Indemnité d’éviction : 31 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/14949

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Indemnité d’éviction : 31 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/14949

31 janvier 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
21/14949

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me MAIRAT
Me GOZLAN

18° chambre
2ème section

N° RG 21/14949

N° Portalis 352J-W-B7F-CVS7N

N° MINUTE : 3

Assignation du :
25 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 31 Janvier 2024

DEMANDERESSE

S.C.I. SCI BORIA (RCS Paris 750 477 036)
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Pierre MAIRAT de la SCP MAIRAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0252

DÉFENDEURS

Madame [R] [U] épouse [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Monsieur [J] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentés par Me Gary GOZLAN, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #310

Décision du 17 Janvier 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/14949 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVS7N

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Jean-Christophe DUTON, Vice-président, statuant en juge unique,

assisté de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 18 Octobre 2023 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2024 prorogé au 31 Janvier 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

_________________

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 25 juillet 1997, Monsieur [Z] [G] et Madame [L] [X] épouse [G], aux droits desquels se trouve la S.C.I. SCI BORIA (ci-après dénommés la SCI BORIA), ont donné à bail à Monsieur [J] [I] et Madame [R] [U] épouse [I] (ci-après dénommés les consorts [I]) des locaux commerciaux sis [Adresse 1] à [Localité 4].

La destination du bail est :  » Fleuriste et toutes activités s’y rattachant et graineterie, à l’exclusion de tout autre commerce « . Par acte du 21 novembre 2006, le bail a été renouvelé pour une durée de neuf ans, à compter du 1er août 2006. Le bail est venu à expiration le 31 juillet 2015 et s’est poursuivi par tacite prolongation.

Par exploit d’huissier du 18 septembre 2019, la SCI BORIA a fait délivrer aux consorts [I] un congé pour le 31 mars 2020 avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction.

Par exploit d’huissier du 20 janvier 2020, la SCI BORIA a saisi le juge des référés aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise permettant de fixer le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation.

Par ordonnance du 4 juin 2020, le juge des référés a désigné Madame [S] [O] en qualité d’expert. L’expert a déposé son rapport le 25 octobre 2021, évaluant à :
-54 447euros le montant de l’indemnité d’éviction ;
-5 796 euros le montant de l’indemnité d’occupation annuelle à compter du 1er avril 2020.

Par exploit d’huissier du 25 novembre 2021, la SCI BORIA a assigné les consorts [I], devant le tribunal judiciaire de Paris.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022, la SCI BORIA demande au tribunal judiciaire de Paris de :

Principalement,
-La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
-Débouter les consorts [I] de l’ensemble de leurs demandes ;
-Déclarer valable et régulier le congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction portant sur les locaux sis [Adresse 1], délivré le 18 septembre 2019 pour le 31 mars 2020 à sa requête ;
-Fixer à la somme de 54 447 euros l’indemnité d’éviction ;
-Ordonner l’expulsion des consorts [I], ainsi que celle de tous occupants de leur chef, des locaux sis [Adresse 1] dans le [Localité 4], si besoin est avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, dans le mois du versement de l’indemnité d’éviction, à défaut de restitution volontaire ;
-Dire que le sort des meubles sera alors réglé conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
-Fixer l’indemnité d’occupation due par les consorts [I] à la SCI BORIA, à compter du 1er avril 2020 jusqu’à libération complète des lieux par eux et tous occupants de leur chef, à la somme de 9.936 euros par an, majorée des charges et taxes ;
-Condamner solidairement les consorts [I] à lui payer une indemnité d’occupation annuelle de 9 936 euros H.T. et H.C., à compter du 1er avril 2020 jusqu’à libération complète des lieux par eux et tous occupants de leur chef.

Subsidiairement,

-Condamner solidairement les consorts [I] à lui payer une indemnité d’occupation annuelle de 8 683 euros H.T. et H.C., à compter du 1er avril 2020 jusqu’à libération complète des lieux par eux et tous occupants de leur chef ;

En tout état de cause,

-Condamner solidairement les consorts [I] à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
-Condamner les consorts [I] aux dépens de l’instance (y compris les frais de l’expertise judiciaire, à tout le moins pour moitié) ;
-Dire que conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la SCP MAIRAT & ASSOCIÉS pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance dans en avoir reçu provision.

Au soutien de ses prétentions, la SCI BORIA énonce :
-Que le congé délivré le 18 septembre 2019 par la SCI BORIA respecte les conditions de forme et de fond prévues par l’article L.145-9 du code de commerce ; qu’un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction n’a pas à être motivé, et ce quand bien même l’offre d’indemnité d’éviction ne serait pas chiffrée ;
-Qu’il y a lieu d’entériner l’indemnité d’éviction fixée par l’expert judiciaire, et qu’on ne peut l’augmenter en tenant compte de la crise du Covid 19, en ce que ce calcul ne doit pas être impacté par la survenance de circonstances qui ne présentent pas un caractère pérenne ;

Décision du 17 Janvier 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/14949 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVS7N

-Que l’indemnité d’occupation due par les consorts [I] doit être fixée sur la base d’une valeur de renouvellement de 1 200 euros le m² pondérés, soit une indemnité annuelle, après abattement, de : 1 200 € x 9,20 x 0,90 = 9 936 euros (soit 828 euros par mois) majorée des charges et des taxes, et ne saurait être fixée à un montant inférieur à celui du loyer contractuel (soit 8 683 euros HC/an), qui n’a subi aucune révision depuis 2012.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 août 2022, les consorts [I] demandent au tribunal judiciaire de Paris de :

A titre principal,
-Déclarer leur demande recevable ;
-Constater la nullité du congé délivré par la SELARL STEPHANE VAN KEMMEL selon exploit daté du 18 septembre 2019 ;
-Débouter la SCI BORIA de la totalité de ces demandes.

A titre subsidiaire,
-Fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 100 000 euros ;
-Condamner la SCI BORIA à leur régler la somme de 100 000 euros au titre de l’indemnité d’éviction ;
-Fixer l’indemnité d’occupation annuelle à la somme de 5 796 euros à compter du mois d’avril 2020 ;

En tout état de cause,
-Condamner la SCI BORIA aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions, les consorts [I] énoncent :
-Que le congé n’est pas intervenu à l’expiration du bail ou à défaut à l’expiration de la période triennale ; qu’en outre, le congé doit indiquer un certain nombre de mentions à peine de nullité, notamment la précision des motifs pour lesquels il est donné, et qu’en l’espèce, le congé n’est justifié par aucun motif ;
-Que le rapport d’expertise ayant fixé l’indemnité d’éviction est critiquable sur plusieurs points : une erreur de constatation (absence de chambre froide dans les locaux), il y a lieu également de prendre en compte plusieurs éléments et notamment l’impact de la crise sanitaire du Covid-19 sur la fixation de l’indemnité d’éviction (limitation des flux des chalands, restrictions horaires) ; que l’éviction entraînera la perte totale de clientèle qui vient exclusivement du quartier ; qu’ils sont âgés et ne pourront reprendre un fonds de commerce, et qu’ils ont passé 25 ans dans l’exploitation dudit fonds ; que celle-ci doit être fixée à hauteur de 100 000 euros ;
-Qu’ils sont en accord avec le rapport d’expertise sur la proposition d’indemnité d’occupation à 5 796 euros ;

La clôture a été prononcée le 14 décembre 2022. L’audience de plaidoirie a eu lieu le 18 octobre 2023. La décision a été mise en délibéré au 17 janvier 2024 prorogée au 31 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité du congé

L’alinéa 1 de l’article L.145-9 du code de commerce énonce en substance que par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au statut des baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.

Il est constant qu’un bail renouvelé par tacite reconduction peut prendre fin à tout moment par un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil délivré au moins six mois à l’avance.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le bail est venu à expiration le 31 juillet 2015 et s’est poursuivi par la suite par tacite prolongation. Il résulte du congé produit en procédure que celui-ci a été délivré, d’une part, au cours de la période de tacite prolongation, et d’autre part, six mois avant l’effet qu’il entendait produire, à savoir la résiliation du bail, à compter du 31 mars 2020, terme du trimestre civil. En conséquence, le congé a été délivré conformément à l’alinéa 1 de l’article L.145-9 du code de commerce.

L’alinéa 4 de l’article L.145-9 du code de commerce dispose que le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Il est constant que le congé délivré avec offre d’indemnité d’éviction n’a ni à motiver le refus de renouvellement, ni à chiffrer le montant de l’indemnité.

En l’espèce, le congé qui a bien été délivré en la forme d’un acte extrajudiciaire, et qui reproduit l’intégralité des termes de l’alinéa 4 de l’article L.145-9 du code de commerce, comporte une offre d’indemnité d’éviction, et n’a donc pas à exciper de motifs quant au refus de renouvellement.

En conséquence, il y a lieu de juger le congé délivré régulier et valable.

Sur l’indemnité d’éviction

Sur l’indemnité principale

Aux termes de l’article L.145-14 du code du commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée selon les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

En l’espèce, l’expert a conclu à la perte de fonds, ce qui n’est pas contesté par les parties. Dès lors, en application des dispositions de l’article L.145-14, alinéa 2, du code de commerce, il y a lieu de constater que le refus de renouvellement entraînera la disparition du fonds de commerce et que l’indemnité d’éviction prendra la forme d’une indemnité de remplacement.

L’expert relève à juste titre que compte tenu, de l’écart entre la valeur de marché et le montant du loyer, on peut considérer qu’il n’existe pas de valeur de droit au bail, outre le déplafonnement possible du bail du fait de sa durée de plus de 12 ans. Les parties ne contestent pas cette appréciation. En conséquence, l’indemnité principale sera par conséquent égale à la valeur du fonds de commerce qu’il conviendra d’évaluer.

L’expert a retenu la méthode du chiffre d’affaires qui n’est pas contestée par les parties, s’agissant d’un fonds de fleuriste traditionnel. Il ressort du rapport d’expertise que le chiffre d’affaires moyen pour les années 2018, 2019 et 2020 est de 54 564 euros hors taxe, ou 60 020 euros toutes taxes comprises (TTC). L’expert retient un taux moyen de 80% sur le chiffre d’affaires TTC justifié par la localisation dans un emplacement doté d’une importante commercialité, d’un résultat bénéficiaire au cours des trois derniers exercices, d’un ratio d’EBE très correct (entre 11,32% et 14,25%), et de frais de personnels faibles, voire inexistants. Il conclut à une valeur du fond de 48 000 euros.

Ce montant n’est pas contesté par la SCI BORIA. Les consorts [I] arguent de ce que la crise sanitaire du Covid-19 qui s’est déroulée en 2020 a pu avoir un impact sur le chiffre d’affaires moyens. Or, il ressort que le chiffre d’affaires de 2020 (49188 euros) est analogue à celui de 2018 (49155 euros), et qu’ils ne produisent aucune pièce démontrant cet effet in concreto sur leur activité. En conséquence, l’argument ne saurait prospérer.

Par ailleurs, la durée d’exploitation du fonds et l’âge des exploitants est sans aucune incidence directe sur la détermination de la valeur du fonds, dans les méthodes de calcul communément admises. Surabondamment, l’ancienneté de l’exploitation pourrait notamment contribuer au développement et à la fidélisation de la clientèle, mais ce faisant, elle a un impact sur le chiffre d’affaires, lequel est donc déjà pris en compte dans le chiffre d’affaires moyen sur les trois dernières années.

Les consorts [I] ne produisent aucun autre élément tendant à justifier une augmentation de l’indemnité principale.

En conséquence, l’indemnité principale d’éviction sera fixée à 48 016 euros, compte tenu de la juste application de la méthode du chiffre d’affaires qui a valablement déterminé 60 020 euros de chiffres d’affaires TTC moyen et un taux de 80% sur le CA TTC qui reflète fidèlement la valeur d’un fonds doté d’une bonne commercialité, d’un taux d’EBE satisfaisant et de frais de personnels faibles, voire inexistants (60 020*80% = 48 016 euros).

Sur les indemnités accessoires

Les frais de remploi

L’acquisition d’un nouveau fonds de commerce est soumise à des droits. Compte tenu des frais de transactions et de rédaction d’actes, il est généralement retenu un pourcentage de l’ordre de 10% de la valeur du fonds pour déterminer cette indemnité de remploi. L’expert a d’ailleurs retenu ce taux de 10% qui n’est pas contesté par les parties

Ces frais seront donc fixés à 10 % de l’indemnité principale. Il n’existe aucun élément permettant de déroger à ce montant forfaitaire. Il sera donc fixé comme suit : soit 48 016 euros x 10 % = 4 801,6 euros, arrondis à 4 802 euros.

Le trouble commercial

Ce préjudice résulte de la perte de temps générée par l’éviction et le moindre investissement dans le commerce, ayant eu des incidences sur l’exploitation. Il est d’usage que cette indemnité corresponde à trois mois de l’excédent brut d’exploitation (EBE) moyen des trois derniers exercices, et, s’il est nul ou déficitaire, en tenant compte d’autres paramètres comme le chiffre d’affaires ou la masse salariale.

Contrairement à ce que soulignent les consorts [I] cette indemnité ne vise pas à indemniser le trouble commercial lié à la crise sanitaire. Sa demande de fixer cette indemnité à 12 mois d’EBE moyen ne saurait donc prospérer, en ce que la démotivation éventuelle liée à la crise sanitaire n’est pas indemnisable.

L’expert a déterminé le trouble commercial en retenant  » classiquement 3 mois d’EBE moyen  » qui est conforme aux usages. Il y a donc lieu de retenir la proposition de 1 647 euros en indemnités du trouble commercial (6 589 * 3/12= 1 647 euros).

Total de l’indemnité d’éviction

L’indemnité d’éviction sera dès lors être fixée comme suit :
– indemnité principale : 48 016 euros,
– indemnité de frais de remploi : 4802 euros,
– indemnité de trouble commercial : 1647 euros.

Soit un total de : 54 465 euros.

Il y a donc lieu de fixer l’indemnité d’éviction due par la SCI BORIA aux consorts [I] à 54 465 euros.

Sur l’indemnité d’occupation

En application de l’article L.145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, ou jusqu’à son départ s’il est parti avant, fixée d’après la valeur locative déterminée conformément aux articles L.145-33 et suivants du code de commerce et en tenant compte de tous éléments d’appréciation, notamment de la précarité de l’occupation.

Après avoir déterminé la superficie privative de 9,20 m² et un taux d’abattement de 10%, l’expert judiciaire a évalué la valeur locative en renouvellement de base au montant annuel de 5 796 euros (700 euros x 9,20 x 0,90) qui recueille l’accord des consorts [I], mais qui est contesté par la SCI BORIA.

La SCI BORIA estime qu’il y a lieu de retenir une valeur de renouvellement de 1 200 euros le m² pondérés, soit une indemnité annuelle, après abattement, de : 1.200 euros x 9,20 x 0,90 = 9.936 euros (soit 828 euros par mois) majorée des charges et des taxes.

Or, il ressort des prix couramment pratiqués dans le voisinage, relevés par l’expertise que les locations nouvelles pour la période de 2015 à 2019 sont fixées à un loyer allant de 1 556 euros/m²B (en 2015) à 651 euros/m²B (en 2019), soit une tendance baissière.

Cette même étude sur les loyers de renouvellement a déterminé qu’ils étaient fixés entre 1 053 euros/m²B et 447 euros/m²B pour la période 2017-2018.

La référence produite par l’expertise en matière de loyer judiciairement fixé indique un loyer fixé à 502 euros/m²B.

Sur les éléments impactant la valeur à la baisse, il convient de retenir :
-l’aspect vétuste du local,
-l’absence d’un véritable linéaire de vitrine,
-l’incertitude qu’il y aurait eu à renouveler un bail à l’issu du premier confinement du 17 mars 2020,
-l’imputation de la charge foncière au preneur.

Sur les éléments impactant la valeur à la hausse, il convient de retenir :
-L’excellente situation des locaux sur une zone attractive, avec une forte zone de commercialité.

En conséquence, compte tenu de l’ensemble de ce qu’il précède il convient de fixer une valeur locative de marché à 850 euros/m²/B x 9,20 x 0,90 = 7 038 euros par an HC HT.

Le montant annuel de l’indemnité d’occupation due par les consorts [I] à compter du 1er avril 2020 sera donc fixé à la somme annuelle de 7038 euros en principal.

Sur la demande d’expulsion des consorts [I]

Aux termes de l’article L.145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

En l’espèce, les consorts [I] ayant droit à une indemnité d’éviction, ils ne peuvent être obligés de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. La demande d’expulsion de la SCI BORIA sera donc rejetée, en l’état.

Sur les autres demandes

L’instance et l’expertise ont eu pour cause la délivrance par la SCI BORIA du congé refusant le renouvellement. Il appartient à la SCI BORIA en conséquence d’en supporter les dépens.

La SCI BORIA sera en outre déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce fondement, au regard de l’équité, à payer aux consorts [I] la somme de 2800 euros.

La SCI BORIA à qui bénéficie un droit de repentir sollicite cependant l’exécution provisoire. Les consorts [I] ne se prononcent pas sur ce point. En conséquence, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE valable et régulier le congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction portant sur les locaux sis [Adresse 1], délivré le 18 septembre 2019 pour le 31 mars 2020 à la requête de la S.C.I. SCI BORIA,

CONSTATE qu’à la suite du refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction, le bail consenti par la S.C.I. SCI BORIA, à Monsieur [J] [I] et Madame [R] [U] épouse [I] a pris fin le 31 mars 2020,

CONDAMNE la S.C.I. SCI BORIA à payer à Monsieur [J] [I] et Madame [R] [U] épouse [I] la somme totale de 54 465 euros au titre de l’indemnité d’éviction toutes causes confondues, laquelle se décompose comme suit :
– indemnité principale : 48 016 euros,
– indemnité de frais de remploi : 4 802 euros,
– indemnité de trouble commercial : 1 647 euros,

CONSTATE que Monsieur [J] [I] et Madame [R] [U] épouse [I] bénéficient d’un droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction,

REJETTE la demande d’expulsion formulée par la S.C.I. SCI BORIA,

DIT que Monsieur [J] [I] et Madame [R] [U] épouse [I] sont redevables à l’égard de la S.C.I. SCI BORIA d’une indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2020,

FIXE le montant de cette indemnité d’occupation à la somme annuelle de 7 038 euros hors taxe, outre les charges à payer,

CONDAMNE la S.C.I. SCI BORIA aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,

CONDAMNE la S.C.I. SCI BORIA à payer à Monsieur [J] [I] et Madame [R] [U] épouse [I] la somme de 2 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes des parties,

Ordonne l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 31 Janvier 2024

Le Greffier Le Président
Henriette DURO Jean-Christophe DUTON

 


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