Indemnité d’éviction : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03198

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Indemnité d’éviction : 31 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03198
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31 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/03198

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 31 MAI 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03198 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPMV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2020 -Tribunal Judiciaire d’Evry – RG n° 17/04608

APPELANTE

Société civile RIVOLI AVENIR PATRIMOINE SCPCI immatriculée au RCS de Paris sous le n° D 440 388 411, dont le siège socia est situé [Adresse 5] représentée par la Société AMUNDI IMMOBILIER, SA, elle-même représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Substituée par Me Alizée SERIN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 610

INTIMEE

SA TAPIS SAINT MACLOU immatriculée au RCS de Lille sous le n° B 470 500 943 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

Représentée par Me Frédéric PLANCKEEL de la SELEURL FRÉDÉRIC PLANCKEEL AVOCAT, avocat au barreau de LILLE, toque : 0261, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Mars 2023, en audience publique, devant Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et Madame Marie GIROUSSE, Conseillère, rapport ayant été fait par Madame Nathalie RECOULES, conformément aux articles 804, 805 et 907 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

Monsieur Douglas BERTHE, Conseiller

Madame Marie GIROUSSE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre, et par Mme Laurène BLANCO, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

Faits et procédure

Par acte sous seing privé du 1er juillet 1980, la SCI Des Entrepôts de Sainte Geneviève des Bois (ci-après, la société « Entrepôts de Ste. Geneviève »), aux droits de laquelle se trouve la société civile de placement collectif immobilier, Rivoli Avenir Patrimoine (ci-après, la société « Rivoli »), a consenti un premier bail commercial à la société Tapis Saint Maclou d’une durée neuf années entières et consécutives à compter du 1er juin 1980, portant sur divers locaux (cellule numéro 300 A) dépendant d’un ensemble immobilier situé [Adresse 1]), d’une superficie de 1.150 m2 (entrepôts), 126 m2 (bureaux) et 6 emplacements de stationnement n°49 à n°54.

Ce bail a été renouvelé une première fois par acte du 20 décembre 1989, puis un second renouvellement est intervenu le 16 mai 2001 pour la période du 1er juillet 1999 au 30 juin 2008.

Par acte du 5 novembre 2010, la société Tapis Saint Maclou a sollicité le renouvellement du bail auprès de la société Rivoli. Faute de réponse, le bail s’est renouvelé par l’effet de la loi à compter du 1er janvier 2011 pour une durée pour expirer le 31 décembre 2020.

Par acte du 12 janvier 1993, la société Entrepôts de Ste. Geneviève, aux droits de laquelle se trouve la société Rivoli a consenti un second bail commercial à la société Tapis Saint Maclou à compter du 1er janvier 1993, portant sur divers locaux (cellule numéro 200 D) dépendant de la même localité, d’une superficie de 898 m2 outre 4 parkings.

Le second bail a été renouvelé par acte des 20 et 22 juillet 2004, pour une durée de neuf ans commençant à courir le 1er avril 2003 pour se terminer le 31 mars 2012.

Par acte du 28 février 2012, la société Tapis Saint Maclou a demandé le renouvellement du bail portant sur la cellule 200D correspondant au bail du 12 janvier 1993 renouvelé les 20 et 22 juillet 2012.

Par acte extra judiciaire du 25 mai 2012, la société Rivoli a refusé le renouvellement du bail, offrant de payer au locataire l’indemnité d’éviction à laquelle celui-ci a droit.

Par acte d’huissier délivré le 25 avril 2013, la société Tapis Saint Maclou a fait assigner la société Rivoli devant le tribunal de grande instance d’Évry afin de voir ordonner une expertise et pour faire de constater qu’elle a droit à une indemnité d’occupation à apprécier par rapport à l’ensemble des locaux occupés.

Par acte du 23 janvier 2014, la société Tapis Saint Maclou a conclu un nouveau bail avec la société Plecir pour une durée de 9 ans à compter de la délivrance des locaux prévue entre le 1er juin et le 1er juillet 2014.

Par acte extrajudiciaire du 23 juin 2014, la société Tapis Saint Maclou a donné congé du bail signé le 1er juillet 1980 pour le 31 décembre 2014.

Le local 200D correspondant au bail du 12 janvier 1993 a été repris par le bailleur le 18 juillet 2014.

Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande instance d’Évry a, notamment, dit que l’indemnité d’éviction due par la société Rivoli Avenir Patrimoine à la société Tapis Saint Maclou doit être appréciée par rapport à l’ensemble des locaux occupés et afférents tant au bail du 1er juillet 1980 (local 300A) qu’à celui du 12 janvier 1993 (local 200D) et ordonné une expertise aux fins d’évaluation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation dues respectivement par chacune des parties et désigné M. [E] [M] en qualité d’expert.

La société Rivoli Avenir Patrimoine a interjeté appel du jugement, lequel a été intégralement confirmé par rendu le 11 avril 2018 par la cour d’appel de Paris.

M. [M] a déposé son rapport le 24 février 2017.

Après conclusions de reprise d’instance après expertise, le tribunal a ordonné, par ordonnance du 31 juillet 2017, le rétablissement au rôle de la procédure sous le numéro 17/04608.

Par jugement en date du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire d’Evry-Courcouronnes a, notamment, fixé à la somme de 1.928.311,13 euros le montant de l’indemnité d’éviction due et condamné la société Rivoli Avenir Patrimoine à payer à la société Tapis Saint Maclou cette somme au titre du congé à effet au 18 juillet 2014, condamné la société Tapis Saint Maclou à payer à la société Rivoli Avenir Patrimoine une indemnité d’occupation annuelle de 117.450 euros sur la période du 1er avril 2012 au 18 juillet 2014, dit que ces créances respectives pourront donner lieu à compensation et ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration en date du 11 février 2020, la société Rivoli Avenir Patrimoine a interjeté appel total du jugement du 16 janvier 2020.

Moyens et prétentions

Dans les conclusions déposées le 8 octobre 2020, la société Rivoli Avenir Patrimoine, appelante, demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 16 janvier 2020 en toutes dispositions ;

Statuant à nouveau,

– fixer l’indemnité d’éviction principale due à la société Tapis Saint Maclou à la somme de 311.700 euros ;

-fixer les indemnités accessoires dues à la société Tapis Saint Maclou comme suit :

* frais de déménagement : 1.710 euros ;

* frais de réinstallation : 254.111 euros ;

* frais de publicité : 59.686,08 euros

* indemnité de double loyer : 55.651,85 euros ;

* frais administratifs :152,20 euros ;

Subsidiairement,

– fixer l’indemnité d’éviction principale due à la société Tapis Saint Maclou à la somme de 1.170.000 euros selon l’estimation de M. [M] dans l’hypothèse du déplafonnement du bail n°2 ;

– fixer les indemnités accessoires dues à la société Tapis Saint Maclou comme suit :

* frais de déménagement : 1.710 euros ;

* frais de réinstallation : 254.111 euros ;

* frais de publicité : 59.686,08 euros ;

* indemnité de double loyer : 55.651,85 euros ;

* frais administratifs :152,20 euros ;

– fixer l’indemnité d’occupation due par la société Tapis Saint Maclou à compter du 1er avril 2012 à la somme de 130.500 euros/an HT et HC, et ce jusqu’au 31 juillet 2014, date de libération des lieux ;

– débouter la société Tapis Saint Maclou de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société Tapis Saint Maclou au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction, pour ceux-là concernant au profit de Me Patricia Hardouin ‘ SELARL 2H Avocats et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société Rivoli Avenir Patrimoine fait valoir :

Sur le défaut partiel de motivation du jugement du 16 janvier 2020 : que la bailleresse a fait part de ses observations orales concernant la méthode d’évaluation de l’indemnité d’éviction retenue par l’expert, qui n’ont pas été reprises et, qu’en toute hypothèse, les critiques formulées dans le cadre de la présente instance sont débattues contradictoirement ;

Sur l’indemnité d’éviction :

– Sur l’indemnité d’éviction principale : qu’en vertu de l’article L.145-14 du code de commerce, le propriétaire peut faire la preuve que le préjudice causé par le défaut de renouvellement est moindre que celui correspondant à la perte du fonds ; qu’en l’espèce, la société Tapis Saint Maclou a emménagé dans de nouveaux locaux situés dans le même centre commercial à quelques centaines de mètres, avant même le déroulement de l’expertise ; que l’expert a considéré à juste titre que l’indemnité d’éviction correspondait à l’indemnité de transfert égale à la valeur du droit au bail ; que celle-ci correspond au différentiel existant entre le loyer de renouvellement des deux baux et le loyer acquitté pour les nouveaux locaux ; qu’ainsi l’indemnité d’éviction correspond au préjudice effectivement subi et non à un préjudice théorique tel qu’évalué par l’expert  ;

– Sur l’estimation de l’indemnité d’éviction calculée sur le transfert de l’activité : que le bail n°1 renouvelé le 1er janvier 2011 avait un loyer de 84.038,24 euros/an HT et HC pour 1.181 m2 P ; que l’expert considère que la modification notable des facteurs locaux de commercialité aurait pu justifier le déplafonnement du loyer du bail n°2 objet de l’éviction et porter la valeur locative à 130.500 euros/an HT et HC ; qu’ainsi, si le preneur avait bénéficié du renouvellement des deux baux dont elle était titulaire, elle aurait dû acquitter un loyer total égal à 214.538 euros/an HT et HC (84.038 euros/an HT et HC pour bail n°1 + 130.500 euros/an HT et HC pour bail n°2) ; que selon le rapport de l’expert, les nouveaux locaux pris à bail par le preneur dont la surface pondérée est de 1.351,22 m2 ont un loyer de 266.488 euros/an HT et HC ; que dans ces conditions, le différentiel annuel du loyer ressort à 266.488 euros ‘ 24.538 euros = 51.950 euros/an, en retenant le coefficient d’emplacement de 6, la valeur du droit au bail ressort à 51.950 euros x 6 = 311.700 euros correspondant à l’évaluation de l’indemnité d’éviction principale ;

– dans l’hypothèse où la cour retiendrait la méthode d’évaluation de l’indemnité d’éviction proposée par l’expert et sollicitée par le preneur, le déplafonnement du bail n°2 (local 200D) étudié par l’expert doit être retenu compte-tenu de la modification des facteurs locaux de commercialité au cours du bail échu au 1er avril 2012 laquelle est justifié par l’implantation de 37 nouveaux magasins sur la zone au cours de la durée du bail n°2 ; qu’il y a lieu d’apprécier la zone commerciale dans son ensemble et la distance qui sépare les locaux litigieux des locaux de transfert est d’environ 300 mètres, reliés par des voies accessibles à tout véhicule automobile, chaque magasin disposant en outre d’emplacements de stationnement suffisants pour sa clientèle ;

Sur l’indemnité d’occupation : que le preneur est redevable d’une indemnité d’occupation pour la période courant du 1er avril 2012 jusqu’à la date de son départ effectif soit le 18 juillet 2014 ; que cette indemnité d’occupation ne concerne que le local du bail n°2 (local 200D) et doit être calculée en application de l’article L.145-28 du code de commerce ; que le calcul retenu par l’expert, sur la valeur locative à la somme de 126.000 euros, est erroné puisque la valeur locative du bail n°2 selon le rapport est de 145 euros x 900m2 P = 130.000 euros/an ;

Sur l’abattement de précarité : que la somme de 113.400 euros/an au titre d’un abattement de précarité de 10 % appliqué par l’expert, n’est pas justifié ; puisque le preneur a pu se reloger à proximité des locaux litigieux et a choisi la date de son transfert dans les nouveaux locaux ; qu’ainsi il ne peut prétendre à aucune indemnité pour précarité ;

Sur l’indemnité d’occupation : que, compte tenu des observations qui précèdent le preneur est redevable d’une indemnité d’occupation égale à 130.500 euros/an HT et HC depuis 01/04/2012 jusqu’au 31/07/2014, date de libération des lieux.

Dans ses conclusions déposées le 8 décembre 2020, la société Tapis Saint Maclou, intimée, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d’Evry-Courcouronnes le 16 janvier 2020 ;

Et statuant à nouveau :

– fixer l’indemnité d’éviction due à la société Tapis Saint Maclou à la somme de 2.472.524,90 euros ;

– condamner la société Rivoli Avenir Patrimoine à payer à la société Tapis Saint Maclou la somme de 2.472.524,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;

– fixer l’indemnité d’occupation due à la société Rivoli Avenir Patrimoine à la somme de 100.800 euros par an ;

– débouter la société Rivoli Avenir Patrimoine de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

– condamner la société Rivoli Avenir Patrimoine à payer à la société Tapis Saint Maclou une indemnité de 20.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Au soutien de ses prétentions, la société Tapis Saint Maclou expose :

Sur le défaut partiel de motivation du jugement du 16 janvier 2020 : que le tribunal a écarté les critiques formulées par les deux parties contre le rapport d’expertise, cependant, conformément à l’article 276 al.3 du code de procédure civile, les parties doivent soumettre à l’expert judiciaire les critiques visant son pré-rapport et, en l’espèce, la bailleresse n’a envoyé aucun dire à l’expert concernant la méthode d’estimation de l’indemnité d’éviction ; que, contrairement à ce que le tribunal affirme, les dires n’ont pas à être versés aux débats en ce qu’ils sont annexés au rapport d’expertise;

Sur l’indemnité d’éviction : qu’au visa de l’article L.145-14 al.2 du code de commerce, il est définitivement jugé que l’indemnité d’éviction doit être appréciée par rapport à l’ensemble des locaux occupés et afférents tant au bail du 1er juillet 1980 (local 300A) qu’à celui du 12 janvier 1993 (local 200D) et il n’est pas contesté que le preneur n’ayant pas perdu son fonds de commerce, l’indemnité d’éviction doit réparer le préjudice causé tant par la perte des avantages découlant des deux baux que du transfert en lui-même, ce qui inclut d’abord, l’indemnité principale tenant à la valeur des deux baux et ensuite, les indemnités accessoires découlant du transfert du magasin ;

L’indemnité principale représentant la valeur des deux baux perdus : l’expert a apprécié la valeur des deux baux délaissés du fait de l’éviction en appliquant à juste titre la méthode du différentiel de loyers à chaque bail entre le loyer qui aurait été fixé en cas de renouvellement et la valeur locative de marché, puis capitalisé ce différentiel en le multipliant par un coefficient tenant compte de la commercialité de l’emplacement ; que cette méthode n’a pas été contestée par les parties ; que, dans le cadre du calcul du différentiel de renouvellement des deux baux perdus, l’expert a écarté l’éventualité d’un déplafonnement pour le bail n°1 (local 300A) mais a ensuite proposé deux estimations pour le local 200D selon que le loyer de renouvellement serait ou non déplafonné ; que l’expert a estimé la valeur locative de marché à 197 euros/m2P, en retenant un coefficient d’emplacement de 6 ;

Sur l’hypothèse d’un déplafonnement pour modification notable des facteurs locaux de commercialité : que le tribunal a écarté l’hypothèse d’un déplafonnement du loyer de renouvellement qui n’a jamais été soulevée par la bailleresse et ce qu’elle ne fait que très tardivement dans ses conclusions d’appel n°2 notifiées le 8 octobre 2020 ; que cette prétendue modification des facteurs locaux de commercialité n’est en effet, ni notable en ce que l’expert relève un léger développement du centre commercial en périphérie, de surcroît au sud/ouest, soit à l’opposé de l’implantation du preneur et que ce développement de la zone commerciale à relativiser traduit ainsi un développement normal de ce type d’implantation ; que cette évolution n’était même pas mentionnée par les propres experts de la bailleresse, ni favorable au commerce considéré en ce l’expert a retenu un intérêt en réalité indirect de l’arrivée des nouvelles enseignes pour le commerce considéré au regard de leur éloignement ‘ un kilomètre de distance obligeant de traverser toute la zone en voiture – et que le développement se fait dans la partie sud au détriment de la partie nord dans laquelle se situent les locaux évincés ;

Sur le calcul de la bailleresse consistant à comparer en valeur absolue les loyers des deux anciens baux au loyer du bail de transfert de 2014 : que la bailleresse n’a pas soumis la méthode de calcul qu’elle retient sur la base du différentiel entre valeur locative de renouvellement plafonnée pour le second bail et la valeur des nouveaux locaux pris à bail à l’expert judiciaire et n’a émis aucune critique sur le mode de calcul de ce dernier, aucun dire n’ayant été adressé par la bailleresse suite à la diffusion du pré-rapport ; qu’en toute hypothèse, ce mode de calcul ne peut qu’être écarté puisqu’il consiste à comparer des locaux qui ne sont pas équivalents ; qu’à cet égard, le prétendu « préjudice effectivement subi » de la bailleresse occulte la perte de surface locative subie par le preneur générant un chiffre d’affaires plus élevé et que ces deux baux présentaient une valeur patrimoniale plus élevée et susceptible d’être négociée dans le cadre d’une cession, avantage dont a été privée le preneur du fait de l’éviction ; que le jugement du 12 mai 2016 et l’arrêt du 11 avril 2018 ont déjà consacré l’absence d’équivalence des locaux objet de l’éviction et des locaux dans lesquels le fonds a été transféré ;

Sur la valeur locative de marché : que l’expert a évalué locative de marché sur la base d’un prix unitaire de 197 euros/m2 P ; que cette appréciation encourt la critique au vu tant la définition de la valeur locative de marché que de la liste des références en ce que l’expert a retenu des valeurs locatives sans pas de porte sans s’en expliquer et contrairement aux usages ; que selon l’expert amiable de la bailleresse, l’acceptation des droits d’entrée et prix de cession est l’un des facteurs expliquant l’écart entre la valeur locative de marché et la valeur locative judiciaire et en ce que deux des termes de comparaison retenus ne correspondent pas à des nouvelles locations et pour les autres l’expert n’a pas indiqué si les baux avaient été conclus avec paiement d’un droit d’entrée ou d’un prix de cession ; qu’en outre, l’expert s’est uniquement fondé sur le nouveau bail du preneur retenu pour un montant de 197 euros/m2P, soit exactement le montant de son estimation, alors que le bail a été conclu pour une durée ferme de 6 ans, minorant le loyer, et les locaux bénéficient d’une moindre visibilité par rapport aux locaux expertisés ; que la zone d’implantation des locaux expertisés est portée par le magasin Leroy Merlin, véritable locomotive surtout pour une enseigne d’équipement de la maison comme Tapis Saint Maclou ; qu’ils bénéficient d’une visibilité exceptionnelle et d’une grande commodité d’accès à la Francilienne, qui justifient une valeur locative de marché aussi élevée que dans le c’ur de la zone ; que les rapports Schneider International produit retiennent une valeur locative de marché de 240 euros/m²P établie sur la base de 5 références écartées par l’expert au motif de l’absence de mention du loyer d’origine, d’indication de la localisation et de la pondération ; qu’en cours d’expertise, les autres références communiquées confortant l’estimation du rapport du cabinet Schneider International et démontrant que la valeur locative de marché ne culmine pas seulement dans le c’ur de la zone et que l’emplacement de l’ancien magasin du preneur bénéficie d’une visibilité exceptionnelle et donne sur le principal accès de la zone commerciale ; que le nouveau bail de Tapis Saint Maclou à effet du 1er octobre 2018 a été signé pour une durée de 12 ans, dont 6 ans ferme, moyennant un loyer annuel de 330.000 euros HT/ HC, une surface utile de 1421,10 m2P, et le surface pondérée totale 1.229,93 m2P, soit un prix unitaire de 268,31euros/m2P ; que si cette référence est hors période, elle corrobore les nombreuses références citées, rien ne laissant penser que le marché aurait substantiellement évolué à la hausse depuis juillet 2014 ; qu’ainsi il est demandé à la cour de calculer la valeur locative de marché sur la base d’un prix unitaire de 240 euros/m²P ; que la valeur locative de marché s’élève donc aux montants suivants :

– bail n° 1 (local 300A) : 240 euros/m² X 1.181 m² = 283.440 euros/an 

– bail n° 2 (local 200D) : 240 euros/m² X 900 m² = 216.000 euros/an

– Sur le calcul de la valeur des deux baux perdus : elle doit être calculée sur les bases suivantes :

Bail n° 1 (local 300A)

– Loyer de renouvellement prescrit : 84.038,24 euros/an

– Valeur locative de marché : 283.440 euros/an

– Différentiel : 199.401,76 euros/an

– Coefficient de situation : 6

– Soit 199 401,76 X 6 = 1.196 410,50 euros

Bail n° 2 (local 200D) 

– Loyer de renouvellement plafonné : 65.199,43 euros/an

– Valeur locative de marché : 216.000 euros/an

– Différentiel : 150.800,57 euros/an

– Coefficient de situation : 6  

– Soit 150 800,57 X 6 = 904.803,42 euros

L’indemnité principale s’élève donc à la somme de 2.101.213,90 euros.

Sur l’indemnité d’occupation:

qu’en application de l’article L.145-28 du code de commerce, le preneur est redevable d’une indemnité d’occupation pour la période du 01/04/2012 au 18//07/2014, date de son départ effectif ; que cette indemnité d’occupation ne concerne que le local 200D (bail n°2), objet de l’éviction ; que l’indemnité d’occupation doit être calculée sur la base de la valeur locative de renouvellement, déduction faite d’un abattement de précarité ; que l’abattement de 10 % appliqué par l’expert est un standard usuelle, en absence de circonstance particulière aggravant la précarité inhérent à l’éviction ; qu’en revanche, le preneur justifie de conditions d’exploitation particulièrement difficiles entre la date du congé et la date de son transfert ; qu’avant de quitter les locaux litigieux, le preneur a subi une baisse de fréquentation de 27 % « essentiellement imputable à la situation dans laquelle la société RAP a laissé le site » ; qu’ainsi, il serait plus adéquat d’appliquer un abattement de précarité de 20 %, soit une indemnité d’occupation de 126.000 euros x 0,80 = 100.800 euros/an ; que le tribunal a retenu l’abattement de précarité de 10 % sans explication des circonstances particulières ; qu’il appartiendra à la cour de se prononcer sur ce point ; qu’en l’espèce, entre le refus de nouvellement signifié le 25 mai 2012 et le transfert du fonds se sont écoulés presque deux années (nouveau bail en janvier 2014), le preneur est demeurée à l’éviction, excluant tout investissement dans son fonds ; qu’ainsi, la précarité de l’occupation antérieure et le comportement opportuniste de la bailleresse justifient une majoration de l’abattement de précarité à 20 % ; que, s’agissant de la condamnation à payer la totalité de l’indemnité d’occupation annuelle, le tribunal a omis le fait que le preneur a réglé une indemnité d’occupation provisionnelle sur la période du 1er avril 2012 au 18 juillet 2014, en confondant la fixation de l’indemnité d’occupation annuelle et la condamnation du preneur à payer le rappel d’indemnité d’occupation dû sur la base de la différence entre les indemnités versées à titre provisionnel et les indemnités fixées par le tribunal ; qu’en conséquence, la cour est exclusivement saisie d’une demande de fixation de l’indemnité d’occupation et ne pourra pas confirmer la condamnation prononcée par le tribunal.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux conclusions déposées.

Décision

Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir ‘constater’ ou de ‘juger’, lorsqu’elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.

Sur l’indemnité d’éviction :

Aux termes de l’article L.145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. L’indemnité d’éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Ni l’appelante, ni l’intimée ne conteste qu’il est définitivement jugé que l’indemnité d’éviction doit être appréciée par rapport à l’ensemble des locaux pris à bail les 1er juillet 1980 (local 300A) et 12 janvier 1993 (200D).

Il est en outre constant que la société Tapis Saint Maclou n’a pas perdu son fonds de commerce, lequel a été déplacé dans une autre zone du centre commercial et les parties s’accordent sur le fait que l’indemnité d’éviction doit s’apprécier en fonction de son transfert, inclure les pertes subies du fait de ce dernier et les frais de réinstallation.

Contrairement à ce que soutient le bailleur, dans l’hypothèse d’un transfert d’activité et, en absence de perte de valeur du fonds de commerce, l’indemnité d’éviction reste due à hauteur de la perte de valeur du droit au bail des locaux évincés, élément d’actif du fonds de commerce, qui constitue un préjudice indemnisable pour le locataire.

Ainsi, c’est à bon droit que le tribunal a retenu que la valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d’usage d’appliquer un coefficient de situation en fonction de l’attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux.

Concernant la valeur du loyer si le bail avait été renouvelé, l’expert a étudié l’hypothèse d’un déplafonnement du second bail qui, selon lui, aurait pu être soutenable en cas de renouvellement en raison de la modification des facteurs de commercialité.

Comme le relève le preneur, l’arrivée des 37 nouvelles enseignes sur la période de référence, dont 12 relevaient du secteur de l’équipement de la maison, s’est faite sur la zone sud/est de la zone commerciale soit à l’opposé des locaux évincés mais surtout il n’a pas été démontré qu’elles étaient de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale exercée par le preneur, l’expert ayant conclu à de potentiels renforcement de l’attractivité de la zone et accroissement de la fréquentation de la clientèle profitable à l’ensemble des commerces du site sans que ne soit caractérisé l’impact effectif pour le preneur.

Enfin, le tribunal a justement relevé qu’aucune action en déplafonnement des loyers n’avait jamais été entreprise de sorte qu’il a, à bon droit, retenu la seule hypothèse basée sur un loyer plafonné.

Contrairement à ce que soutient le preneur, le tribunal a justement relevé que l’expert a pris soin de répondre aux dires relatifs aux propositions de références formulés par le bailleur et le preneur, même après dépôt du pré-rapport et qu’il a écarté les références proposées en ce que les enseignes concernées sont situées sur les meilleurs emplacements historiques de la zone commerciale, jouissant d’une dynamique d’attractivité des chalands ([Adresse 7] et [Adresse 6]).

Par ailleurs, il y a une contradiction du preneur à plaider contre le déplafonnement du second bail et, dans le même temps, à solliciter que les références récentes à la hausse de cette zone soient prises en considération au regard de son attractivité équivalente à la zone historique, position que l’expert a réfuté mettant en lumière un niveau d’achalandage inférieur à la zone historique.

Le pas de porte n’a à être intégré que s’il est démontré qu’il s’agit d’un complément de loyer destiné à garantir le propriétaire contre les augmentations de loyer non coordonnées à la valeur locative réelle de ses locaux, ce qui n’est pas démontré en l’espèce. En outre, le prix de cession n’est que la somme que le locataire est prêt à dépenser pour obtenir un emplacement de choix au sein d’un centre commercial, dont il attend un retour sur investissement, décorellée du prix du bail.

Enfin, comme rappelé par le tribunal, la valeur du fond s’apprécie au jour de l’éviction. En retenant les références citées tant par les parties que par l’expert, pour de nouveaux baux conclus entre 2012 et 2014, période de référence, hors bail conclu par l’intimée et hors restauration, la valeur locative par m²P se situe dans une fourchette allant de 147 €/m²P concernant les locaux pris à bail par Go Sport à 250 €/m²P concernant les locaux pris à bail par Jacqueline Riu.

C’est par motifs pertinent que le tribunal a retenu la valeur de 197 €/m²P proposée par l’expert en considération de l’emplacement des locaux bénéficiant de la bretelle d’accès n°40 la plus fréquentée, mais à l’écart des enseignes locomotives, de la destination de commerce d’équipement de maison, des charges exorbitantes supportées par le preneur partiellement compensées par la faculté de sous-location limitée aux bureaux et des prix constatés dans la zone commerciale concernée.

Aussi c’est par motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a calculé la valeur de marché sur cette base des locaux du bail 1 (197 x 1181 m²P = 232.657€) et du bail 2 (197 x 900m²P = 177.300 €), dont il a déduit le loyer indiciaire de chacun des baux (respectivement 84.038 € et 66.062 €), puis appliqué le coefficient d’emplacement de 6 non discuté par les parties pour aboutir à des valeurs arrondies du droit au bail respectivement de 890.000 € HT HC [(232.657 ‘ 84.038) * 6] et 667.000 € HT HC [( 177.300 ‘ 66.062) * 6] et donc à une indemnité principale de 1.557.000 euros.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le montant des indemnités accessoires, lequel n’est pas contesté, portant le montant de l’indemnité d’éviction à la somme totale de 1.928.311,13 euros.

Sur l’indemnité d’occupation :

Il est constant que la société Tapis Saint Maclou est redevable d’une indemnité d’occupation pour la période courant du 1er avril 2012 au 18 juillet 2014 date effective de son départ des locaux.

Comme relevé par le tribunal, l’expert a évalué cette indemnité sur la base d’une valeur locative déplafonnée, ce qui n’est pas contesté par les parties, en retenant un chiffre moyen de 145 €/m²P, et non 140€/m²P comme mentionné par erreur dans son calcul, soit 130.500 €/an auquel il a appliqué un coefficient de précarité de 10% discuté par la société Tapis Saint Maclou.

Le preneur conteste le coefficient de précarité de 10 % appliqué par l’expert et confirmé par le tribunal. Toutefois, il ne peut être imputé au bailleur la responsabilité ni de l’installation de gens du voyage sur les parking du centre commercial, situation gérée par la mairie, ni de la baisse de fréquentation du site, attestée sur 2013 mais qui révèle une tendance identique sur l’ensemble de la région France Est. En outre, la société tapis Saint Maclou ne justifie pas des contraintes particulières ayant pesées pendant la période d’incertitude qui a suivi le congé avant la nouvelle prise à bail.

Le jugement sera confirmée en ce qu’il a fixé de le montant de l’indemnité d’occupation annuelle à devoir par la société Tapis Saint Maclou sur la période du 1er avril 2012 au 18 juillet 2014, date de reprise des locaux par le bailleur, à la somme de 117.450 euros mais infirmé en ce qu’il a prononcé condamnation de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Chaque parties succombant partiellement en ses demandes, elles supporteront la charge de leurs propres dépens et il n’y aura lieu à faire droit aux demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS 

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 janvier 2020 sous le numéro de RG 17/4608 sauf en ce qu’il a condamné la société Tapis Saint Maclou à payer à la SPCCI Rivoli Avenir Patrimoine une indemnité d’occupation annuelle de cent dix sept mille quatre cent cinquante euros sur la période du 1er avril 2012 au 18 juillet 2014 ;

Statuant de nouveau,

Fixe le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Tapis Saint Maclou à la SPCCI Rivoli Avenir Patrimoine à la somme de cent dix sept mille quatre cent cinquante euros (117.450 €) HT HC par an sur la période du 1eravril 2012 au 18 juillet 2014 ;

Y ajoutant ;

Rejette les demande au titre des frais irrépétibles ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu’elle a exposés.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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