30 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/04133
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04133 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFK3Y
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Janvier 2022 – Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 20/09479
APPELANTE
S.A.R.L. E.M. SEELA
N° SIRET : 321 130 510
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0235, substituée par Me Martine BELAIN, avocat postulant et plaidant
INTIMEE
S.C.I. LE CONSERVATOIRE
N° SIRET : 429 911 134
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Marc MANCIET de la SELEURL MBS Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : W02, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Gilles BALAY, président
Monsieur Douglas BERTHE, conseiller
Madame Emmanuelle LEBEE, magistrat honoraire exerçant
des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Gilles BALAY, Président et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par exploit du 30 septembre 2020, la SCI Le Conservatoire a saisi le tribunal judiciaire de Paris d’une action à l’encontre de la société E.M. Seela aux fins d’expulsion, paiement d’une indemnité d’occupation et frais irrépétibles ; la défenderesse a saisi le conseiller de la mise en état d’une fin de non recevoir sur le fondement des articles 31 et 32 du code de procédure civile, estimant la bailleresse irrecevable en ses prétentions émises à son encontre, alors qu’elle serait dépourvue du droit d’agir et de qualité à se défendre en ce qu’elle ne serait pas propriétaire du fonds ni locataire des lieux mais seulement occupante en qualité de locataire gérante.
Par ordonnance du 24 janvier 2022, le juge de la mise en état a rejeté cette fin de non-recevoir, et condamné la société E.M. Seela à payer à la SCI le Conservatoire la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; il a débouté la société E.M. Seela de sa demande sur le même fondement et réservé les dépens.
Par déclaration du 17 février 2022, la société E.M. Seela a interjeté appel partiel de l’ordonnance.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 09 novembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les dernières conclusions déposées le 08 novembre 2022, par lesquelles la société E.M. Seela, appelante, demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a déclaré la SCI le Conservatoire recevable en ses demandes et l’a condamnée à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; et statuant à nouveau, de juger irrecevables l’action et les demandes de la société le Conservatoire à son encontre ; la condamner au paiement de la somme de 3 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens avec distraction au profit de la société Astruc Avocats en application de l’article 699 du même code.
Vu les dernières conclusions déposées le 18 octobre 2022, par lesquelles la SCI le Conservatoire, intimée, demande à la Cour de confirmer purement et simplement l’ordonnance en toutes ses dispositions ; condamner la société E.M. Seela à lui payer la somme de 3 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ; la condamner en tous les dépens dont distraction au profit de la société MBS Avocats, avocat aux offres de droit.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera synthétisée.
La société E.M. Seela soutient que le congé du 28 mars 2018 portant sur le 3ème étage de l’immeuble n’a aucun effet à son égard et expose n’être ni propriétaire du fonds de commerce ni locataire des locaux des 2ème et 3ème étages. Elle prétend que les consorts [F], qui étaient les associés gérants, ont cédé, par acte du 30 décembre 2009, aux consorts [Z], leur fonds de commerce y compris le droit au bail de tous les locaux. Elle prétend qu’en conséquence la société intimée n’a ni intérêt, ni qualité pour agir à son encontre du chef de ce congé, ni à quelque titre que ce soit dès lors que que les consorts [Z] sont propriétaires du fonds de bijouterie qu’elle exploite en location gérance.
Elle soutient que la SCI intimée, elle-même intervenue à l’acte de cession, n’a jamais contesté dans le délai de 5 ans la qualité de locataire des consorts [Z], ni la qualité de locataire-gérant de la société E.M. Seela.
La SCI le Conservatoire soutient que la société appelante est seule locataire du local du 3ème étage sur cour à la différence du 2ème étage et expose que le bail du 3ème étage a été consenti à la société Établissements [F] devenue société E.M. Seela et non aux consorts [F]. Elle ajoute que les consorts [F] ne pouvaient régulièrement céder le fonds en ce que la société Établissements [F], seule titulaire du bail, est une personne morale distincte de ses associés. Elle soutient que le fonds cédé par les frères [F] porte le n°504 820 275 alors que celui de la société E.M. Seela porte le n°321 130 510.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur les relations contractuelles
Par deux actes du 27 décembre 2007, la SCI le Conservatoire a consenti
– d’une part à Monsieur [I] [F] et Monsieur [W] [F] un bail commercial portant sur des locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 4]
– d’autre part à la société des Établissements [F], (Seela) immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 81 B3675, un bail commercial portant sur des locaux situés au 3ème étage de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 4].
Ces deux locaux, qui constituent respectivement les lots 16 et 18 de la copropriété, sont reliés par un escalier intérieur mentionné dans chacun des baux. Les baux ont été consentis pour la même durée jusqu’au 31 décembre 2014, et ils sont tous les deux destinés à l’activité de bijouterie ; leurs conditions générales sont exprimées en termes identiques, le montant du loyer convenu pour chacun des baux est également identique, soit 7000 € par an.
Les contrats ne donnent aucune explication de ces locations séparées, pour l’exploitation d’une bijouterie, et les parties produisent aux débats des copies identiques des actes sous seing privé ne comportant qu’un seul paraphe une seule signature.
Par un acte sous seing privé du 30 décembre 2009, enregistré le 12 janvier 2010 au SIE [Localité 6] Est par bordereau numéro 2010/0 43 case n°1, Messieurs [I] et [W] [F] ont ensemble cédé à Monsieur [C] [Z] et Monsieur [U] [Z], bijoutiers, leur fonds artisanal inscrit au répertoire des métiers de [Localité 7] sous le numéro Siret 504 820 275 000 15 ; cette acte précise que les cédants sont propriétaires du fonds pour l’avoir recueilli dans la succession de Monsieur [Y] [F] décédé le 20 décembre 1996, et qu’il est exploité en location-gérance par la société d’exploitation des établissements [F] (Seela) par contrat en date du 31 décembre 1980 ; cette société a fait l’objet d’un redressement judiciaire puis a bénéficié d’un plan de continuation par jugement du 19 avril 2008, donnant lieu au paiement de la dernière échéance en date du 30 octobre 2007.
Par un autre acte du 30 décembre 2009 enregistré le 12 janvier 2010 au SIE [Localité 6] Est par bordereau numéro 2010/0 43 case n°2 (non communiqué), Messieurs [I] et [W] [F] ont ensemble cédé à Monsieur [C] [Z] et Monsieur [U] [Z], leurs parts sociales dans la société d’exploitation des établissements [F] (Seela).
Par un avenant par acte sous seing privé non daté, rappelant la location-gérance consentie à la société Seela en date du 1er janvier 2008 (non communiqué) enregistré au service des impôts de [Localité 4] sous le numéro 2008/280 case n°6, rappelant aussi la cession de parts sociales et la cession du fonds artisanal par les deux actes du 30 décembre 2009 ci-dessus relatés, Messieurs [I] et [W] [F], ont été remplacés par messieurs [C] et [U] [Z] en qualité de bailleurs du fonds de bijouterie à la société Seela, locataire gérant qui en a poursuivi l’exploitation.
Par deux actes du 28 mars 2018, la bailleresse a donné congé sans offre de renouvellement pour le 30 septembre 2018 :
– d’une part à messieurs [C] et [U] [Z] du bail commercial portant sur les locaux situés au 2e étage de l’immeuble
– d’autre part à la société à la société E.M. Seela , du bail commercial portant sur des locaux situés au 3ème étage de l’immeuble.
Sur la fin de non recevoir
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
En l’espèce, la recevabilité de l’action aux fins d’expulsion, dirigée contre la société E.M. Seela pour les seuls locaux du 3° étage suppose qu’elle ait qualité à défendre.
L’assignation n’a pas été produite mais les conclusions d’irrecevabilité ayant saisi le juge de la mise en état en rappellent le dispositif dans les termes suivants, qui ne font pas l’objet de contestation :
« Vu les articles L.145-28 et L 145-60 du code de commerce,
Déclarer la SCI LE CONSERVATOIRE recevable et bien fondée en ses demandes et y faisant droit :
– Dire et juger que la société EM SEELA est irrecevable à solliciter le paiement d’une indemnité d’éviction
– En conséquence, ordonner son expulsion du local qui lui est loué par la SCI LE
CONSERVATOIRE au 3ème étage sur cour de l’immeuble sis [Adresse 1] à) [Localité 4] si besoin avec l’assistance de la force publique
– Ordonner la séquestration des meubles dans tel garde meubles qu’il plaira au Tribunal de désigner et ce aux frais et risques des défendeurs
– Fixer l’indemnité d’éviction due par la société EM SEELA à la SCI LE CONSERVATOIRE à la somme mensuelle de 22.000€ à compter du 1er octobre 2018 jusqu’à la libération effective des lieux par elle et tous occupants de son chef
– Condamner la société EM SEELA à payer cette indemnité à la SCI LE CONSERVATOIRE
– La condamner également à payer à la SCI LE CONSERVATOIRE la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– La condamner en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL MBS avocats aux offres de droit
– Rappeler que la décision à intervenir est exécutoire par provision
Cette demande suppose donc, pour être fondée, la preuve que la société E.M. Seela n’a pas le droit de se maintenir dans les lieux. La SCI Le Conservatoire prétend démontrer que tel est le cas, au motif que le bail qui lui avait été consenti a pris fin par l’effet d’un congé, sans qu’elle puisse revendiquer un droit au paiement d’une indemnité d’éviction, à défaut d’action dans le délai de la prescription biennale.
Or, la société E.M. Seela reconnaît qu’elle occupe les lieux, se prévalant d’un contrat de location-gérance et ne revendique elle-même aucune indemnité d’éviction.
C’est pourquoi, il résulte de la seule constatation qui précède de la présence dans les lieux de la société E.M. Seela et de sa prétention à s’y maintenir, qu’elle a qualité et intérêt à se défendre contre une action en expulsion, quel que soit le titre d’occupation qu’elle revendique ou qui lui était reconnu.
Il appartiendra le cas échéant à ses associés messieurs [C] et [U] [Z] de faire valoir leurs droits, ce qui ne fait pas l’objet de la présente instance à laquelle il n’ont pas la qualité de parties.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société appelante, qui succombe, devra supporter les frais irrépétibles exposés par l’intimée en cause d’appel comme précisé au dispositif ci-après, ainsi que les dépens avec distraction au profit de son avocat en application des dispositions des articles 696 et 699 du même code.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 24 janvier 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris,
Y ajoutant,
Condamne la sociétéM. Seela à payer à la SCI Le Conservatoire la somme de 3000 € pour frais irrépétibles d’instance,
La condamne aux dépens et autorise la société MBS Avocats à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l’avance sans recevoir de provision.
La greffière, Le Président,