classement était valable jusqu’en 2017, l’éclatement de la structure privait de fait les bailleurs des installations qui se trouvaient dans d’autres structures comme par exemple les installations d’accueil situé sur la copropriété [Adresse 9], et le golf et la piscine situés sur d’autres copropriétés,
– que les dispositions de l’article 4alinéa 3 du bail n’étaient donc plus respectées même si le classement résidence de tourisme était toujours valable,
– que si d’un point de vue fiscal le demandeur démontrait que la situation n’avait pas eu d’incidence, il ne pouvait prétendre que l’entretien des équipements et espaces verts ne lui incombaient pas car non situé sur sa copropriété, alors que c’est lui-même qui s’était placé dans cette situation en participant au démembrement lors de l’achat de la résidence les Mazets de Camargue qui avait privé son bailleur des éléments constitutifs d’un classement en résidence de tourisme,
– que ce démembrement était de plus corroboré par le fait que le bailleur ne pouvait plus bénéficier du loyer en nature correspondant à la contre-valeur TTC déterminé sur la base de 75 % du prix catalogue Maeva, car il n’avait plus accès au catalogue Maeva,
– que le comportement fautif du locataire devait donc être retenu sur ces points sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs,
– qu’au regard de ces éléments il s’avérait inutile d’accueillir la demande avant-dire droit de production des bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 10].
La société Compagnie de tourisme camarguaise a interjeté appel de cette décision le 24 janvier 2020.
Par conclusions déposées et notifiées le 17 juillet 2020, la Compagnie de tourisme camarguaise demande à la cour, vu les articles L.145-9, L.145-14, L.145-17 et L.145-28 du code de commerce, 1134 et 1315 du code civil, D321-1 et D321-2 du code de tourisme, de :
Confirmer la décision en ce qu’elle a débouté M. et Mme [T] de leur demande de production sous astreinte des bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 10] ainsi que les attestations de classement résidence de tourisme,
Réformer la décision entreprise en toutes ses autres dispositions,
Condamner M. et Mme [T] à payer à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise la somme de 30 856,85 euros TTC à titre d’indemnité d’éviction,
À titre subsidiaire :
Désigner tel expert qui plaira à la cour avec mission de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction due à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise,
Condamner M. et Mme [T] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. et Mme [T] aux entiers dépens d’instance et d’appel avec distraction en ce qui concerne ces derniers au profit de Maître Cagnol, avocat sur son affirmation de droit.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 octobre 2020, M. et Mme [T] demandent à la cour, vu les dispositions de l’article L.145-17 du code de commerce de :
Déclarer l’appel de la SAS Compagnie de tourisme camarguaise mal fondé,
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la Compagnie de tourisme camarguaise de toutes ses demandes,
– constaté la validité du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motif grave et légitime du 12 avril 2016,
– dit que la Compagnie de tourisme camarguaise sera privée de toute indemnité d’éviction,
– condamné la Compagnie de tourisme camarguaise et tout occupant de son chef à quitter les lieux loués au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,
– condamné la Compagnie de tourisme camarguaise à payer aux consorts [T] une indemnité d’occupation de 3000 euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil,
– condamné la Compagnie de tourisme camarguaise à payer aux consorts [T] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Compagnie de tourisme camarguaise aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’huissier lié à la signification de la mise en demeure et du congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d’éviction pour motifs graves et légitimes,
Sur l’appel incident :
Déclarer les demandes des consorts [T] bien fondées,
Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté les consorts [T] de leur demande avant dire droit visant à enjoindre à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise de produire les bilans et comptes d’exploitation de la résidence [Adresse 10] pour les années 2016,2017 et 2018,
Infirmer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation de la SAS Compagnie de tourisme camarguaise au paiement d’une indemnité d’éviction(sic) estimée à la somme de 3 000 euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil, sans préciser le point de départ de l’indemnité,
Statuant à nouveau :
Avant dire droit :
Enjoindre à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise de produire les bilans et comptes d’exploitation de la résidence ‘Les Mazets de Camargue’pour les années 2016,2017 et 2018,
Sur le fond :
Condamner la SAS Compagnie de Tourisme Camarguaise à payer aux consorts [T] une indemnité d’occupation correspondant à la valeur locative telle qu’estimée à 3 000 euros par mois outre les charges incluant l’intégralité des charges de copropriété hormis les travaux de l’article 606 du code civil, rétroactivement à compter du 1er novembre 2016,
En tout état de cause :
Débouter la SAS Compagnie de tourisme camarguaise de l’intégralité de ses fins et prétentions,
Condamner la SAS Compagnie de tourisme camarguaise à payer aux consorts [T] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la SAS Compagnie de tourisme camarguaise aux entiers dépens de la procédure d’appel, ainsi que ceux de la procédure de première instance, en ce compris les frais d’huissier liés à la signification de la mise en demeure, du congé sans offre de renouvellement, ainsi que les frais d’huissier liés à l’établissement du procès verbal d’état des lieux de sortie.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
MOTIFS :
Aux termes de l’article L.145-17-I-1° du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’aucune indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. Toutefois, s’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L.145-8, l’infraction commise par le preneur en peut être invoquée que si elle s’est poursuivie ou renouvelé plus d’un mois après mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extra-judiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa.
Aux termes de l’article L.245-9 alinéa 5 du même code, le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Sur les griefs énoncés aux termes de l’acte de congé délivré le 12 avril 2016 :
Les bailleurs reprochent en premier lieu à la locataire ‘l’absence totale d’entretien voir la suppression des loisirs, équipements, restaurants, bars et espaces verts du site entraînant l’impossibilité d’offrir les services et équipements initiaux de l’immeuble, nécessaires à l’exploitation de la résidence de tourisme, tels que golf, piscine, équitation, bar, restaurant…’
Ils rappellent qu’aux termes de l’article 5 du bail le preneur s’est engagé à :
– entretenir les lieux en bon état de réparation locative et les entretenir pendant le cours du bail,
– acquitter de ses deniers, sans répercussion ou incidence sur le bailleur, la rémunération du personnel d’accueil, de réception et de ménage, la fourniture du linge de lit et de maison, l’entretien et la maintenance des parties privatives ainsi que tous les frais nécessités par l’exercice de l’activité du preneur,
– acquitter toute dépense locative nécessaire au bon fonctionnement de l’immeuble (eau, électricité, charges locatives de copropriété, etc …), le bailleur conservant les charges supportées par les propriétaires loueurs, taxes foncières, éventuels travaux de mise aux normes légales de la résidence (article 606 du code civil).
Les bailleurs soutiennent d’une part qu’au titre des ‘équipements communs’, dont ils estiment que l’entretien incombe au preneur selon le bail, figurent nécessairement la piscine, le golf et les tennis indispensables à l’activité de la résidence [Adresse 10] ainsi que cela résulte de la lecture des documents publicitaires qui les mentionnent comme une partie intégrante de l’offre et que les nombreuses références dans le bail à la notion d’ ‘équipements communs’ de l’ensemble immobilier démontrent que ces installations sont comprises dans l’emprise de la location.
Ils soutiennent d’autre part, que l’entretien des parties communes situées au sein de la copropriété de la résidence [Adresse 10] est également défectueux ainsi que cela résulte des procès verbaux établis par huissier.
Toutefois, sur les 35 hectares que constitue le lotissement intitulé ‘ village camarguais’ sont répartis cinq résidences de tourisme distinctes qui constituent des copropriétés distinctes et un hôtel, propriété d’un particulier. L’arrêté préfectoral de lotir du 26 mars 1984 prévoit le partage du terrain en plusieurs zones dont des terrains destinés à recevoir des équipements communs et des terrains destinés à recevoir une affectation privative. L’association syndicale libre du [Adresse 6] constituée le 6 novembre 1986 a pour objet l’acquisition de la voirie de desserte ainsi que les terrains et équipements communs au lotissement et leur gestion.
Le règlement de copropriété établi le 25 janvier 2002 visant la résidence [Adresse 10] indique qu’elle comprend 50 logements, 62 emplacements de stationnement en surface et 2 emplacements de stationnement dans le bâtiment, un local de piscine, un local poubelles et sanitaires et l’ensemble de parties communes de la copropriété tels que voiries et espaces verts et en page 10, il précise que sont parties communes ‘ la voirie d’accès et la desserte intérieure, le passage de piétons, l’éclairage extérieur, le logement du gardien ‘ et au titre des parties communes spéciales aux logements comprend les
espaces verts, la piscine, le bâtiment de réception et les locaux techniques’. Ce document restreint les parties communes de la résidence aux espaces verts environnants et à une piscine, en excluant les autres bassins, les espaces verts éloignés et le golf ou le centre équestre.
Le règlement de copropriété du lotissement du ‘[Adresse 6]’ définit comme étant des parties communes générales appartenant à l’ensemble des copropriétaires du lotissement, opposées aux parties communes réservées à chaque bâtiment collectif, comme étant ‘les jardins, les espaces intérieurs non réservés à la jouissance exclusive d’un copropriétaire déterminé, les canalisations, gaines, réseaux de toute nature, les clôtures, haies et murs séparatifs, la piscine avec ses bassins et ses aménagements extérieurs et les équipements nécessaires à son utilisation, les courts de tennis avec leurs aménagements extérieurs et les équipements nécessaires à leur utilisation et les emplacements extérieurs de voiture à usage commun, le lac et ses abords…’.
L’association syndicale libre créée le 22 juillet 1986 et composée de toute personne faisant l’acquisition d’un lot dans l’une des copropriétés dépendantes de l’ensemble du lotissement ‘[Adresse 6]’ a pour mission de gérer et d’entretenir des ‘équipements communs du lotissement ‘.
Il résulte de la lecture de ces documents que cohabitent deux catégories d’espaces verts et équipements communs, ceux dévolus à une copropriété particulière, gérés par le syndic de chaque copropriété et ceux communs au lotissement dont l’entretien incombe à l’ensemble des copropriétés par le biais de l’association syndicale libre.
Aucune clause du bail ne permet de mettre à la charge du preneur une quelconque obligation d’entretien ou d’accès concernant des équipements ne dépendant pas de la copropriété.
Les facilités d’accès à des équipements extérieurs qui ont pu être offertes à la clientèle et la communication commerciale de la société Maeva sont indépendantes du bail et n’ont pu générer aucune obligation du preneur à l’égard du bailleur.
S’agissant des éléments d’équipements communs de la copropriété, l’article 5-4 du bail oblige le preneur ‘à entretenir les lieux loués en bon état de réparations locatives et d’entretien pendant le cours du bail’, étant précisé que l’article 2 définit la chose louée comme étant les locaux meublés et ‘les quotes parts des parties communes générales et particulières attachées à ces locaux, y compris celles afférentes aux éléments d’équipements communs’.
L’obligation d’entretien concernant les quotes parts des parties communes attachées au lot loué ne peut toutefois se traduire que par l’obligation de payer les charges de copropriété y afférentes, étant rappelé que la société Compagnie de tourisme camarguaise ne peut avoir aucune obligation d’entretien concernant les quotes parts des parties communes attachées aux nombreux lots de la copropriété dont elle n’est pas locataire.
La gestion des parties communes incombe au syndic conformément à l’article 70 du règlement de copropriété. Les appels de charges produits par les intimés comportent d’ailleurs un poste relatif au contrat d’entretien de la piscine, et les points 13 à 19 examinés lors de l’assemblée générale du 25 avril 2015 de la copropriété [Adresse 10] portent sur divers travaux de mise aux normes, vérifications des canalisations, réfection des joints et dallages de la piscine, confirmant les attributions de l’assemblée générale des copropriétaires en la matière.
Le premier grief énoncé aux termes du congé du 12 avril 2016 n’est en conséquence pas fondé et ne peut être valablement invoqué à l’appui du refus de paiement d’une indemnité d’éviction.
Le deuxième grief énoncé aux termes du congé du 12 avril 2016 est la suppression du service de gardiennage et du service de réception 24/24.
Toutefois, lors de l’assemblée générale de l’association syndicale libre du [Adresse 6] le 25 mars 2014, l’installation d’un système de sécurité et de vidéo surveillance a été votée à la majorité absolue des voix, l’assemblée générale précisant que ce système avait vocation à pallier l’absence de gardien dont le service avait été suspendu depuis plusieurs années par décision du conseil de syndic.
Par assemblée générale du 25 avril 2015, les copropriétaires des Mazets de Camargue ont abordé la question de la clé de répartition des charges résultant de l’installation de ce service de vidéo surveillance du site en remplacement du gardiennage, démontrant que les bailleurs sont, depuis cette date au moins, valablement informés de cette modification dont de surcroît, le preneur n’est pas l’auteur.
Il est ainsi établi que la prestation de gardiennage relevait des attributions de l’ASL du [Adresse 6] et non des obligations de l’appelante vis à vis des bailleurs.
Par ailleurs, aucune clause du bail ne met à la charge de la société preneuse une obligation de maintenir un service de réception 24 heures sur 24.
Le troisième grief énoncé à l’appui du congé du 12 avril 2016 est le non-paiement des charges de copropriété.
Les époux [T] prétendent qu’ils n’ont pas été remboursés, malgré leurs demandes, de charges de copropriété incombant au preneur en vertu de l’article 5-7 du bail.
Le congé et la mise en demeure délivrés le 12 avril 2016 mentionnent ce manquement sans aucune précision du montant et de la nature des charges prétendument impayées.
La société Compagnie de tourisme camarguaise fait valoir à juste titre que s’agissant d’un manquement pouvant être régularisé dans le mois de la délivrance de la mise en demeure, cette absence de précision rend le grief inefficient.
N’apportant, dans leurs écritures d’appel, aucune précision sur l’impayé allégué, les intimés se contentent de renvoyer à des courriers de relance adressés les 24 août 2017 et 14 février 2018, soit postérieurement au congé du 12 avril 2016, les pièces produites étant insuffisantes à établir le non-paiement de charges récupérables au sens de l’article 5-7 du bail.
Les bailleurs reprochent en quatrième lieu à la société preneuse un défaut d’entretien des parties privatives.
Aucun élément de preuve de l’état du mazet appartenant aux époux [T] n’est produit concernant la période antérieure au congé, le procès-verbal de constat d’huissier établi le 2 mai 2015 à la demande d’autres requérants ne comportant aucune constatation se rapportant au lot des intimés.
M. et Mme [T] versent aux débats des procès-verbaux de constats d’huissier établis le 31 juillet 2018 et le 7 février 2020 lors de la remise des clés par le preneur sortant.
Les détériorations relevées par l’huissier relèvent d’une usure normale de la chose pendant plusieurs années d’occupation et ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la déchéance du preneur de son droit à indemnité d’éviction.
Le dernier grief énoncé dans l’acte de congé est le non-règlement du loyer en nature.
Les époux [T] rappellent qu’aux termes de l’article 6 du bail, les parties se sont accordées pour fixer le loyer de la manière suivante :
Un loyer annuel TTC constant en numéraire égal à 1 247,31euros,
Un ‘loyer en nature correspondant à la contre valeur TTC déterminée sur la base de 75% du prix catalogue Maeva de la sous-location au bailleur de 6 semaines de séjours telle que définies à l’article 9’.
Ils font valoir qu’ils ne bénéficient plus de la contrepartie au loyer constituée par l’accès à des séjours offerts dans la catalogue MAEVA à un prix réduit et que les propositions de substitution proposées ne sont pas de qualité équivalente.
Toutefois, il convient de noter que l’article 6 du bail renvoie expressément à l’article 9 du même bail qui précise ‘ le bailleur bénéficiera pendant toute la durée du bail, d’un droit de réservation prioritaire portant sur 6 semaines Week end ou ponts chaque année se composant comme suit:
2 semaines en très haute et haute saison,
2 semaines en moyenne saison,
2 semaines en basse saison,
Les saisons étant définies conformément au document de la bourse d’échange Maeva diffusé annuellement ….’;
L’article 9 permet donc uniquement de caractériser les différentes périodes de l’année. Seul l’article 11 du bail indique sous l’intitulé ‘ Bourse d’échange Maeva’ ‘les semaines de sous-location pourront être échangées dans le cadre de la bourse d’échange Maeva moyennant des frais de dossier fixé forfaitairement chaque année par semaine échangée’.
Il n’est pas contesté par les bailleurs que dès le 24 mai 2013, lors de la cession du fonds de commerce de la société Maeva au profit de la Compagnie de tourisme camarguaise, ils ont été informés qu’ils bénéficiaient de l’accès à la bourse d’échange du groupe Pierre et Vacances et Center Parc pour exercer leur droit de séjour conformément aux clauses du bail et obtenir le paiement du loyer en nature.
Les bailleurs estiment cependant que les prestations offertes sont d’une qualité et donc d’une valeur moindre, sans pour autant en justifier, s’agissant de surcroît, d’une appréciation très subjective qui n’est pas de nature à constituer un manquement fautif du preneur à ses obligations contractuelles justifiant un congé sans indemnité d’éviction.
La cour relève par ailleurs qu’il est stipulé à l’article 11 du bail intitulé ‘Bourse d’échange Maeva’ que ‘la bourse d’échange est susceptible d’évoluer chaque année en fonction des variations des calendriers et des résidences gérées’, de sorte que les bailleurs ne peuvent de prévaloir d’une intangibilité de l’offre concernant les possibilités d’échanges des semaines de sous-location.
Par ailleurs, la liberté pour le preneur de céder son bail, stipulée à l’article 5-9° du bail, implique nécessairement la possibilité d’une modification de l’offre de bourse d’échange.
Ce grief sera en conséquence également jugé inopérant.
Sur les autres griefs invoqués dans le cadre de la présente instance :
Les époux [T] prétendent que l’activité exploitée par la société Compagnie de tourisme camarguaise ne répond plus aux conditions posées par l’article D.321-2 du code du tourisme pour bénéficier du classement en résidence de tourisme, notamment celle relative au pourcentage de lots de la résidence pris à bail par la société exploitante.
Faisant valoir que l’article 4 alinéa 3 du bail prévoit que ‘le preneur bénéficiera de la jouissance des parties communes et éléments d’équipements collectifs de l’ensemble immobilier pendant toute la durée de l’exploitation sous forme de résidence de tourisme classée’, ils prétendent que le bail confié à la Compagnie de tourisme camarguaise n’a plus d’objet.
Toutefois, ce motif n’est pas visé dans le congé délivré au preneur. Or, le bailleur ne peut en cours d’instance modifier les motifs invoqués dans le congé délivré au preneur, en substituer d’autres ou en ajouter, sauf à justifier qu’il n’en aurait eu connaissance qu’après la délivrance du congé initial.
Concernant le classement en résidence de tourisme, outre que les bailleurs, en page 8 de leurs conclusions, reconnaissent que le classement obtenu en 2012 était valable jusqu’en 2017, de sorte que l’absence de classement ne pouvait constituer un motif de congé en 2016, il ressort des termes d’un courrier adressé par les époux [T] à la société Compagnie de tourisme camarguaise le 1er avril 2016 que les bailleurs affirmaient déjà à cette date que la résidence [Adresse 10] ne répondait plus aux critères d’une résidence de tourisme classée.
La perte du classement en résidence de tourisme, à la supposer avérée, ne peut ainsi être invoquée par les bailleurs à l’encontre de la locataire pour refuser le paiement de l’ indemnité d’éviction.
Sur l’indemnité d’éviction due par les bailleurs et l’indemnité d’occupation due par le preneur :
Le congé signifié à la Compagnie de tourisme camarguaise le 12 avril 2016 ouvre droit au profit de cette dernière au paiement d’une indemnité d’éviction, calculée conformément aux dispositions de l’article L.145-14 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
La société Compagnie de tourisme camarguaise sollicite à ce titre la condamnation des bailleurs au paiement d’une somme de 30856,85 euros TTC, calculée sur la base du chiffre d’affaires HT réalisé en 2013 et 2014 sur les appartements de la copropriété, proratisé par rapport aux tantièmes de copropriété détenus par les bailleurs, augmenté de la TVA et d’une commission ‘tours opérateurs’.
En l’état des contestations soulevées par les bailleurs et en l’absence d’éléments suffisants d’appréciation, il y a lieu de recourir à une mesure d’expertise sur la détermination de l’indemnité d’éviction.
L’expert aura également pour mission de donner son avis sur l’indemnité d’occupation due par le preneur entre la date d’effet du congé et la date de libération des lieux, calculée conformément aux articles L.145-28 et L.145-33 du code de commerce.
Sur la demande de communication de documents :
Aux termes de l’article L.321-2 du code du tourisme, l’exploitant d’une résidence de tourisme classée doit tenir des comptes d’exploitation distincts pour chaque résidence. Il est tenu de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande.
Une fois par an, il est tenu de communiquer à l’ensemble des propriétaires un bilan de l’année écoulée, précisant les taux de remplissage obtenus, les événements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépense et de recettes de la résidence.
Le bail liant les parties ayant été conclu, selon son article 4, pour l’exercice par le preneur d’une activité d’exploitation de résidence de tourisme classée, la société Compagnie de tourisme camarguaise est soumise aux obligations du texte précité.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de communication formée par les époux [T].
Les dépens seront réservés ainsi que les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Enjoint à la SAS Compagnie de tourisme camarguaise de produire les bilans et comptes d’exploitation de la résidence ‘Les Mazets de Camargue’pour les années 2016,2017 et 2018,
Dit que le congé signifié le 12 avril 2016 par M. et Mme [T] à la société Compagnie de tourisme camarguaise ouvre droit au profit de cette dernière au paiement d’une indemnité d’éviction,
Dit que la société Compagnie de tourisme camarguaise est redevable pour la période écoulée entre le 1er novembre 2016 et la date de son départ des lieux loués, d’une indemnité d’occupation déterminée conformément aux articles L.145-28 et L.145-33 du code de commerce,
Avant dire droit sur le surplus des demandes :
Désigne en qualité d’expert Mme [W] [Z], [Adresse 2], [Courriel 3], inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec mission de :
– entendre les parties et leurs avocats en leurs observations, recueillir toutes informations, entendre tous sachants, se faire remettre tous documents utiles à sa mission,
– donner son avis sur le montant de l’indemnité d’éviction due à la société Compagnie de tourisme camarguaise ensuite du congé délivré par les bailleurs le 12 avril 2016,
– donner son avis sur le montant de l’indemnité d’occupation due par le preneur à compter du 1er novembre 2016 et la date de son départ des lieux loués,
– faire toutes observations techniques utiles à la solution du litige,
Dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation et que, dans l’hypothèse d’un refus ou d’un empêchement légitime, il sera aussitôt pourvu à son remplacement,
Dit qu’il sera procédé aux opérations d’expertise en présence des parties ou celles-ci régulièrement convoquées et leurs conseils avisés selon les formes de l’article 160 du code de procédure civile,
Dit que la Compagnie de tourisme camarguaise devra consigner auprès de la régie d’avances et de recettes de la cour la somme de 2500 euros à valoir sur les frais d’expertise au plus tard le 5 mai 2023,
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,
Dit que l’expert ne pourra commencer sa mission qu’à compter de l’avis de consignation délivré par le greffe,
Dit qu’après avoir établi un pré-rapport et répondu aux dires des parties, l’expert devra déposer son rapport et en adresser copie à chacune des parties avant le 13 octobre 2023, délai de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l’expert à cet effet,
Rappelle que le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au conseiller chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception,
Désigne le conseiller de la mise en état de la chambre pour surveiller les opérations d’expertise et ordonner le remplacement de l’expert en cas de refus ou d’empêchement,
Dit qu’après le dépôt du rapport d’expertise, l’affaire sera audiencée à la diligence du conseiller de la mise en état.
LE GREFFIER LE PRESIDENT