Indemnité d’éviction : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05250

·

·

Indemnité d’éviction : 4 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05250

4 mai 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
22/05250

COUR D’APPEL

D’AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Chambre 3-4

N° RG 22/05250 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJGKI

Ordonnance n° 2023/M98

S.C.I. LYS MARTAGON prise en la personne de son représentant légal en exercice

Représentée par Me Paola MARTINS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me MARTINS, avocat substituant Me Bruno TRAESCH, avocat au barreau de PARIS

Appelante

S.A.S.U. VACANCEOLE COTE D’AZUR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Représentée par Me Jean-christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Jauffré CODOGNES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Intimée

ORDONNANCE D’INCIDENT

du 4 mai 2023

Nous, Anne-Laurence Chalbos, magistrat de la mise en état de la chambre 3-4 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, assistée de Valérie Violet, greffier,

Après débats à l’audience du 1er mars 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l’incident était mis en délibéré, avons rendu le 4 mai 2023, après prorogation du délibéré, l’ordonnance suivante :

Vu le jugement rendu le 14 février 2022 par le tribunal judiciaire de Grasse, entre la SASU Vacanceole Côte d’Azur et la SCI Lys Martagon, ayant :

– prononcé la nullité du congé délivré le 21 août 2020 par la SCI Lys Martagon,

– condamné la SCI Lys Martagon à restituer à la société Vacanceole Côte d’Azur les clés de l’appartement A101 sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification du jugement passé ce délai pendant une période de 6 mois à l’issue de laquelle il pourra être statué à nouveau,

– condamné la SCI Lys Martagon à payer à la société Vacanceole Côte d’Azur la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SCI Lys Martagon aux dépens,

– constaté que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire ;

Vu l’appel interjeté par la SCI Lys Martagon le 8 avril 2022 ;

Vu les conclusions d’incident déposées et notifiées le 24 février 2023 par la SASU Vacanceole Côte d’Azur aux fins d’entendre, vu les articles 467, 524, 901 et suivants du code de procédure civile :

– prononcer l’irrecevabilité des demandes nouvelles formulées par la société Lys Martagon et visant à :

– l’indemnité d’occupation qui serait due par la société Vacanceole Côte d’Azur,

– l’expulsion de la société Vacanceole Côte d’Azur sous astreinte,

– la communication de divers documents,

– l’engagement de la responsabilité de la société Vacanceole Côte d’Azur pour dol,

– prononcer l’irrecevabilité des conclusions de la société Lys Martagon,

– prononcer la radiation de l’appel interjeté le 8 avril 2022 par la société Lys Martagon du rôle des affaires en cours,

– ordonner à la société Lys Martagon la production du congé en date du 25 septembre 2020,

– débouter la société Lys Martagon de toutes leurs demandes,

– condamner la société Lys Martagon à payer à la société Vacanceole Côte d’Azur la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions sur incident déposées et notifiées le 5 décembre 2022 par la société Lys Martagon aux fins d’entendre, vu les articles 546, 561, 542 du code de procédure civile :

– juger recevables l’ensemble des demandes de la société Lys Martagon et notamment l’infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse le 14 février 2022, notamment en ce qu’il a jugé le congé nul pour absence de motivation,

– condamner la société Vacanceole Côte d’Azur à communiquer les documents suivants sous astreinte de 100 euros par jour de retard :

– les bilans détaillés et certifiés des années 2018, 2019, 2020 et 2021 concernant la [Adresse 3],

– les comptes d’exploitation détaillés et certifiés des années 2018, 2019, 2020 et 2021 comportant notamment le détail des taux de remplissage pour chaque mois de l’activité saisonnière et le montant détaillé des principales catégories de dépenses et recettes et leur évolution mois par mois, justifié par des documents comptables certifiés, concernant l’appartement appartenant à la société Lys Martagon,

– condamner la société Vacanceole Côte d’Azur à communiquer la signification de la cession du bail commercial au bailleur, justifiant de son droit au renouvellement du bail commercial,

– condamner la société Vacanceole Côte d’Azur à régler la somme de 15000 euros à la société Lys Martagon en raison du caractère manifestement abusif et dilatoire de son incident,

– condamner la société Vacanceole Côte d’Azur à régler la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

À l’audience d’incident du 1er mars 2023, le conseiller de la mise en état a soulevé le moyen tiré du défaut de pouvoir du conseiller de la mise en état pour statuer sur l’incident d’irrecevabilité des demandes nouvelles et autorisé les parties à faire valoir leurs observations par une note en délibéré sur ce seul point.

Le conseil de la société Vacanceole a déposé le 3 mars 2023 une note en délibéré concluant à la compétence du conseiller de la mise en état pour examiner la recevabilité des demandes nouvelles.

MOTIFS :

– sur la fin de non-recevoir tirée de l’article 564 du code de procédure civile :

L’article 789, 6° du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.»

Par renvoi de l’article 907 du code de procédure civile, ce texte est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l’article 914 du même code n’en restreigne l’étendue.

Le conseiller de la mise en état est un magistrat de la cour d’appel chargé de l’instruction de l’appel. Conformément à l’article L. 311-1 du code de l’organisation judiciaire, la cour d’appel est, quant à elle, compétente pour connaître des décisions rendues en premier ressort et statuer souverainement sur le fond des affaires.

Il en résulte que la cour d’appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l’appel, celles touchant à la procédure d’appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état. Or, l’examen de la fin de non-recevoir édictée à l’article 564 du code de procédure civile, relative à l’interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel relève de l’appel et non de la procédure d’appel.

Dès lors, seule la cour d’appel est compétente pour connaître des fins de non-recevoir tirées de l’article 564 du code de procédure civile. (Cf. Avis de la Cour de cassation, 2e Civ,11 octobre 2022, n°22-70010)

– sur la demande tendant à faire juger irrecevables les conclusions de la société Lys Martagon:

La société Vacanceole conclut à l’irrecevabilité des conclusions de la société Lys Martagon sans préciser lesquelles.

Elle fait valoir que la société Lys Martagon ne donne pas son adresse et sa forme en violation des articles 954, 960 et 961 du code de procédure civile.

Ces critiques semblent s’appliquer aux conclusions sur incident déposées et notifiées le 5 décembre 2022 par la société Lys Martagon, puisque les conclusions d’appel déposées et notifiées par cette partie devant la cour le 9 juin 2022 comportent bien les informations requises.

Les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile concernent les conclusions d’appel et ne sont pas applicables aux conclusions d’incident.

L’irrecevabilité édictée par l’article 961 du code de procédure civile n’est pas encourue dès lors que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article 960 ont été fournies par l’appelante dès le 9 juin 2022.

– sur la demande de radiation pour inexécution :

Aux termes de l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

La société appelante produit un mail adressé le 21 juillet 2021 par le responsable juridique de la société Vacanceole lui confirmant avoir pu reprendre possession des lieux.

Elle justifie par ailleurs de l’envoi, à la société Vacanceole, d’un chèque de 1600 euros par LRAR du 25 octobre 2022.

La société Vacanceole ne précise pas en quoi la décision de première instance serait inexécutée.

La demande de radiation sera en conséquence rejetée.

– sur les demandes de communications de pièces :

La société Vacanceole demande au conseiller de la mise en état d’ordonner à la société Lys Martagon la production du congé en date du 25 septembre 2020.

La société Lys Martagon ne fait cependant état dans ses écritures devant la cour d’aucun congé en date du 25 septembre 2020.

Les débats devant la cour font apparaître un congé du 21 août 2020 et un autre du 28 septembre 2021, qui ont été communiqués.

Cette demande de communication sera en conséquence rejetée.

La société Lys Martagon demande au conseiller de la mise en état d’ordonner à l’intimée de produire les bilans détaillés et certifiés des années 2018, 2019, 2020 et 2021 concernant la [Adresse 3], les comptes d’exploitation détaillés et certifiés des années 2018, 2019, 2020 et 2021 comportant notamment le détail des taux de remplissage pour chaque mois de l’activité saisonnière et le montant détaillé des principales catégories de dépenses et recettes et leur évolution mois par mois, justifié par des documents comptables certifiés, concernant l’appartement appartenant à la société Lys Martagon.

Aux termes de l’article L.321-2 du code du tourisme, l’exploitant d’une résidence de tourisme classée doit tenir des comptes d’exploitation distincts pour chaque résidence. Il est tenu de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande.

Une fois par an, il est tenu de communiquer à l’ensemble des propriétaires un bilan de l’année écoulée, précisant les taux de remplissage obtenus, les événements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépense et de recettes de la résidence.

Il n’est pas contesté que le bail liant les parties a été conclu pour l’exercice par le preneur d’une activité d’exploitation de résidence de tourisme classée, de sorte que la société Vacanceole est soumise aux obligations du texte précité.

Contrairement à ce qu’affirme l’intimée, la communication des documents visés à l’article L.321-1 n’est pas dépourvue de lien avec litige puisqu’elle peut présenter un intérêt pour l’évaluation de l’indemnité d’éviction, débattue devant la cour.

La production des documents prévus par l’article L.321-2 du code du tourisme sera ordonnée pour les exercices 2018 à 2021, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

La société Lys Martagon demande encore au conseiller de la mise en état de condamner la société Vacanceole Côte d’Azur à communiquer la signification de la cession du bail commercial au bailleur, justifiant de son droit au renouvellement du bail commercial.

La société Vacanceole ne faisant cependant pas état d’une telle signification, la demande sera rejetée.

La société Lys Martagon, qui n’a exécuté la condamnation pécuniaire que postérieurement à sa déclaration d’appel et aux premières conclusions d’incident de la société Vacanceole aux fins de radiation, sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour incident abusif et dilatoire.

Les dépens de l’incident et demandes aux titre des frais irrépétibles seront réservés et suivront ceux de l’instance principale.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire,

Disons que l’examen de la recevabilité des demandes au regard de l’article 564 du code de procédure civile relève du seul pouvoir de la cour,

Déboutons la société La société Vacanceole Côte d’Azur de sa demande en irrecevabilité des conclusions de la société Lys Martagon,

Déboutons la société Vacanceole Côte d’Azur de sa demande de radiation fondée sur l’article 524 du code de procédure civile,

Ordonnons à la société Vacanceole Côte d’Azur de communiquer à la société Lys Martagon conformément aux dispositions de l’article L. 321-2 du code de tourisme, pour chacun des exercices 2018 à 2021, le compte d’exploitation de la résidence de tourisme et un bilan annuel précisant les taux de remplissage obtenus, les événements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépense et de recettes de la résidence,

Disons n’y avoir lieu à astreinte,

Déboutons la société Lys Martagon de sa demande de communication de la signification de l’acte de cession du bail,

Déboutons la société Lys Martagon de sa demande en dommages et intérêts pour incident abusif et dilatoire,

Réservons les dépens de l’incident et demandes aux titre des frais irrépétibles qui suivront ceux de l’instance principale.

Le greffier Le magistrat de la mise en état

Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.

Le greffier

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x