Indemnité d’éviction : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12425

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Indemnité d’éviction : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/12425
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31 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/12425

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 31 MAI 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12425 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJRB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/12068

APPELANTES

S.A.S. BASSANO DEVELOPPEMENT, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 523 145 878, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège:

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Emmanuel MOITIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0428

Société ALLIANCE DEVELOPPEMENT CAPITAL SIIC société européenne, immatriculée au RCS de Paris sous le n°800 550 501, également enregistrée au registre des personnes morales de Bruxelles sous le n° d’entreprise n° 0526.937.652, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité siège:

[Adresse 4]

[Adresse 4]

BELGIQUE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

S.A.R.L. REFERENCES, immatriculée au RCS de Paris sous le n°354 076 770, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège:

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Rémy CONSEIL de la SELARL BARBIER ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0987

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

Douglas BERTHE, Conseiller

Emmanuelle LEBÉE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Laurène BLANCO, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Faits et procédure

Par acte sous seing privé du 1er juillet 1996, le CIC aux droits duquel s’est trouvée la société Alliance Développement Capital (ci-après, la société « ADC »), a donné à bail à la société Les Salons Saint Honoré, aux droits de laquelle se trouve la société Références, divers locaux dépendant de l’immeuble situé [Adresse 3], pour neuf années.

Par acte d’huissier du 21 décembre 2004, la société ADC a donné congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction à la société Les Salons Saint Honoré pour le 30 juin 2005.

Par jugement du 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de Paris a notamment débouté la société ADC de sa demande d’expulsion, considéré que les manquements du locataire ne constituaient pas un motif suffisamment grave, dit que le congé ouvrait droit à une indemnité d’éviction et, sur le montant de cette indemnité d’éviction, désigné un expert, lequel a déposé son rapport le 4 février 2010.

Par arrêt du 25 février 2009, la cour d’appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. Le pourvoi à l’encontre de cette décision a été déclaré non admis par arrêt du 15 juin 20l0.

Par acte sous seing privé du 30 septembre 2010, la société ADC a fait apport de l’immeuble en cause à la SAS Bassano Développement.

Par jugement du 3 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a notamment débouté les sociétés ADC et Bassano Développement de leur demande tendant à voir résilier le bail liant les parties, fixé l’indemnité d’éviction due par la société ADC à la somme de 101.500 euros, fixé l’indemnité d’occupation mensuelle due par la locataire à compter du 1er juillet 2005 à la somme de 64.000 euros outre les taxes et charges, condamné in solidum les bailleresses à régler le différentiel entre les loyers contractuels et l’indemnité d’occupation.

Par arrêt du 9 avril 2014, la cour d’appel a infirmé partiellement ce jugement sauf, notamment, en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation du bail, a dit que la locataire était redevable d’une indemnité d’occupation à compter du 1er juillet 2005, statuant à nouveau, a débouté les bailleresses de leur demande tendant à voir dire que la société Références est déchue de son droit à indemnité d’éviction et de leurs demandes subséquentes, débouté la locataire de sa demande en complément d’expertise, fixé à la somme de « 120.000 euros l’indemnité d’éviction due par la société ADC à la société Références, outre les frais de licenciement payable sur justificatifs », fixé à la somme de « 57.600 euros par an outre les taxes et charges, l’indemnité d’occupation due par la société Références à la société ADC puis à la société Bassano Développement, à compter du 1er juillet 2005 », débouté les parties de toutes autres demandes.

Par actes d’huissier de justice des 28 juillet 2016, la société Références a fait citer la société ADC et la société Bassano Développement aux fins principalement de les voir condamner à lui payer la somme de 53.817,96 euros, outre celle de l.097 euros au titre du dépôt de garantie.

Par jugement en date du 16 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

– déclaré la société Références recevable en sa demande en paiement du solde de l’indemnité d’éviction indûment compensée ;

– dit n’y avoir lieu à déclarer les défenderesses irrecevables comme prescrites en l’absence de demande en paiement de la somme de 53.817 euros de leur part ;

– dit n’y avoir lieu à mettre hors de cause la société ADC ;

– constaté que les parties se sont accordées pour déduire la somme trop payée à la société ADC de 108.213,75 euros par la société Références du solde des indemnités d’occupation dues par cette dernière à la société Bassano Développement Développement ;

– dit et jugé qu’aucune somme ne peut être déduite du montant de l’indemnité d’éviction due par la société ADC dès lors que la société Références n’a aucune dette compensable avec sa créance à l’égard de cette dernière ;

– condamné la société ADC à payer à la société Références la somme de 40.873,67 euros au titre du solde de l’indemnité d’éviction impayée ;

– débouté la société Références de sa demande aux fins de voir condamner in solidum la société Bassano Développement à lui payer la somme de 53.817 euros ;

– condamné la société Bassano Développement à payer à la société Références la somme de 17.097,44 euros au titre du solde dit dépôt de garantie après déduction du coût des réparations locatives dues par la locataire ;

– débouté la société Bassano Développement de sa demande en paiement de la somme de 8.690,46 euros au titre du coût des réparations locatives excédant le montant du dépôt de garantie ;

– débouté la société Bassano Développement de sa demande aux fins de voir condamner la société Références à lui payer la somme de 4.650,90 euros au titre des charges pour les années 2013 et 2014 ;

– débouté la société ADC et la société Bassano Développement de leur demande tendant à voir condamner la société Références à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamné la société ADC à payer à la société Références la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du CPC ;

– condamné la société Bassano Développement à payer à la société Références la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– rejeté les autres demandes ;

– condamné la société ADC aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Conseil avocat en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 26 août 2020, les sociétés Bassano Développement et ADC ont interjeté appel sur tous les chefs du jugement du 16 juillet 2019, sauf en ce qu’il a débouté la société Références de sa demande aux fins de voir condamner in solidum la société Bassano Développement et la société ADC à lui payer la somme de 53.817 euros.

Moyens et prétentions

Dans leurs conclusions déposées le 14 mars 2023, les sociétés Bassano Développement et ADC, appelantes, demandent à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* déclaré la société Références recevable en sa demande en paiement du solde de l’indemnité d’éviction indûment compensée ;

* dit n’y avoir lieu à déclarer les défenderesses irrecevables comme prescrites en l’absence de demande en paiement de la somme de 53.817,96 euros de leur part ;

* dit n’y avoir lieu à mettre hors de cause la société ADC ;

* constaté que les parties se sont accordées pour déduire la somme trop payée à la société ADC de 108.213,75 euros par la société Références du solde des indemnités d’occupation dues par cette dernière à la société Bassano Développement ;

* dit et jugé qu’aucune somme ne peut être déduite du montant de l’indemnité d’éviction due par la société ADC dès lors que la société Références n’a aucune dette compensable avec sa créance à l’égard de cette dernière ;

* condamné la société ADC à payer à la société Références la somme de 40.873,67 euros au titre du solde de l’indemnité d’éviction impayée ;

* condamné la société Bassano Développement à payer à la société Références la somme de 17.097,44 euros au titre du solde du dépôt de garantie après déduction du coût des réparations locatives dues par la locataire ;

* débouté la société Bassano Développement de sa demande en paiement de la somme de 8.690,46 euros au titre du coût des réparations locatives excédant le montant du dépôt de garantie ;

* débouté la société Bassano Développement de sa demande aux fins de voir condamner la société Références à lui payer la somme de 4.650,90 euros au titre des charges pour les années 2013 et 2014 ;

* débouté la société ADC et la société Bassano Développement de leur demande tendant à voir condamner la Sté Références à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

* condamné la société ADC à payer à la société Références la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société Bassano Développement à payer à la société Références la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

* ordonné l’exécution provisoire ;

* rejeté les autres demandes, mais uniquement lorsqu’il rejette les demandes des sociétés Bassano Développement et ADC ;

* condamné la société ADC aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Conseil avocat en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

– juger acquise la prescription quinquennale à l’encontre de la société Références et la déclarer irrecevable en toutes ses demandes ;

– déclarer irrecevable la demande indemnitaire nouvellement formée par la société Références et l’en débouter ;

– déclarer hors de cause la société ADC et débouter la société Références de toutes ses demandes à son encontre ;

– juger mal fondées les demandes de la société Références et l’en débouter ;

– condamner la société Références à payer 4.650,90 euros TTC à la société Bassano Développement au titre des charges locatives impayées pour 2013 et 2014 ;

– juger les sociétés ADC et Bassano Développement bien fondées à compenser le montant du dépôt de garantie avec le montant des travaux de remise en état des locaux loués ;

– condamner en conséquence la société Références à payer aux sociétés ADC et Bassano Développement, la somme de 8.690,46 euros pour financer le solde du coût des travaux de remise en état des locaux loués ;

– condamner la société Références à payer aux sociétés ADC et Bassano Développement, la somme de 10.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamner la société Références à payer aux sociétés ADC et Bassano Développement, la somme de 10.000 euros chacune par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– en tout état de cause, débouter la société Références de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

– condamner la société Références aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit des Avocats aux offres de droit.

Dans ses conclusions déposées 17 mars 2023, la SARL Références, intimée, demande à la cour de :

– dire et juge recevable la société Références en son appel incident ;

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :

* dit n’y avoir lieu à déclarer les défenderesses irrecevables comme prescrites en absence de demande en paiement de la somme de 53.817,96 euros de leur part ;

* débouté la société Références de sa demande aux fins de voir condamner in solidum la société Bassano Développement à lui payer la somme de 53.817 euros ;

* constaté que les parties se sont accordées pour déduire la somme trop payée à la société ADC de 108.213,75 euros par la société Références du solde des indemnités d’occupation dues par cette dernière a la société Bassano Développement ;

* condamné la Société Alliance Développement Capital à payer à la société Références la somme de 40.873,67 euros au titre du solde de l’indemnité d’éviction impayée ;

* condamné la Sté Bassano Développement Développement à payer à la Sté Références la somme de l7.097,44 euros au titre du solde du dépôt de garantie après déduction du coût des réparations locatives dues par la locataire.

Statuant à nouveau :

– dire et juger la société Références recevable et non prescrite en ses demandes de paiement ;

– dire et juger que l’action des sociétés ADC et Bassano Développement en récupération des arriérés du 1er et 2ème trimestre 2005 est prescrite ;

– condamner in solidum les sociétés ADC et Bassano Développement à payer à la société Références, anciennement dénommée Les Salon Saint Honoré, la somme de 53.817,96 euros ou subsidiairement à la somme de 40.873,67 euros ;

– condamner in solidum les sociétés ADC et Bassano Développement à restituer à la société Références, anciennement dénommée Les Salons Saint Honoré, la somme de 19.097,44 euros correspondant à son dépôt de garantie ;

– débouter les sociétés ADC et Bassano Développement de leur demande en paiement de prétendus rappels de charges injustifiées ;

– débouter les sociétés ADC et Bassano Développement de leur demande en paiement de prétendues réparations locatives non dues en application des clauses du bail et surtout non justifiées dans leur réalisation ;

– débouter les sociétés ADC et Bassano Développement de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner les sociétés ADC et Bassano Développement à payer à la société Références, anciennement dénommée Les Salons Saint-Honoré, la somme de 10.000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les condamner in solidum à payer 10.000 euros de dommages et intérêts à la société Références pour procédure abusive ;

– les condamner aux entiers dépens et autoriser Me [Z] [L] à les recouvrer directement.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

L’affaire a été appelée à l’audience du 21 mars 2023 et mise en délibéré au 31 mai 2023.

La cour a, par message en date du 12 avril 2023, sollicité l’avis des parties sur l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt RG 08/2759 en date du 25 février 2009 partiellement confirmatif du jugement du 26 juin 2007 (RG 05/16209) en ce qu’il a jugé que le locataire a justifié des termes du commandement délivré le 27 mai 2005 [concernant une dette locative des 1er et 2ème trimestre 2005 à hauteur de 53.817,96 euros] aux motifs que « concernant les retards de paiement des termes de janvier à avril 2005, objet du commandement du 27 mai 2005, que les causes du commandement dont s’agit ont, ainsi qu’il en est régulièrement justifié, été régulièrement réglées mais avec un retard de plusieurs mois puisque réglées en date du 22 mai 2005. »

Les société Bassano Développement et ADC ont fait parvenir une note en délibéré en date du 14 avril 2023 aux termes de laquelle elles considèrent, d’une part, que le tribunal confirmé sur ce point par la cour a reconnu le paiement intégral de la somme de 53.817,96 euros visée au commandement délivré le 27 mai 2005 relatif à la dette locative des 1er et 2e trimestre 2005 et considéré que la tardiveté de ce paiement résultant d’une cause étrangère au locataire ne caractérisait pas « le motif grave et légitime de nature à priver le preneur de son droit à indemnité d’éviction » et que ces faits et leurs conséquences juridiques s’imposaient erga omnes, d’autre part, que dans son assignation du 28 juillet 2016 ayant donné lieu au jugement du 16 juillet 2019, objet de la présente instance d’appel, Références entendait récupérer la somme de 53.817,96 euros aux motifs qu’elle était prescrite, contredisant ainsi les dispositifs du jugement du 26 juin 2007 et de l’arrêt du 25 février 2009, que le preneur ne s’est jamais pourtant jamais prévalu d’une prétendue prescription de la dette locative des 1er et 2e trimestres 2005 ‘ qu’elle revendiquait au contraire comme cause exonératoire de l’acquisition de la clause résolutoire et comme justifiant son droit au paiement d’une indemnité d’éviction et qu’il s’agit là d’un estoppel et, enfin, que la demande formée par Références consistant à solliciter le prononcé de la prescription assortie du remboursement de la somme de 53.817,96 euros, se heurtant ainsi à l’autorité de chose jugée et à l’interdiction de se contredire au détriment de son adversaire, est irrecevable ou, en tout état de cause, mal fondée.

Par note en date du 20 avril 2023, la société Références reconnaît que le jugement du 26 juin 2007 confirmé par un arrêt du 27 mai  2005 a jugé que les loyers des 1er et 2ème trimestre 2005 ont été payés par la société Références a autorité de chose jugée et que, de ce fait, les sociétés Bassano et Alliance ne pouvaient réclamer à nouveau le paiement de ces loyers pour diminuer d’autant l’indemnité d’éviction telle que fixée par arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 avril 2014, ayant également autorité de la chose jugée. Elle considère qu’en l’espèce ne se discute que la charge du paiement de l’indemnité d’éviction par la société Alliance, en application de l’acte de vente mais également de l’arrêt du 9 avril 2014, du paiement des indemnités d’occupation à la société Bassano, toujours en application de l’acte de vente, et donc de l’impossibilité pour la société Alliance de déduire des rappels d’indemnité d’occupation (qu’elle ne peut pas récupérer) sur l’indemnité d’éviction (qu’elle doit payer), dont le solde est d’un montant de 40.873,67 euros.

SUR CE,

Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘constater’ ou de ‘juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.

Sur le solde de l’indemnité d’éviction et la demande en paiement de la somme de 53.817,96 euros :

Au soutien de leur prétention, les sociétés ADC et Bassano font valoir, d’une part, que la demande de la société Références est prescrite, la somme litigieuse ayant été payée dans le courant de l’année 2005, que s’agissant d’une demande en répétition de loyers et charges formée contre la société ADC la prescription avait commencé à courir en juin 2010 et qu’elle était donc acquise en juin 2015 et la demande est donc irrecevable. D’autre part, elles soutiennent que la société ADC doit être mise hors de cause, s’agissant d’une action en répétition de l’indû au titre du paiement des indemnités d’occupation, point sur lequel la société Bassano est intégralement subrogée dans les droits et obligations de la société ADC au regard des termes du traité d’apport de l’immeuble. Enfin, elles considèrent la demande mal fondée en ce que la société Références dénature les décomptes produits, qu’il n’y a aucune différence entre le décompte annexé au procès-verbal en dehors d’une mention manuscrite et le décompte V1 versé aux débats, que le décompte V2 est produit à titre d’illustration pour démontrer l’indifférence à intégrer ou non la somme litigieuse et que, contrairement à ce que le preneur soutient, il n’est plus débiteur des arriérés des 1er et 2ème trimestres de 2005. Elles rappellent ne pas avoir saisi la cour d’une demande de paiement de cette somme puisque les arriérés cumulés des 1er et 2ème trimestres de 2005 ont été payés par la société Les Salons Saint-Honoré avec le loyer et les charges du 3ème trimestre 2005 et que cette dette étant certaine, liquide et exigible, elle n’est pas sujette à répétition. En dernier lieu, elles considèrent qu’en vertu de l’ancien article 1165 et 1199 du code civil s’agissant de l’effet relatif des contrats, la disposition de l’acte d’apport du 30 septembre 2010 relative au paiement de l’indemnité d’éviction a pour objet exclusif de répartir la charge de cette dépense entre ses signataires, mais n’ouvre aucun droit au profit du preneur, que, de ce fait et contrairement aux énonciations du jugement entrepris, la société ADC était bien fondée à déduire de l’indemnité d’éviction des sommes que le preneur devait à la société Bassano et qu’en conséquence, par réformation du jugement entrepris, la société ADC sera déchargée du paiement de la somme de 40.873,67 euros, le preneur étant débouté de ses demandes, qui seront déclarées mal fondées.

Au soutien de ses prétentions, la société Références invoque, d’une part, qu’en juillet 2014, lors de la restitution des locaux, les bailleresses ont produit un compte d’une somme de 84.126,33 euros due à la société Références, l’huissier précisant qu’il existait un différend sur le montant de l’indemnité d’éviction et annexant les comptes des deux parties, que dans le décompte des bailleresses annexé au procès-verbal du 31 juillet 2014, est intégré un prétendu arriéré de loyers du 1er et du 2ème trimestres 2005 d’un montant de 53.817,96 euros qui n’a jamais été réclamée dans aucune procédure et que cette demande est donc prescrite, que ce montant correspond à celui que le preneur demande au titre de son indemnité d’éviction sur le fondement de l’arrêt du 9 avril 2014, que les modifications sur le mode d’établissement des comptes ont été effectuées en vue de faire disparaître des sommes dont la demande est prescrite et qui doivent être réincorporée à l’indemnité d’éviction. D’autre part, elle soutient qu’en vertu de l’acte d’apport, l’indemnité d’éviction est exclusivement due par la société ADC et l’indemnité d’occupation relève de la société Bassano, sans que ne puisse être invoqué l’effet relatif des contrats, lesquels sont opposables aux tiers au sens de l’article 1200 du code civil, que les conditions de la compensation n’étant pas réunies et celle-ci n’ayant pas été acceptée par le preneur, la société ADC ne peut pas déduire des rappels d’indemnité d’occupation ne lui revenant pas sur le paiement de l’indemnité d’éviction, qu’en conséquence, la cour condamnera la société ADC à payer au preneur un solde d’indemnité d’éviction de 40.873,67 euros.

Il n’est pas contesté que l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, sous le numéro RG 08/2759, en date du 25 février 2009, partiellement confirmatif du jugement du 26 juin 2007, en ce qu’il a jugé que le locataire a justifié du paiement des termes du commandement délivré le 27 mai 2005 [concernant une dette locative relative aux 1er et 2e trimestre 2005 à hauteur de 53.817,96 €] au motif que « les causes du commandement dont s’agit ont, ainsi qu’il en est justifié, été régulièrement réglées ‘ en date du 22 septembre 2005 », est revêtu de l’autorité de la chose jugée.

L’arrêt du 9 avril 2014, qui a fixé les montants respectifs de l’indemnité d’éviction due à la société Références à hauteur de la somme de 120.000 euros et de l’indemnité d’occupation due par cette dernière à la société ADC du 1er juillet 2005 (date du congé) jusqu’au 30 septembre 2010 (date du traité d’apport) puis à la société Bassano Développement à compter du 1er octobre 2010, est pareillement revêtu de l’autorité de la chose jugée.

C’est à bon droit que le tribunal de grande instance de Paris a considéré que la demande en paiement du solde de l’indemnité d’éviction formée par l’acte introductif d’instance du 28 juillet 2016 n’était pas prescrite en ce que ce droit a été définitivement reconnu par l’arrêt précité.

La société ADC est seule débitrice du paiement de l’indemnité d’éviction, conformément aux dispositions de l’article L.145-14 du code de commerce visé par le tribunal et aux termes du traité d’apport de l’immeuble à la société Bassano Développement, qui prévoit que la société ADC reste seule redevable du paiement de cette indemnité. De ce fait, le tribunal sera confirmé en ce qu’il a écarté la demande de mise hors de cause de la société ADC.

Il est constant que la société Références n’a perçu à ce jour de la société ADC que la somme de 84.126,33 euros au titre du montant de l’indemnité d’éviction.

Il est constant que les décomptes respectifs des parties concordent sur les montant suivants :

– indemnité d’occupation dues du 1er juillet 2005 au 31 juillet 2014 : 523.200 € ;

– TVA due sur les indemnité d’occupation dues du 1er juillet 2005 au 31 juillet 2014 : 102.681,60 € ;

– charges dues du 1er juillet 2005 au 31 juillet 2014 : 62.052,23 € ;

– TVA due sur les charges dues du 1er juillet 2005 au 31 juillet 2014 : 12.180,90 € ;

– avoir de la société Références à la fin du 3ème trimestre 2010 d’un montant de 108.213,75 euros au titre d’un trop-payé d’indemnité d’occupation.

La société Références conteste les deux versions des décomptes locatifs, considérant que le décompte V1 fait de nouveau apparaître un montant de 53.817,96 euros au titre d’un arriéré locatif des deux premiers trimestres 2015, en déduit que les appelantes sollicitent à nouveau le paiement de cette somme alors que cette demande serait prescrite et qu’elle ne serait destinée qu’à diminuer le montant de l’indemnité d’éviction qu’elles doivent.

Cependant, le décompte V1, qui correspond à celui annexé au procès-verbal de remise des lieux, mentionne au débit du compte locataire la somme de 53.817,96 € effectivement non réglée au 1er juillet 2005 et, au crédit, l’encaissement des loyers des 1er et 2ème trimestre 2015 et du trimestre courant au 3ème trimestre 2015 comme jugé par la cour en 2009 tel que rappelé ci-dessus, et dans le décompte V2 ne reprend la somme litigieuse ni en débit, ni en crédit.

La présentation comptable de la V1 est conforme à la réalité du décompte locatif à compter du 1er juillet 2005 et à l’historique des relations financières entre les parties. S’il y figure la somme de 53.817,96 euros effectivement due à la fin du T2 de 2005, le paiement qui en a été fait au T3 apparaît aussi, de sorte qu’il ne peut être considéré que cette somme aurait été indûment demandée deux fois par le bailleur et la société Références ne peut en réclamer ni la restitution au titre d’un trop-perçu de loyer, ni le paiement au titre du solde l’indemnité d’éviction.

Le jugement sera donc confirmé par motifs substitués en ce qu’il a rejeté la demande en paiement de la somme de 53.817,96 euros formée par la société Références.

De ce décompte V1, il ressort, d’une part, que la société ADC devait la somme de 108.213,75 euros à la société Références au jour du traité d’apport au titre d’un trop-perçu d’indemnité d’occupation, outre les sommes de 120.000 euros au titre de l’indemnité d’éviction et de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, soit au total la somme de 238.213,75 euros, d’autre part, que la société Références devait la somme de 154.087,42 euros au titre d’un arriéré d’indemnité d’occupation au 31 juillet 2014 à la société Bassano Développement.

L’accord intervenu entre les parties pour déduire le trop-payé à la société ADC de 108.213,75 euros par la société Références du solde des indemnités d’occupation dues par cette dernière à la société Bassano Développement n’est pas contesté.

C’est à bon droit que le tribunal a considéré que la société Références n’étant débitrice d’aucune somme à l’égard de la société ADC et que la compensation ne pouvant s’opérer qu’entre deux personnes qui se trouvent débitrices l’une envers l’autre, la compensation ne pouvait jouer entre les sommes dues par la société ADC à la société Références et celles éventuellement dues par cette dernière à la société Bassano Développement.

De ce fait, la société ADC restait redevable du solde de l’indemnité d’éviction due à la société Références et le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société ADC à verser la somme de la somme 40.783,67 euros à la société Références au titre du solde de l’indemnité d’éviction.

Sur l’arriéré des loyers et charges

Au soutien de ses prétentions, la société Bassano Développement fait valoir que le preneur n’a pas réglé les appels de charges de juin 2014 et de juillet 2015 et que les justificatifs des charges refacturées ont été produits au débats, conformément à l’obligation faite à la bailleresse de justifier des charges, que le tribunal a purement et simplement écarté comme non probants les décomptes de charges produits pour les années 2013 et 2014 alors qu’ils manifestaient la réalité de dettes payées par le propriétaire es-qualités et refacturables au preneur et que, de ce fait, le jugement devra être réformé.

La société Références considère les demandes injustifiées et comme devant être rejetées en ce que les rappels de charges réclamés pour les années 2013 et 2014 n’ont ni explication, ni détail pour les sommes de 1.836,10 euros et 2.814,80 euros, que, notamment, la somme pour l’année 2014 est totalement incohérente puisque les rappels de charges pour 7 mois de 2014 sont deux fois plus importants que pour toute l’année 2013.

La cour renvoie à la description détaillée faîte par le tribunal des justificatifs versés par la société Bassano Développement au soutien de ses demandes de condamnation au titre d’un arriéré de charges pour les années 2013 et 2014 et adopte les motifs pertinents du tribunal qui a relevé des incohérences entre les montants figurant sur les factures relatives aux taxes ménagères et foncières avec les montants repris sur le décompte locataire pour en déduire que les dettes alléguées n’étaient pas justifiées.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur le dépôt de garantie et les réparations locatives

Au soutien de ses prétentions, la société Bassano Développement rappelle qu’aux termes du paragraphe A et du paragraphe C point 15 du bail, le preneur était tenu de procéder aux travaux de remise en état même résultant de la vétusté ou de l’usure et de rendre les locaux en fin de bail en bon état d’entretien et de réparation de toute nature, que le tribunal procédant par affirmation n’a pas tiré les conséquences des constatations faîtes, dénaturant ainsi les obligations du preneur, considéré sans motif le devis présenté comme excessif et ajouté aux textes et au bail en exigeant comme préalable à leur remboursement qu’ils soient réalisés.

La société Références s’oppose à la demande sur le fondement du procès-verbal de constat d’état des lieux qui a établi que le preneur a rempli son obligation d’entretien et de réparation prévue au bail, à la différence du bailleur qui n’a pas restitué le dépôt de garantie d’un montant de 19.097,44 euros, ce qu’elle sollicite.

Il ressort des constats opérés aux termes du procès-verbal de constat établi contradictoirement le 31 juillet 2014 s’agissant, notamment, de la salle de conférence/réception qu’elle est « en bon état général ou en état d’usage s’agissant du sol, des revêtements muraux, des rideaux, des baies coulissantes, de l’éclairage, des équipements notamment des hauts-parleurs, du plafond exceptée la présence d’auréoles de type infiltration sur sept dalles du faux plafond, de l’ameublement ; qu’il est relevé quelques coups et traces noires par endroit sur les panneaux de bois du mur….et l’existence de deux reprises au niveau de la plinthe sous deux miroirs… ».

Il ressort du devis n°126672 en date du 17/09/2014 que sont chiffrés des travaux et peinture et de nettoyage des moquettes de la salle de réception, mais aussi de maçonnerie concernant les plinthes.

Au regard de ces constats, la société Références sera condamnée au paiement de la remise en état des plinthes et le jugement entrepris sera infirmé partiellement sur ce point.

Il sera donc fait partiellement droit à la demande de la société Bassano Développement de condamnation de la société Références à supporter les travaux de réparation locative s’agissant des travaux de menuiserie à hauteur de 8.650 € H.T, soit 9.255,50 € TTC et la société Bassano Développement sera condamnée à restituer le reliquat du dépôt de garantie à la société Références.

Sur la procédure abusive

La société Bassano Développement soutient, d’une part, que le preneur a introduit la procédure au motif d’une prescription inapplicable et en dissimulant les arriérés de loyers, que, compte tenu de sa mauvaise foi, la cour le condamnera à payer aux bailleresses 10.000 euros chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et, d’autre part, que la demande indemnitaire formée par le preneur sera déclarée irrecevable, comme formée en violation de l’article 564 du code de procédure civile puisqu’elle est nouvelle en cause d’appel.

La société Références rappelle que les bailleresses ont été condamnées en 1ère instance et ont interjeté appel de la décision, que leurs demandes infondées ont été nuisibles au preneur, qui est légitime à solliciter le rejet de leur prétention et à formuler, reconventionnellement une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

C’est à bon droit que le tribunal a rappelé que l’exercice d’une action en justice est, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol.

En l’espèce, l’exercice de leur droit d’appel par les société ADC et Bassano Développement était légitime, ayant partiellement prospéré, ainsi que l’appel incident introduit par la société Références.

Les demandes à ce titre seront donc rejetées.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné les sociétés ADC et Bassano Développement à payer chacune la somme de 4.000 euros à la société Références au tire des frais irrépétibles.

Chaque partie succombant partiellement en ses demandes conservera la charge de ses propres dépens d’appel ainsi que la charge des ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS 

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 juillet 2019 sous le numéro de RG 16/12068 sauf en ce qu’il a rejeté la demande de la société Bassano Développement au titre des réparations locatives et en ce qu’il a condamné les sociétés ADC et Bassano Développement à payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Références à payer à la société Bassano Développement la somme de 8.650 euros H.T, soit 9.255,50 € TTC au titre des réparations locatives ;

Condamne la société Bassano Développement à restituer le reliquat du dépôt de garantie à la société Références, soit la somme de 7.841,94 euros au titre du reliquat du dépôt de garantie ;

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens d’appel qu’elle a exposés.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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