Indemnité d’éviction : 31 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00989

·

·

Indemnité d’éviction : 31 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/00989
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

31 mai 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
20/00989

ARRÊT n°23/00312

31 mai 2023

——————————

N° RG 20/00989 –

N° Portalis DBVS-V-B7E-FJDH

——————————

Conseil de Prud’hommes de NANCY

Décision du 21 octobre 2015

Cour d’Appel de NANCY

Arrêt du 13 décembre 2017

Cour de cassation

Arrêt du 27 mai 2020

————————-

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRÊT DU

Trente et un mai deux mille vingt trois

DEMANDEURS À LA REPRISE D’INSTANCE :

Monsieur [N] [U]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 5]

Monsieur [K] [H]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Monsieur [V] [C]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Monsieur [W] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDERESSE À LA REPRISE D’INSTANCE :

S.A.S. FIDUCIAL PRIVATE SECURITY prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Claudine THOMAS, avocat au barreau d’ANGERS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [N] [U], M. [K] [H], M. [V] [C] et M. [W] [M] travaillaient tous comme agents de sécurité, M. [M] en qualité de chef d’équipe, pour le compte de la société Triomphe Sécurité au sein du centre commercial Saint Sébastien à [Localité 9].

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

La société Triomphe Sécurité ayant perdu le marché, la SAS Fiducial Private Security, société entrante, a informé chaque salarié du transfert en son sein de son contrat de travail à compter du 1er juillet 2015, pour ensuite lui soumettre un contrat de travail prévoyant une clause de mobilité sur les départements 67, 68, 90 et 25, que les salariés ont refusé par courrier type du 29 ou 30 juin 2015, demandant en priorité leur affectation sur la Région Lorraine et plus précisément sur le site de Saint Sébastien à [Localité 9].

De même, les salariés ont refusé le planning de travail proposé par la société entrante, qui prévoyait leur affectation à des postes au sein de la [Adresse 10] à [Localité 12].

Après une action en référé ayant donné lieu à une ordonnance du 24 août 2015 qui a estimé que le litige relevait des juges du fond, les salariés ont saisi le 28 août 2015, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Nancy en la forme des référés pour demander à titre principal que soit ordonnée sous astreinte la poursuite de leur contrat de travail à compter du 1er juillet 2015 avec la SAS Fiducial Private Security dans les conditions contractuelles en cours et la reprise du versement de leur salaire.

Par jugements du 21 octobre 2015, le bureau de jugement a renvoyé les salariés devant le bureau de conciliation, estimant qu’il n’y avait lieu à référé, puis par jugements du 23 novembre 2016, le conseil de prud’hommes a, pour chacun des salariés :

– ordonné la poursuite du contrat de travail à compter du 1er juillet 2015 sous astreinte de 50 euros passé le délai de huit jours à compter du jugement ;

– ordonné le paiement du salaire à compter de cette date sous la même astreinte, un montant étant alloué selon le dernier état des conclusions du salarié,

– ordonné la remise des bulletins de salaire sous astreinte de 30 euros par jour de retard,

– débouté chaque salarié de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail,

– condamné la SAS Fiducial Private Security aux dépens de l’instance et à payer une somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêts en date du 13 décembre 2017, sur appel de la SAS Fiducial Private Security, la chambre sociale de la cour d’appel de Nancy a confirmé ce jugement sur le débouté de la demande de dommages et intérêts et l’a infirmé sur le surplus, déboutant chaque salarié de ses demandes et le condamnant aux dépens de première instance et d’appel.

Sur pourvois des quatre salariés, joints deux par deux ([M] et [U], [H] et [C]), la Cour de Cassation a, par deux décisions du 27 mai 2020, cassé et annulé ces arrêts en toutes leurs dispositions et renvoyé l’affaire et les parties devant la cour d’appel de céans, aux motifs suivants :

« Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts retiennent d’abord qu’il ressort des dispositions de l’article 3.1.1 de l’avenant du 28 janvier 2011 que l’entreprise entrante lorsqu’elle propose au salarié la reprise du contrat conclu avec l’entreprise évincée, peut proposer d’autres conditions contractuelles que celles figurant dans le contrat liant le salarié à cette entreprise, à l’exception des clauses visées à l’article 3.1.2. Les arrêts relèvent ensuite que la société Fiducial Private Security a proposé aux salariés, dans le cadre de la reprise de leur contrat de travail, un avenant contenant les clauses de l’article 3.1.2 et une clause intitulée ”lieu de travail” prévoyant qu’ils pouvaient être affectés ”dans un des sites quelconques des clients de l’entreprise situés…dans les départements 67, 68, 54, 57, 88, 90, 25 » » et qu’ils ont subordonné leur accord à cet avenant à une négociation sur le contenu de la clause de mobilité. Les arrêts en déduisent que les salariés n’ayant pas donné leur accord exprès à l’avenant, le changement d’employeur n’a pu s’opérer.

En statuant ainsi, alors que les articles 3.1.1, et 3.1.2 de l’avenant du 28 janvier 2011 ne comportent aucune disposition permettant à l’entreprise entrante de soumettre la reprise des salariés de la société sortante à leur acceptation d’une clause de mobilité ne figurant pas dans leur contrat de travail et qui n’est pas prévue par la convention collective applicable, la cour d’appel a violé, par fausse application, les textes susvisés. »

Par quatre actes du 29 juin 2020, M. [N] [U], M. [K] [H], M. [V] [C] et M. [W] [M] ont saisi la cour de renvoi.

Après une convocation à un entretien préalable, la société a licencié :

– M. [U] le 3 septembre 2021,

– M. [H] le 1er septembre 2021,

– M. [C] le 2 août 2021,

– M. [M] le 1er septembre 2021,

chacun pour faute grave, soit un refus sans motif légitime des affectations proposées constituant un refus de travailler.

La SAS Fiducial Private Security indique qu’elle a tenté de se conformer à la décision de la Cour de Cassation en adressant à chaque salarié par courrier du 26 février 2021 un avenant avec effet rétroactif au 1er juillet 2015, mais qu’aucun n’a retourné cet avenant signé, refusant ainsi selon elle leur transfert, sans doute parce qu’ils sont employés ailleurs. Elle précise aussi qu’elle a fait différentes propositions de postes disponibles à chacun des salariés, dont un poste sur [Localité 9], mais qu’aucun n’y a donné suite.

Par arrêt avant-dire droit prononcé le 25 avril 2022, la présente cour a :

. Ordonné la jonction des procédures ouvertes sous les numéros RG 20/00989, 20/00993, 20/00996 et 20/00999 à la procédure n° RG 20/00989 ;

. Ordonne la réouverture des débats ;

. Avant-dire droit,

. Enjoint à M. [N] [U], M. [K] [H], M. [V] [C] et M.[W] [M] de produire, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt  :

– le contrat de travail ou l’avenant signés par eux avec la société Triomphe Sécurité ou tout autre document qui leur tenait lieu de contrat de travail à la date du 1er juillet 2015 ;

– tous éléments utiles sur leur situation professionnelle depuis le 1er juillet 2015 jusqu’à ce jour ;

– leur avis d’imposition des années 2016 à ce jour, ces documents pouvant êtrecancellés pour ne faire apparaître que les revenus du salarié ;

. Enjoint à la SAS Fiducial Private Security de produire, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt  :

– tous éléments utiles sur les conditions du marché conclu avec le donneur d’ordres du centre commercial de Saint Sébastien à [Localité 9], notamment le nombre précis de salariés prévus pour ce marché,

– la liste des salariés repris de Triomphe Sécurité qui sont restés affectés à cemarché et la liste de ceux qui en ont été exclus,

– les plannings établis pour ce marché à compter du mois de juillet 2015 et aumoins jusqu’à fin 2016 avec indication des salariés qui y ont été affectés,

– tous éléments utiles sur les conditions du marché conclu avec le donneur d’ordres de la [Adresse 10] à [Localité 12], dont la liste des salariés affectés à ce marché et les plannings de l’année 2015 ;

. Autorisé les parties à échanger de nouvelles conclusions au vu de ces éléments ;

. Renvoyé la procédure pour poursuite des débats à l’audience collégiale du 28 novembre 2022, tous droits et moyens des parties étant réservés.

Par leurs conclusions n°4, entrées au RPVA le 21 novembre 2022, M. [N] [U], M. [K] [H], M. [V] [C] et M. [W] [M] demandent chacun :

– qu’il soit dit que la SAS Fiducial Private Security est leur employeur depuis le 1er juillet 2015 et que leur licenciement pour faute grave est nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

– que le jugement soit confirmé sur le principe du transfert ;

EN CONSEQUENCE, A TITRE PRINCIPAL, DE:

– ordonner la poursuite du contrat de travail à compter du 1er juillet 2015 dans les conditions contractuelles, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt, la Cour se réservant le soin de liquider l’astreinte,

– ordonner la remise d’un avenant au contrat de travail conforme à l’article 3.1.1, de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt, la Cour se réservant le soin de liquider l’astreinte,

– condamner la société à payer un rappel de salaire de juillet 2015 à août 2021 (juillet 2021 pour M. [C]), ainsi que les congés payés afférents,

– ordonner la reprise du versement du salaire à compter du 1er septembre 2021 (1er août 2021 pour M . [C]) jusqu’à la réintégration effective du salarié, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt, la Cour se réservant le soin de liquider l’astreinte,

– ordonner la remise des bulletins de salaire depuis juillet 2015, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt, la Cour se réservant le soin de liquider l’astreinte,

– condamner la société à 50 000 euros de dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail ;

A TITRE SUBSIDIAIRE DE :

– condamner la société à payer un rappel de salaire de juillet 2015 à août 2021 (juillet pour M. [C]), ainsi que les congés payés afférents,

– ordonner la remise des bulletins de salaire depuis juillet 2015 jusqu’au licenciement, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt, la Cour se réservant le soin de liquider l’astreinte,

– condamner la société à 50 000 euros de dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail,

– juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à payer l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité légale de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– ordonner la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail et attestation Pôle Emploi) rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt, la Cour se réservant le soin de liquider l’astreinte,

EN TOUT ETAT DE CAUSE DE :

– condamner la société à 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que les créances salariales porteront intérêts à compter de la réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation et ordonner la capitalisation des intérêts,

– laisser les dépens à la Société.

Il convient de se reporter à chacune des conclusions pour connaître le détail des montants chiffrés réclamés par chaque salarié.

Par conclusions récapitulatives suite à arrêt avant-dire droit datées du 22 novembre 2022, entrées au RPVA le 24 novembre 2022, la SAS Fiducial Private Security demande pour chaque salarié:

– De lui donner acte de ce qu’elle a admis devoir proposer un avenant conforme à effet rétroactif au 1er juillet 2015, qui a été refusé,

– De juger que le salarié a refusé le transfert de son contrat de travail avec toute conséquence de droit, ce refus privant celui-ci du droit de réclamer le paiement des salaires à compter du 1er juillet 2015,

Subsidiairement,

– De déduire de la demande de rappel de salaire les revenus de remplacement perçus par le salarié de 2015 à aujourd’hui (pour M. [U] de le débouter de sa demande après déduction) ;

– De débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail ;

– De juger satisfactoire l’émission d’un bulletin de salaire récapitulatif,

– De juger que le licenciement repose sur une faute grave et que le salarié soit débouté de ses demandes liées au licenciement,

– De statuer ce que de droit quant aux dépens.

Les parties ont repris oralement leurs conclusions écrites respectives à l’audience de plaidoirie du 28 novembre 2022.

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur le transfert des contrats de travail

Selon l’article L 1224-1 du code du travail, l orsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

En outre, en application des dispositions des articles 3.1.1 et 3.1.2 de l’avenant du 28 janvier 2011 à l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, « Concomitamment à l’envoi à l’entreprise sortante de la liste des salariés repris, l’entreprise entrante notifiera à chacun d’eux, par un courrier recommandé avec avis de réception ou remis en main propre contre décharge, son transfert en son sein. Elle établira un avenant au contrat de travail dans lequel elle mentionnera le changement d’employeur et reprendra l’ensemble des clauses contractuelles qui lui seront applicables sous réserve du respect des dispositions de l’article 3.1.2 ci-après » qui prévoient que «  l’entreprise entrante doit obligatoirement mentionner la reprise des éléments suivants :

l’ancienneté acquise avec le rappel de la date d’ancienneté contractuelle ;

les niveau, échelon, coefficient et emploi constituant la classification ;

le salaire de base et des primes constantes soumises à cotisation, payées chaque mois et figurant sur les 9 derniers bulletins de paie ainsi que les éventuels éléments bruts de rémunération contractuels à l’exclusion de ceux ayant le même objet déjà pris en charge sous une autre forme par l’entreprise entrante ;

le salarié transféré aura droit à un congé sans solde équivalant aux droits acquis à la date du transfert et pris conformément aux dispositions légales régissant les conditions de départ en congé payé ».

En l’espèce, il est versé aux débats par les salariés l’avenant au contrat de travail du 2 janvier 2004 de M. [M] (pièce F12), signé le 28 novembre 2007, ainsi que l’avenant au contrat de travail du 10 novembre 2003 de M. [H] (pièce D 14), signé le 4 décembre 2007, les deux contrats prenant effet au 1er janvier 2008.

Ces documents précisent que les deux salariés pourront être amenés à exécuter leur contrat de travail et à effectuer des vacations dans la région Moselle, Meurthe et Moselle, et Meuse.

Par ailleurs, la pièce n°12 de la SAS Fiducial Private Security présente le contrat de travail conclu entre la société Triomphe Sécurité et M. [U] à la date du 30 août 2012, mentionnant notamment, à l’article 5 intitulé « lieu de travail / clause de mobilité » que le salarié « pourra être amené à exécuter son contrat de travail et à effectuer des vacations dans la région Lorraine et départements limitrophes, constituant les bassins d’emplois dans les limites desquels, s’agissant du présent contrat, le Société exerce son activité ».

Enfin, si aucun autre contrat de travail ou avenant n’est versé aux débats, il doit cependant être constaté que la SAS Fiducial Private Security avait reçu l’intégralité des contrats de travail des salariés transférés, dont les quatre appelants font partie, au vu du courrier daté du 26 mai 2015 établi par la direction de la société Triomphe Sécurité, de sorte qu’elle avait connaissance de l’éventuelle clause de mobilité et de son contenu prévue au contrat de travail de M. [C] ainsi que de Messieurs [U], [H] et [M].

Dans sa nouvelle proposition d’avenant formulée par lettre du 26 février 2021 et adressée à M. [C] tout comme aux trois autres salariés, la SAS Fiducial Private Security fait état de sa volonté de tenir compte de l’arrêt prononcé par la Cour de Cassation le 27 mai 2020 et propose de modifier la clause litigieuse de la façon suivante :

« En référence à l’article 1 des conditions générales, (le salarié) pourra donc être affecté sur le site de l’un quelconque des clients de l’entreprise situés dans la région suivante : LORRAINE ».

En proposant cette mobilité uniquement sur la région Lorraine, la SAS Fiducial Private Security reconnaît ainsi que le précédent contrat liant les quatre appelants à la société Triomphe Sécurité comportait une mobilité limitée à cette zone, que les salariés acceptent par ailleurs au vu de leurs différents courriers, seules leurs nouvelles affectations proposées par l’employeur étant contestées.

Il est versé aux débats une lettre établie le 23 juin 2015 par la SAS Fiducial Private Security, en prévision du transfert, adressée à M.[U], mais dont il n’est pas contesté qu’elle a été envoyée également aux trois autres appelants, rédigée de la façon suivante :

« Vous êtes actuellement affecté sur le site Centre Commercial Saint Sébastien situé à [Localité 9] (‘).

Nous vous informons qu’à compter du 1er juillet prochain, le marché sera confié à notre société.

En application de l’accord collectif de branche du 5 mars 2002 modifié par avenant du 28 janvier 2011, relatif à la reprise du personnel, nous avons le plaisir de vous confirmer que votre contrat de travail est transféré au sein de notre structure.

A ce titre, nous vous prions de bien vouloir trouver en pièce-jointe un avenant à votre contrat de travail et vous remercions de nous le retourner paraphé et signé dans les meilleurs délais.

Nous vous adressons également en pièce jointe le planning de juillet et août 2015 ».

Dans ce courrier, la SAS Fiducial Private Security fait état de ce que le contrat de travail des salariés est transféré, ce qui résulte également de la liste des salariés affectés au centre commercial Saint Sébastien établie par la société Triomphe sur laquelle le nom des quatre salariés appelants apparaît (pièce n°40 de la société).

Si la convention collective prévoit l’établissement d’un avenant au contrat de travail établi entre la société entrante, en l’espèce la SAS Fiducial Private Security, et les salariés transférés, aucune de ses dispositions n’autorise le nouvel employeur à subordonner le transfert du contrat de travail à l’accord du salarié sur des modifications essentielles du contrat de travail, que ce soit la nature des fonctions exercées, leur localisation ou leur rémunération.

Il est constant, et il résulte des avenants versés aux débats communiqués pour acceptation fin juin 2015 aux salariés travaillant sur le site du centre commercial de [Localité 9], que la SAS Fiducial Private Security a proposé des contrats de travail comportant une clause de mobilité sur les départements 67,68, 54, 57, 88, 90 et 25.

Par courriers datés du 29 ou du 30 juin 2015, Messieurs [U], [H], [C] et [M] ont refusé d’être affectés sur les départements 67, 68, 90 et 25, sollicitant toutefois la rédaction d’un nouvel avenant qui préciserait une affectation sur la région Lorraine, et en priorité sur le site du centre commercial Saint Sébastien de [Localité 9].

En refusant leur affectation sur des départements extérieurs à la Lorraine tout en demandant une modification en ce sens des avenants proposés, les salariés ont montré d’une part qu’ils acceptaient le principe du transfert de leur contrat de travail, et d’autre part qu’ils s’opposaient à la modification proposée par la SAS Fiducial Private Security concernant le lieu d’exécution de leur travail.

Dès lors, et quand bien même aucun avenant au contrat de travail n’a été signé entre Messieurs [U], [H], [C] et [M] d’une part, et la SAS Fiducial Private Security d’autre part, le transfert du contrat de travail des quatre salariés à la société est intervenu à compter du 1er juillet 2015.

Messieurs [U], [H], [C] et [M] sollicitent le paiement de leur salaire pour la période allant du 1er juillet 2015 à la date de leur licenciement prononcé en juillet 2021, (sauf pour M. [C] en août 2021).

La SAS Fiducial Private Security s’oppose à cette demande, précisant que le refus par les salariés des offres de travail proposées à compter du 26 février 2021 emportait refus du transfert à compter du 1er juillet 2015, démontrait que les salariés n’avaient pas l’intention de venir travailler pour elle, et qu’ils n’étaient pour le moins pas à sa disposition. Subsidiairement, elle demande que soient déduits les revenus perçus par M.M. [U], [H], [C] et [M] pendant cette période.

Il ressort des lettres de réponse adressées par les salariés à la fin du mois de juin 2015 à la SAS Fiducial Private Security que ceux-ci manifestaient leur intention de travailler pour le compte de la SAS Fiducial Private Security, à la condition que les limites géographiques prévues avec leur précédent employeur soient respectées.

Par ailleurs, alors que la SAS Fiducial Private Security leur avait adressé fin juin 2015, avec la proposition d’avenant, les planning des mois de juillet et août 2015 sur un chantier situé [Adresse 10] à [Localité 12], le constat d’huissier réalisé le 1er juillet 2015 montrait que Messieurs [U], [H], [C] et deux autres salariés se sont présentés sur le chantier à l’heure prévue, mais que leur présence n’était pas attendue de sorte qu’ils ont été invités, par téléphone, à se présenter le lendemain.

Le même jour, par courrier du 1er juillet 2015, le responsable de l’agence de [Localité 12] de la SAS Fiducial Private Security informait les appelants de ce que, « compte tenu de (leur) refus exprès d’accepter ce transfert » exprimé par courrier du 29 ou 30 juin 2015, ils continueraient d’être employés au sein de la société Triomphe Sécurité.

Au vu de ces éléments, et en l’absence de toute offre de poste de travail adressée avant le 26 février 2021par la SAS Fiducial Private Security, à défaut de toute preuve de refus de la part des salariés intimés de travailler pour le compte de la société appelante, il convient de constater que Messieurs [U], [H], [C] et [M] sont restés à disposition de la SAS Fiducial Private Security, et ce peu importe qu’à certaines périodes ils aient pu occuper un emploi rémunérateur, devenu nécessaire en l’absence de versement de tout salaire par la SAS Fiducial Private Security à compter de juillet 2015.

L’examen des propositions adressées par la SAS Fiducial Private Security à M.M. [H] et [M], datées du 26 février, du 15 avril et du 21 juillet 2021, montrent cependant que la société appelante leur offrait des postes, soit situés en dehors de la Lorraine (dans les départements 75, 13 ou 69), soit sur [Localité 9] mais pour une qualification moins importante en dépit d’une rémunération identique, de sorte que leur refus, accompagné de l’expression de leur volonté d’occuper des postes conformes à leur qualification en Lorraine, ne démontre ni leur absence de disponibilité à l’égard de l’employeur, ni un manquement à leurs obligations.

S’agissant de M. [C], la proposition adressée par la SAS Fiducial Private Security le 26 février 2021 précise bien qu’il n’y a pas de poste équivalent au sien en région Lorraine, et lui propose soit deux postes en Alsace, soit un poste à [Localité 9] correspondant à une autre fonction.

Par la suite, M. [C] acceptera par courrier du 6 mai 2021 une nouvelle proposition émise le 15 avril 2021 relativement à un poste sur [Localité 9], mais la SAS Fiducial Private Security lui demandera par courrier du 25 mai 2021 une série de pièces administratives, demande à laquelle il ne répondra pas.

Le défaut par M. [C] de réponse à cette demande ne caractérise pas une absence de disponibilité ou une non-présentation sur le lieu de travail, à partir du moment où il ne lui a pas été précisément demandé de se présenter sur son lieu d’affectation à une date et une heure précise, et où les formalités administratives n’étaient pas essentielles, la SAS Fiducial Private Security disposant depuis fin mai 2015 de l’ensemble des contrats de travail, avenants, pièces d’identité, diplômes, cartes professionnels et certificats nécessaires de tous les salariés transférés, transmis par la société Triomphe Sécurité lors du transfert (pièce 39 de la société).

Enfin concernant M. [U], les propositions du 26 février 2021 et du 21 juillet 2021 ne comportaient pas de poste équivalent en Lorraine, ce que reconnaît la SAS Fiducial Private Security dans ses courriers, et ce n’est que par une proposition du 2 août 2021 qu’un poste sur [Localité 9] lui est proposé. Par courrier du 12 août 2021, M. [U] signifiera son refus de produire les pièces administratives déjà en possession de l’employeur, mais sa disponibilité pour un éventuel entretien de reprise. Aucun entretien ou rendez-vous ne lui sera accordé par la société.

Les agissements de M. [U] ne démontrent pas son absence de disponibilité à l’égard de l’employeur, qui n’a lui-même pas répondu à la proposition d’entretien de reprise du salarié.

Dès lors, au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de constater qu’il n’est pas démontré que Messieurs [U], [H], [C] et [M] n’étaient pas à la disposition de la SAS Fiducial Private Security sur la période courue à compter 1er juillet 2015 au jour de leurs licenciements respectifs, de sorte que leurs salaires sont dus par la SAS Fiducial Private Security, sans qu’il ne soit justifié de retrancher les revenus perçus par les salariés pendant cette période, s’agissant de l’exécution du contrat de travail et non d’une indemnité d’éviction due dans l’hypothèse d’une réintégration après invalidation d’un licenciement.

Au vu des derniers bulletins de paye des salariés appelants relatifs au mois de juin 2015, établis par la société Triomphe Sécurité, de l’ancienneté des intimés apparaissant sur la liste des salariés établie par la même société (pièce 40 de la SAS Fiducial Private Security) adressée à la société appelante, des dispositions de l’article 9.03 de la convention collective relatif à la prime d’ancienneté, il convient de condamner la SAS Fiducial Private Security à verser les sommes suivantes, justement calculées par les appelants dans leurs conclusions :

– à M. [U] : 126 272,33 euros brut, outre 12 627,23 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 août 2021 ;

– à M. [H] : 157 330,91 euros brut, outre 15 733,09 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 août 2021 ;

– à M. [C] : 123 315,35 euros brut, outre 12 331,53 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 juillet 2021 ;

– à M. [M] : 151 468,97 euros brut, outre 15 146,89 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 août 2021.

Le jugement entrepris sera modifié et complété en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail

– SUR LA VALIDITE DU LICENCIEMENT

L’article L 1235-3-1 du code du travail prévoit limitativement des causes de nullité d’un licenciement, notamment s’agissant de son alinéa 2°, de la violation d’une liberté fondamentale.

Il résulte en outre du premier alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 qu’est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur.

Enfin, selon l’article L 1235-2-1 du même code, en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L 1235-3-1.

Les salariés demandent que soit constatée la nullité de leur licenciement, au motif que cette décision leur a été notifiée en représailles de l’action en justice qu’ils avaient engagées contre la SAS Fiducial Private Security et qui est toujours pendante.

La SAS Fiducial Private Security estime que le licenciement pour faute grave des salariés est justifié et ne résulte pas de fait de représailles d’une action judiciaire. Elle souligne avoir admis, avant même la décision de la Cour de renvoi, être l’employeur de Messieurs [U], [H], [C] et [M], et leur avoir recherché toute solution pour que cette reconnaissance soit effective, leur avoir soumis des offres de postes sérieuses, de sorte que leurs refus n’étaient pas légitimes.

En l’espèce, Messieurs [U], [H], [C] et [M] ont été tous licenciés pour faute grave, pour avoir refusé sans raison légitime l’une ou l’autre des affectations proposées.

Les lettres de licenciement, si elles contiennent des dispositions propres à chacun des quatre salariés relativement aux offres qui leur ont été faites et aux refus qu’ils ont opposés, sont rédigées par le responsable de l’agence de [Localité 12] de la SAS Fiducial Private Security, sous la même forme, dans les termes suivants :

« Par courrier recommandé n°(…) du (‘), nous vous avions convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le (‘).

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien. Nous n’avons donc pas pu vous exposer les griefs retenus à votre encontre, que nous vous rappelons ci-après.

Vous occupez le poste de (‘). Par décision du 27 mai 2020, la Cour de Cassation a cassé le jugement de la Cour d’Appel de Nancy qui confirmait que vous n’étiez pas salarié de l’entreprise Fiducial Private Security.

En conséquence de cette décision, nous admettons avoir repris votre contrat de travail au 1er juillet 2015.

C’est donc dans ce contexte, et afin de vous permettre de reprendre vos activités comme vous le souhaitiez, que nous vous avons adressé en date du 26 février 2021 une (ou des) propositions de poste (‘).

(Pour M.M. [U], [H] et [M] était ajouté : En effet après avoir recherché l’ensemble des postes vacants au sein de la société, nous n’étions pas en mesure de vous proposer un poste équivalent dans la région de la Lorraine.

(‘) Nous vous rappelons en effet, comme nous avions été amenés à vous l’indiquer que nos postes sont liés aux contrats commerciaux que nous gagnons, et que la région Lorraine compte peu d’activités et donc peu de postes vacants. Nous ne pouvions vous proposer que les postes disponibles à ce jour ce qui a été fait)

(rappel des offres et des refus pour chacun des salariés)

Vous persistez donc à refuser sans raison légitime l’une ou l’autre des affectations proposées ce qui constitue un refus de travailler. C’est d’autant plus incompréhensible que toutes vos démarches judiciaires visaient à travailler sur [Localité 9] (‘) ce que nous vous proposons.

Ces refus rendent impossible la poursuite du contrat de travail, y compris durant le préavis.

Par conséquent, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

La rupture de votre contrat prendra effet à la date d’expédition de ce courrier, date à laquelle vous ne ferez plus partie de nos effectifs ».

S’agissant de la lettre de licenciement adressée à M. [C], elle fait référence à un poste proposé sur [Localité 9] dès le 26 février 2021 et à l’absence de communication par M. [C] des pièces administratives qu’elle lui demandait, après son acceptation au mois de mai 2021, ce qui constitue à ses yeux un refus de proposition de réintégration.

L’examen de ces lettres de licenciement montre que l’employeur fait référence, pour chacun des quatre salariés, à la procédure judiciaire en cours introduite par les salariés depuis 2015, en retraçant la chronologie du devenir des relations contractuelles au fil des décisions de justice rendues.

Il résulte des textes précités que la référence dans la lettre de licenciement à la procédure prud’homale engagée par le salarié est constitutive d’une atteinte à une liberté fondamentale d’ester en justice entraînant à elle seule la nullité du licenciement, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs invoqués par l’employeur au soutien d’une faute grave pour vérifier l’existence cause réelle et sérieuse de licenciement.

En conséquence, il convient de prononcer la nullité des licenciements pour faute grave décidés par la SAS Fiducial Private Security à l’encontre de Messieurs [U], [H], [C] et [M].

SUR LA DEMANDE DE REINTEGRATION ET LE PAIEMENT DE L’INDEMMNITE D’EVICTION

La nullité des licenciements de M.M. [U], [H], [C] et [M] étant prononcée, et les appelants sollicitant leur réintégration dont il n’est pas démontré qu’elle s’avère impossible, il convient d’y faire droit et de dire que cette réintégration devra se faire sans délai et avec reprise du versement des salaires et des primes à compter de la date de réintégration effective.

Les salariés sollicitent en outre le paiement des salaires qui auraient dû être versés entre la date de leur licenciement et la date de leur réintégration. La SAS Fiducial Private Security s’oppose à cette demande et subsidiairement sollicite la déduction des revenus perçus par les salariés pendant cette période.

Si la nullité du licenciement résultant de la violation d’une liberté ou d’un droit fondamental garanti par la Constitution ne donne pas droit à l’employeur de déduire de l’indemnité d’éviction les revenus que le salarié aurait pu percevoir à un titre quelconque pendant la période d’éviction, la mention de plusieurs motifs de licenciement dans la lettre de rupture oblige le juge à examiner l’ensemble des griefs énoncés pour en tenir compte le cas échéant, dans l’évaluation qu’il doit faire de l’indemnité à allouer au salarié, en application de l’article L 1235-2-1 précité.

En l’espèce, il résulte de l’examen des lettres de licenciement que les motifs développés par l’employeur pour justifier la faute grave motivant sa décision de rompre le contrat de travail sont :

le refus sans motif légitime par le salarié de l’une ou l’autre des affectations proposées qui s’analyserait comme un refus de travailler ;

pour M.M. [U] et [C], le refus de transmettre leur contrat de travail et les éventuels avenants conclus avec la société Triomphe Sécurité, leurs habilitations et leur carte professionnelle, un CV actualisé.

Il résulte des développements qui précèdent, relatifs au transfert du contrat de travail, que les propositions de postes adressées par la SAS Fiducial Private Security, et refusées par les salariés, concernaient toutes, soit des postes extérieurs à la Lorraine, soit des postes de qualification inférieure ou concernant des fonctions différentes, de sorte que ces refus concernaient des modifications du contrat de travail et ne peuvent pas constituer un manquement des salariés à leurs obligations, et encore moins une faute grave.

Par ailleurs, le reproche tiré du défaut de communication de certaines pièces, opposé par la SAS Fiducial Private Security à Messieurs [C] et [U], ne peut davantage constituer un manquement de leur part dans la mesure où il est établi que l’employeur avait reçu ces documents au moment du transfert, et que les salariés pouvaient être simplement convoqués à un entretien pour leur réactualisation, comme le proposait M.[U] dans son courrier du 12 août 2021 qui n’a été suivi d’aucune proposition de la part de l’employeur.

Dès lors, les autres motifs de licenciement mentionnés dans la lettre de rupture de Messieurs [U], [H], [C] et [M] n’étant pas constitutifs de manquements de la part des salariés, il convient de leur allouer la totalité des salaires qu’ils auraient dû percevoir depuis leur licenciement, sans qu’il ne soit justifié de déduire les revenus perçus par ceux-ci pendant la période d’éviction, l’indemnité allouée à ce titre ayant le caractère d’une pénalité et n’est pas destinée à indemniser les salariés évincés de leur seul préjudice.

Au vu de ces éléments, la SAS Fiducial Private Security doit être condamnée au paiement des salaires et primes actualisés compris entre la date du licenciement des salariés et la date de la réintégration prononcée par le présent arrêt, constitutifs de leur indemnité d’éviction, puis à la reprise du paiement des salaires et primes à compter du présent arrêt au titre de l’exécution du contrat de travail après réintégration, soit des sommes suivantes :

. à la somme de 1 636,13 euros brut par mois pour M. [U], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter de septembre 2021 inclus ;

. à la somme de 2 214,60 euros brut par mois pour M. [H], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter de septembre 2021 inclus ;

. à la somme de 1 786,73 euros brut par mois pour M. [C], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter d’août 2021 inclus ;

. à la somme de 2 114,60 euros brut par mois pour M. [M], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter de septembre 2021 inclus.

SUR LA PRODUCTION SOUS ASTREINTE DES BULLETINS DE SALAIRE ET D’UN AVENANT AU CONTRAT DE TRAVAIL

La réintégration des salariés étant ordonnée, l’employeur est tenu d’établir pour chacun d’eux un contrat de travail respectant les clauses prévues par le contrat initialement conclu avec la société Triomphe Sécurité, dans les conditions prévues par la convention collective, s’agissant notamment des conditions de lieu d’exercice de leur activité.

En application desarticles L 3243-1 et suivants et R 3243-1 du code du travail, il sera ordonné à la SAS Fiducial Private Security de produire à chaque salarié les bulletins de salaire à compter du mois de juillet 2015 inclus, la SAS Fiducial Private Security ayant toutefois la possibilité de produire un bulletin de salaire unique pour la période allant de juillet 2015 au mois de mai 2023, l’obligation d’établir un bulletin de salaire mensuel reprenant à compter du mois suivant celui du prononcé du présent arrêt.

Il convient enfin de condamner la SAS Fiducial Private Security à accomplir ces formalités dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision, et ce sous astreinte de 15 euros par document et par jour de retard passé l’expiration de ce délai.

Sur les dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail

Les salariés justifient de difficultés financières dans les mois et années ayant suivi le transfert du 1er juillet 2015 de leur contrat de travail, date à partir de laquelle la SAS Fiducial Private Security ne leur a plus versé le moindre salaire.

Toutefois, ils ne démontrent pas que ce préjudice n’est pas déjà indemnisé par les sommes qui leur ont été allouées dans le cadre du rappel de salaire et de l’indemnité d’éviction.

A défaut de justifier d’un préjudice distinct, leur demande à ce titre doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Fiducial Private Security qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

Compte tenu des sommes déjà allouées en première instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la SAS Fiducial Private Security sera en outre condamnée à payer à chacun des quatre salariés la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, sur renvoi après cassation, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l’arrêt avant dire droit du 25 avril 2022 ;

Vu la jonction des procédures n° RG 20/00993, RG 20/00996 et RG 20/00999 à la procédure n° RG 20/00989 ordonnée par arrêt avant-dire droit prononcé le 25 avril 2022 ;

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nancy le 23 novembre 2016 sauf en ce qu’il a :

– débouté M. [N] [U], M. [K] [H], M. [V] [C] et M. [W] [M] de leur demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail ;

– condamné la SAS Fiducial Private Security aux dépens de première instance et au paiement à chacun des quatre salariés, M. [N] [U], M. [K] [H], M. [V] [C] et M. [W] [M], de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Statuant à nouveau dans cette limite :

Constate que les contrats de travail liant M. [N] [U], M. [K] [H], M. [V] [C] et M. [W] [M] à la société Triomphe Sécurité jusqu’au 30 juin 2015 ont été transférés à la SAS Fiducial Private Security à compter du 1er juillet 2015 ;

Condamne en conséquence la SAS Fiducial Private Security à payer, à titre de rappel :

. à M. [U] : 126 272,33 euros brut, outre 12 627,23 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 août 2021 ;

. à M. [H] : 157 330,91 euros brut, outre 15 733,09 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 août 2021 ;

. à M. [C] : 123 315,35 euros brut, outre 12 331,53 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 juillet 2021 ;

. à M. [M] : 151 468,97 euros brut, outre 15 146,89 euros brut pour les congés payés afférents, et ce au titre des salaires, primes d’habillage et primes d’ancienneté dus sur la période allant du 1er juillet 2015 au 31 août 2021.

Prononce la nullité des licenciements pour faute grave décidés par la SAS Fiducial Private Security :

. le 3 septembre 2021 relativement à M. [N] [U],

. le 1er septembre 2021 relativement à M. [K] [H],

. le 2 août 2021 relativement à M. [V] [C],

. le 1er septembre 2021 relativement à M. [W] [M],

Ordonne la réintégration de chacun de ces quatre salariés au sein de la SAS Fiducial Private Security à compter de la présente décision ;

Condamne la SAS Fiducial Private Security à verser à titre d’indemnité d’éviction les sommes suivantes dues tous les mois à compter du jour du licenciement de chacun des salariés et jusqu’au présent arrêt :

. 1 636,13 euros brut par mois pour M. [N] [U], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter de septembre 2021 inclus ;

. 2 214,60 euros brut par mois pour M. [K] [H], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter de septembre 2021 inclus ;

. 1 786,73 euros brut par mois pour M. [V] [C], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter d’août 2021 inclus ;

. 2 114,60 euros brut par mois pour M. [W] [M], salaire, prime d’ancienneté et prime d’habillage inclus, à compter de septembre 2021 inclus ;

Ordonne à la SAS Fiducial Private Security de reprendre le paiement mensuel des salaires sur la base des sommes indiquées ci-dessus à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la SAS Fiducial Private Security d’établir dans le délai d’un mois suivant la notification du présent arrêt, pour chacun des salariés, un contrat de travail respectant les clauses prévues par le contrat initialement conclu avec la société Triomphe Sécurité, dans les conditions prévues par la convention collective, s’agissant notamment des conditions de lieu d’exercice de leur activité ;

Ordonne à la SAS Fiducial Private Security de produire à chaque salarié les bulletins de salaire les concernant respectivement, et ce à compter du mois de juillet 2015 inclus, la SAS Fiducial Private Security ayant toutefois la possibilité de produire un bulletin de salaire unique pour la période allant de juillet 2015 au mois de mai 2023, l’obligation d’établir un bulletin de salaire mensuel reprenant à compter du mois suivant celui du prononcé du présent arrêt ;

Condamne la SAS Fiducial Private Security à établir ce contrat de travail et ces bulletins de salaire sous une astreinte de 15 euros par document et par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision ;

Condamne la SAS Fiducial Private Security, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Messieurs [N] [U], [K] [H], [V] [C] et [W] [M] la somme de 2 000 euros pour chacun d’eux au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel :

Condamne la SAS Fiducial Private Security aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x