Indemnité d’éviction : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/20670

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Indemnité d’éviction : 30 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/20670

30 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG
21/20670

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/20670 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXNF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Novembre 2021 -Juge de la mise en état de PARIS – RG n° 20/046417

APPELANTES

Madame [O] [J] épouse [Y]

[Adresse 13]

[Localité 17]

Représentée par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 16]

Représentée par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

S.A. MMA IARD SA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 16]

Représentée par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

INTIMES

Madame [N] [Z]

[Adresse 11]

[Localité 21]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Madame [L] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 19]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Monsieur [W] [Z]

[Adresse 22]

[Localité 10]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Monsieur [S] [Z]

[Adresse 23]

[Localité 10]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Madame [V] [Z]

[Adresse 18]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Madame [I] [Z]

[Adresse 5]

[Localité 24] (CANADA)

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Madame [U] [Z]

[Adresse 25]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Madame [G] [Z]

[Adresse 12]

[Localité 15]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Madame [R] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 14]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Madame [E] [Z]

[Adresse 9]

[Localité 20]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport et Mme Estelle MOREAU, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente

Mme Estelle MOREAU, conseillère

Mme Nicole COCHET, magistrate honoraire juridictionnelle

Greffière, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, le 30 novembre 2022 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Mme [F] [Z] est propriétaire des lots 1, 45 et 46 d’un immeuble situé dans le [Localité 3], dans lesquels étaient exploités des locaux commerciaux à destination de brasserie en vertu d’un bail commercial consenti à la société King George.

Par acte du 30 juillet 2003, elle a fait délivrer à la société King George un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction pour le 3 février 2004.

Elle a confié la défense de ses intérêts à Mme [O] [J] [Y], avocat, au titre des procédures qui s’en sont suivies.

Par ordonnance du 4 mars 2004, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise judiciaire sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation. L’expert a déposé son rapport le 3 mars 2006.

Par jugement du 24 juin 2008, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré prescrit 1’exercice du droit de la société King George au paiement d’une indemnité d’éviction, ordonné son expulsion et fixé l’indemnité d’occupation annuelle due par 1a société King George. Ce jugement a été infirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 juin 2010 qui a écarté 1’exception de prescription et fixé l’indemnité d’éviction à la somme totale de 1 957 499 euros.

Mme [F] [Z] a fait signifier à la société King George son droit de repentir suivant un acte délivré le 30 juin 2010, rédigé par son avocate, et aux termes duquel elle indiquait ne pas être en mesure de régler le montant de l’indemnité d’éviction et être disposée à consentir au principe du renouvellement du bail, tout en précisant que ‘ la propriétaire se réserve le droit de critiquer la décision rendue en ce qu’elle a écarté l’exception de prescription qui avait été accueillie par les premiers juges, et de former un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt précité’.

Par acte du 22 mai 2012, Mme [F] [Z] a fait assigner à jour fixe la société King George en validation du repentir et en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à compter du 30 juin 2010.

Par jugement du 25 septembre 2012, le tribunal de grande instance de Paris a validé le repentir et constaté 1e renouvellement du bail commercial. La société King George a interjeté appel de ce jugement.

Le 3l octobre 2012, sur requête de la société King George, la cour d’appel de Paris a rectifié son arrêt du 16 juin 2010 et a fixé le montant de 1’indemnite d’éviction à la somme de 2 167 854 euros.

A la suite de cet arrêt rectificatif, Mme [F] [Z], par l’intermédiaire de Mme [J] [Y], a notifié un deuxième acte de repentir suivant acte du 14 novembre 2012.

[F] [Z] est décédée le [Date décès 8] 2014, laissant pour 1ui succéder Mme [N] [Z], M. [W] [Z], Mme [V] [Z], Mme [I] [Z], M. [S] [Z], Mme [U] [Z], Mme [G] [Z], Mme [R] [Z], Mme [E] [Z] et Mme [L] [Z] (ci-après, les consorts [Z]).

Par arrêt du 10 septembre 2014, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement rendu par le 25 septembre 2012, considérant que l’acte par lequel Mme [F] [Z] avait manifesté son intention de renouveler le bail et de ne pas payer 1’indemnite d’éviction, qui contenait une réserve quant à 1’exercice du pourvoi qu’elle entendait former contre 1’arrêt fixant le montant de l’indemnité d’éviction, était dépourvu de caractère irrévocable et ne pouvait donc caractériser l’exercice par la bailleresse de son droit de repentir.

Le 3 février 2015, les consorts [Z] ont déposé une requête en omission de statuer, reprochant à la cour de n’avoir pas statué sur la validité du second droit de repentir exercé par acte du 14 novembre 2012 à la suite de 1’arrét d’appel recticatif.

Par arrêt du 30 septembre 2015, la cour a complété son arrêt du 10 septembre 2014 et dit que ce droit de repentir n’avait pas non plus été valablement exercé par la délivrance, le 14 novembre 2012, d’un nouvel acte de repentir, estimant que l’arrêt rectificatif du 31 octobre 2012 n’avait pas ouvert de nouveaux droits aux parties.

Les pourvois en cassation formés par les consorts [Z] contre ces deux derniers arrêts ont été rejetés respectivement le 22 septembre 2016 et le 15 décembre 2016.

C’est dans ces circonstances que par actes des 17 et 25 juin 2020, les consorts [Z] ont fait assigner Mme [J] [Y] et la société MMA Iard assurances mutuelles devant le tribunal judiciaire de Paris en responsabilité civile professionnelle, procédure à laquelle la société MMA Iard est intervenue volontairement.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge de la mise en état a :

– constaté l’intervention volontaire de la société MMA Iard,

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les intimés et dit recevable l’action des consorts [Z],

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 3 mars 2022,

– réservé les frais et dépens,

– rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 26 novembre 2021, Mme [J], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles ont interjeté appel de cette ordonnance.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 19 janvier 2022, Mme [O] [J] [Y], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles demandent à la cour de :

– les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

y faisant droit,

– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté leur fin de non-recevoir et dit que l’action des consorts [Z] était recevable,

et statuant à nouveau,

– déclarer les consorts [Z] irrecevables en leur action pour cause de prescription,

– les condamner à leur verser une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Ifl avocats.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 17 février 2022, Mme [N] [Z], M. [W] [Z], Mme [V] [Z], Mme [I] [Z], M. [S] [Z], Mme [U] [Z], Mme [G] [Z], Mme [R] [Z], Mme [E] [Z], Mme [L] [Z] (les consorts [Z]) demandent à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance,

en conséquence,

– juger qu’ils n’ont connu les faits leur permettant d’agir à l’encontre de Mme [J] [Y] qu’à compter de l’arrêt de la cour d’appel du 30 septembre 2015 ou, à tout le moins du 15 décembre 2016, date de l’arrêt de la Cour de cassation,

– juger non prescrite leur action sur le fondement de l’article 2224 du code civil,

– juger recevable leur action,

– débouter Mme [J] [Y] et les sociétés MMA de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner in solidum Mme [J] [Y] et la société MMA IARD à leur verser une somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamner in solidum Mme [J] [Y] et la société MMA IARD aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la Selarl BDL Avocats.

SUR CE

Sur la prescription

Le juge de la mise en état a jugé que :

– en application de l’article 2224 du code civil, la prescription de l’action en responsabilité ne court qu’à compter de la manifestation du dommage et non du jour où apparait la simple éventualité de cette réalisation,

– par arrêt du 10 septembre 2014, la cour d’appel de Paris a dit que Mme [Z] n’avait pas valablement exercé son droit de repentir mais ne s’est prononcée sur le second acte de repentir que le 30 septembre 2015,

– si les consorts [Z] ont eu connaissance dès le 10 septembre 2014 de la faute principale, le dommage ne s’est manifesté qu’à compter de l’arrêt passé en force de chose jugée du 30 septembre 2015 qui s’est prononcé sur l’absence d’effet du second acte de repentir,

– la prescription n’était donc pas acquise lorsque l’assignation a été délivrée moins de 5 ans à compter de cette date.

Les appelants font valoir que :

– en application de l’article 2224 du code civil, la prescription de l’action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime,

– le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de la décision préjudiciable ayant force de chose jugée,

– la décision qui a fait grief aux consorts [Z] est l’arrêt de la cour d’appel du 10 septembre 2014 qui a relevé la faute de l’avocat poursuivi mais également le préjudice puisque le repentir n’ayant pas été valablement exercé, les consorts [Z] sont désormais débiteurs de la somme de 2 167 854 euros vis à vis de la société King George, soit un préjudice né, actuel et certain,

– le recours en omission de statuer et le pourvoi en cassation ayant pour but de minimiser ou d’anéantir ce préjudice, qui ne sont pas suspensifs, n’empêchaient pas les consorts [Z] d’agir en responsabilité contre Mme [J] [Y],

– la prescription a donc couru à compter du 10 septembre 2014,

– au surplus, la victime peut agir dès qu’elle a connaissance de la situation dommageable, peu important que toutes ses conséquences ne soient pas encore apparues et les effets de la décision rectificative rétroagissent sur la décision rectifiée.

Les consorts [Z] répondent que :

– ils n’ont pas eu connaissance du dommage le 10 septembre 2014 puisque, au moins jusqu’au 30 septembre 2015, date de l’arrêt rectificatif, le second acte de repentir n’avait pas été annulé,

– le dommage, consistant en l’impossibilité de se repentir du refus de renouvellement, n’a été connu qu’à l’occasion de l’arrêt de la cour d’appel du 30 septembre 2015 ayant annulé le second acte de repentir, voire l’arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2016 ayant rejeté leur pourvoi,

– le principe de rétroactivité ne concerne qu’une rectification d’erreur matérielle, non une omission de statuer, et seule la connaissance réelle du préjudice fait courir le délai de prescription,

– l’action n’est donc pas prescrite.

Selon l’article 2224 du code civil, ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.

Le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité contractuelle exercée à l’encontre de l’avocat court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime.

Les consorts [Z] recherchent la responsabilité professionnelle de Mme [J] [Y] au titre de la rédaction du premier repentir validé par jugement du 25 septembre 2012, lequel a été infirmé par arrêt du 14 mars 2022 complété par l’arrêt du 30 septembre 2015.

Le dommage allégué par les consorts [Z], consistant en l’impossibilité de se repentir du refus de renouvellement, ne s’est entièrement matérialisé qu’à l’occasion de l’arrêt rectificatif du 30 septembre 2015 statuant sur une requête en omission de statuer déposée le 3 février 2015 aux motifs que la cour avait omis de statuer sur la validité du second droit de repentir exercé par acte du 14 novembre 2022, et ayant complété l’arrêt du 10 septembre 2014 en jugeant que le droit de repentir n’avait pas été valablement exercé par la délivrance de ce nouvel acte de repentir. Jusqu’à cet arrêt se prononçant sur les effets du second acte de repentir exercé à la suite de l’invalidation du premier acte de repentir, le dommage allégué demeurait incertain en sorte qu’il ne saurait être fait grief aux consorts [Z] de ne pas avoir alors exercé l’action en responsabilité. Cet arrêt fixant définitivement l’étendue du dommage des consorts [Z] étant passé en force de chose jugée le 14 février 2015, cette date constitue le point du départ du délai de la prescription.

C’est donc par des motifs pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que la prescription n’était pas acquise au moment de la délivrance de l’assignation.

L’ordonnance est donc confirmée dans l’ensemble de ses dispositions.

Mme [J] [Y], la Sa MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles échouant en leurs prétentions sont condamnées in solidum aux dépens d’appel avec les modalités de recouvrement de l’article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [Z] sont fondés à solliciter la condamnation in solidum de Mme [J] [Y] et la Sa MMA Iard au paiement d’une indemnité de procédure qu’il est équitable de fixer à la somme de 3000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [O] [J] [Y] et la Sa MMA Iard à payer à Mme [N] [Z], M. [W] [Z], Mme [V] [Z], Mme [I] [Z], M. [S] [Z], Mme [U] [Z], Mme [G] [Z], Mme [R] [Z], Mme [E] [Z], Mme [L] [Z] une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [O] [J] [Y], la Sa MMA Iardet la société MMA Iard assurances mutuelles aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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