Indemnité d’éviction : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00102

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Indemnité d’éviction : 31 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00102

31 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG
21/00102

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 489/23

N° RG 21/00102 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TMT6

SHF/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

21 Décembre 2020

(RG 19/00314 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [O] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Pierre-Jean COQUELET, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S. PERRENOT DENAIN

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Tal LETKO BURIAN, avocat au barreau d’ARRAS

DÉBATS : à l’audience publique du 01 Février 2023

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 janvier 2023

La SAS Perrenot Denain qui a une activité de transports routiers de fret interurbains est soumise à la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires de transports ; elle comprend plus de 10 salariés.

M. [O] [L], né en 1960, a été engagé par contrat à durée indéterminée par la société SAS Transnord le 17.05.2002, en qualité de conducteur poids lourds classification ouvrier, Groupe 6, coefficient 138 M à temps complet (169h par mois).

Le 01.05.2011 par convention de transfert, le contrat de travail de Monsieur [L] a été transféré à la SAS BM Nord, devenue la SAS Perrenot Denain, le temps de travail étant fixé à 151,67 heures par mois.

La moyenne mensuelle des salaires de M. [O] [L] s’établit à 2.083,80 €.

Monsieur [L] a été élu délégué du personnel le 01.12.2015 pour un mandat de 4 ans devant arriver à terme le 30.11.2019.

M. [O] [L] a été placé en arrêt maladie du 19.10 au 10.11.2017, puis à compter du 30.04.2018, cet arrêt étant prolongé successivement.

Lors d’un examen de préreprise le 21.09.2018, le médecin du travail a indiqué que son état de santé était incompatible avec une reprise à son poste de chauffeur routier et qu’une inaptitude était envisagée.

Le 08.10.2018, la médecine du travail, après étude du poste, des conditions de travail et un échange avec l’employeur, a rendu un avis d’inaptitude précisant que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courrier du 10.10.2018, la SAS Perrenot Denain a informé Monsieur [L] de son impossibilité de reclassement.

M. [O] [L] a été convoqué par lettre du 22.10.2019 à un entretien préalable fixé le 0611.2019, puis licencié par son employeur le 09.11.2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 03.10.2019, le conseil des prud’hommes de Valenciennes a été saisi par M. [O] [L] en nullité du licenciement, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l’exécution du contrat de travail.

Un appel a été interjeté régulièrement devant la cour d’appel de Douai le 20.01.2021 par M. [O] [L] à l’encontre du jugement rendu le 21.12.2020 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes section Commerce, notifié le 15.01.2021, qui a :

– Dit Monsieur [L] recevable en ses demandes

– Prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [L]

– Condamné la SAS Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] les sommes suivantes :

. 19.596,00 euros à titre d’indemnité pour violation de son statut protecteur

. 3.266,24 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

. 326,62 euros au titre des congés payés sur préavis

. 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Ordonné à la SAS Perrenot Denain prise en la personne de son représentant légal de délivrer à Monsieur [L] la fiche de paie, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi rectifiés sans astreinte

– Débouté Monsieur [L] du surplus de ses demandes

– Débouté la SAS Perrenot Denain prise en la personne de son représentant légal de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamné la SAS Perrenot Denain prise en la personne de son représentant légal aux dépens.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 12.04.2022 par M. [O] [L] qui demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu le 21 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes sur les points suivants :

– Prononcer la nullité du licenciement de Monsieur [L]

– Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Infirmer le Jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Valenciennes le 21 décembre 2020 sur les points suivants :

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme de 19.596,00 euros à titre d’indemnité pour violation de son statut protecteur

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à de Monsieur [L] la somme de 3.266,24 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à de Monsieur [L] la somme de 326,62 euros au titre des congés payés sur préavis

. Débouter Monsieur [L] du surplus de ses demandes

Statuer à nouveau sur les points suivants :

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme de 45.502,56 euros à titre d’indemnité pour violation de son statut protecteur

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme de 76,86 euros brute sauf à parfaire au titre de la majoration pour ancienneté au titre des mois d’octobre, novembre et décembre 2016

. Condamner la Société Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme globale de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’application de la convention collective

. Condamner la Société Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme globale de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’application de la convention collective concernant l’infraction au titre des horaires de travail

. Dire que Monsieur [L] démontre la réalité de la prestation par ses soins d’heures supplémentaires au-delà du contingent légal

En conséquence,

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme de 3.112,83 euros brut, sauf à parfaire, à titre d’indemnité pour la prestation d’heures supplémentaires, des heures supplémentaires de délégation et d’heures au-delà du contingent légal et le non-respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles, outre la somme de 311,29 euros brut, sauf à parfaire, au titre des congés payés y afférents

. Dire et juger que l’inaptitude de Monsieur [L] est la conséquence du harcèlement moral et des dégradations des conditions de travail subis au sein de la SAS Perrenot Denain ; En conséquence,

. Dire et juger que le licenciement de Monsieur [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à de Monsieur [L] la somme de 35.390,88 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à de Monsieur [L] T la somme de 20.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral dont il a été victime,

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à de Monsieur [L] la somme de 5.055,84 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à de Monsieur [L] la somme de 505,88 euros au titre des congés payés sur préavis

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à de Monsieur [L] la somme de 3.420,16 euros à titre de rappel du solde de l’indemnité de licenciement

. Condamner la SAS Perrenot Denain à remettre à Monsieur [L] le bulletin de paie, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation POLE EMPLOI rectifiés lui revenant, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du Jugement à intervenir

. Condamner la SAS Perrenot Denain à verser à Monsieur [L] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. Dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter du dépôt de la requête introductive d’instance

. Condamner la SAS Perrenot Denain aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel ;

Vu les conclusions transmises par RPVA le 08.04.2022 par la SAS Perrenot Denain qui demande de :

– JUGER que Monsieur [O] [L] a été rempli de ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail,

– JUGER que Monsieur [O] [L] ne produit pas aux débats préalablement des éléments de nature à étayer sa demande de rappel d’heures supplémentaires,

– JUGER que la Société Perrenot Denain n’a pas méconnu les dispositions conventionnelles relatives aux heures supplémentaires,

– JUGER que Monsieur [O] [L] ne démontre pas la réalisation d’heures au-delà du contingent légal,

– JUGER que Monsieur [O] [L] ne justifie pas du montant de son salaire de référence,

– JUGER que Monsieur [O] [L] n’a subi aucun fait constitutif de harcèlement moral,

– JUGER que Monsieur [O] [L] ne démontre l’existence d’aucun préjudice,

– JUGER que le licenciement de Monsieur [O] [L] est parfaitement fondé,

– JUGER que les demandes de Monsieur [O] [L] sont irrecevables et mal

fondées.

En conséquence :

– INFIRMER le jugement rendu le 21 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes en ce qu’il a :

– Prononcé la nullité du licenciement de Monsieur [O] [L],

– Condamné la SAS Perrenot Denain, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [O] [L] les sommes suivantes :

‘ 19.596 € au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur,

‘ 3.266,24 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 326,62 € au titre des congés payés y afférents,

‘ 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Ordonné à la SAS Perrenot, prise en la personne de son représentant légal, de délivrer à Monsieur [O] [L] la fiche de paie, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation Pôle Emploi rectifiés sans astreinte,

– Débouté la SAS Perrenot Denain, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamné la SAS Perrenot Denain, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens. – CONFIRMER le jugement rendu le 21 décembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes en ce qu’il a débouté Monsieur [O] [L] de ses autres demandes.

En toute hypothèse :

– DEBOUTER Monsieur [O] [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– CONDAMNER Monsieur [O] [L] au paiement d’une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER Monsieur [O] [L] aux entiers frais et dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 11.01.2023 prise au visa de l’article 907 du code de procédure civile ;

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.

A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’exécution du contrat de travail :

M. [O] [L] forme diverses demandes au titre de l’exécution du contrat de travail.

a) Majoration pour ancienneté pour les mois de octobre à décembre 2016 :

M. [O] [L] fait valoir les dispositions de l’article 13 a § 3 de la convention collective applicable ainsi que son coefficient fixé à M138 du Groupe 6, alors qu’il est titulaire du certificat de formation M128 ainsi que le reconnaît l’employeur dans ses écritures, avec la précision qu’il bénéficiait d’une reprise d’ancienneté au 25.01.2002, pour solliciter un rappel de salaire.

La SAS Perrenot Denain conteste le bien fondé de cette demande ; elle rappelle que le taux horaire du conducteur poids lourd a été fixé par l’accord du 03.11.2015 à 10.3138, qui a été régulièrement appliqué. Elle justifie de ce que M. [O] [L] n’était pas titulaire du certificat M 128 mais du certificat M 138, et qu’il n’était pas nécessairement titulaire de ce certificat pour exercer ses fonctions ; une erreur de frappe a été introduite dans les écritures précédentes, il s’agit d’une erreur de fait qui ne constitue pas un aveu judiciaire ; enfin il ne justifie d’aucun préjudice particulier qui serait lié à la non application de la convention collective.

De fait, M. [O] [L] ne justifie pas bénéficier d’un coefficient autre que le coefficient 138M ainsi qu’il résulte du contrat de travail mais également de la convention de transfert du 27.04.2011 et des bulletins de paie produits ; il ne justifie pas posséder le certificat de formation M128. Le taux applicable était dès lors de 10.3138 après 10 ans d’ancienneté ainsi qu’il ressort de l’accord du 03.11.2015.

Le salarié doit être débouté de sa demande de rappel de salaire portant sur la somme de 76,86 € brut mais également de ce fait de sa demande d’indemnité pour défaut d’application de la convention collective. Le jugement sera confirmé.

b) Infraction au titre des horaires de travail :

M. [O] [L] effectuait un travail de nuit conformément à la convention collective et ses horaires de travail allaient de 00h et 00h30 à 12h ou 14h ; il dépassait ainsi la durée maximum quotidienne de 10h, sans pour autant percevoir de compensation pécuniaire ni de compensation par repos. Il a d’ailleurs fait l’objet d’un ‘avertissement repos hebdomadaire (45h)’ de la part de la Gendarmerie lors d’un contrôle intervenu le 26.02.2015 ; la société a produit tardivement et sur sommation de communiquer, les relevés chronotachygraphes qui établissent les dépassements horaires réguliers de octobre 2016 à avril 2018. Il travaillait 12 heures par jour et 60 heures par semaine.

La SAS Perrenot Denain conteste ces allégations en affirmant que le salarié n’en justifie aucunement.

Force est de constater cependant que le salarié démontre les dépassements qu’il invoque par la production des ‘synthèses conducteur’ ; la société se borne à critiquer ces calculs sans préciser les erreurs qu’il aurait commises.

La SAS Perrenot Denain sera condamnée au paiement de la somme de 2.000 € en réparation du préjudice subi et le jugement infirmé.

c) Heures supplémentaires :

– Il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres élèments.’

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.’

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu’il incombe à l’employeur, l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

M. [O] [L] se fonde sur ses bulletins de paie, qu’il confronte aux synthèses conducteur, pour justifier de la réalité des heures supplémentaires effectuées, tout en rappelant que, à l’occasion du transfert de son contrat de travail, la durée mensuelle de travail est passée à 151h67.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La SAS Perrenot Denain oppose le fait que le salarié n’effectuait pas systématiquement 60 à 72 heures par semaine, qu’il n’a jamais formé la moindre contestation, que ses heures supplémentaires lui ont été réglées alors qu’il ne les déduit pas de son calcul.

Dans ses écritures, M. [O] [L] donne un calcul très précis des heures supplémentaires réalisées qu’il confronte aux heures figurant sur les bulletins de paie réglées aux taux de 25 / 50 / 125 % qui sont déduites notamment au mois de décembre 2016 qui est l’exemple donné par son contradicteur.

En conséquence, la cour s’estime suffisamment informée pour faire droit à cette demande.

– Cette demande est complétée en ce qui concerne les heures de délégation dont certaines n’auraient pas été payées : le 27.02.2016 et le 20.11.2017, le 05.01.2017 et le 24.11.2017 au titre d’heures supplémentaires.

La société réplique que la demande du salarié n’est pas cohérente s’agissant d’heures supplémentaires non démontrées, et que, si elles ne figurent pas sur les bulletins de paie, elles sont ajoutées manuellement sur le logiciel de lecture de cartes chronotachygraphes.

Le conseil des prud’hommes pour sa part avait estimé ne pas avoir eu les éléments nécessaires pour statuer.

M. [O] [L] fait un calcul précis des heures de délégation qui nécessiteraient un paiement ou un complément ; il produit les bons de délégation signés du salarié et de son responsable des 27.02.2016 (5h), 05.01.2017 (4h), 20 (1h) et 24.11.2017 (5h), ainsi que les bulletins de paie correspondants ; en outre :

. 27.02.2016 (5h), la société ne produit pas le procès verbal qui permettrait de vérifier si le salarié s’est rendu à la réunion ; la demande sera prise en compte ;

. 05.01.2017 (4h), M. [O] [L] était bien présent à la réunion et la synthèse conducteur mentionne un travail jusqu’à 12h35 ; il sera fait droit à la demande de rappel sur heures supplémentaires ;

20.11.2017 (1h), la société ne produit pas le procès verbal et le salarié a travaillé jusqu’à 15h06 ;

24.11.2017 (5h), M. [O] [L] était bien présent, il avait commencé son travail à 2h31 en terminant à 19h, ces demandes seront accordées et le jugement infirmé.

d) Harcèlement moral :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments retenus afin de dire s’ils laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, d’apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral. Le juge ne doit pas seulement examiner chaque fait invoqué par le salarié de façon isolée mais également les analyser dans leur ensemble, c’est-à-dire les apprécier dans leur globalité, puisque des éléments, qui isolément paraissent insignifiants, peuvent une fois réunis, constituer une situation de harcèlement.

Si la preuve est libre en matière prud’homale, le salarié qui s’estime victime de harcèlement moral est tenu d’établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants qu’il présente au soutien de ses allégations afin de mettre en mesure la partie défenderesse de s’expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés.

A l’appui de sa demande, M. [O] [L] fait valoir ses problèmes de santé à compter du 30.04.2018, qui sont établis notamment par un certificat médical du 30.04.2018 rédigé par le Dr [R] collaborateur du Dr [W], alors qu’il était employé dans la société depuis 17 ans, ce certificat étant conforté par l’attestation délivrée par Mme [J], psychologue, le 08.10.2018, qui constate les symptômes anxio-dépressifs invoqués, et par le certificat médical du Dr [W], médecin traitant, du 30.07.2018, qui confirme la réalité d’un syndrôme anxio-dépressif suite à un burn out ; en outre, dans son avis du 08.10.2018, le médecin du travail prononce l’inaptitude définitive du salarié.

Ce dernier relève la surcharge de travail établie par son rythme de travail révélée par les synthèses conducteur.

Ces éléments précis et concordants sont matériellement établis et peuvent laisser présumer, pris dans leur ensemble, l’existence d’un harcèlement moral.

La société répond que le médecin traitant n’a pas constaté lui-même les difficultés au travail invoquées par le salarié ; que le certificat de la psychologue n’est pas probant et retranscrit les propos du salarié ; que le médecin du travail n’a pas attribué à un état dépressif la dégradation de son état de santé ; qu’il n’a sollicité que 6 bons de délégation de février 2016 au 24.08.2018 et ne prenait pas son mandat électif au sérieux, ce qui est confirmé par Mme [B], secrétaire CE et CHSCT, M. [J], exploitant, tandis que MM. [U], [K] et [E] et Mme [S], agent administratif, attestent des bonnes relations avec le salarié qui faisait les heures qui lui convenaient ; qu’il n’a jamais signalé la moindre difficulté.

Néanmoins, M. [O] [L] justifie de certaines heures supplémentaires impayées à concurrence de 3.112,83 €, ou non payées au bon coefficient, mais aussi d’un dépassement de la durée maximum quotidienne de 10h sans percevoir de compensation pécuniaire ni de compensation par repos ; par ailleurs, la dégradation de l’état de santé du salarié est justifiée par les certificats médicaux du médecin traitant et de son collaborateur, et confortée par l’inaptitude prononcée par le médecin du travail ; de telle sorte que le harcèlement moral est démontré, peu important qu’au-delà des nombreuses heures effectuées, le salarié ait négligé en partie son mandat électif.

La SAS Perrenot Denain sera condamnée au paiement de la somme de 3.000 € en réparation du préjudice subi et le jugement infirmé.

Sur la nullité et les conséquences du licenciement :

La lettre de licenciement, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du litige qui peuvent être éventuellement précisés par l’employeur. Dès lors que l’employeur et le salarié sont d’accord pour admettre que le contrat de travail a été rompu, chacune des parties imputant à l’autre la responsabilité de cette rupture, il incombe au juge de trancher le litige en décidant quelle est la partie qui a rompu.

Il appartient au juge d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur. En principe, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du motif n’incombe pas spécialement à l’une ou à l’autre des parties. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M. [O] [L] se prévaut des dispositions des articles L2411-1 et L 2411-5 du code du travail et oppose la violation du statut protecteur dont il bénéficiait au titre de son mandat électif de délégué du personnel qui lui avait été conféré lors du scrutin du 01.12.2015, en l’absence de demande d’autorisation de le licencier transmise à l’inspection du travail. Il précise que les réunions de la délégation du personnel étant fixées principalement le matin de 10h30 à 11h, il ne lui était pas possible de s’y rendre régulièrement puisqu’il était en poste de 00h30 à 12 ou 14h et il rappelle que son statut protecteur devait perdurer pendant 6 mois à la fin de son mandat soit jusqu’au 30.05.2020. Il doit percevoir l’indemnité due au titre du licenciement nul jusqu’à cette date.

Dans ses écritures, la SAS Perrenot Denain reconnaît avoir omis de solliciter l’autorisation de l’inspection du travail pour procéder au licenciement pour inaptitude du salarié ; elle explique cet oubli par les renouvellements successifs des arrêts maladie mais aussi par les absences récurrentes du salarié pourtant titulaire de son mandat aux réunions DP/CE. Sur ce point elle fait valoir les nombreuses absences du salarié dès la première réunion du 08.02.2016 et elle verse aux débats de nombreux témoignages qui établissent que le salarié préférait travailler plutôt que de voir son salaire diminuer ; elle estime que les missions de M. [O] [L] ne l’empêchaient pas de participer à ces réunions, alors qu’il a peu utilisé les bons de délégation ; il manquait simplement d’intérêt pour ses fonctions d’élu ; il s’agit d’une simple omission sans conséquence puisque de fait l’inspection du travail aurait nécessairement accordé son autorisation de licencier eu égard à l’avis du médecin du travail, la démarche de M. [O] [L] est purement indemnitaire. Il ne justifie pas de son préjudice dans ces circonstances.

Aux termes de l’article L2411-1 du code du travail, bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l’un des mandats suivants :

‘2° Membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique’.

L’article 2411-3 précise que :

Le licenciement d’un délégué syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

Il s’agit de dispositions d’ordre public.

L’employeur ne pouvait pas s’exonérer de l’obligation de solliciter l’autorisation de l’administration au simple prétexte que le salarié était absent pour maladie sur une longue période sans pouvoir participer aux réunions des institutions représentatives ; il ne peut pas davantage s’en exonérer en alléguant que le salarié avait négligé sa mission représentative en s’abstenant d’y participer régulièrement lorsqu’il était en service ; il n’est pas d’ailleurs démontré que M. [O] [L] avait renoncé explicitement à ce mandat.

Le licenciement de M. [O] [L] est nul pour violation de son statut protecteur.

En conséquence, le licenciement de M. [O] [L] prononcé sans demande d’autorisation à l’inspecteur du travail ouvre droit à une indemnisation forfaitaire, que le salarié ait ou non demandé sa réintégration. Cette indemnité forfaitaire est égale au montant des rémunérations brut qu’il aurait dû percevoir entre la date de son éviction de l’entreprise et l’expiration de la période de protection en cours, c’est-à-dire jusqu’au terme du mandat, augmenté de l’éventuelle période de protection prévue à l’issue de celui-ci ; elle est plafonnée à 30 mois de salaires pour les représentants du personnel élus.

En l’espèce, l’inspection du travail avait transmis à M. [O] [L] après son élection un message pour lui rappeler la durée de la protection dont il bénéficiait à la suite du scrutin intervenue le 01.12.2015 au terme duquel il avait été élu délégué du personnel au sein de la SAS Perrenot Denain, cette durée s’étalant sur 4 ans jusqu’au 30.11.2019, et étant prolongée de 6 mois au titre de la protection résiduelle donc jusqu’au 30.05.2020.

Le licenciement étant intervenu le 09.11.2018, M. [O] [L] a droit à une indemnité d’éviction jusqu’à cette date qui doit être calculée en tenant compte des arrêts maladie intervenus et non contestés soit du 19.10 au 10.11.2017 puis à compter du 30.04.2018 ; le salarié a fixé à 29.698,32 € le montant cumulé des mois travaillés sur 12 mois, dont doivent être déduits les frais professionnels ainsi que le fait à juste titre remarquer l’employeur, ce qui établit un salaire mensuel brut moyen à 2.474,86 € et donc à 44.547,48 € le montant de cette indemnité forfaitaire qui est due en raison de dispositions d’ordre public applicables.

Le salarié a également droit aux indemnités de rupture de droit commun, sans que le juge judiciaire n’ait à statuer sur les motifs de la rupture. Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l’âge de M. [O] [L], de son ancienneté dans l’entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, mais également compte tenu des nouvelles dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, la SAS Perrenot Denain sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 25.000 € cette indemnité étant au moins égale au salaire des six derniers mois afin de réparer l’intégralité du préjudice résultant de l’illicéité du licenciement ; cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux

En outre le salarié a droit aux indemnités de rupture ainsi qu’il est précisé au dispositif et compte tenu de la moyenne de salaires retenue.

Le jugement sera donc infirmé sur le quantum.

Le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié n’est pas dû en cas de violation du statut protecteur.

Il est fait droit à la demande de remise des documents sociaux sans que l’astreinte soit nécessaire.

Il serait inéquitable que M. [O] [L] supporte l’intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SAS Perrenot Denain qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 21.12.2020 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes section Commerce en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement, et condamné la SAS Perrenot Denain au paiement d’une indemnité pour violation de statut protecteur, outre l’indemnité de préavis et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec la transmission des documents sociaux et d’une fiche de paie rectifiés ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS Perrenot Denain à payer à M. [O] [L] les sommes de :

. 44.547,48 euros à titre d’indemnité pour violation de son statut protecteur

. 4.949,72 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

. 494,97 euros au titre des congés payés sur préavis

. 12.477,41 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement

. 25.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul

. 3.000 euros au titre des dommages intérêts pour harcèlement moral

. 2.000 euros pour l’indemnisation au titre de l’infraction au titre des horaires de travail

. 3.112,83 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires

. 311,29 euros pour les congés payés afférents

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

Dit que la SAS Perrenot Denain devra transmettre à M. [O] [L] dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision un solde de tout compte et une attestation Assedic/Pôle emploi conformes ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Perrenot Denain à payer à M. [O] [L] la somme de 2.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Condamne la SAS Perrenot Denain aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


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